Nous citoyens, à la fois opposés au racisme et à l’intégrisme, nous poussons un cri.
Depuis le 11 septembre 2001, le débat publique semble avoir perdu tous ses repères. Tandis qu’une droite populiste et raciste surfe sur la peur de l’autre et de l’islam (en amalgamant arabes avec musulmans, musulmans avec intégristes et intégristes avec terroristes), une certaine gauche a abdiqué tout esprit critique face à l’obscurantisme et traite d’ « islamophobe » toute personne ayant l’audace de dire non à l’islam politique réactionnaire. Même lorsque cette résistance se fait au nom de l’attachement à la laïcité, à l’égalité hommes-femmes, par refus de l’incitation à la haine sexiste, homophobe ou antisémite.
Il faut d’urgence sortir de ce double piège. Et redire, haut et fort, que nous voulons nous battre à la fois contre le racisme et contre l’intégrisme. Tous les racismes (anti-arabes comme anti-juifs, comme anti-femmes ou anti-homosexuels) et tous les intégrismes (de toutes les religions).
Pour éviter que le 11 septembre ne sonne le glas de la laïcité, il faut cesser de se taire face à l’offensive de l’islam intégriste. Elle gagne partout du terrain. En Palestine et en Egypte, les Frères musulmans — matrice de l’islam politique réactionnaire — viennent de remporter des succès électoraux comme jamais. Ailleurs, ils se placent en médiateurs voire en tuteurs des communautés musulmanes sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Comme en Angleterre ou en France. Après avoir inviter l’UOIF à s’asseoir à la table de la République et du Conseil Française du culte musulman, Nicolas Sarkozy ne propose-t-il pas de modifier la loi de 1905 ? Dans le même temps, des députés UMP, comme Eric Raoult ou Jean-Marc Roubaux, ne proposent-ils pas de réactiver le délit de blasphème à la demande d’organisations musulmanes refusant le droit à l’irrévérence et à la caricature ? Si ces deux piliers, la loi de 1905 et la liberté d’expression, tombaient ou du moins s’effritaient, avec quelles armes pourrions-nous nous défendre face à cet obscurantisme qui a bien le visage de nouveau totalitarisme ? Sur quoi pourrions nous bâtir notre résistance face à la montée de tous les fanatismes ?
Pour éviter un second 21 avril 2002, tout en menant ce combat contre l’intégrisme, il faut aussi reprendre la lutte contre le racisme et l’extrême droite. Dire et redire que le combat contre l’obscurantisme n’est pas un combat contre l’immigration ou contre les croyants. Mais un combat républicain et laïque devant unir tous les cioyens, quelle que soit leur origine, croyants, athées ou agnostiques. Même si les médias ne veulent pas l’entendre et préfèrent souvent donner la parole aux barbus ou aux filles voilées, ce combat est remarquablement porté aujourd’hui par des citoyens de culture ou de confession musulmane (81 % sont attachés au principe de laïcité). En particulier, ceux d’origine Algérienne ou Iranienne (10% des chauffeurs de taxis parisiens sont des iraniens réfugiés en France). Ceux-là ont fui l’islamisme et connaissent, mieux que personne, le prix à payer lorsque la religion fait la loi. Les muuslmans du monde entier, comme les habitants des quartiers populaires français, sont les premières victimes de l’intégrisme. Nous refusons de laisser ces êtres et ces quartiers être mis sous tutelle par des groupes religieux parce que l’Etat se désengage du social.
De même que nous refusons de laisser croire que les émeutes de novembre dernier ou les explosions de violence sont dues à l’ « islamisation » de la France. Les islamistes n’en ont pas été les inspirateurs, même s’ils ont essayé d’apparaître auprès des pouvoirs publics comme des médiateurs pouvant se substituer aux autorités de la République.Sans succès. Pour l’instant… Qu’en sera-t-il lorsque le lien social et interculturel ne sera plus qu’un champ de ruines, à cause des subventions qui n’arrivent pas aux associations citoyennes, ou qui arrivent trop aux associations confessionelles ? La colère, la rage, la recherche du profit et de l’argent facile, sont bien à l’œuvre dans les quartiers défavorisés. Si « islamisation », il y a, elle est due certes à la propagande des intégristes mais aussi au fait d’abandonner des citoyens et des quartiers entiers à l’exclusion, à l’inégalité et à la stigmatisation. En cela, le discours plein de haine et de raccourcis de Jean-Marie Le Pen ou de Philippe de Villiers, ou encore celui de Nicolas Sarkozy (qui préfère favoriser l’espérance religieuse à l’espérance sociale), ne peut que grossir les rangs des islamistes.
Nous refusons de leur laisser le combat pour l’égalité, les libertés et la laïcité. Les signataires de ce Cri demandent donc à chaque formation qui postule aux prochains suffrages des citoyens de s’engager clairement à combattre sans concession à la fois l’intégrisme que réprésente l’islam politique liberticide et le racisme.
Parmi les premiers signataires de la pétition(1) : Yvette Roudy (ancienne ministre), Philippe Val (directeur de publication de Charlie Hebdo), Elisabeth Badinter (philosophe), Fiammetta Venner (politologue et essayiste), Chahla Chaffiq (sociologue et écrivaine), Juliette Minces (anthropologue), Bernard Teper (président de l’Union des familles laïques), Loubna Méliane (cofondatrice de Ni putes ni soumises), Ingrid Renaudin (cofondatrice de Ni putes ni soumises), Dominique Sopo (président de SOS Racisme), Samia Labidi (association d’Ailleurs ou d’ici mais ensemble), Ziad Goudjil (Histoires de mémoire), Annie Sugier (présidente de la Ligue du droit international des femmes), Linda Weil-Curiel (Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles), Fatima Lalem (sociologue et militante au MFPF), Françoise Keyser (Femmes contre les intégrismes), Philippe Foussier (président du Comité Laïcité République), Patrick Kessel (président d’honneur du Comité Laïcité République), Philippe Namias (président de Laïcité écologie association), Bernard Frédérick (rédacteur en chef de la revue FondationS), Lola Devolder (membre du comité éditorial de ProChoix), Taos Aït Si Slimane (médiatrice scientifique à la Cité des sciences), Michèle Vianès (responsable d’associations, féministe et laïque), Nasser Ramdane (responsable à SOS Racisme), Alain Callès (ancien président du Mrap), Emmanuelle Le Chevallier (membre du conseil d’administration du Mrap), Nadia Kurys (membre du bureau exécutif national et de la présidence nationale du Mrap), Arlette Zilberg (adjointe au maire du 20e arrondissement de Paris, élue Verte), Hélène Zanier (conseillère municipale Les Verts), Arezki Metref (journaliste et écrivain), Terna Hajji (citoyenne française), Françoise Seligmann (présidente d’honneur de la LDH), René Pétillon (dessinateur), Antoine Sfeir (directeur des Cahiers de l’Orient)...
----------------------------------------------------------------------------
(1) www.petitiononline.com/2104/petition.html