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Science publique : Faut-il considérer les OGM comme des poisons ?

Transcription par Taos Aït SI Slimane de l’émission de France Culture, « Science publique, Faut-il considérer les OGM comme des poisons ? » par Michel Alberganti, du vendredi 16 novembre 2012.

Présentation sur le site de l’émission : Le 19 septembre 2012, Gilles-Éric Séralini et son équipe publient un article dans la revue Food and Chemical Toxicology montrant que des rats soumis, pendant toute leur vie, c’est à dire deux ans, à un régime alimentaire comprenant des OGM et de l’herbicide Round Up ont développé des tumeurs spectaculaires. Le même jour, l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur met ce sujet en couverture sous le titre : « Oui, les OGM sont des poisons ». Une campagne de communication sans précédent se déclenche alors avec la publication, le 26 septembre, du livre de Gilles-Éric Séralini sous le titre « Tous cobayes, OGM pesticides, produits chimiques » chez Flammarion. Le même jour, sort au cinéma un documentaire de Jean-Paul Jaud intitulé « Tous Cobayes » qui sera diffusé sur France 5 le 16 octobre.

Pourtant, début octobre, l’autorité sanitaire européenne, comme celle de l’Allemagne, publie une analyse très négative de l’étude Gilles-Éric Séralini. Verdict confirmé, le 22 octobre, par l’Agence nationale de sécurité alimentaire française, l’ANSES, qui conclue néanmoins que, si l’expérience n’a aucune valeur scientifique, elle est originale et elle peut contribuer à faire évoluer le système d’expertise toxicologique mondial. Derrière les termes diplomatiques, il s’agit bien d’un aveu. Le mode actuel d’approbation de produits alimentaires contenant, par exemple, des OGM, n’est pas assez indépendant. Euphémisme lorsqu’on considère que le processus est entre les seules mains… du producteur, Monsanto par exemple pour les OGM. Ainsi, nous en sommes aujourd’hui arrivés à une situation paradoxale dans laquelle une expérience scientifique jugée sans valeur déclenche une profonde remise en cause des procédures d’évaluation des risques des OGM, entre autres, pour la santé humaine.

Questions : Deux mois après le début de l’affaire Séralini, quel bilan peut-on établir de l’opération médiatique qui a accompagné la publication d’une expérience scientifique aussi spectaculaire que contestée ?

Que reste-t-il du titre provocateur du Nouvel Observateur : « Oui les OGM sont des poisons ? »
Comment juger les procédures actuelles d’évaluation des risques sanitaires de produits comme les OGM et les herbicides comme le Roundup ?

Est-il possible de garantir l’indépendance, maître mot de cette affaire, des laboratoires réalisant les études de toxicité ?

Si oui, comment ? Et pourquoi ne l’a-t-on pas fait plus tôt ?

Faut-il conclure de cette affaire Séralini qu’un coup médiatique de cette ampleur est nécessaire pour « faire bouger les lignes », comme l’on dit, ou remettre en cause un ordre établi lorsqu’il n’est pas satisfaisant ?

Invités : Gérard Pascal, ancien directeur scientifique à l’INRA et expert en sécurité sanitaire des aliments à l’OMS ; Jean-Christophe Pagès, professeur et praticien hospitalier à la Faculté de médecine de Tours et président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies ; Gilles-Éric Séralini, professeur de Biologie Moléculaire Université de Caen - Laboratoire de Biochimie et Biologie Moléculaire ; Joël Spiroux de Vendomois, président du Comité de Recherche et d’Information Indépendant sur le Génie Génétique, le CRIIGEN

Science publique : Faut-il considérer les OGM comme des poisons ?

Michel Alberganti : Bonjour et bienvenue à tous dans « Science publique ».

Merci pour votre fidélité aux émissions quotidiennes de science sur France Culture. Comme toujours vos réflexions et commentaires sont vivement attendus sur le site de « Science publique » au sujet de notre débat d’aujourd’hui : « Faut-il considérer les OGM comme des poisons ? »

Le 19 septembre 2012, Gilles-Éric Séralini et son équipe publient un article dans la revue Food and Chemical Toxicology montrant que des rats soumis, pendant toute leur vie, c’est à dire deux ans, à un régime alimentaire comprenant des OGM et de l’herbicide Roundup® ont développé des tumeurs spectaculaires. Le même jour, l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur met ce sujet en couverture sous le titre : « Oui, les OGM sont des poisons ». Une campagne de communication sans précédent se déclenche alors avec la publication, le 26 septembre, du livre de Gilles-Éric Séralini sous le titre « Tous cobayes, OGM pesticides, produits chimiques », publié chez Flammarion. Le même jour, sort au cinéma un documentaire de Jean-Paul Jaud intitulé « Tous Cobayes » qui sera diffusé sur France 5 le 16 octobre.

Pourtant, début octobre, l’autorité sanitaire européenne, comme celle de l’Allemagne, publie une analyse très négative de l’étude de Gilles-Éric Séralini, verdict confirmé, le 22 octobre, par l’Agence nationale de sécurité alimentaire française, l’ANSES, qui conclue néanmoins que si l’expérience n’a aucune valeur scientifique, elle est originale et peut contribuer à faire évoluer le système d’expertise toxicologique mondial. Derrière les termes diplomatiques, il s’agit bien d’un aveu, le mode actuel d’approbation de produits alimentaires contenant, par exemple, des OGM, n’est pas assez indépendant. Euphémisme lorsqu’on considère que le processus est entre les seules mains du producteur, Monsanto par exemple pour les OGM. Ainsi, nous en sommes aujourd’hui arrivés à une situation paradoxale dans laquelle une expérience scientifique jugée sans valeur déclenche une profonde remise en cause des procédures d’évaluation des risques des OGM, entre autres, pour la santé humaine.

Deux mois après le début de l’affaire Séralini, quel bilan peut-on établir de l’opération médiatique qui a accompagné la publication d’une expérience scientifique aussi spectaculaire que contestée ? Que reste-t-il du titre provocateur du Nouvel Observateur : « Oui les OGM sont des poisons ? » Comment juger les procédures actuelles d’évaluation des risques sanitaires de produits comme les OGM ou les herbicides comme le Roundup® ? Est-il possible de garantir l’indépendance, maître mot de cette affaire, des laboratoires réalisant les études de toxicité ? Si oui, comment ? Et pourquoi ne l’a-t-on pas fait plus tôt ? Faut-il conclure de l’affaire Séralini qu’un coup médiatique de cette ampleur est nécessaire pour « faire bouger les lignes », comme on dit, ou remettre en cause un ordre établi lorsqu’il n’est pas satisfaisant ?

Pour répondre à ces questions, nous recevons aujourd’hui, dans « Science publique », en direct depuis le studio 1061 de la Maison de la Radio : Jean-Christophe Pagès, professeur et praticien hospitalier à la Faculté de médecine de Tours et président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies, le HCB ; Gérard Pascal, ancien directeur scientifique à l’INRA et expert en sécurité sanitaire des aliments à l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé ; Gilles-Éric Séralini, professeur de Biologie Moléculaire à l’Université de Caen, Laboratoire de Biochimie et Biologie Moléculaire et Joël Spiroux de Vendomois, président du Comité de Recherche et d’Information Indépendant sur le Génie Génétique, le CRIIGEN, et également médecin.

Je vous rappelle que vous pouvez bien évidemment nous communiquer vos commentaires, vos réflexions et vos témoignages sur le site de « Science publique », sur franceculture.fr

Gilles-Éric Séralini, bonjour ! Vous êtes en duplex depuis notre station France Bleu Azure, à Nice, est-ce que vos nous entendez ?

Gilles-Éric Séralini : Je vous entends très bien.

Michel Alberganti : Parfait ! En quelques mots, pour lancer notre débat, pouvez nous résumer, pour les auditeurs qui n’auraient pas suivi cette affaire, les résultats de votre étude, qui a été publiée, comme je l’ai dit, dans la revue, Food and Chemical Toxicology du 19 septembre 2012 ?

Gilles-Éric Séralini : Bien sûr ! Alors, tout d’abord, nous avons fait, ce que nous maintenons dans une revue à paraître, toujours dans Food and Chemical Toxicology, où nous répondons à l’ensemble des critiques qui ont été faites partout dans le monde, une petite vingtaine en tout de critiques, que avons réalisé la plus longue et la plus détaillée étude au monde sur un OGM, en particulier sur ce maïs OGM tolérant NK603, qui n’avait été testé que 90 jours, et surtout la plus longue et la plus détaillée sur un pesticide en formulation, comme on dit, c’est-à-dire tel qu’il est vendu dans la bouteille à l’agriculteur ou au jardinier, et cette étude a été détaillée sur deux années.

Je voudrais ajouter pour la transparence, et pour vos auditeurs, Monsieur Alberganti, que les personnes que vous recevez, en particulier Monsieur Gérard Pascal, Monsieur Gérard Pascal dès l’année 2003 a permis d’introduire ce maïs et d’avoir un avis positif sur son évaluation. Je faisais partie avec lui à l’époque de la Commission du génie biomoléculaire, ça s’est passé pendant l’été 2003, et il a envoyé rapidement, avec Marc Fellous,… j’ai gagné, contre leur association, l’Association française pour les biotechnologies végétales, en diffamation, Monsieur Pascal a même été le témoin contre moi, ce procès parce qu’en fait ils nous disaient dépendants de Greenpeace et ils voulaient interdire notre parole au Conseil supérieur de l’audiovisuel. De plus…

Michel Alberganti : Monsieur Séralini, je voudrais que l’on évite les procès personnels, nos avons …

Gilles-Éric Séralini : Mais c’est très important, Monsieur Alberganti…

Michel Alberganti : Nous avons beaucoup à dire sur le fond de l’affaire et les procès trop personnels vont nous écarter de cet objectif.

Gilles-Éric Séralini : Ce n’est pas personnel, l’enjeu est bien l’évaluation des OGM ? Je crois que sans l’histoire on ne peut pas reconstruire ce qui se passe aujourd’hui. Il n’est pas seulement expert pour l’OMS, s’il l’est, il est aussi, selon la presse, membre du cabinet, ou en tout cas correspondant, de LILSI, qui est le grand cabinet des biotechnologies où siège Monsanto. Et Monsieur Pascal s’est toujours opposé, dans les commissions, à ce qu’on fasse des tests à longs termes, et même des tests à trois mois puisqu’il avait permis au départ un test sur quatre vaches sur le premier maïs transgénique autorisé en Europe, dont une mourait au bout d’une semaine et le test durait deux semaines et il n’avait pas exigé plus. Donc, voilà ! Pour la clarté je voudrais simplement rétablir cela.

Michel Alberganti : Parfait ! On va revenir évidemment sur tout ça, je voudrais faire un premier tour de table. Joël Spiroux de Vendomois, bonjour.

Joël Spiroux de Vendomois : Bonjour !

Michel Alberganti : Vous avez cosigné cette étude dont nous parlons, celle du 19 septembre, et vous avez accompagné l’expérience réalisée par Gilles-Éric Séralini au cours de ces deux années, une très longue expérience…

Joël Spiroux de Vendomois : Tout à fait !

Michel Alberganti : Quelle était votre propre conclusion ?

Joël Spiroux de Vendomois : Ma propre conclusion était celle qu’on a montrée dans la publication naturellement. En tant que médecin, je me suis attaché à faire des observations cliniques et à essayer de comprendre par des examens complémentaires, comme on dit en médecine, c’est-à-dire la biologie, la chimie, l’hormonologie et puis aussi les résultats anatomopathologiques pour essayer de mettre un lien entre l’alimentation et les troubles représentés. Donc, ils sont manifestes et c’est comme ça qu’on les a mis en œuvre.

Si vous me permettez, ce qui est important c’est qu’aujourd’hui on parle aussi du comment ça a été fait, et surtout la suite à donner à cette affaire, qui est appelée « affaire Séralini ». Si vous permettez, je voudrais juste faire un petit point pour montrer dans quelles conditions cela s’est fait. La publication est sortie le 19 septembre, comme vous l’avez très justement dit, et moins de 24h après mon interlocuteur, Monsieur Pascal, qui est en face de moi, disait dans Le Monde [1], je cite : « très sérieuses lacunes, qui invalident ses résultats » […] « faiblesses statistiques majeures » Moi, je remarque que Monsieur Pascal est devenu un bon statisticien depuis le 19 septembre puisque avant des statistiques faites sur dix rats par Monsanto, étaient acceptées mais pas les nôtres. Donc, il faut déjà commencer à réfléchir ! Deuxième chose, c’est que Monsieur Pascal à l’époque disait, dès le 20, que l’espèce des rats n’était pas la bonne, et il disait en qu’il n’avait jamais vu des tumeurs aussi importantes que celles que l’on a présentées. Effectivement, si Monsieur Pascal, qui est ici présent, utilise des rats qui ne font jamais de tueurs naturellement cela pose des problèmes en termes de toxicologie. En ce qui concerne cet argument-là, il faut quand même bien savoir que le Sprague Dawley a été plébiscité….

Michel Alberganti : Là, vous citez la race de rats utilisée

Joël Spiroux de Vendomois : Comme variété de rats la plus utilisée en 2010 par le National Toxicology Program américain, surtout pour les études chroniques, c’est-à-dire les études au long cours, donc on ne peut pas nous reprocher cela. Et puis, Monsieur Pascal s’était aussi étonné que l’on ne fasse des études que de dix rats par groupe alors qu’il aurait fallu 50 rats par groupe au minimum, pour des études de cancérogénèse. Monsieur Pascal n’avait pas bien lu l’étude puisqu’on n’avait jamais eu d’arguments pour démarrer une étude de cancérogenèse, s’il y a eu des tumeurs elles sont apparues sans qu’on n’ait pu présager de leur arrivée. Deuxièmement, nous avons suivi les lignes directrices OCDE 452, qui proposent d’avoir des groupes de rats de 20 rats par groupe pour les études chroniques de toxicologie et de tester au moins 10 par groupe. Nous, nous n’avions pas vingt mais dix et on a testé dix. Donc, si vous voulez, on est stricto sensu dans le système.

Donc c’était juste aussi pour montrer un peu avec quelle rapidité des scientifiques qui nous accusent ont mis même pas 24h pour discréditer l’étude et on se demande à quoi cette attitude dogmatique pouvait bien servir.

Michel Alberganti : Très bien. Évidemment, Gérard Pascal va répondre…

Gérard Pascal : J’espère bien !

Michel Alberganti : Je termine mon tour avec Jean-Christophe Pagès, qui est avec nous depuis notre station de Tours. Est-ce que vous nous entendez ?

Jean-Christophe Pagès : Oui, parfaitement.

Michel Alberganti : Bonjour.

Jean-Christophe Pagès : Bonjour.

Michel Alberganti : Pour répondre justement à ce que vient de nous dire Joël Spiroux, dès le 19 octobre, c’est-à-dire à peu près un mois après la publication de cette étude, le Haut conseil des biotechnologies, que vous présidez, a rendu un avis. Quelle était la teneur de cet avis ?

Jean-Christophe Pagès : Je suis président du Conseil scientifique du Haut conseil des biotechnologies, c’est une instance qui est indépendante, plurielle et pluridisciplinaire. Donc, nous avons mené une analyse indépendante, plurielle et pluridisciplinaire sur cet article. Je suis un peu désolé finalement que les deux orateurs précédents n’aient pas indiqué s’ils revendiquaient ou non cette couverture du Nouvel Observateur, qui prétendait que les OGM…

Michel Alberganti : On va y revenir, c’est le sujet de notre émission. On va forcément y revenir, rassurez vous.

Jean-Christophe Pagès : Justement, comme c’était la question que vous leur aviez posé et qu’ils ont préféré proférer des attaques contre un des orateurs d’aujourd’hui, j’en suis un petit peu désolé.

Michel Alberganti : Pour avancer, donnez nous la teneur de cet avis du HCB.

Jean-Christophe Pagès : L’avis du HCB est relativement simple. Il indique que des conclusions qui sont portées par les auteurs, on ne peut tirer aucune conséquence en termes sanitaires. La partie qui décrit l’apparition des tumeurs est une partie descriptive, on ne voit pas par rapport à une souche de rats, Sprague Dawley Harlan, Harlan étant l’éleveur qui a fournit les rats, de différences avec le comportement de ces rats en termes d’apparition de tumeurs, ni en termes de fréquences ni en termes de précocité. Pour la deuxième partie de l’article, qui est une partie sur les paramètres biochimiques, comme l’a indiqué Monsieur de Vendomois, là encore il y a des observations qui sont faites, on ne peut pas les nier, en revanche la portée biologique et clinique de ces données est pour nous absolument sans rapport avec les conclusions qui sont tirées par les auteurs, qui sont des conclusions d’insuffisance rénale ou d’atteinte du rein, ou d’atteinte du foie. Ils revendiquent également des atteintes hormonales, qui ne sont pas également étayées par les données. Voilà les conclusions du Haut conseil des biotechnologies.

La question qui nous était posée par le gouvernement était de savoir s’il y avait ou pas un risque sanitaire, avec ces données nous ne pouvons pas conclure un risque sanitaire.

Michel Alberganti : Très bien ! Gérard Pascal, bonjour. Enfin votre tour puisque vous avez été mis en cause plusieurs fois, donc je vous laisse répondre à ces attaques, on peut appeler ça comme ça ?

Gérard Pascal : On peut appeler ça comme ça, oui…

Joël Spiroux de Vendomois : Attaques ? C’est des faits, pas des attaques.

Gérard Pascal : Je ne pensais pas être venu ici pour polémiquer avec les autres participants…

Michel Alberganti : Non, on va essayer d’éviter d’ailleurs, c’est mon objectif.

Gérard Pascal : Donc, je ne répondrai pas. Simplement, quand même, vous me permettrez de faire quelques remarques. C’est bien commode d’avoir un bouc émissaire, je suis devenu l’ennemi public numéro un, comme si j’étais le seul à avoir…

Michel Alberganti : Il faut dire que vous avez réagi très vite, comme ça a été noté, c’est vrai.

Gérard Pascal : J’ai réagi très vite. Et si j’ai réagi très vite, j’ai réagi très vite à titre strictement personnel, il ne faut pas qu’il y ait d’ambigüité là-dessus. J’ai réagi très vite et brutalement, il faut le dire, face à la brutalité de l’opération médiatique qui nous était présentée. Et j’ai pris des risques. Ceci étant, j’avais quand même eu le temps de lire l’article, parce qu’il ne fau pas croire que l’embargo était respecté à 100%, vous êtes un peu naïfs…

Michel Alberganti : Là, vous faites référence à un embargo qui a privé notamment les journalistes et es scientifiques de la consultation de cette étude avant sa publication effective dans la revue Food and Chemical Toxicology.

Joël Spiroux de Vendomois : Ce n’est pas tout à fait ça.

Michel Alberganti : Ce n’est pas loin d’être ça.

Gérard Pascal : Donc, j’avais quand même le temps d’examiner l’article, c’est vrai que je ne suis pas statisticien, j’ai suffisamment d’expérience, j’ai lu suffisamment de dossier d’études toxicologiques à 24 mois et d’études de cancérologie pour juger immédiatement qu’à partir du nombre d’animaux par lot et compte tenu d’utilisation de la souche qui a été employée, ce papier ne pouvait pas aboutir à des conclusions statistiquement précises.

Michel Alberganti : Soyons précis, expliquez nous pourquoi justement ce n’est pas conclusif, à cause du nombre et de la souche de rats.

Gérard Pascal : Je voulais quand même revenir sur la souche. Il y a une ambigüité dans cette affaire parce que le Sprague Dawley c’est une souche qui a été fixée à la fin des années 20, puis ensuite, elle a été entretenu par différents laboratoires, elle a évolué. Et le Sprague Dawley Harlan, est le Sprague Dawley qui est le plus souvent utilisé dans des études de toxicologie, en particulier par Monsanto, c’est un Sprague Dawley qui provient des laboratoires Charles River et qui est assez différent en particulier en matière de fréquence d’apparition des tumeurs. Donc, il faut arrêter de dire que c’est la même souche, ce n’est pas la même souche ! En 1994, une réunion, organisée à Washington, a déjà abordé ces problèmes de différences de souches et de difficultés à conduire des études à longs termes de cancérogenèse avec les différentes souches de rats qu’il s’agisse de Fisher, qu’il s’agisse de Wistar, ou qu’il s’agisse de Sprague Dawley. Le problème avec ces souches, c’est vrai qu’elles sont utilisées, pourquoi est-ce qu’on demande au moins 50 animaux par lots, voire 70 ou 80 ? C’est parce qu’avec ces souches on a un bruit de fond très important d’apparition de tumeurs et que pour mettre en évidence une petite différence, et je n’ai jamais dit que les OGM ne méritaient pas des études toxicologiques sérieuse et qu’il n’y avait aucun effet à partir de ces OGM je n’ai jamais dit ça, par contre ce que je prétends et que j’affirme, c’est qu’il ne s’agit pas de poison. Donc, les méthodes classiques permettent de détecter des poisons, et si on a vraiment un effet cancérogène très marqué on peut le mettre en évidence au-dessus d’un bruit de fond très important. Si l’effet est modeste, je vous défie, surtout avec dix animaux par lot, de mètre quoi ce soit en évidence.

Michel Alberganti : Gilles-Éric Séralini, ça c’est un point important peut-être qui n’a pas été très bien expliqué malgré la quantité d’articles qui sont parus à la suite de votre publication. Vous avez fait cette expérience sans objectif de détection particulière de tumeurs ou de cancers ? Vous étiez parti, semble-t-il, sur une étude toxicologique, c’est-à-dire…

Gilles-Éric Séralini : Pas semble-t-il, nous sommes partis sur une étude de toxicologie générale.

Michel Alberganti : Vous êtes partis… Vous avez abouti finalement à un résultat qui était différent de ce que vous pensiez trouver au départ.

Gilles-Éric Séralini : Nous n’avions pas d’idée prématurée sinon que nous avions testé le produit que cette OGM contient, c’est-à-dire Roundup®, le principal pesticide du monde, sur des cellules embryonnaires humaines, sur une dizaine de lignées - et sans destruction d’embryon, des cellules de placenta, de cordon ombilical, etc. – nous avions toujours obtenu les mêmes résultats : les dérèglements des hormones sexuelles, et ce qu’on appelle la mort cellulaire, à très, très faible taux puisque nous avons testé le Roundup® dans la même étude à 0,1 ppm (partie par milliard), ce qu’aune agence n’avait jamais demandé, ni à si long terme.

Pour les OGM, je voudrais revenir sur le fait qu’aucune de ces instances - ni Monsieur Pascal qui a fait partie de la Commission du génie biomoléculaire, qui a été en quelque sorte l’ancêtre du HCB, que dirige actuellement pour son Comité scientifique Monsieur Pagès – n’a évidemment demandé l’évaluation de ces OGM à long terme, et aucune de ces instances n’a non plus comparé nos études, ce qui est une faute extrêmement grave, ni l’ANSES, ni le Comité allemand, qui apparemment détient seul les données toxicologiques du Roundup®, ni l’Afssa [2]. Aucune de ces instances n’a comparé notre étude aux études de Monsanto que tous ces comités ont acceptés pour la mise sur le marché de ses produits, aussi bien le Roundup® que l’OGM NK603…

Jean-Christophe Pagès : Le HCB ne s’est jamais exprimé sur cette étude et d’autre part…

Michel Alberganti : Jean-Christophe Pagès.

Jean-Christophe Pagès : Excusez-moi, mais il faut que rétablisse deux petites choses. La première c’est que je ne crois pas que l’on puisse comparer les études qui sont faites par Monsanto et l’étude qui a été faite par Monsieur Séralini, puisque…

Gilles-Éric Séralini : Ah bon ! Sur les OGM, c’est les deux seules que l’on ait, Monsieur Pagès.

Jean-Christophe Pagès : Oui, néanmoins elles ne sont pas construites de la même façon…

Gilles-Éric Séralini : On s’en fiche leurs résultats à trois mois peuvent être comparés à nos résultats à trois mois.

Michel Alberganti : S’il vous plaît...

Jean-Christophe Pagès : Vos résultats à trois mois n’indiquent rien de particulier.

Gilles-Éric Séralini : C’est peut-être parce qu’il la mal lue mais en fait.

Michel Alberganti : Excusez-moi, je voudrais juste quand même préciser le point que j’abordais tout à l’heure. Quand on fait une expérience - moi je ne suis pas scientifique, je ne fait d’expériences donc je m’interroge – il y a un protocole, est-ce que ce protocole est lié aux types d’objectifs que l’on s’est fixés ou est-ce qu’il est totalement indépendant et que finalement après on trouve ce que l’on trouve ?

Gilles-Éric Séralini : Pour la toxicologie générale on trouve ce qu’on trouve.

Gérard Pascal : On trouve ce qu’on trouve, ça c’est sûr !

Michel Alberganti : Et pour les tumeurs ?

Gilles-Éric Séralini : Pour les tumeurs, quand on sait qu’un produit peut donner des tumeurs alors on met en route un processus de cancérogénèse avec 50 rats où l’on va étudier plus précisément les marqueurs de ces tumeurs et comment elles se développent, à quoi elles sont dues, et plus strictement ces tumeurs que l’ensemble des effets. Nous, nous avons vu…

Michel Alberganti : Sur ce point précis, est-ce que cela veut dire qu’avec des lots de dix rats, puisque c’est ce que vous avez utilisé, le résultat en matière de tumeurs pose problème ?

Gilles-Éric Séralini : Non, cela ne veut pas dire ça. Cela veut dire que l’on a observé ce qui se passait avec 10 rats par groupe, au dernier moment où ils étaient encore dix, c’est-à-dire au quinzième mois, et nous avons fait là des statistiques biochimiques très puissantes, par des méthodes modernes, qui nous ont permis de conclure que les marqueurs déréglés étaient hépatiques, rénaux et sur les hormones sexuelles. Ça, cela a été fait à l’aveugle. Ensuite, les anatomopathologistes qui ont travaillé à l’aveugle, qui sont agréés dans ce domaine, nous ont dit : les maladies les plus fréquentes sont pour les femelles les tumeurs mammaires et l’hypophyse, donc cela montre que c’est un processus hormono-dépendant, et pour les reins et les foies…

Jean-Christophe Pagès : Ce qui est très connu pour cette souche de rats.

Gilles-Éric Séralini : Mais, non, attendez, il se trouve que prendre une souche de rats qui soit résistante à toutes pathologies est ridicules scientifiquement.

Michel Alberganti : C’est une aberration, oui.

Gilles-Éric Séralini : Donc, il était nécessaire, comme le recommande le National toxicology program, de prendre cette souche de rat parce que le rat et la dernière étape avant de passer à l’homme pour toutes ces questions.

Michel Alberganti : La difficulté c’est que si elle est trop sensible également, ça pose problème.

Gilles-Éric Séralini : Elle n’est pas trop sensible. Nous avons une tumeur chez les mâles contrôles, et nous avons trois à quatre tumeurs, pendant l’essentiel de l’expérience, chez les femelles. S’il y en a plus dans d’autres expériences c’est parce que les alimentations ne sont pas alors contrôlées en OGM et en pesticides, ce que nous, nous avons fait. Donc, il s’agirait de tordre le cou aux idées qui sont déplacées.

Michel Alberganti : Est-ce que ces tumeurs sont cancéreuses ?

Gilles-Éric Séralini : Certaines, beaucoup, mais il se trouve que nous avons fait une analyse qui montre que le grade de la tumeur et son caractère cancéreux n’est pas relié à la mort, c’est-à-dire qu’il y a des tumeurs non cancéreuses qui appuient sur des organes vitaux, parce qu’elles grossissent très, très vite, qui sont plus mortelles que des tumeurs plus graves. Ça, c’est autre chose et nous l’abordons ans un autre article, il se trouve que nous avons quatre à cinq article à publier en dehors de ce travail.

Michel Alberganti : On va y revenir…

Gilles-Éric Séralini : Je voudrais juste dire - il y a une extrême légèreté - à ces messieurs qui ne produisent pas les thèses de Monsanto, qui ont servies à la mise sur le marché, et que pourtant ils ont contribué à autoriser. Je trouve que c’est une faute professionnelle extrêmement grave de ne pas avoir, dans la même analyse, contranalysé les études de Monsanto avec les nôtres, comme ça on aurait pu voir de quelles souches de rats il s’agissait, de quelle puissance statistique on parlait, du côté de qui était la puissance statistique - selon nous avons étudié les meilleures statistiques au monde - et nous aurions pu voir que dans les trois mois nous ne voyons pas de tumeur et que Monsanto a arrêté justement à trois mois et que les tumeurs commencent à quatre mois. Donc, écoutez, moi je commence à en avoir assez de pseudo-scientifiques qui croient connaître la surface du monde en étudiant qu’un petit bout de la lorgnette. Il fallait comparer les études de Monsanto aux nôtres pour être sérieux, sauf que…

Michel Alberganti : On va y revenir…

Gilles-Éric Séralini : Sauf que ces études de Monsanto sont considérées comme secrètes et que le HCB n’a évidemment rien dit sur les pesticides, alors que nous avons la meilleure étude au monde sur un pesticide en formulation, l’ANSES non plus, et que les données brutes qui correspondent à l’étude de ces OGM ou de ce pesticide sont considérées comme secrètes et que la France ne les a même pas apparemment, mais elles sont dans le bureau allemand qui s’est exprimé le premier contre notre étude, et l’EFSA ne les a même pas, ces données brutes. Donc, en fait d’un côté…

Michel Alberganti : On va y revenir, s’il vous plaît…

Gilles-Éric Séralini : Donc, d’un côté…

Michel Alberganti : S’il vous plaît…

Gilles-Éric Séralini : Donc, d’un côté Monsieur Pascal, par exemple, ne s’est jamais prononcé pour qu’on rende publiques ces données quand il faisait partie des commissions…

Michel Alberganti : Excusez-moi, on va revenir sur les questions des procédures.

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Évidemment, le risque dans cette confrontation est que nous nous enfoncions dans des considérations qui vont de toute façon échapper à la plupart de nos auditeurs et qui vont surtout ne pas nous permettre d’aborder le véritable problème qu’a soulevé cette étude. Au-delà des critiques qui ont été apportées et des contestations sur sa validité et sur les leçons que l’on peut en tirer, il semble que ce soit les procédures de test des OGM, et d’autres produits d’ailleurs, alimentaires, qui soient remises en question. Gérard Pascal, comment vous, vous jugez les procédures que vous avez connues ? Vous avez été aux premières loges pour suivre ce qui s’est passé jusqu’à présent dans ce domaine, est-ce que vous considérez qu’il y a mieux à faire ? Est-ce qu’on peut améliorer ces procédures, et de quelle façon ?

Gérard Pascal : Ce que je voudrais dire c’est qu’au cours des vingt dernières années les procédures n’ont fait que s’améliorer. Je ne vais pas dire qu’elles sont parfaites, évidemment pas, qu’il y a toujours des améliorations en cours, qu’il y en a d’autres en projet, que jamais aucune des structures d’expertise auxquelles j’ai pu participé n’a refusé systématiquement de faire soit des études de reproductions et de développement, soit des études à long terme et de cancérogénèse,…

Gilles-Éric Séralini : Elles n’ont pas été demandées aux entreprises, en tout cas pour les OGM…

Gérard Pascal : Écoutez, si je suis interrompu en permanence, je vais arrêter ce débat.

Michel Alberganti : Je vous redonnerai la parole, Gilles-Éric Séralini, on va laisser Monsieur Pascal s’expliquer.

Gérard Pascal : Donc, jamais aucune de ces structures ne s’est opposée systématiquement à des études à long terme.

Michel Alberganti : En même temps, il n’y en a eu aucune de faite.

Gérard Pascal : Il n’y en a eu aucune de faite et on va revenir au cas précis qui nous occupe là. Il n’y en a eu aucune de faite parce que toutes les méthodologies auxquelles des collectifs de scientifiques, parce que c’est trop facile de s’attaquer à Gérard Pascal, Gérard Pascal il n’était pas tout seul, il était dans des collectifs scientifiques, aujourd’hui je m’exprime à tire strictement personnel mais pendant des années j’ai été membre de collectifs scientifiques, et j’attache beaucoup plus d’importance à un avis d’un collectif scientifique qu’à l’avis de Gérard Pascal ou qui que ce soit d’autre, jamais nous ne sommes opposés à des études à long terme ! simplement…

Michel Alberganti : Cela veut dire que personne n’en a proposé, s’il n’y en a pas eu qui ont eu lieu…

Gérard Pascal : Simplement nous étions favorables au développement de ces études si toute la démarche qui précède, et pas seulement les 90 jours, il y a toute une démarche avec toute une série d’étapes, qui consiste à comparer la plante génétiquement modifiée, parlant de plante, avec son témoin comparable que possible, eh bien si à la suite de toutes ces étapes, y compris la 90 jours, aucun indice, aucune alerte n’apparaissait, on ne développait pas d’étude supplémentaire. C’est le résultat d’un consensus scientifique, ce n’est pas Gérard Pascal qui a décidé de ça ! Même sur le 90 jours on s’est battu, je me suis battu avec mes collègues Américains dans des réunions internationales sur un certain nombre de points en disant : nos méthodologies sont insuffisantes, par exemple sur l’allergie, et on n’a jamais réussi à se mettre d’accord. Donc, il s’agit de collectifs scientifiques, qui ont progressé petit à petit, et on peut encore progresser.

Michel Alberganti : 90 jours ça peut paraître court pour des produits qui ont pour vocation à faire partie de l’alimentation des personnes pendant toute leur vie !

Gérard Pascal : J’admets tout à fait qu’une étude à 90 jours ne peut pas mettre en évidence un effet cancérogène. Je suis parfaitement d’accord. Ceci étant, toutes les plantes qui sont inscrites au catalogue tous les ans ne subissent pas ce type d’études. Donc, il faut cibler ce genre d’études à des priorités en ayant des raisons précises pour les développer. Vous avez vu le coût ? Le nombre d’animaux qui sont en cause ? Donc, on ne peut pas se permettre sur tout…

Michel Alberganti : On va revenir sur ce coût.

Gérard Pascal : J’aimerais revenir effectivement plus tard sur le fait que ce n’est pas une étude qu’il faudrait faire mais une trentaine ou une quarantaine.

Michel Alberganti : On va revenir évidemment sur ce point-là. Jean-Christophe Pagès, d’une certaine façon, le Haut conseil des biotechnologies est en cause puisque, pourquoi ces études n’ont pas été faites auparavant ? Pourquoi des études à plus long terme n’ont pas été décidées, avant celle de Gilles-Éric Séralini, de votre point de vue ?

Jean-Christophe Pagès : Le Haut conseil des biotechnologies n’est pas en cause dans cette affaire puisque nous sommes une instance jeune, et que les discussions concernant…

Michel Alberganti : Vous avez des ancêtres.

Jean-Christophe Pagès : Oui, mais enfin, nous avons des ancêtres auxquels Monsieur Séralini a participé, donc il est tout aussi responsable…

Michel Alberganti : C’était donc la Commission du Génie biomoléculaire.

Jean-Christophe Pagès : J’aurais voulu revenir sur certains points, certaines choses qui ont été dites par Monsieur Séralini, qui posent problèmes. L’apparition des tumeurs chez ces rats, elle était attendue, la fréquence observée, elle est étrangement basse dans certains groupes, mais pour les groupes qui ont reçu une alimentation OGM ou qui ont consommé du Roundup® les fréquences sont strictement identiques à celles qui sont observées dans la souche de rats Harlan. Et que l’on ne nous dise pas…

Michel Alberganti : C’est-à-dire la souche qui n’a pas été alimentée par les OGM, c’est ça que vous voulez dire ?

Jean-Christophe Pagès : Oui, qui n’était pas dans cette expérience. Justement nous avons demandé à Harlan les données, donc les fréquences sont les mêmes et nous les avons également demandé quelle était l’origine de la nourriture qui était donnée à ces animaux, c’est une nourriture qui est garantie sans OGM. Et nous avons…

Gilles-Éric Séralini : Pas du tout, dans les données historiques…

Michel Alberganti : Attendez, sur ce point précis…

Jean-Christophe Pagès : Il y a une étude qui a été menée en parallèle à l’étude de Monsieur Séralini, sur la même durée, qui a été obtenue auprès de la société Harlan, nous leur avons demandé qu’elles étaient les croquettes qui étaient données à ces rats et quelles étaient les compositions, c’étaient des croquettes qui contenait du soja et du maïs, qui étaient garantis sans OGM l’un et l’autre.

Gilles-Éric Séralini : Et ils avaient des pesticides. Et nous, nous avons demandé à Harlan la même chose que vous et ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas garantir sans OGM, alors je crois qu’il y a deux poids deux mesures. Donc, il est certain que dans l’ensemble des données historiques qui ont été faites aujourd’hui, il n’y a aucune alimentation qui ait été garantie à la fois sans OGM ni pesticides. Donc, vous ne comparez pas les comparables, Monsieur Pagès,…

Jean-Christophe Pagès : Si, si, si…

Gilles-Éric Séralini : Je regrette de vous dire que c’est une lacune scientifique grave et que vous n’avez pas de contrôle sans OGM ni pesticides à part dans notre étude. Donc, vous ne pouvez pas comparer, alors qu’on étudie les effets des OGM et des pesticides, à des données historiques qui correspondent à plus de tumeurs, comme ceux que nous avons dans nos rats traités, parce que là, dans ces autres études il y a des OGM et des pesticides dans l’alimentation. Donc, Monsieur Pagès, c’est une erreur scientifique grave ce que vous faites.

Michel Alberganti : Gilles-Éric Séralini, la question que l’on peut se poser…

Jean-Christophe Pagès : Excusez-moi parce que ces données, elles ont été publiées à partir 1963 et que je sache en 1963 il n’y avait pas d’OGM. 

Gilles-Éric Séralini : Mais il y avait des pesticides…

Jean-Christophe Pagès : Et il pouvait y avoir quelques pesticides, et comme l’indiquait Monsieur Gérard Pascal la souche a été développée dans les années vingt et elle était déjà connue pour présenter des tumeurs, mais ne nous…

Gilles-Éric Séralini : Oui, il y avait des tumeurs et j’ai cité leur nombre chez les…

Michel Alberganti : Gilles-Éric Séralini, s’il vous plaît, excusez-moi je voudrais vous poser une question très simple. Aujourd’hui il y a les représentants des deux camps autour de cette table, en même temps il se trouve que toutes les études, tous les avis qui ont publiés sur votre étude sont tous négatifs et ce n’est pas uniquement du fait des personnes qui sont là aujourd’hui, c’est plusieurs agences sanitaires européennes, c’est l’agence européenne également, et ce sont les deux organismes français : l’ANSES et le HCB qui ont émis les mêmes avis négatifs. Vous pensez que tous ces gens se trompent ?

Gilles-Éric Séralini : Je pense que tous ces gens sont responsables de ne pas avoir commandité des études à long terme auparavant….

Michel Alberganti : Ce n’est pas tout à fait ma question, Gilles-Éric Séralini.

Gilles-Éric Séralini : Si, parce que, vous comprenez, ils se tirent une balle dans le pied s’ils considèrent que mes études sont bonnes, cela veut dire qu’ils ont mal travaillé. Ensuite, il y a nommément, dans chacune de ces agences, les gens qui ont permis les autorisations des mêmes produits, et qui ont permis les autorisations parfois en accord avec l’industrie, c’est-à-dire nombre dans l’EFSA, vous savez que le Commissaire européen à la santé et à la consommation… parce que les agences françaises elles sont souvent de conseil pour l’Europe aujourd’hui, mais c’est l’agence européenne qui au final donne son avis à la Commission européenne qui décide, donc dans l’agence européenne il y a des personnes qui ont été démontrées comme ayant des conflits d’intérêt avec le cabinet de médiatisation et de communication de Monsanto et de défense des biotechnologies, le fameux LILSI, dont fait partie Monsieur Pascal selon la presse, et puis il y a aussi aujourd’hui les gens qui ont permis les autorisations de ces produits, comme je le disais. Prenons Andrew Chesson. Andrew Chesson, c’est celui qui signé l’avis sur MK 603 et c’est celui qui a signé…

Michel Alberganti : Vous vous rendez compte que vous ne répondez pas du tout à ma question...

Gilles-Éric Séralini : Si, je réponds que

Michel Alberganti : Je vous parle de l’étude elle-même et non pas du contexte politique, on va y venir si l’on a le temps parce qu’on ne va pas y arriver…

Gilles-Éric Séralini : Non, ce n’est pas le contexte politique, Monsieur Alberganti, c’est le même OGM qui a été autorisé par les gens qui nous discréditent aujourd’hui. Donc, moi j’aurais voulu une expertise indépendante de ces gens-là, et je peux les nommer, ceux qui sont dans tous ces comités et qui ont permis les autorisations de cet PGM, y compris…

Michel Alberganti : Très bien… Oui… Jean-Christophe Pagès.

Jean-Christophe Pagès : Le HCB, le comité scientifique avait mis en place un groupe de travail qui était composé d’experts qui ne se sont pas exprimés sur les OGM jusqu’à présent. D’autre part, parmi les personnes qui ont récusé cette étude, pas nécessairement d’ailleurs l’étude en elle-même, ce qui a été récusé ce sont les conclusions qui sont tirées de l’étude, et c’est une nuance qui est extrêmement importante, il y a les sociétés françaises et européennes d’anatomie pathologique, qui que je sache n’ont rien à voir avec les agences qui autorisent les OGM, et qui ont contesté la méthodologie. C’est ça le fond de cette question, c’est : est-ce que cette étude apporte autre chose que le fait, sur le plan sociétéal, de se poser la question de savoir si l’on doit ou non réétudier les OGM ? Est-ce qu’elle apporte des données scientifiques nouvelles ? Je crois que les conclusions sont unanimes, cette étude n’apporte rien, elle a posé un problème, qui est le problème de l’évaluation, comme vous l’indiquiez, mais sur le plan scientifique elle n’apporte rien du tout, et elle ne devrait pas inquiéter nos concitoyens sur le plan sanitaire.

Michel Alberganti : La question, c’est, est-ce qu’elle impose ou elle conduit en revanche à commanditer de nouvelles études, par exemple sur le long terme, puisque cela n’avait jamais été fait auparavant ? Ou bien est-ce que vous considérez un petit peu d’ailleurs, comme Catherine Geslain-Lanéelle, directrice de l’Agence européenne de sécurité des aliments, l’Efssa dont on vient de parler, et qui considère que semble-t-il il n’y a rien à faire et que tous les résultats actuels des analyses passées, hors celles de Gilles-Éric Séralini, sont suffisants pour éviter de craindre le moindre risque sanitaire, est-ce que c’est cela votre position ? Ou est-ce que vous considérez qu’il faut créer peut-être de nouvelles instances qui seraient capables de faire des études indépendantes ?

Jean-Christophe Pagès : La question des études à long terme, comme l’a indiqué Monsieur Gérard Pascal, n’est pas une question nouvelle. Elle a été abordée par la CGB en son temps, par l’Afssa, qui précédait l’ANSES, et le gouvernement nous a demandé, à la suite de la publication, de nous pencher de nouveau sur cette question. Donc, c’est une question que nous étudions actuellement, qui est de savoir : quelles études sont nécessaires ? Faut-il ou non des études à long terme ? Sur quels arguments ? Et pour rechercher quoi ? Ces questions sont des questions très importantes et nous allons travailler sur ce point dans les prochains mois.

Gilles-Éric Séralini : Mais avec vous, on n’est pas prêts d’arriver, si je peux encore poser ma question …

Michel Alberganti : Gilles-Éric Séralini, essayons d’éviter les procès de personnes, là on est en train de discuter…

Gilles-Éric Séralini : Non, quand je dis avec vous, c’est avec ce type de raisonnement…

Michel Alberganti : Ah !

Gilles-Éric Séralini : Avec ce type de raisonnement, on n’est pas prêts d’y arriver, vous comprenez, parce que ce sont des plantes faites pour contenir des pesticides et il y avait dès trois mois des signes, cinquante différences…

Gérard Pascal : Je peux poser une question à Monsieur Séralini ? Pour produire des pesticides, pouvez-vous nous dire quelle était la concentration de résidus de glyphosate ou de résidus de Roundup®, donc glyphosate plus les adjuvants, ou de résidus de métabolites…

Michel Alberganti : Le glyphosate étant l’agent actif du Roundup®…

Gérard Pascal : dans le maïs que vous avez utilisé, le maïs MK603 traité au Roundup®, pouvez-vous nous dire quels étaient les résidus ?

Gilles-Éric Séralini : Et savez-vous quelles sont les doses limites utilisées aujourd’hui ?

Gérard Pascal : Moi je vous pose une question précise, répondez à cette question, ne posez pas une autre question !

Gilles-Éric Séralini : Il n’y a pas de problème, je vais y répondre. Mais savez-vous quelles sont les doses autorisées aujourd’hui ?

Gérard Pascal : Je vous pose une question…

Michel Alberganti : Vous n’allez pas vous en sortir, je…

Gérard Pascal : N’essayez pas de me faire tomber dans le piège, je n’y tomberais pas, je vous connais assez !

Gilles-Éric Séralini : Mais il n’y a pas de piège, c’est une discussion scientifique sur le fait que ces plantes…

Gérard Pascal : Alors répondez à ma question !

Gilles-Éric Séralini : Et à la mienne, sinon on n’en sort pas ! Ce sont des plantes, Monsieur Pascal, vous le savez, qui sont destinées…

Gérard Pascal : Non, non, nous parlons d’expérimentation, vous me répondez par des histoires de réglementation, répondez à ma question !

Gilles-Éric Séralini : Écoutez, vous savez que normalement on ne doit pas dépasser…

Gérard Pascal : Bon, vous ne voulez pas répondre à ma question, vous ne pouvez pas répondre à ma question.

Gilles-Éric Séralini : Si, si ! Il s’agit aujourd’hui de plantes qui sont capables de…

Gérard Pascal : Je vous ai posé une question très simple, s’il vous plaît répondez à ma question !

Michel Alberganti : On ne va pas y arriver, laissez Gilles-Éric Séralini répondre à votre question. Allez-y, Gilles-Éric Séralini, nous vous écoutons.

Gilles-Éric Séralini : Il s’agit de plantes, tolérantes au Roundup®, qui sont autorisées à atteindre jusqu’à 400 partie par million de ces résidus de pesticides dans leur corps. Nous en avons, en moyenne, 100 partie par million, ceci est énorme par rapport à ce qu’on appelle…

Michel Alberganti : Vous dites nous en avons, cela veut dire ?

Gilles-Éric Séralini : Cela veut dire dans les pantes qui sont traitées au Roundup®, parce que vous savez que nous avions des plantes traitées au Roundup®, des plantes qui ne sont pas traitées au Roundup®, OGM non traitées, et du Roundup® lui-même. Et nous avons établi notamment les doses du Roundup® en fonction de ça, c’est-à-dire : 0,1 partie par milliard, c’était la dose de l’eau du robinet, et ensuite nous avons une dose qui peut atteindre 400 parties par million pour la dose moyenne. Nous avons trois doses et la dose moyenne correspond à ce que l’on trouve dans les OGM traités au Roundup® ou de cet ordre là. Donc, il s’agit aujourd’hui de comprendre qu’il y a une lacune réglementaire extrêmement grave qui consiste à ne pas tenir compte des résidus de pesticides dans les OGM et ensuite de se dire : qu’est-ce qu’on va mesurer ? Moi, je ne sais pas qu’est-ce que ça pourrait faire ? Alors qu’il est publié, et nous l’avons publié depuis 2007, dans les revues scientifiques internationales, qui ont été contesté seules par ces personnes qui ne font pas faire les tests aux entreprises, qu’il y avait des effets hépatiques et rénaux. Nous ne savions pas pour les effets des tumeurs mammaires parce que nous n’avions pas encore poussé les expériences suffisamment. Mais il y avait cinquante différences significatives dans le NK 603, que Monsieur Pascal a permis d’autoriser à la consommation,…

Michel Alberganti : Ça, c’étaient des études que vous aviez publiées en 2007 ?

Gilles-Éric Séralini : En 2009 pour celle-ci et en 2007 pour un autre maïs OGM, qui contenait une protéine insecticide.

Gérard Pascal : Maïs MON 863.

Gilles-Éric Séralini : Tout à fait. Il se trouve que Monsieur Pascal s’est assis sur cinquante effets significatifs qui étaient vus par Monsanto en disant : mais non, il aurait fallu que cela soit la même chose chez les mâles et les femelles, il aurait fallu que cela soit proportionnel à la dose, etc. en travaillant sur l’effet perturbateur endocrinien…

Michel Alberganti : S’il vous plaît, on va laisser Gérard Pascal répondre ce point. S’il vous plaît !

Gérard Pascal : Sur ce point, je suis désolé, une fois de plus j’apparais comme l’ennemi public numéro 1. D’abord je ne décide de rien, je n’autorise rien…

Michel Alberganti : S’il vous plaît, laissez-le parler !

Gérard Pascal : J’émets des avis scientifiques et je n’autorise rien. Et puis, je répète que je n’ai jamais été seul et que ce sont des collectifs ; et que sur ce point la Commission du génie biomoléculaire a effectivement émis un avis sur la base de mon rapport, sur les aspects de sécurité sanitaire, en 2003, mais que l’autorité européenne a émis le même avis, que l’Afssa de l’époque a émis deux avis, pour des raisons réglementaires mais sur la même question, et que tous ces avis convergeaient ; qu’ensuite vous avez contesté ces avis dans une publication de 2009, ce qui prouve d’ailleurs que vous étiez en possession de l’ensemble des résultats des dossiers du MON 810, du MON 863 et du NK 603…

Michel Alberganti : Tout ça, ce sont des variétés d’OGM.

Gérard Pascal : Et que vous conclusions de cet article de 2009 ont été contestées de nouveau par le Conseil scientifique du HCB. Donc, Gérard Pascal n’est qu’une petite pierre d’un édifice.

Michel Alberganti : Non, c’est pour ça que je voulais éviter les procès personnels.

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Comme on pouvait le craindre, l’heure tourne et nous nous enfonçons dans des débats qui parfois sont sans doute très difficile à suivre pour nos auditeurs. Je voudrais que l’on aborde le point central, qui est la réponse à cette question : faut-il considérer les OGM comme des poisons ? Et la deuxième, son corolaire, que faut-il faire pour répondre à cette question, si on n’est pas capable de la faire aujourd’hui ?

Je voudrais commencer par Monsieur Spiroux.

Joël Spiroux de Vendomois : Merci bien de me donner la parole parce que ici quand même, et depuis le 19 septembre, c’est l’équipe de Gilles-Éric Séralini et moi-même, comme je suis coauteur, qui avons été mis, entre guillemets, en examen sur cette affaire-là alors que notre objectif était simplement de combler une lacune que l’on estime importante, de toutes les commissions et aussi des producteurs d’OGM et de pesticides, c’est-à-dire, cette lacune, le dosage au long cours, vie entière, sur des rats pour voir ce qu’il en était. Force est de constater quand même que depuis quinze ans qu’il y a des OGM sur la planète, et qu’il y a des débats sur les OGM, pourquoi n’a-t-on pas décidé en haut lieu de faire ces études su deux ans pour calmer le jeu, s’il y avait besoin de le calmer ? Ça, c’est la première question. Quand on essaye de cacher les choses, ou quand on ne les fait pas, quand elles devraient être faites, de toute manière on arrive à des catastrophes et la catastrophe on la voit à l’heure actuelle, il y a un méli-mélo d’idées et il y a deux oppositions majeures qui se font face, l’une contre l’autre, l’une qui manifestement soit un peu scientiste, soit qui protège ses intérêts, soit qui est proche éventuellement des groupes de l’agrochimie, d’un côté, et de l’autre côté un groupe qui essaye uniquement d’avoir en ligne de mire la santé de la population mondiale et de savoir si elle est à l’abri ou pas avec ces produits-là. Donc, déjà la grande question de fond, c’est : pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Pourquoi ne le fait-on toujours pas ? Et quand on nous parle par exemple, moi je reviens, je suis désolé, sur le manque de puissance statistique de nos tests, dire que qu’on ne l’a pas fait, sur les mortalités et les tumeurs, comment se fait-il que cette même insuffisance de statistiques, et de puissance statistique, sur les études de Monsanto n’ont pas réveillé toutes ces commissions, et Monsieur Pascal et les statisticiens du HCB, pour dire qu’il fallait changer cap et changer les normes de toxicologie pour ces produits ? Parce que le but c’est ça, c’est de changer. Et comment faut changer ? Et bien, on peut essayer d’en parler, c’est déjà relativement simple : faire des études au long cours, faire des études endocrinologiques, puisque Monsanto ne dose jamais les hormones dans ses études sur trois mois, et puis après, même faire des études transgénérationnelles ou de reproduction pour savoir si vraiment on peut mettre ses produits-là sur la planète sans entrainer de risques pour la santé de la population.

Michel Alberganti : Jean-Christophe Pagès, est-ce que vous êtes d’accord avec cette demande de Joël Spiroux ?

Jean-Christophe Pagès : Je voudrais juste apporter une précision et une réponse à Monsieur Séralini, qui indiquait qu’ils avaient observé des différences statistiquement significatives.

Michel Alberganti : Justement, c’est ce que je voulais dépasser parce que nous n’allons pas pouvoir traiter la question que je viens de vous poser, si vous revenez sur l’étude elle-même, parce que le temps va nous être compté très rapidement. Est-ce que, de votre point de vue, la demande de Joël Spiroux, de faire de nouvelles études, plus longues, à plus longs termes, etc. sur d’autres critères également, comme endocrinologiques par exemple, vous paraît judicieuse, recevable ? Est-ce que vous allez la promouvoir, cette demande ?

Jean-Christophe Pagès : Si je vous disais aujourd’hui que je vais la promouvoir alors même que le groupe qui doit se pencher sur la question ne s’est pas réuni,…

Michel Alberganti : Cela serait trop tôt…

Jean-Christophe Pagès : Ça serait certainement un abus de pouvoir. Nous sommes ouverts à ce type de questions, nous n’avons jamais fermé la porte.

Michel Alberganti : Et vous n’avez jamais abouti jusque-là en fait…

Jean-Christophe Pagès : Non, non, ce que nous avons clairement indiqué dans les dossiers que nous avons eu jusqu’à présent, c’est que les conclusions de Monsanto, de Bayer ou d’autres demandeurs, étaient abusifs, c’est-à-dire qu’ils revendiquaient l’innocuité. Or, la puissance statistique des études qu’ils menaient ne permet pas de revendiquer cette innocuité.

Joël Spiroux de Vendomois : Merci de le reconnaître, Monsieur !

Jean-Christophe Pagès : Justement, laissez-moi terminer. Néanmoins, les analyses qui étaient menées n’identifiaient pas de risques particuliers, ce qui n’est pas la même chose ! Donc, que l’on promeuve des études à longs termes, c’est une chose, il faut savoir ce que l’on va rechercher, parce qu’en fonction de ce que l’on va rechercher il faudra les construire. Elles pourront, comme le disait Monsieur Pascal, coûter extraordinairement cher et pour cela il faut que l’on ait une idée des risques que l’on cherche.

Michel Alberganti : Gilles-Éric Séralini, en quelques mots, s’il vous plaît.

Gilles-Éric Séralini : Quand on recherche les effets secondaires d’un médicament, on ne sait pas ce qu’on va trouver ! Je crois marcher sur la tête en disant qu’il faut connaître les résultats pour faire l’étude. Mais de quel monde parle-t-on, alors que ce sont des gens qui travaillent sur la toxicologie à long terme soi-disant ! Non, si une commission n’est pas sûre que l’on peut conclure à l’innocuité, elle doit logiquement demander des testes à longs termes sinon il y a un problème grave d’indépendance et de transparence.

Michel Alberganti : Joël Spiroux ?

Joël Spiroux de Vendomois : Deux fois de suite, Monsieur Pascal et Monsieur Pagès ont parlé du coût de ces études-là, moi je suis bien désolé, Monsieur Pagès…

Michel Alberganti : Quel était le coût justement de la vôtre ?

Joël Spiroux de Vendomois : Nous, 3,2 millions, mais le problème n’est pas là. Moi, je suis médecin, comme Monsieur Pagès, peu importe le coût d’études si c’est pour protéger la population parce que de toute manière les effets boumerang que l’on retire, les pathologies que l’on soigne, et Monsieur Pagès doit en soigner comme moi, c’est bien parce que les études toxicologiques sur la mise sur le marché de tous ces « xénobiotiques », entre guillemets, c’est-à-dire ces produits étranger à la vie, qui ont été développés, grâce aux développement fabuleux de la chimie organique et de la chimie minérale de synthèse, ont été mal évalués que l’on a tout un tas de pathologies lourdes à l’heure actuelle : les cancers, les malformations néonatales, etc.

Michel Alberganti : C’est une éventualité qui n’a pas été démontrée.

Joël Spiroux de Vendomois : Justement, ces études de toxicologie à l’heure actuelle telles qu’elles sont faites ne nous mettent pas à l’abri de ce type de pathologies. Et en particulier il n’y a pas d’études des mélanges, on parle nous du Roundup, c’est un mélange. L’étude des impacts des mélanges c’est fondamental. En deux mots, il faut quand même avoir le temps, cinq minutes…

Michel Alberganti : Cela serait avec plaisir mais malheureusement le temps de l’émission est compté.

Joël Spiroux de Vendomois : Bien sûr. Il faut revoir complètement la toxicologie de tous ces produits chimiques, qu’ils soient des pesticides, qu’ils soient des OGM, puisque ce sont des plantes herbicides, et aussi les autres. Parce que Monsieur Pagès, comme moi, on commence à en avoir assez de soigner des gens qui ne devraient pas être malades si les études de toxicologie avaient été bien faites.

Jean-Christophe Pagès : Vous revendiquez que…

Michel Alberganti : Gérard Pascal ?

Gérard Pascal : Vous voyez la stratégie d’amalgame !

Joël Spiroux de Vendomois : Mais pas du tout !

Gérard Pascal : On part de tumeurs, qui sont essentiellement des fibroadénomes, puis on en arrive à es cancers, comme vient de…

Joël Spiroux de Vendomois : Je n’ai pas parlé de cancer, moi !

Gérard Pascal : Ah bon ! J’avais cru entendre.

Joël Spiroux de Vendomois : J’ai parlé de l’impact des « xénobiotiques » sur la santé.

Gérard Pascal : Sur la stratégie d’amalgame, moi, je voulais quand même revenir,…

Michel Alberganti : Est-ce qu’il faut faire des études à long terme ? Est-ce qu’il faut revoir la procédure actuelle ? Est-ce qu’il faut créer…

Gérard Pascal : Revoir les procédures actuelles, il n’y a pas de problème pour continuer à les améliorer. Il y a des choses qui sont en route, il y a des recherches qui sont en route,…

Joël Spiroux de Vendomois : Cela fait quinze ans que cela devrait être fait…

Gérard Pascal : Moi, je ne peux m’exprimer qu’en tant que chercheur, il n’est pas de la responsabilité du chercheur de décider que l’on va faire une étude à long terme sur tel OGM ou sur tel produit chimique, c’est de la responsabilité des pouvoirs publics.

Joël Spiroux de Vendomois : C’est à vous de les demander, Monsieur.

Gérard Pascal : Non, je n’ai pas à demander ça, ce n’est pas de ma responsabilité.

Joël Spiroux de Vendomois : Bien sûr que si !

Gérard Pascal : Non, ce n’est pas de ma responsabilité, moi je suis responsable de développer des recherches, des recherches en vue d’améliorer les méthodologies.

Michel Alberganti : Quel est l’organisme qui pourrait prendre en charge ces demandes et la gestion de ces expériences ?

Gérard Pascal : Il y en a qui semble s’imposer au niveau français, mais est-ce qu’il faut mettre en place une structure au niveau français, je n’en suis pas sûr, peut-être qu’il faut donner l’exemple, cela serait plutôt au niveau européen, mais en tout cas au niveau français, il existe une agence, l’ANSES, qui dispose de laboratoires, avec des chercheurs,…

Michel Alberganti : Que nous avons invité mais qui n’a pas pu venir.

Gérard Pascal : Cette agence n’est pas capable aujourd’hui de développer ce type de recherche à 24 mois et de cancérologie mais il faudrait sans doute investir un peu d’argent pour lui permettre de disposer des moyens de développer ce type de recherches. Je crois qu’il faudrait réfléchir très, très sérieusement à ça, mais ce n’est en tout cas pas à un organisme de recherche ou à l’université de développer ces études qui sont des études du domaine de l’évaluation et pas de la recherche.

Michel Alberganti : Jean-Christophe Pagès, est-ce que vous seriez d’accord avec ce diagnostic, c’est-à-dire confier à l’ANSES la décision, et peut-être la réalisation des tests, puisqu’il y a aussi tout un aspect indépendance, que l’on n’a pas totalement abordé mais qui est très important, puisqu’aujourd’hui c’est Monsanto, par exemple, pour prendre le producteur principal, qui commandite les études qu’il fournit ensuite aux autorités ?

Jean-Christophe Pagès : Effectivement il faut remettre à plat toutes ces questions et le HCB y travaille. Que cela soit l’ANSES ou que cela soit une autre instance, comme le disait Monsieur Pascal, cela va être au pouvoir public de le déterminer. Ce que je voulais dire, quand je parlais de coût, ce n’est pas pour ne rien faire, c’est simplement pour que les analyses qui soient faites soient ciblées aux questions qui se posent réellement. Moi, je ne considère pas que les plantes génétiquement modifiées soient nécessairement des « xénobiotiques » au même titre que les produits de synthèses chimiques.

Joël Spiroux de Vendomois : Mais ils en contiennent tout au moins !

Jean-Christophe Pagès : Ils en contiennent…

Joël Spiroux de Vendomois : Et oui !

Jean-Christophe Pagès : Ils en contiennent comme d’autres plantes, ça c’est clair. Toutes les plantes qui sont cultivées actuellement et qui sont consommées par…

Michel Alberganti : Là, ce sont des considérations générales. La question est de savoir si on peut trancher, c’est-à-dire : qu’est-ce qu’il faut faire pour avoir de meilleures certitudes sur le danger ou pas de ces OGM ?

Joël Spiroux de Vendomois : Il faut les étudier sur deux ans et puis point barre ! Avec des études toxicologiques qui tiennent la route.

Michel Alberganti : Est-ce que vous êtes d’accord là-dessus au HCB par exemple, Jean-Christophe Pagès ? Oui ou non ?

Jean-Christophe Pagès : Qu’il faille des études qui tiennent la route effectivement nous sommes entièrement d’accord.

Michel Alberganti : Ça, c’est un soulagement.

Joël Spiroux de Vendomois : Oui, ça, c’est déjà bien ! Il y en a d’autres, il l’a fait…

Jean-Christophe Pagès : C’est relatif.

Joël Spiroux de Vendomois : C’est là qu’il y a débat mais on ne va pas revenir sur le débat.

Michel Alberganti : Donc, vous êtes d’accord.

Jean-Christophe Pagès : Le HCB est entièrement d’accord, nous allons travailler…

Joël Spiroux de Vendomois : Ça, c’est une bonne nouvelle.

Jean-Christophe Pagès : Et nous avons commencé à travailler avec l’ANSES, puisque le gouvernement nous a demandé de le faire en coopération, nous allons remettre à plat toutes ces questions.

Michel Alberganti : Très bien ! Avec un objectif de temps, par exemple ? Vous allez remettre des conclusions dans combien de temps ? Vous avez une idée déjà ou bien c’est trop tôt ?

Jean-Christophe Pagès : C’est trop tôt, nous n’avons pas encore le calendrier précis, c’est dans l’année qui vient.

Michel Alberganti : Laquelle ?

Joël Spiroux de Vendomois : Dans les trois semaines qui restent ?

Jean-Christophe Pagès : Dans les 365 jours qui viennent.

Michel Alberganti : Dans les 12 prochain mois, dit autrement. Gilles-Éric Séralini, est-ce que ça ce n’est pas déjà une conséquence très positive de votre étude, en dehors de ce débat ? Je comprends très bien que vous soyez attaché à la défendre, cette étude, en même temps en regardant ces conséquences on se rend compte que si c’est ça la conséquence cela peut paraître très positif pour vous ?

Gilles-Éric Séralini : C’est en partie positif mais avec les personnes qui parlent aujourd’hui on a l’impression qu’on va encore dans un an dire qu’on va peut-être ouvrir le dossier puis on verra, on va fermer ce comité… Donc, trois propositions simples : la première c’est que ces comités travaillent sur les données confidentielles de Monsanto, elles ne devraient pas l’accepter. C’est-à-dire que scientifiquement, pour que la communauté scientifique s’empare du problème il faut que les données qui ont servi à l’autorisation du Roundup® et du mais transgénique NK603 et les autres…

Jean-Christophe Pagès : Monsieur Séralini, vous avez ces données, elles sont disponibles depuis quinze jours…

Michel Alberganti : On ne pourra pas revenir sur ce débat...

Joël Spiroux de Vendomois : C’est faux, là c’est une contrevérité,…

Gérard Pascal : Ce n’est pas une contrevérité, arrêtons-là !

Joël Spiroux de Vendomois : Attendez, Monsieur Pascal vous ne pouvez pas dire ça, c’est trop important…

Gérard Pascal : Bien sûr que si, je le dis et je l’affirme !

Joël Spiroux de Vendomois : Vous avez tort, Madame Geslain-Lanéelle nous a dit qu’elle n’était pas en possession des études du Roundup® et du mais NK603…

Michel Alberganti : On n’a pas pu aller jusqu’au bout, malheureusement ce qui arrive dans ce cas-là, c’est qu’en général...

Joël Spiroux de Vendomois : Nous n’avons pas ces études….

Michel Alberganti : L’émission se termine...

Joël Spiroux de Vendomois : C’est fondamental…

Gilles-Éric Séralini : Nous n’avons pas ces études, attendez…

Michel Alberganti : Je suis désolé. « Science publique » s’achève. Merci à Jean-Christophe Pagès, Gérard Pascal, Gilles-Éric Séralini, Joël Spiroux de Vendomois, d’y avoir participé.

Sur le site de « Science publique », vous trouverez des références d’ouvrages sur les OGM, dont celui de Gilles-Éric Séralini, « Tous cobayes ! », qui est sorti récemment, et vous pourrez également écouter d’autre émission de France Culture qui ont abordé ce sujet des OGM. 

Vous pouvez réécouter cette émission pendant mille jours, la podcaster pendant un an, et bien entendu nous faire part de vos réactions, commentaires et témoignages.

[suite d’annonce]


Également indiqué sur le site de l’émission

Également sur France Culture :

 Émission « Terre à terre » par Ruth Stégassy : « Les OGM, autour de l’affaire Séralini »

 Émission « Planète terre » par Sylvain Kahn : « Sommes-nous vraiment dépendants des OGM ? »

 Émission « Science publique » par Michel Alberganti : « Qu’est ce que l’agroécologie ? »

 Émission « Science publique » par Michel Alberganti : « L’expertise scientifique peut-elle être indépendante ? »

 Émission « Science publique » par Michel Alberganti : « Les "marchands de doute" nous trompent-ils délibérément ? »

 Émission « Science publique » par Michel Alberganti : « La France peut-elle se passer de la recherche sur les OGM ? »

 Émission « Science publique » par Michel Alberganti : « La France peut-elle se passer de la recherche sur les OGM ? »

et

sur Le blog sciences et environnement de Slate.fr : « OGM : de l’impossible débat à un embryon de consensus »

et

BANDE-ANNONCE de « TOUS COBAYES ? »


TOUS COBAYES ? : BANDE-ANNONCE TRAILER HD par baryla


Document(s) signalés sur le site de l’émission :

- « Tous cobayes ! : OGM, pesticides, produits chimiques », Gilles-Éric Séralini, Ed. Flammarion, 2012.

- « OGM : quels risques ? », Jacques Testart et Jacques Chupeau, Ed. Prométhée. Collection Pour ou contre ?, n°1, 2007.

- « OGM, tout s’explique », Christian Vélot, Ed. Goutte de sable, Athée (Mayenne), 2009.

- « Ces OGM qui changent le monde », Gilles-Éric Séralini, Ed. Flammarion - Coll. Champs, 2004 – « Le monde selon Monsanto : de la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien », Marie Monique Robin, Ed. La Découverte/Arte Éditions, 2007.

- « L’animal médecin - OGM et nouveaux médicaments, greffes, vache folle, grippe aviaire... : il y a un animal dans votre santé ! », Charles Piaget, Ed. Actes Sud, 2005.

notes bas page

[1OGM : « Le protocole d’étude de M. Séralini présente des lacunes rédhibitoires » Le Monde.fr - 20.09.2012 à 15h37 - Mis à jour le 21.09.2012 à 09h42 Par Audrey Garric (propos recueillis par)

[2Afssa, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, a fusionné avec l’Afsset, Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, pour donner l’ANSES, l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui devenue juridiquement opérationnelle le 1er juillet 2010. La mission principale de l’ANSES est de contribuer à la sécurité sanitaire humaine dans les domaines de l’environnement, du travail et de l’alimentation. C’est l’agence de référence pour l’évaluation des risques et pour la définition des programmes de recherche scientifique et technique dans son champ d’expertise. Elle fournit aux autorités compétentes l’information et l’appui nécessaires à la gestion des risques. Elle assure aussi des missions de veille, d’épidémio-surveillance et d’alerte sur les risques émergents et sur les crises sanitaires déclarées.



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