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Histoire de l’archéologie (3) / Fabrique de l’Histoire

Édito sur le site de l’émission : Comme chaque mercredi dans la Fabrique, une émission en archives, aujourd’hui celles de l’archéologue et grand spécialiste de la préhistoire que fut André Leroi-Gourhan, commentées pour nous par Nathan Schlanger et Arnaud Hurel.

Invités : Nathan Schlanger, archéologue, chargé de mission recherche et développement international et chercheur à l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) et Arnaud Hurel (au téléphone), historien, chercheur à l’Institut de paléontologie humaine du Muséum national d’histoire naturelle.

Émission, du mercredi 9 juillet 2008, transcrite par Taos Aït Si Slimane.

Introduction par Emmanuel Laurentin : Troisième temps dans notre semaine consacrée à l’archéologie. Lundi, Alain Schnapp nous a expliqué comment les recherches antiquaires de l’époque moderne avaient précédé celles des archéologues du XIXème et XXème siècle et comment la division entre archéologie nationale, archéologie autour justement du territoire et de la celtitude en particulier avait longtemps divisé le milieu des archéologues avec évidemment de l’autre côté l’archéologie grecque et romaine.

Hier, le documentaire s’arrêtait justement sur la question des fouilles de sauvetages, de la fin des années 60, à Marseille ville grecque.

Aujourd’hui, nous allons nous attacher à la figure d’un rénovateur de l’archéologie française, en particulier de l’archéologie préhistorique, André Leroi-Gourhan. André Leroi-Gourhan, ethnologue qui s transforma en préhistorien après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à ce qu’à sa mort en 1986. André Leroi-Gourhan dont le nom est attaché à des livres majeurs, bien évidemment, mais aussi à des sites fétiches, comme la grotte d’Arcy-sur-Cure et le site de Pincevent, qui n’est pas comme je le disais tout à l’heure en discutant avec Thomas Baumgartner, j’avais fait la confusion, une grotte mais un site de plein-air. Mais aussi, son nom est attaché à l’invention de technique d’archéologie, du décapage, par exemple, et à celle du concept de chaine opératoire. Nous parlerons de tout cela avec nos deux invités : Arnaud Hurel, chercheur à l’Institut de paléontologie humaine du Muséum national d’histoire naturel, et auteur très récent, aux Presse du CNRS, de « La France préhistorienne », et également Nathan Schlanger, chargé de recherche et de développement international et Inrap et ancien coordinateur du projet européen de l’histoire de l’archéologie européenne et codirecteur avec Françoise Audouze de « Autour de l’homme/ contexte et actualité d’André Leroi-Gourhan ». Puisqu’on parle d’André Leroi-Gourhan, tout de suite, sa voix.

« Les méthodes de la préhistoire, première conférence de Monsieur Leroi-Gourhan. Il y a plus de 300 ans que les archéologues creusent la terre à la recherche du secret des générations passées. Cette très longue expérience semblerait indiquer que nos méthodes se sont lentement enrichies, que chaque génération a appris à mieux voir que la précédente. En réalité, le mouvement n’a pas été uniforme vers la perfection qu’il serait souhaitable d’atteindre. L’archéologie qui se consacre au Moyen-âge aux civilisations classiques et la préhistoire qui est vouée aux temps antérieurs à l’écriture en ce point commun d’ouvrir la terre pour regarder ce que nos ancêtres ont laissé à l’intérieur. Mais la vision de l’archéologue et celle du préhistorien, jusqu’à un temps tout proche de nous, étaient très différentes. L’archéologie dans la recherche de l’histoire, c’est-à-dire des inscriptions des grands monuments et autres œuvres d’art qui servent de commentaires à ce qui est dit dans les textes. La préhistoire a pris naissance dans une ambiance toute différente. Elle n’a pas de textes à attendre, pas d’inscriptions, ses monuments sont modestes et le plus souvent elle fait l’histoire des générations disparues à l’aide des débris d’objets qu’elle retrouve dans de vénérables tas de détritus. Si l’archéologie est un diverticule de l’histoire écrite, la préhistoire est en réalité un prolongement de l’ethnographie ans le plus lointains passé de l’homme. De sorte que les deux sciences n’ont ni les mêmes curiosités, ni les mêmes procédés. Du moins en était-il ainsi il y a moins d’une génération car aujourd’hui les archéologues ont découvert que la terre qui enveloppe les monuments peut raconter une quantité de choses que les textes n’ont pas retenue, et qu’un monceau d’ordures romaines est une source presque intarissable sur la vie quotidienne de classes sociales qui n’ont pas inspirées les chroniqueurs antiques. »

Emmanuel Laurentin : Voila donc pour ce premier extrait de la voix d’André Leroi-Gourhan, pour une série d’émissions sur ce qui n’était pas encore France Culture, en 1959, sur la radio nationale. Bonjour Nathan Schlanger.

Nathan Schlanger : Bonjour.

Emmanuel Laurentin : Je l’ai dit, vous étiez à la fois historien de l’archéologie, d’une certaine façon, puisque vous êtes chargé de recherche et de développement international à l’Inrap, l’Institut national de recherche en archéologie préventive, et que vous étiez coordonateur, jusqu’à il y a peu, du projet européen d’histoire de l’archéologie européenne. Et vous avez produit, avec bien d’autres auteurs, sous la direction de Françoise Audouze, un livre, issu d’un colloque en 1995, « Autour de l’homme : contexte et actualité d’André Leroi-Gourhan ». On vient d’entendre la voix d’André Leroi-Gourhan, qui est-il, avant qu’il ne parle, avant 1959 ? Qui est-il ? Il est né en 1911. Il mourra en 1986. Il a laissé une profonde empreinte auprès de tous ceux qui l’on connu, en particulier ceux qui ont suivi ses cours au Collège de France amis ceux aussi qui ont participé en masse à ses grands chantiers, ceux d’Arcy-sur-Cure ou de Pincevent. Qui est-il exactement,

Nathan Schlanger : Je crois qu’une bonne définition de Leroi-Gourhan, c’est quelqu’un qui est autodidacte et qui est intéressé par de multiples champs autour de l’œuvre justement.

Emmanuel Laurentin : Parce qu’autodidacte, justement ? Parce qu’il n’a pas de barrière disciplinaire ?

Nathan Schlanger : Exactement. Il n’a pas subi une école, une formation formelle qui l’aurait orientée vers une piste particulière, et il s’est permis, littéralement, d’aller au marché-au-puces pour récolter des objets mais aussi, métaphoriquement, au marché-aux-puces des sciences humaines et des sciences de la nature, principalement de la zoologie, récolter des éléments qui l’intéressaient et établir des combinaisons, des liens intéressants, originaux.

Emmanuel Laurentin : Auparavant, avant même d’être le préhistorien que l’on connaît, celui qui lance de grandes études préhistoriques en France, à partir des années 50, il a une autre carrière, André Leroi-Gourhan. Il est ethnologue, spécialiste du Japon. Il a une carrière avant guerre qui n’est pas tout à fait la même, mais, disons qu’il procède plutôt par accumulation que par soustraction, une carrière qui précède sa carrière d’archéologue et de préhistorien ?

Nathan Schlanger : Tout à fait, c’est une image un peu satellitaire de différents champs d’intérêt qui prennent de l’ampleur, éventuellement en perdent. Il commence plutôt par être orientaliste, il fait des études e langues orientales et il s’intéresse au Japon où il va passer, où il va passer un an de sa vie juste avant la Deuxième Guerre mondiale. Au moment de l’Arctique, il publie son premier livre, « La Civilisation du Rennes », qui est un livre un peu de géographie humaine de l’arctique où il montre le lien entre l’homme et l’animal, qui est évidemment un sujet très fort de sa pense tout au long.

Emmanuel Laurentin : Il sera ensuite archéologue, après la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ce changement d’optique ? Est-ce qu’il a expliqué lui-même d’ailleurs cette différence entre cette première partie de sa carrière et ce qu’il a fait ensuite ?

Nathan Schlanger : Tout en n’étant pas excessivement réflexif, autocritique sur sa propre démarche, Leroi-Gourhan, dans des entretiens, avec Claude-Henri Rocquet, qui sont assez révélateur sur sa pensée, sa démarche ou plutôt l’auto reconstruction de sa carrière intellectuelle. Toujours est-il que son arrivée vers l’archéologie préhistorique, effectivement vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale et après, a en partie des raisons intellectuelles, il s’intéresse à l’homme, aux productions humaines, à ce qu’il a appelé alors en 1936, un des premiers utilisateurs du terme, culture matérielle, mais aussi des raisons de circonstances liées au fait, que pendant la guerre, évidemment, il ne peut plus aller dans des pays lointains faire de l’ethnologie. Il ne peut plus aller au Japon ou au monde Pacifique. Donc, il a cette phrase, très intéressante : « Ce que je cherchais loin à l’horizon, je vais maintenant le chercher tout près de moi en descendant fouiller. » Donc, en partie, il utilise ce virement, entre l’horizontal et le vertical, pour voir et il associe les étudiants et les collaborateurs dans des activités de groupes.

Emmanuel Laurentin : Parce qu’évidemment, on insistera sur sa personnalité un peu plus tard, il y a la forte dimension pédagogique d’André Leroi-Gourhan. C’est quelqu’un qui transmet. La transmission du savoir qui sera au cœur de son travail. Arnaud Hurel, vous êtes avec nous au téléphone. Vous êtes l’auteur de « La France préhistorienne de 1789 à 1941 ». D’une certaine façon, vous précédez le moment ou justement le préhistorien André Leroi-Gourhan, se révèle dans votre travail dans les éditions du CNRS. C’est quoi l’état e l’archéologie préhistorique en France, avant l’arrivée d’André Leroi-Gourhan ?

Arnaud Hurel : Je crois que l’extrait que vous avez passé tout à l’heure, d’André Leroi-Gourhan, est tout à fait intéressant. Il fait une tentative de reconstruction du passé, de ce qui le précède, il a tendance à le simplifier, ce qui le met d’autant plus en valeur, bien évidemment. Ce qui précède André Leroi-Gourhan, c’est d’abord un monde d’amateur. Je pense qu’Alain Schnapp a du en parler avec vous, dès votre première émission.

Emmanuel Laurentin : Oui.

Arnaud Hurel : Effectivement, jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, parce qu’il n’y a pas de réglementation, parce que tout un chacun peut faire des fouilles, tout un chacun peut disposer librement du produit des fouilles eh bien c’est d’abord une affaire d’amateur. Donc, il faut cette circonstance exceptionnelle qui est la Deuxième Guerre mondiale, cette circonstance exceptionnelle qu’est l’Occupation pour la France se trouve en situation de réfléchir à l’avenir de ce patrimoine archéologique et préhistorique,…

Emmanuel Laurentin : D’ailleurs, il n’y a pas d’administration de l’archéologie métropolitaine avant 1941, je crois ?

Arnaud Hurel : En réalité en 1942, mais on pourrait dire que si, il existe une réglementation mais c’est une réglementation issue des sociétés savantes qui date du XVIIIème siècle,…

Emmanuel Laurentin : C’est cela, c’est une réglementation en marchant d’une certaine façon, c’est-à-dire qu’au fur et à mesure que m’on ouvre des chantiers de fouille, que les sociétés d’antiquaires ou les sociétés savantes ouvrent les chantiers de fouille, la réglementation se fait en même temps, par coups de scandales. Vous racontez dans votre livre certains des scandales les plus fameux avec en particulier au début du XXème siècle la l’affaire Hauser, ce chercheur suisse souvent qualifié de germanique venant sur les brisées des chercheurs amateurs, du côté de la Dordogne, récupérer des trésors enfouis. Donc, cela procède par cops de scandales pourrait-on dire, Arnaud Hurel ?

Arnaud Hurel : C’est-à-dire que le monde des préhistoriens, je vais me permettre un jugement, étant historien je ne suis pas préhistorien, j’ai le sentiment qu’il y a une espèce de permanence dans le caractère du préhistorien, c’est une espèce d’individualisme. Ce sont des chercheurs, qui plus est lorsqu’il n’y a pas d’encadrement, lorsqu’il n’a pas de réglementation, qui sont un petit peu jaloux du travail fait par leur confrères et néanmoins amis…

Emmanuel Laurentin : Rassurons-nous, chez les historiens cela existe encore. Chez les historiens aussi il y a un certain individualisme quelquefois.

Arnaud Hurel : Là, on a un petit plus. On peut embarquer son territoire au sens propre. Vous avez un terrain, sur lequel vos allez veiller jalousement et puis vous avez des collections, comme vous avez le droit d’en disposer librement, tout cela attire une valeur y compris une valeur marchande au-delà d’une valeur intellectuelle. C’est cela qui va différencier le préhistorien de l’historien, dans la mesure où l’historien v va travailler essentiellement sur les archives, parfois privées mais bien souvent du domaine public, qui appartient n’étant à personne appartiennent à tout le monde, donc la rivalité n’est pas tout à fait la même. Mais, je vous concède bien évidemment que nos relations peuvent être parfois tendues.

Emmanuel Laurentin : Sur ces questions, Nathan Schlanger, amateurisme contre professionnalisation, effectivement un des apports, on va l’écouter tout de suite, avec un autre extrait de la voix d’André Leroi-Gourhan, dans ces émissions de 1959, c’est une certaine rigueur, une certaine professionnalisation des méthodes à mettre en œuvre pour pouvoir travailler justement sur ce champ de la préhistoire ?

Nathan Schlanger : Oui, en effet. Je voudrais quand même qualifier un peu ce que disais Arnaud tout à l’heure. Il y a en France, depuis la moitié du XIXème siècle, une tension entre une conception centraliste du savoir, tel qu’il se manifeste dans l’archéologie et l’histoire naissante, et cette tendance individualiste, qui a à voir avec la propriété du terrain et des sites. Il y a eu plusieurs essais, Arnaud le sait puisqu’il a écrit longuement là-dessus dans son livre, pour mieux centraliser, mieux prendre position, contrôle et responsabilité sur les vestiges du patrimoine national…

Emmanuel Laurentin : Mais il faudra attendre justement effectivement assez tardivement le milieu du…

Nathan Schlanger : La circonstance assez intéressante et particulière de la Seconde Guerre mondiale où effectivement, pour diverses raisons, ce n’est peut-être pas le moment de rentrer dans les détails, que se mette en place une loi qui permet d’assurer que c’est de la responsabilité de l’État, de ses fonctionnaires et de ses scientifiques de prendre en charge la valorisation et l’étude du patrimoine national.

Emmanuel Laurentin : Sur cette question néanmoins, que je posais juste auparavant, Nathan Schlanger, de la professionnalisation, du rapport à l’amateur, c’est vrai que petit à petit on va voir le champ de l’archéologie amateur se rétrécir jusqu’à devenir peau de chagrin. Aujourd’hui avec une professionnalisation croissante, - on en a parlé un tout petit peu avec notre invité de lundi, Alain Schnapp et on en reparlera demain dans le débat – et dans cette professionnalisation le rôle d’André Leroi-Gourhan n’est pas minime justement ?

Nathan Schlanger : Absolument. Il faut quand même savoir que la discipline archéologique, préhistoire paléolithique, disons, nait à la moitié du XIXème siècle et ses praticiens les plus éminents sont, dans le sens le plus stricte du terme, des amateurs dans la mesure où leur gagne-pain quotidien provient d’ailleurs. Ce sont des médecins, des ingénieurs, des banquiers et autres qui acquièrent, dans le cadre de sociétés savantes ou autres, la discipline…

Emmanuel Laurentin : Des prêtres, beaucoup…

Nathan Schlanger : Des prêtres, tout à fait. On peut très bien voir dans la correspondance des archives au musée de Saint-Germain-en-Laye les amateurs qui racontent : je vais voir mon site tous les dimanches et l’ouvrier qui a travaillé pendant la semaine me raconte ce qu’il a trouvé, d’où viennent les objets et comment pouvoir les interpréter, et ainsi de suite. Autre point important, c’est qu’évidemment la profession archéologique, même quand elle est profession, est toujours une vocation. Elle dérive d’une volonté, d’un désir qu’a chacun de s’intéresser au passé et à ses vestiges matériels.

Emmanuel Laurentin : Arnaud Hurel, sur ce point, avant d’écoute André Leroi-Gourhan ?

Arnaud Hurel : Je suis entièrement d’accord avec ce que Nathan Schlanger vient de vous expliquer. Une toute petite précision évidement, il faut avoir du temps et de l’argent pour pouvoir être un préhistorien, y compris amateur. En fait c’est en fonction de sa fortune, entre guillemets, qui parfois n’est pas bien élevée, et du temps que l’on peut lui consacrer que l’on va mener des fouilles et que l’on va constituer des collections. En ce qui concerne André Leroi-Gourhan, je pense que lorsqu’il est entré dans la carrière paléolithique, il est arrivé au bon moment. Il arrive au moment où justement le CNRS, la chaire d’enseignement… il y a eu une structure qui se met en place tant d’un point de vue administratif qu’intellectuel. Il arrive au bon moment également parce qu’il arrive évidemment avec ses brevets de comportement patriotique pendant la Seconde Guerre mondiale, de Résistance, qui sont absolument nécessaires dans le climat de l’épuration. Donc, c’est l’homme qu’il faut au bon moment. Il arrive en apparence avec des idées nouvelles, je pense que l’on va en reparler…

Emmanuel Laurentin : On va y revenir.

Arnaud Hurel : Il arrive avec des idées nouvelles, une vision assez globale de ce travail, iles l’homme idoine. On a besoin de lui à ce moment-là, il apparaît.

Emmanuel Laurentin : À propos de ces structures dont vous parliez à l’instant même, Arnaud Hurel, de l’après-guerre et de la création du CNRS, on se souvient des souvenirs et des récits qu’avait fait Jean-Pierre Vernant de son entré au CNRS, lui aussi paré de brevets de Résistance, très forts, du côté de Toulouse, et qui changeait totalement de carrière après la Seconde Guerre mondiale, il est devenu le grand historien du monde antique que l’on connaît alors qu’il était philosophe de formation. Il expliquait qu’on entrait au CNRS, on tapait à la porte, on voyait le directeur du CNRS, on discutait avec, qu’est-ce que vous avez envie de faire, c’est comme ça qu’il est entré dans la carrière, on voit combien c’est différent aujourd’hui. Deuxième extrait de la voix d’André Leroi-Gourhan.

« Pour l’archéologue, comme pour le préhistorien, il y a la fouille. D’elle dépend tout le reste de la recherche. Telle qu’elle était pratiquée il y a 25 ans, et telle que malheureusement on la pratique encore parfois, la fouille était un somptueux gaspillage. Elle ressemblait à ce que ferait un historien qui lirait son manuscrit en retenant de ci de là quelques mots frappant et qui brûlerait négligemment les feuillets à mesure. On s’aperçoit maintenant qu’il n’y a pas un petit débris d’os dont la position ne soit significative de quelque chose qu’il faut comprendre par tous les moyens, qu’il n’y a pas un grain de sable qui ne puisse raconter un petit détail qui éclaire tout un chapitre. Plus encore, ce sont de malheureux petits débris de côtelettes carbonisées qui disent aux physiciens, par leur radioactivité, de quand date tout un habitat. Et on voit le botaniste chercher le débris d’un millième de millimètre de diamètre du pollen qui dira quels arbres poussaient dans le voisinage. Des milliers de débris déchiffrés par quelques spécialistes forment les mots et les phrases de notre texte. Mais l’ordre des paragraphes et des chapitres repose sur celui qui fait la fouille et c’est pourquoi il faut en parler en premier. Il existe une grande variété dans les gisements préhistoriques. On peut fouiller les dépôts d’une rivière dans lesquels tout a été brassé par les eaux ou fouiller une tombe dans laquelle rien n’a changé de place depuis le dépôt du corps et les objets qui l’accompagnent, on peut fouiller une caverne, un dolmen dans lesquels tout est concentré dans une faible surface ou fouiller les restes d’un village entier ou d’un grand cimetière, ni l’échelle ni tous les procédés ne sont les mêmes dans chacun de ces tas mais tous sont enchaînés par les deux même mots magiques : topographie et stratigraphie, description des lieux et description des couches. Lorsque tout est terminé, comme la partie fouillée est totalement détruite, ce que l’on a oublié d’enregistrer est irrémédiablement perdu. Il faut par conséquent travailler très lentement, réfléchir à plusieurs sur chaque problème de fouille, exagérer au besoin les prises d’échantillons et les notations. Il faut surtout que le travail de fouille soit conduit par un véritable technicien qui organise la chirurgie de la terre sans gaspillage, de manière précise et efficace. La direction d’un chantier moderne demande une formation complète dans les différentes branches. On est très loin du temps où il suffisait de savoir lire les inscriptions pour diriger le dégagement d’une cité. On ne répétera jamais trop que la préhistoire et l’archéologie ne sont plus des recherches d’amateurs, que la fouille d’un gisement engage très lourdement la responsabilité du fouilleur vis-à-vis des générations futures puisqu’il détruit la plus grande parie de son document en le déchiffrant. Il faut donc qu’il ait pour première pour toutes les règles de conduite consommer le moins de terre possible et en tirer le maximum d’enseignements. » Le présentateur : Nous venons d’entendre la première conférence de Monsieur Leroi-Gourhan, qui traitait des méthodes de la préhistoire. »

Emmanuel Laurentin : C’était en 1959 sur la radio nationale. On sent, chez André Leroi-Gourhan, ce qui a frappé ceux qui ont travaillé avec lui jusque tard dans sa vie sur ces sites d’Arcy-sur-Cure et d’autres sites comme Pincevent et bien d’autres aussi, c’est le sens aigu de l’irréparable. On a une responsabilité, quand on est archéologue, considérable puisque, comme on le dit maintenant de façon assez classique, quand on est archéologue on détruit son propre terrain, on détruit ses propres archives en même temps que l’on avance. Il y a ce sens, dans ce qu’il vient de dire, d’il faut faire très attention, être extrêmement méticuleux puisque l’on détruit son objet.

Nathan Schlanger : Absolument. Cette métaphore de l’archive qu’introduit Leroi-Gourhan dans la lecture du sol, les pages de l’histoire qui se dévoile par la stratigraphie, il ajoute également cette dimension supplémentaire que la lecture, en lisant les mots et les caractères on les brûle en quelque sorte, on les fait disparaître par l’activité archéologique. Donc, il incombe à l’archéologue, une responsabilité supplémentaire de bien documenter ce qu’il lit et détruit en lisant, à la fois pour mieux en faire l’étude lui-même et aussi dans un souci un peu positiviste de documenter, de fournir des données aux futurs générations, offrir des possibilités d’interprétations diverses et multiples du même gisement, de la même fouille.

Emmanuel Laurentin : C’est une préoccupation novelle, ce que l’on vient d’entendre, Arnaud Hurel, par rapport à cette France préhistorienne que vous connaissez d’avant la Seconde Guerre mondiale ?

Arnaud Hurel : Effectivement si l’on se place sur un temps court c’est une préoccupation nouvelle. Si l’on se place sur un temps un petit peu plus long, je serais un petit peu plus critique. André Leroi-Gourhan a à l’évidence un vrai talent dans l’expression, dans la création d’images, l’utilisation d’images…

Emmanuel Laurentin : La métaphore, oui.

Arnaud Hurel : Voilà. En ce qui concerne la fouille, André Leroi-Gourhan fait un véritable travail de synthèse qui est tout à fait intéressant mais vous savez il n’y pas de précurseur, on trouvera toujours quelqu’un qui précédé, qui a commencé à élaborer tout un corpus intellectuel et en l’espèce, pour les fouilles, je crois qu’il faut absolument rendre hommage à un couple, Péquart, Marthe et Saint-Just, qui dès la fin des années 20 avait dans un petit manuel, « Techniques de fouille », à peu de choses près, décrit, sans doute avec moins de talent, tout ce qu’André Leroi-Gourhan dira dès la années 50, cette idée de techniques de fouille par sol, l’idée de conserver les objets, de les enregistrer de ne rien laisser de côté, etc. enfin tout ce que nous avons entendu tout de suite avec André Leroi-Gourhan, y compris l’image même du livre et des archives. Donc, Leroi-Gourhan va savoir utiliser cela mais même dans un petit livre dans les années 50 sur « La techniques de fouille », il ne citera d’ailleurs les Pécard qu’en fin d’ouvrage au titre de bibliographie et puis avez quelqu’un comme Louis Méroc, qui est un des derniers grands amateurs, si je puis dire, qui magistrat, procureur de la république, qui est un des très grand historien, qui dès la fin des années 30 élabore une technique de fouille. D’ailleurs dans les archives de la ( ?) on retrouve des lettres de Méroc où il explique clairement sa technique de fouille. Mais cela reste encore dans un milieu encore très fermé, entre préhistoriens, et le talent également d’André Leroi-Gourhan c’est de savoir franchir le mur, quitter le laboratoire, le cabinet pour aller à la rencontre du grand public, mais un public un peu spécialisé.

Emmanuel Laurentin : C’est ce qu’il fera en particulier en 1955 avec son livre « Les chasseurs », Nathan Schlanger, avec cette particularité que dans ses livres, ce que vous expliquez avec d’autres dans « Autour de l’homme », un travail collectif autour d’André Leroi-Gourhan, qu’il ne mentionne pas vraiment ses sources, on a toujours besoin d’essayer de savoir où il puisé ses références et qu’au bout du compte il se veut sans maître, c’est même comme cela qu’il s’affirme. Mais en se disant sans maître il oubli peut-être quelquefois les apports de tel ou tel dans son propre travail.

Nathan Schlanger : Oui, je ne sais pas s’il est le seul à faire cette amnésie tactique. Par contre, un contrexemple, en suivant ce que vient de dire Arnaud, la pratique de fouille, disons l’ouverture de site, de ce qu’on appela en anglais des livings floors existent depuis les années 1880, pratique de remontage ( ?), etc. C’est une pratique courante…

Emmanuel Laurentin : Expliquez pour nos auditeurs ce que cela signifie...

Nathan Schlanger : Le remontage, lorsqu’on trouve des silex éparpillés, sur une couche d’habitat, on peut, dans des circonstances favorables, les remonter sur leur nucléus d’origine tels qu’ils ont été débités par l’homme préhistorique, donc reconstruire ainsi la séquence de gestes, les objectifs de production, la chaîne opératoire littérale de production. Ce type d’approche méticuleuse, ce type de fouille existe depuis assez longtemps, évidemment elle a un rôle mineure puisque l’intérêt principal des préhistoriens de l’époque c’est des chronologies de longues durées et ils utilisaient les fossiles comme des signes directeurs. Mais un endroit où contrairement à ses habitudes de ne pas citer ses sources, Leroi-Gourhan, le fait, c’est l’inspiration qu’il a pour les fouilles de Pincevent qui ne vient pas de ce qu’Arnaud nous présentait mais de l’archéologie soviétique.

Emmanuel Laurentin : Alors, ça il faut le dire, la grande influence de l’archéologie soviétique des années 30 sur la pensée d’André Leroi-Gourhan...

Nathan Schlanger : Tout à fait, absolument ! Avec André Leroi-Gourhan, cet avantage très particulier de parler et de lire le russe. Il a décidé d’apprendre la langue russe, dans son adolescence, avec des connaissances de Russes blancs. Il a traduit et aider à traduire par la suite plusieurs articles qui vont paraître dans le bulletin de la Société préhistorique française sur les fouilles de Kostienki ou les fouilles d’autres sites en Europe de l’Est où les grandes plaines de lœss ont permis de préserver des cabanes de mammouths avec des ossements, etc. Un dernier point sur ceci, l’intérêt dans l’archéologie soviétique étant évidemment aussi motivé par une conception théorique de la recherche de la culture matérielle et de l’espace de vie de l’homme ordinaire qui est un sujet d’intérêt particulier dans une conception marxiste l’histoire.

Emmanuel Laurentin : Tout de même Arnaud Hurel, quand on attribue les fouilles de ce que l’on appelle les fouilles par décapage, l’aspect synchronique des fouilles archéologiques, telles qu’elles ont été menées sur différents chantiers dirigés par André Leroi-Gourhan à André Leroi-Gourhan, est-ce que l’on a raison ou a-t-on tort ? C’est-à-dire cette idée que plutôt que de faire des coupes stratigraphiques et de descendre au fur et à mesure il faut s’intéresser à un même niveau et que dans ce même niveau il faut tout étudier depuis les pollens jusqu’aux os des animaux qui se trouvent sur place, les silex, les foyers, les trous de poteaux, etc. étudier la totalité de ce que l’on peut trouver sur ce niveau là, est-ce que c’est une invention d’André Leroi-Gourhan ? Ou est-ce qu’il y avait d’autres préhistoriens qui avaient travaillé sur de la même manière auparavant ?

Arnaud Hurel : Non, non, Nathan Schlanger vient parfaitement d’apporter d’autres sources, les sources sont multiples. Les sources d’inspiration d’André Leroi-Gourhan sont multiples, elles sont françaises mais elles sont également internationales. Son génie c’est justement d’utiliser cet ensemble de corpus au service des sites sur lesquels il va travailler, élaborer petit à petit sa propre technique, parfois peut-être un peu dogmatique, et élaborer une école à son tour. Même s’il n’a pas de maître il va devenir lui le maître d’un certains nombre d’élèves qui vont être les gardiens jaloux de sa mémoire. Il est riche de ce passé mais c’est comme n’importe quelle science. La science procède par accumulation et par rupture. On pourrait remonter très loin, dès la fin du XVIIIème siècle quelqu’un comme Le Grand Dauffy ( ?) en faisant appel aux chimistes parce que si l’on trouvait des petites fioles dans les tumulus il faudrait peut-être les analyser pour avoir plus d’informations. Vous voyez que cette idée est multiple, elle est dans l’air, ce que lui va apporter…

Emmanuel Laurentin : Il synthétise tout cela...

Arnaud Hurel : C’est cela, il peut synthétise d’autant mieux, c’est ce que je disais tout à l’heure, qu’il a un cadre scientifique et administratif mais il dispose également de moyens, la mise en place du CNRS donne des moyens et offre la pérennité à un chantier de fouille, ce qui tout de même très important, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Emmanuel Laurentin : Ce qui est très important en particulier pour le site de Pincevent. Quand on l’analyse on se dit effectivement quels moyens ! Pourtant il disait, je crois, qu’il faudrait véritablement 350 ans, au rythme auquel avançait le site de Pincevent, pour véritablement tout savoir de ce qui s’était passé sur ce site en plein air des bords de Seine. Nathan Schlanger, sur cette question de la fouille par décapage, il y a quand même une vision ethnologique de l’archéologie. Et là on peut dire qu’effectivement l’apport d’André Leroi-Gourhan c’est sa formation d’ethnologue, parce qu’évidement cette attention portée aux modes de vie quotidiens de l’ethnologie il va le transcrire dans le domaine préhistorique, en partie.

Nathan Schlanger : Absolument. C’est exactement cela. Leroi-Gourhan, comme on le disait tout à l’heure, au moment approprié met en avant une partie de ses savoirs, ses connaissances, ses champs d’intérêt. Et là c’est clair, on pourrait penser à ses intérêts d’antan pour l’Arctique et la civilisation du renne, pour la façon dont les chasseurs du renne qu’il connaît lui-même par l’ethnologie l’ont inspiré ou l’ont amené à se poser les bonnes questions sur comment se structure un campement préhistorique avec un foyer, des tentes, des mouvements et des activités diverses par les chasseurs-cueilleurs qui y habitent, donc il met en œuvre de façon tangible une ethnologie préhistorique.

Emmanuel Laurentin : Alors, cette ethnologie évidemment est centrée entre autres autour de la zoologie, des animaux, de l’intérêt qu’il peut avoir pour la zoologie, c’est d’ailleurs l’extrait que nous avons choisi pour continuer justement dans cette pensée d’André Leroi-Gourhan, toujours ces émissions de 1959 de la Radio nationale.

« Les nouvelles méthodes de la recherche préhistorique, troisième conférence de Monsieur Leroi-Gourhan, professeur à la Sorbonne. Leroi-Gourhan : Lorsque l’on étudie les restes d’animaux trouvés dans une série de couches, allant du plus ancien au plus récent, on s’aperçoit que des changements importants se sont produits de deux manières. D’une part, les espèces vieillissent et disparaissent pour donner place à des formes nouvelles. D’autre part, les animaux de climat froid alternent avec les animaux de climat chaud. Dans les régions tempérées le moindre changement climatique fait monter ou descendre vers le Nord ou le Sud une partie des animaux et suivant les périodes le renne, le cerf, le chevreuil semblent faire un chassé-croisé dans les différentes couches d’une même station. Cette liaison des animaux au climat est précieuse pour la chronologie. Il y a quelque année encore l’étude de la flore était à peu près impossible mais nous verrons que l’on sait maintenant retrouver des pollens fossiles dans presque tous les terrains et que l’on peut directement s’adresser aux plantes pourtant la recherche climatique par la zoologie n’est pas épuisée car elle permet de contrôler à la fois le géologue et le botaniste. La statistique zoologique offre encore d’autres possibilités en particulier d’étudier les conditions de destruction naturelle des ossements ce qui est important pour le sédimentologiste puisque les os désagrégés modifient la composition des sédiments mais ce qui n’est pas moins important pour le préhistorien lui-même. En effet, avant d’essayer de tirer partie des débris d’ossements pour comprendre les habitudes alimentaires ou techniques de l’homme il faut savoir jusqu’à quel point ce qui nous est parvenu est significatif. Le rôle de la zoologie n’est pas encore épuisé car il reste à juger des débris animaux par rapport à l’économie des hommes. On peut arriver à savoir à quelle saison les chasseurs de la Dordogne préhistorique tuaient les rennes et on sait qu’ils abattaient les grands mâles au moment ou leur ramure est la plus compacte, pour en tirer une meilleure dans la fabrication des points de leurs lances. À partir de ce point, le zoologiste travaille en complète liaison avec le technologue qui recherche sur les os toutes les traces que l’intervention de l’homme a pu y laisser. Dans ce domaine, les informations que l’on recueille sont proprement passionnantes. Les lames de silex dont se servait l’homme, pour découper son gibier, ont laissé souvent de fines entailles sur les os et l’inventaire de ces marques sur des milliers de fragments a permis de reconstituer un véritable atlas de l’art du boucher préhistorique. Cet art était déjà élaboré il y a une cinquantaine de mille ans, au temps de l’homme de Neandertal, qui savait placer ses incisions pour dépouiller les animaux exactement aux endroits les plus favorables et qui découpait le renne ou le cheval à peu près au même point qu’un boucher actuel. Les vestiges zoologiques sont par conséquent une des ressources les plus importantes de la préhistoire. Ils sont néanmoins importants pour l’archéologie quoique dans trop de pays encore les grandes fouilles classiques s’attardent peu dans l’étude des amas de détritus sinon pour récupérer les fragments de poteries qui ont été jetés avec les restes alimentaires. »

Emmanuel Laurentin : Voilà, 1959, André Leroi-Gourhan. Quelle capacité de synthèse ! Et quelle capacité aussi de transmission de savoir à un public large ! En l’occurrence quelle pédagogie, pourrait-on dire, Nathan Schlanger, quand on l’entend. C’est assez simple, il y a des exemples, on voit bien où il veut aller, il prend des exemples qui sont compréhensibles par chacun, c’est peut-être aussi cela une des raisons du succès de sa pensée de préhistorien ?

Nathan Schlanger : Tout à fait. C’est clair que par la suite ses cours au Collège de France et ailleurs vont pouvoir transformer une science qui est parfois un peu érudite, poussiéreuse en une science qui intéresse un peu plus un public plus large…

Emmanuel Laurentin : Avec du souffle. On est dans les plaines de Sibérie, on est dans les grottes de Dordogne…

Nathan Schlanger : Absolument, oui. Il peut injecter une dimension aventureuse sinon romantique dans cette recherche et mieux la médiatiser auprès du public.

Emmanuel Laurentin : Arnaud Hurel…

Arnaud Hurel : Oui, là on a vraiment, je crois, au cœur de la personnalité des préhistoriens, on est dans la passion. Quand on discute avec un préhistorien rares sont ceux qui ne vont pas vous dire que tout petit en ramassant des fossiles dans la campagne est née la vocation…

Emmanuel Laurentin : C’est vrai…

Arnaud Hurel : Nous dans notre histoire du muséum, lorsque nous recevons des classes on a tout de suite des enfants absolument émerveillés, c’est formidable. Ce que fait très bien passer Leroi-Gourhan, c’est absolument remarquable dans la technique…

Emmanuel Laurentin : D’ailleurs c’est ce qu’il disait lui-même, quand il expliquait qu’il voulait faire une préhistoire à visée philosophique, en disant faire de la préhistoire pour exercer sa curiosité sur un bric-à-brac de cailloux et d’os cassés serait une préoccupation vaine sinon les oiseaux qui chantent et les ruisseaux qui coulent ont vraiment plus d’attrait. Donc, il faut effectivement faire monter cela aux niveaux supérieurs. On n’est pas là simplement pour regarder des os cassés, des os brûlés et des petits bouts de cailloux dans une couche.

Arnaud Hurel : Malgré tout il a réussit à nous passionner avec ses petits os brûlés et ses petits bouts de cailloux, on est accrochés ! Non, non, l’objectif est atteint, il n’y a aucun problème.

Emmanuel Laurentin : Sur cette question de visée philosophique, Nathan Schlanger, cette idée qu’il a à la fois de rallier les sciences du vivant, les sciences de la biologie avec justement ces sciences historiques et préhistoriennes d’un côté puis aussi avec la philosophie, puisqu’il était adepte de la philosophie bergsonienne, est-ce que ce que l’on vient d’entendre correspond à cela aussi ?

Nathan Schlanger : La deuxième moitié de la vie de Leroi-Gourhan etait plus préoccupée par des aspects un peu plus techniques, moins philosophiques, à la fois l’art pariétal, dont non n’a pas parlé aujourd’hui, et les fouilles de Pincevent, les fouilles de plein air, mais la première partie de sa vie, certainement qu’il y a un courant, une préoccupation philosophique très forte qui, on l’a dit, s’inspire principalement d’un certain biologisme, qu’il trouve notamment chez Bergson. L’idée d’un élan vital qu’il mentionne à plusieurs reprises…

Emmanuel Laurentin : L’émotion créatrice…

Nathan Schlanger : L’émotion créatrice, la tendance qui jaillit, qui se manifeste, se transforme à travers le temps, et ce qui est très intéressant, original chez Leroi-Gourhan, c’est du bergsonisme une peu de seconde génération…

Emmanuel Laurentin : Pour tous…

Nathan Schlanger : Voilà, bergsonisme pour tous dans une époque où Bergson n’est plus tellement en vue, c’est plutôt des milieux conservateurs qui le lisent. Ce que Leroi-Gourhan réussit à faire c’est traduire l’intérêt qu’il a pour cette notion, par exemple, de durée et tendance à une préoccupation vers la technologie, essayant de regardez comment on peut concevoir et interpréter la technologie en utilisant les mêmes types de concepts biologiques.

Emmanuel Laurentin : D’ailleurs il travaille beaucoup sur la filiation des techniques, par exemple, comment établir des filiations techniques comme on établit des filiations dans la chaîne du vivant…

Nathan Schlanger : Voilà. Donc, d’une part il a une dimension chronologie très large, qui n’est pas toujours très intéressante, qui est une philosophie organiciste pas très intéressante, d’un autre côté l’ouverture biologique lui permet par exemple d’introduire Cuvier, les idées de Cuvier non pas sur la révolution d’ossement de fossile mais sur le fait qu’un ossement fait partie d’un tout fonctionnel et que l’on peut déduire de la partie le tout. Et cette idée-là va lui permettre de jeter un nouveau regard sur les outils en silex et la technologie qu’utilise l’homme préhistorique et ainsi mieux comprendre à travers un vestige l’ensemble du système technique.

Emmanuel Laurentin : Il y a tout de même des restes d’une philosophie ou d’une vision anthropologique du XIXème siècle dans la pensée d’André Leroi-Gourhan, par exemple sur la craniologie. Il était assez intéressé par la forme des crânes, il disait que l’on pouvait reconnaître, comme on le pensait longtemps, d’une certaine façon l’héritage de l’histoire génétique aujourd’hui peut reprendre une partie de cette pensée là, pas la totalité…

Nathan Schlanger : L’angle facial de Camper, toutes sortes d’idées sur… Lorsque l’homme se tient debout, des changements morphologiques font notamment que les angles faciaux se rétrécissent et l’espace s’ouvre au cerveau… C’est des idées qui sont originales dans les années 1900 à 50 quand il essaye de les publier parce qu’elles ont deux cents ans en âge et on les a oubliées entre temps.

Emmanuel Laurentin : Dernière extrait de la pensée de…

Arnaud Hurel : Si vous permettez une petite remarque…

Emmanuel Laurentin : Oui, Arnaud Hurel…

Arnaud Hurel : Ce qui est intéressant également dans l’extrait que nous venons d’entendre, c’est un élément de rupture, un nouvel outil technologique qu’il propose, c’est vraiment une ethnologie pleinement préhistorique, c’est une rupture avec le comparatisme qui existait à la fin du XIXème et presque la première partie du XXème siècle, c’est de dire l’idée que l’on puisse retrouver des humanités dites primitives, chez le Phrygiens, chez les Aborigènes, dans leurs comportements les indices pour comprendre les comportements de l’homme préhistorique. Lui, il propose, enfin il s’inscrit dans un courant un peu plus large, mais il s’inscrit dans un courant de rupture avec ce comparatisme et essayer de tirer de l’objet préhistorique lui-même toute l’information que l’on peut en tirer et pas simplement essayer de comparer tel outil avec tel outil utilisé…

Emmanuel Laurentin : À l’autre bout de la terre. Dernier extrait d’André Leroi-Gourhan, en 1959 pour la radio française, cela dure 6 minutes.

« Il a été dit, au cours des causeries précédentes, combien les méthodes de la recherche préhistorique avaient évolué depuis quelques années et comment la précision des fouilles, le concours du géologue, du zoologiste, du botaniste, du radiophysicien avaient conduit la préhistoire et l’archéologie vers la restitution des dates du passé lointain et vers la restitution de la vie réelle des hommes de la préhistoire. Dans le domaine des techniques, cette restitution s’impose à l’esprit sans difficultés puisque l’on retrouve des traces de l’outillage ou de la nourriture de l’homme préhistorique mais dans le domaine social et religieux on peut se demander sur quels critères le préhistorien fonde ses tentatives de restitution. La démonstration directe d’une coutume juridique ou d’un dogme religieux est en effet inaccessible sans les textes et le préhistorien, comme sociologue, ne peut que délimiter les contours extérieurs des pratiques sans préciser leurs contenus exacts. Pour le préhistorien, l’étude des échanges est particulièrement instructive. On sait par exemple que pendant l’âge du renne, entre 30 000 et 10 000 avant notre ère, les hommes appréciaient les coquilles marines dont ils se faisaient des parures, comme on en retrouve à des centaines de kilomètres de la mer, on a cru longtemps que les hordes errantes les transportaient à travers l’Europe en poursuivant leurs gibiers. On sait maintenant que beaucoup de ces coquilles ne venaient pas directement des mers de l’époque mais que les hommes les recherchaient chez eux dans les sables de l’ère tertiaire, où elles s’étaient fossilisées depuis des millions d’années. C’était l’idée de faire des parures avec telle espèce de coquilles qui circulait et non pas les hommes. Et cette simple constatation jette sur la stabilité des populations préhistoriques un jour neuf. Vingt autres petits exemples nous conduiraient à vérifier cette idée que le monde préhistorique était fait d’unités stables comme les nôtres pendants des siècles et des siècles, avec des territoires de chasse vastes mais constants dans lesquels elles tournaient. Peu à peu, par petites touches, par des procédés souvent inattendus nous parvenons ainsi à dégager leur édifice social. Il en est exactement de même pour leur système religieux. On sait depuis plus d’un demi-siècle qu’ils enterraient leurs morts, souvent parés et enrobés d’ocre rouge. On sait qu’ils sculptaient des statuettes de femmes, d’hommes ou d’animaux. On sait que dans les grottes ils gravaient et peignaient les parois de personnages, d’animaux et de signes et beaucoup de théories ont été construites pour retrouver les grandes lignes de leur pensée religieuse. Depuis quelques années, pour ma part, j’ai abordé cette question par un biais qui pourrait sembler une hérésie, la méthode statistique, plus exactement celle des corrélations que l’on obtient par l’usage des fiches perforées mécanographiques. On sait que cette méthode est maintenant utilisée pour étudier les textes anciens, comme les tablettes mésopotamiennes ou le coran. J’ai pris les figures comme si c’étaient des mots et les cavernes peintes comme s’il s’agissait d’un texte. En enregistrant toutes les figures, les bisons, les chevaux, les mammouths, les personnages, les signes, dans l’ordre où on les rencontre dans les grottes et en faisant jouer les corrélations sur la totalité des cas que l’on connaît, c’est-à-dire sur plusieurs milliers d’éléments, il devient possible de prouver, si les figures ont jetées au hasard ou s’il y a entre elles l’intervention d’un ordre volontaire. Il en ressort que les figures ne sont pas disposées au hasard et que leur désordre apparent couvrent l’intention de grouper toujours ensemble certaines espèces, comme le cheval et le bison, à l’exclusion de certaines autres que l’on retrouve à d’autres endroits de la caverne. Le squelette d’un système religieux apparaît ainsi progressivement. Système dont nous ne retrouverons jamais le détail parce que les textes feront toujours défaut mais qui dans ses grandes lignes est beaucoup plus complexe qu’on aurait pu imaginer à 20 000 ans des premiers monuments égyptiens. Ce qui caractérise les méthodes de la préhistoire, c’est sans doute avant tout l’imagination mais pas l’imagination qui fait inventer les réponses à des questions sommairement posées, l’imagination qui fait rechercher la manière qui fait poser les questions aux matériaux les plus décourageants. L’exactitude de la recherche préhistorique est aussi exigeante que celle des sciences physico-chimiques et notre méthode scientifique est très proche de celle des physiciens puisqu’elle consiste à mettre des matériaux strictement établis dans leurs caractères à l’épreuve d’hypothèses rigoureusement incluses dans un processus de contrôle expérimental. Ce qui caractérise aussi la recherche préhistorique actuelle, mais n’est-ce pas vrai maintenant de toute science, c’est de mettre le document sous les feux croisés de plusieurs disciplines. C’est plus sensible chez nous peut-être parce que nous avons conscience de ne pouvoir faire notre expérience qu’une fois. On ne peut pas recommencer une fouille. Et cela nous porte à déployer sur le moindre vestige tout ce que toutes les sciences peuvent nous offrir de contrôle dans la recherche passionnante des origines de nos ancêtres. » Nous venons d’entendre la dernière conférence de la série consacrée aux nouvelles méthodes de la recherches préhistorique, par Monsieur André Leroi-Gourhan, professeur à la Sorbonne.

Emmanuel Laurentin : André Leroi-Gourhan, en 1959 sur la radio française, dernier extrait. On voit bien, Arnaud Hurel, l’attention et l’intérêt que porte André Leroi-Gourhan aux nouvelles technologies. Il n’a pas encore d’ordinateur mais il travaille avec des fiches mécanographiques, comme il dit.

Arnaud Hurel : Vous savez aussi bien que nous qu’en science peu importe l’instrument…

Emmanuel Laurentin : Bien sûr !

Arnaud Hurel : C’est effectivement la méthode, le protocole qui constitue l’essentiel. Mais ce qui me frappe dans l’extrait que nous venons d’entendre, c’est, nous sommes tout de même en 1959, c’est-à-dire hier, et toute l’argumentation d’André Leroi-Gourhan tourne autour de la crédibilité des recherches qu’il mène, que les préhistoriens mènent. Il parle de recherche actuelle, introduit des idées de rupture entre un avant qui est un avant d’amateurs, de science empirique et un actuel qui au contraire fait appel aux techniques les plus sûres, les plus modernes, en liaison avec des sciences sérieuses, puisqu’il parle même de la physique des physiciens, on se retrouve encore dans le débat qui existe depuis quasiment l’origine de l’apparition des études préhistoriques, c’est-à-dire cette rivalité entre science naturelle et sciences humaines, entre une rigueur née de l’observation, de la classification de la nature et puis une science humaine qui travaille sur l’homme, donc sur la complexité, quelque chose de difficile à pleinement appréhender. Donc, je ne trouve pas tout à fait frappant qu’en 1959, André Leroi-Gourhan soit encore presque dans la justification du sérieux des études qui se faisaient.

Emmanuel Laurentin : Tout de même, il sera conforté pourrait-on dire, Arnaud Hurel l’expliquait tout à l’heure, par l’installation du CNRS, par ses grandes fouilles de Pincevent qui vont coûter très cher, qui vont être défendu justement par l’État de la Vème République, en particulier par le ministère de la culture de l’époque. Vous avez retrouvé une citation je crois d’André Malraux, Nathan Schlanger, évoquant justement ces fouilles de Pincevent dirigées par André Leroi-Gourhan ?

Nathan Schlanger : En effet, André Malraux, dans sa présentation du budget des affaires culturelles, le 7 novembre 1964, semble de façon très presciente résumer l’objectif de cette semaine de « La Fabrique de l’Histoire », pourquoi on s’intéresse à l’archéologie et à son histoire. Je lis cet extrait qui va expliquer à la fois les dimensions symboliques et conceptuelles de cet apport de l’archéologie. Je cite : « … cette expression d’une volonté nationale essentielle pour nous, non pas nationaliste mais nationale, concerne d’abord notre matrimoine. Nous avons, cette année, à établir un programme de fouille. Vous savez comme moi qu’à l’étranger l’action de la France en ce domaine est exemplaire. Les fouilles françaises de Syrie, du Liban et d’Afghanistan sont à peu près les dernières des grands pays européens. Elles sont terminées. En France, on a découvert le gisement de Pincevent, le plus grand gisement paléolithique de ce côté du rideau de fer. En trois jours, ce qui a été demandé a été obtenu. Tout cela n’est qu’un début. Mais l’absence de fouilles en France a cessée. »

Emmanuel Laurentin : Effectivement, on voit bien qu’il y a une dimension politique à cette archéologie, telle qu’elle est voulue ou menée par le ministère de la culture de l’époque et qu’il participe, André Leroi-Gourhan, à la grandeur de la France à l’étranger en développant ce qui est le plus grand chantier de fouille archéologique…

Nathan Schlanger : Il ramène en France et aux préoccupations locales les enjeux de l’archéologie.

Emmanuel Laurentin : Merci à tous les deux. Arnaud Hurel, je rappelle que vous êtes auteur de « La France préhistorienne de 1789 à 1941 », aux éditons du CNRS, je rappelle que l’on peut trouver, sous la direction d’André Leroi-Gourhan, soi-même, le « Dictionnaire de la préhistoire », dans la collection Quadrige aux Puf, et qu’« Autour de l’homme », codirigé par Françoise Audouze, Nathan Schlanger, qui était notre invité, « Contexte et actualité d’André Leroi-Gourhan » est publié aux éditions APDCA. N’oublions pas aussi que si l’on veut savoir ce qui s’est passé depuis cette période-là jusqu’aujourd’hui, il y a ce grand volume, publié chez Hazan, « La France archéologique /Vingt ans d’aménagements et de découvertes. », sous la direction de Jean-Paul Demoule, qui sera d’ailleurs un de nos invités pour le débat conclusif de demain, dans « La Fabrique de l’Histoire ».

Puisqu’il vient d’arriver dans le studio, saluons Vincent Charpentier qui nous a aidés à préparer cette émission et dont l’émission cette après-midi sera consacrée, je crois, aux « Soldats de l’éternité », la grande exposition sur l’archéologie chinoise et la découverte évidemment des statuts de Xi’An.


Livres signalés sur le site de l’émission

 Arnaud Hurel, « La France préhistorienne de 1789 à 1941 », Ed. CNRS éditions, 22 novembre 2007.

Présentation de l’éditeur : La préhistoire, une passion française... qui remonte à la Révolution et aux premières tentatives d’organisation de la recherche archéologique. La fièvre préhistorienne culmine au XIXe siècle : fouilles sauvages, commerce illégal de monuments mégalithiques, archéologues du dimanche... Mais aussi paysans occupés à paver les rues de leur village avec les menhirs de Carnac !

Il faudra attendre 1941 pour que l’État réglemente les fouilles archéologiques.

Cet ouvrage retrace la longue marche des archéologues français vers l’institutionnalisation de leur discipline, aventure passionnante qui vit les préhistoriens se mobiliser contre les pouvoirs publics pour préserver leur liberté d’agir.

 André Leroi-Gourhan (dir.), « Dictionnaire de la préhistoire », Ed. PuF – Quadrige, 2005 (1ère éd. 1988).

Présentation de l’éditeur : « On sait combien André Leroi-Gourhan a contribué au renouvellement de l’archéologie préhistorique par une approche ethnologique des vestiges du passé, qu’il s’agisse des méthodes de fouille ou de l’interprétation des documents mis au jour. » Disciple et collaborateur, José Garanger, présentant la première édition de ce dictionnaire, rendait hommage au maître d’œuvre disparu deux ans auparavant et précisait : « C’est dans cet esprit que, sans négliger l’homme préhistorique, les témoins de ses activités et leur chronologie, nous avons fait une large place à son environnement, accordant autant de rubriques à la faune et à la flore qu’aux fossiles humains. »

Là résident l’originalité et l’importance de ce dictionnaire consacré à « la connaissance de l’aventure humaine préhistorique », rédigé par une centaine d’auteurs français et étrangers, ayant travaillé par secteurs géographiques. Chacune des 5 000 entrées environ est signée, accompagnée de références bibliographiques, parfois d’un schéma. Une bibliographie générale, des documents, cartes et tableaux complètent ce dictionnaire quasi unique en son genre.

 Françoise Audouze, Nathan Schlanger (dir.), « Autour de l’homme : contexte et actualité d’André Leroi-Gourhan », Ed. Association pour la promotion et la diffusion des connaissances archéologiques, 6 décembre 2004.

Présentation de l’éditeur : Autour de Leroi-Gourhan, autour de l’homme... On ne saurait comprendre la diversité des contributions à cet ouvrage si l’on ne connaît pas l’étendue des champs couverts par l’œuvre de Leroi-Gourhan, et si l’on ne réalise pas la variété des formes sous lesquelles son influence s’est exercée et continue à se manifester aujourd’hui. Au musée de l’Homme, à Lyon, au CNRS, à la Sorbonne, au Collège de France, André Leroi-Gourhan (1911-1986) plaidait pour une science unifiée de l’homme où ethnologie, technologie, histoire, préhistoire, paléontologie, esthétique, linguistique constituaient des approches complémentaires. Cette entreprise hors du commun n’a pas connu de suite directe et son impact s’est plutôt traduit par des retombées multiples à l’intérieur de nombreuses spécialités plus étroites, tant en France que dans le monde. Il ne s’agit là pas seulement d’une tendance inévitable de la recherche contemporaine vers une spécialisation de plus en plus grande. Cet éclatement dérive directement de la structure même de l’œuvre de Leroi-Gourhan : attachée à résoudre les grandes questions de l’évolution humaine, cette œuvre fonctionne à différentes échelles et aborde des problèmes multiples repris isolément ensuite...

À travers six sections thématiques, les contributeurs à cet ouvrage - Françoise Audouze, Claudine Cohen, Noël Coye, Brigitte Delluc, Gilles Delluc, Jean-Paul Demoule, Gilles Gaucher, Georges Guille-Escuret, Tim Ingold, Pierre Lemonnier, Jacques Pelegrin, Nathalie Richard, Peter Saunders, Georges Sauvet, Nathan Schlanger, Alain Schnapp, Philippe Soulier, Bernard Stiegler, Bernard Thierry, Frank Tinland, Serge Vasil’ev - apportent des éclairages complémentaires sur la plupart des domaines d’études qu’avait abordés André Leroi-Gourhan au long de sa passionnante aventure intellectuelle.



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