Le temps des retours
Emmanuel Laurentin : Jacques Le Goff, Jean-Pierre Vernant, nous nous retrouvons pour la dernière de ces cinq émissions de dialogue entre vous deux, à l’occasion de vos anniversaires respectifs, de 80 ans et de 90 ans. J’ai peut-être trop insisté sur ces questions-là mais c’est un peu le thème de cette dernière émission. Vous disiez Jacques Le Goff, dans un de vos derniers ouvrages : « être assez âgé pour voir les retours de l’histoire, du politique, du récit, de l’événement, de la biographie », toutes disciplines qui avaient été, dit on, mais vous serez sans doute beaucoup plus nuancé que cela à ce propos, bannies par l’école des Annales, l’école de la longue durée. J’aimerais que nous revenions sur ces cinquante années de travaux, de l’un et de l’autre, sur les promesses que donnait cette école de l’après-guerre, école que vous avez décrite dans la première émission comme une école extrêmement libre où les barrières disciplinaires avaient été levées. Cela sera le thème de notre discussion. Je commence avec vous Jacques Le Goff, « être assez âgé pour voir les retours », c’est vrai que dans ces 50 années on a vu l’évolution, le passage de ce structuralisme, dont on parlait dans les premières émissions, à d’autres visions, par exemple du politique, du récit ou de l’événement.
Jacques Le Goff : J’ai effectivement vu ce qu’il faut bien appeler je crois les retours. Ces retours s’expliquent peut-être tout simplement parce que les retours en arrière, les changements sont un peu une des lois qu’il en est de l’histoire. Ils s’expliquent aussi, il faut bien le dire, parce que dans ces combats l’histoire nouvelle, disons celle des Annales, avait accompli quelques excès. Il faut dire aussi que l’histoire en tant que déroulement du temps et des faits des sociétés a changé. L’histoire politique, qui est à mon avis le gros problème, ce qu’a dit Jean-Pierre Vernant, et je dirais son œuvre, prouve que cela pouvait très bien au sein de l’histoire nouvelle non seulement exister mais avoir une place essentielle. Mais, Jean-Pierre Vernant n’a pas été l’adepte de ce qu’était les historiens de l’histoire politique, disons universitaires, pour ne vexer personne, mais que c’était tout ce qui touchait à une fonction dans la société. Donc, c’est le politique et non pas la politique qu’il a mis en valeur, qu’il a utilisé, dont il a montré l’importance qui est évidemment centrale. Et ça, nous les historiens des autres périodes, en particuliers du Moyen-âge, nous avons eu beaucoup de mal à le réaliser, je ne suis pas sûr que nous y soyons vraiment parvenus, faire l’histoire du politique au Moyen-âge. Je ne dirais pas, cela serait vraiment indécent de ma part, que Jean-Pierre Vernant a été aidé par la nature même de l’histoire grecque, mais il est certain que le terme politique est venu de la police et qu’en quelque sorte un historien de la Grèce ancienne ne pouvait pas se détourner du politique alors que les médiévistes ont été, je pense, j’allais presque dire déroutés, trompés par les notions de chrétienté en particulier. C’est une notion très fâcheuse, je m’empresse de le dire, parce que c’est une notion extrêmement artificielle et qui n’explique rien.
Jean-Pierre Vernant : Le Goff et moi on a fait ce que l’on a pu, on a débrouillé les choses, fait avancer peut-être, modifier un peu le regard que l’on portait sur les terrains qui sont les nôtres. Il y a eu des changements ou il y a eu des manques. Il y a eu une qualité que je me reconnais, c’est que le groupe que j’avais fondé, en 64, - le Centre de recherches comparées sur les sociétés anciennes, Centre Louis Gernet, qui est devenu maintenant un centre important - je n’ai jamais voulu imposer, je crois que je suis objectif, aux gens qui étaient venus au Centre une façon de faire ou de voir comme moi. Et heureusement parce qu’il y avait des points qui étaient pour moi des points aveugles, par exemple les femmes. Je me rappelle qu’un jour Pauline Schmitt, à une réunion m’a dit, à peu près : « écoute, Jipé, toi c’est très bien mais les femmes ton regard est le regard d’un homme Grec, jamais tu ne te pose la question et les femmes comment elles voyaient ça. » J’ai été absolument scandalisé de me voir accusé de machisme. Je suis rentré chez moi, j’ai réfléchi et l’évidence de cette critique m’est apparue. Il y en a beaucoup qui ont fait cela. Nicole Loraux a trouvé à un moment donné sans doute que Detienne et moi on faisait trop d’analyses structurales de mythes et de la tragédie et que l’on ne faisait pas assez de place au politique, aux luttes politiques et aux antagonismes. Je crois qu’elle avait raison. Et enfin, j’ai vu sortir avec un grand bonheur de ce Centre les images, la figuration, dont je ne m’étais pas occupée…
Emmanuel Laurentin : Françoise Frontisi-Ducroux.
Jean-Pierre Vernant : J’étais tout à fait béotien. Et les types qui sont là, Schnapp, Lissarrague, Françoise Frontisi, Durand et beaucoup d’autres, ont vraiment mis au jour – je pense que c’est pareil pour Le Goff avec ce problème-là avec Jean-Claude Schmitt, etc.,…
Jacques Le Goff : Absolument !
Jean-Pierre Vernant : Parce que c’est un monde, ils ont su innover dans ce domaine. On sait maintenant classer les vases, reconnaître les mailles mais eux, ce n’est pas seulement cela qu’ils font, ils font sur les images ce que j’avais tenté de faire sur les récits, les mythes, la tragédie. Alors, retours ? Oui, dont je suis très content.
Emmanuel Laurentin : Jacques Le Goff, cette question des images, c’est quelque chose qui vous passionne encore aujourd’hui. Vous vous posez la question vous-même en tant historien : quelle place faire aux images dans ce Moyen-âge, qui vous a toujours obsédé ?
Jacques Le Goff : Comme Jean-Pierre Vernant, je dois dire qu’une de mes grandes joies, j’avais fondé quelque chose de beaucoup plus modeste qu’il ne l’a fait, qui était un centre d’anthropologie historique de l’Occident médiéval, où je crois avoir aussi laissé leur entière liberté de pensée et de recherche à ses membres, j’emploie le même terme, avec beaucoup de joies, avec bonheur que j’ai vu le principal historien de ce centre, Jean-Claude Schmitt, se diriger vers une réflexion et une recherche sur les images. D’ailleurs les historiens de la Grèce ancienne et les historiens du Moyen-âge…
Jean-Pierre Vernant : Se rejoignent.
Jacques Le Goff : Se rejoignent à cet égard, en particulier Jean-Claude Schmitt et François Lissarrague ont fondé une collection Le temps des images, chez Gallimard. Il y a là une rencontre que je crois très significative, très heureuse, et c’est une des nouveautés parce que là, ce n’est pas du tout un retour, en particulier cette notion d’image et les recherches et publications qui en sortent sont une rupture avec non seulement la notion d’illustration mais avec la notion d’iconographie. Là, c’est véritablement quelque chose de nouveau que nous voyons apparaître et je suis évidemment extrêmement heureux que cela soit nos jeunes collègues qui, chacun dans son domaine, pour se rejoindre ensuite, l’ont développé.
Jean-Pierre Vernant : Je dirais là, par exemple, vient de paraître un livre peut-être l’avez vu, de Françoise Frontisi-Ducroux, sur les problèmes des métamorphoses, « L’homme-cerf et la femme-araignée », on voit bien à quel point quand tu mets cela en perspective, des séries d’images liées à des mythes, tu comprends les plans multiples de signification que les peintres ont expérimentés à travers les vases. C’est cela qui est nouveau, de prendre ces images surtout pas comme des illustrations mais comme un mode d’expression spécifiques qui n’est pas seulement documentaire pour te faire comprendre mais qui traite de vrais problèmes.
Jacques Le Goff : Il y a un autre point que vous avez énuméré, ça a été un des grands combats de Lucien Febvre, Marc Bloch puis de Fernand Braudel, que le combat contre l’histoire et l’événementielle. Mais il faut dire, je crois, que de ce combat, malgré tous les retours, il reste quelque chose de fondamental, qui as si j’ose dire tout changé, c’est que l’on sait maintenant que l’événement n’est pas crée par m’histoire mais par l’historien…
Emmanuel Laurentin : Il ne surgit pas de rien...
Jacques Le Goff : C’est l’historien qui fait ou qui créé l’événement. D’autre part, en particulier avec les beaux travaux de Pierre Nora, nous savons qu’il y a un événement nouveau c’est que les techniques de production des événements ont profondément changé depuis un demi siècle ou plus. C’est-à-dire qu’avec le journalisme, surtout avec la télévision, la production de l’événement est tout à fait nouvelle. Il y a un événement nouveau pour lequel il faut de nouvelles façons de faire l’histoire. Quant à la biographie, là je ne voudrais pas m’étendre, mais je dois vous dire que je me rebelle, je continue à me rebeller, contre la façon de traiter mes ouvrages sur Saint-Louis et sur Saint François d’Assise de biographie. La chose est pour Saint-Louis ambigüe, je ne le nie pas et je dirais même que c’était un peu cette idée perverse qui est à l’origine de ce livre, dont j’ai voulu faire une sorte d’anti biographie. Mais ce qui m’intéressait dans Saint-Louis, c’est deux choses que j’ai essayé de faire. La première c’est que j’étais toujours travaillé depuis la jeunesse de mes premiers pas historique par l’idée d’essayer, sinon de réaliser, du moins d’approcher une notion qui avait été essentielle pour Lucien Febvre et pour Marc Bloch, qui était la notion de l’histoire totale ou d’histoire globale et c’était très difficile à réaliser. J’ai écrit, il y a près de 30 ans, avec le grand médiéviste qu’est Pierre Toubert, un article où nous indiquions que sans doute une des meilleurs façons, une des plus possibles, de faire de l’histoire globale, c’était de parler d’objets globalisants. C’est-à-dire de sujets d’une étude historique que l’on ne pouvait pas traiter sans parler de pratiquement de tout ce qu’il y avait autour. Il m’a paru que Saint-Louis c’était un bon sujet globalisant. Ça, c’est fait. Mais je dois dire que dans les biographies traditionnelles, cela s’est fait d’une façon particulièrement maladroite et artificielle. On allait parler de l’Italie du XIIIe siècle quand on parlait de Saint-François d’Assise sans vraiment le mettre en relation vraiment avec François d’Assise. J’ai essayé de montrer, pour expliquer, essayer d’éclairer. Saint-Louis, lui-même il fallait parler de presque tout le XIIIe siècle. Puis, il y avait un second objectif, qui m’a autant intéressé, qui est le fameux problème des sources. L’historien dépend de documents que l’on appelle des sources. Or, j’avais été frappé du fait que l’historien qui écrit des biographies, en général ne disposait que des très peu de vraies sources, que ce qu’il appelait sources c’était des documents extrêmement fabriqués, etc. J’ai montré que pour Saint-Louis, pendant longtemps je me demandais d’ailleurs si je pouvais écrire ce livre parce que je ne rencontrais jamais Saint-Louis. C’étaient des genres littéraires qui s’exerçaient sur Saint-Louis puisque j’ai posé la question évidemment iconoclaste, Saint-Louis a-t-il existé ? Il m’a semblé que si l’on pouvait penser, s’approcher de Saint-Louis, c’est parce qu’il y avait un vrai document exceptionnel, qui était la vie de Saint Louis de Joinville. Cette façon de prendre de prendre un peu à revers, si j’ose dire, le problème des sources m’a intéressé. Quant à François d’Assise, c’est un ensemble d’études dont les trois quart n’ont rien de biographique et mon François d’Assise, c’est l’ensemble de ces textes, ce n’est pas une énième vie de François d’Assise que j’ai proposée parce que s’il m’a semblé qu’il n’en existait pas de vraiment satisfaisantes de Saint-Louis, il y a de très bonnes vies de François d’Assise, nombreuses .
Emmanuel Laurentin : Il ya quelque chose qui est assez intéressante, c’est qu’on a l’impression, Jacques Le Goff, Jean-Pierre Vernant, qu’il y a eu une période extrêmement faste pour la médiatisation, la pénétration dans la société française de vos domaines de référence qui étaient le Moyen-âge et l’Antiquité. Cette période que l’on peut situer grosso modo autour de cette ouvrage que vous avez codirigé, Jacques le Goff, qui s’appelait « Faire de l’histoire », en 1974, avec de grandes émissions de télévision, une télévision qui s’intéressait à faire travailler Fernand Braudel et Georges Duby, avec une volonté de vulgarisation, au plus grand sens du terme, de vos savoirs universitaires et de recherche. Est-ce que vous n’avez pas l’impression qu’aujourd’hui vos deux périodes de référence, l’Antiquité et le Moyen-âge, Jean-Pierre Vernant, ne sont pas un peu marginalisées par une demande de la société française, ou des sociétés européennes en général, d’une histoire présente, une histoire d’aujourd’hui, une histoire du deuxième XXe siècle, que d’ailleurs quelqu’un que vous connaissez bien, Jean-Pierre Vernant comme François Hartog a qualifié de présentisme ?
Jean-Pierre Vernant : Le présentisme c’est plus que ça…
Emmanuel Laurentin : Oui, bien sûr.
Jean-Pierre Vernant : C’est le fait que pendant longtemps le présent était éclairé par le passé, par les grands exemples et qu’en même temps il y a eu une période où le présent était vécu comme un horizon d’attente d’un futur qu’il portait en quelque sorte en lui. Maintenant les grands exemples, bon ! Et le futur on ne sait pas trop ce qui nous menace ou ce qui va arriver et par conséquent le présent se trouve pris sur lui-même avec le fait que les moyens d’information peuvent rendre présent l’événement par des voies tout autres qu’autrefois, tu l’as sou le nez. Il n’y a pas un événement qui se passe aux Indes, massacres ou célébrations, dont tu ne sois contemporain dans un présent qui d’ailleurs s’efface aussitôt en même temps, c’est cela qu’il a voulu marquer. Alors, la Grèce, là dedans, ce n’est pas simple, c’est contradictoire. Le monde dans lequel nous vivons a plus changé en un demi-siècle qu’en 500 ans. Ce monde que nous avons connu, même s’il y a une petite différence d’âge, dans notre enfance et celui de nos petits-enfants et arrières petits-enfants, c’est un autre monde. Par conséquent ce que l’on raconte sur la Grèce, je ne dirais pas qu’ils s’en fichent, ils ne le voient pas de la même façon, certainement. Il y a l’éloignement, le fait que les racines culturelles, le temps, que j’ai connu avant-guerre, où tous les enfants à peu près doués, normaux faisaient du latin et du grec et on mettait les nuls dans les classes C. Maintenant c’est l’inverse. Depuis vingt ans, si l’on a à faire à des types qui sont un peu débiles, on les mets dans des sections littéraires...
Emmanuel Laurentin : Tout cela est peut-être un peu exagéré...
Jean-Pierre Vernant : Autrefois, un médecin, un homme politique, un avocat était imprégné de culture, on savait que l’on avait à faire à un bon médecin parce que dans sa façon de parler, dans ses modèles, dans son jeu explicatif, c’était la rhétorique classique gréco-latine qui était encore là. C’est fini. Cela ne reviendra pas. Par conséquent, larmoyer sur le fait que c’est mort, n’a pas de sens. En même temps, l’intérêt se traduit de mille façons : dans le théâtre, depuis 25 ans, il y a eu plus de représentations des tragédies grecques par tous les metteurs-en-scène de théâtre que pendant un siècle et demi auparavant. Et si vous y aller, j’ai été parce qu’en général ils me demandent de venir, il y a un public de jeunes qui est bouleversé par le spectacle de la tragédie grecque. Ça les concerne. Tous ces points d’interrogation, ce mélange de terreur et de pitié, ça les touche. D’autre part, vous ne pouvez pas empêcher que dans les dessins animés, on reprenne tout cela. Ces personnages, intriguent. Je prends un exemple, en m’excusant, ce petit bouquin que j’ai fait que je raconte à mon petit-fils, il s’est tiré à 100 000 exemplaires. Il est traduit dans 35 langues. C’est incroyable ! Ce n’est pas mon mérite, c’est le fait qu’il y avait une attente. Tout le monde sait : Ulysse, Œdipe,… Freud quand il crée une psyché nouvelle, il donne des références de l’Antiquité classique. Les gens ont oublié ça, ces noms évoquent quelque chose pour eux mais ils ne savent pas exactement quoi. Ils ont envie qu’on leur raconte.
Emmanuel Laurentin : Cela veut dire que cette demande sociale que l’on accorde aux contemporains, à l’histoire contemporaine - les historiens de l’histoire contemporaine disent : nous répondant à une demande sociale – vous pensez que l’histoire grecque ou l’histoire ou l’histoire médiévale y répondent d’une autre façon ?
Jean-Pierre Vernant : Oui, je pense en effet que cela fait du bien de lire ces textes où la morale est différente, la conception de l’homme est différente. C’est un autre et c’est un autre qui, comme toujours, quand on l’a devant le nez nous renseigne sur nous même, nous fabrique précisément par ce qu’il a de différent et dans sa différence nous même on est en question. Et ça, c’est bon.
Jacques Le Goff : Moi, je ne serais pas aussi pessimiste que vous semblez nous y inviter. Il y a au contraire, je crois, un certain intérêt pour le Moyen-âge. Il est vrai qu’il y a, si j’ose dire, encore un grand travail à faire. Une grande partie de nos contemporains, ce que je trouve tout à fait triste, des personnages cultivés, des gens intelligents, qui continuent à voir le Moyen-âge comme une période obscurantiste…
Emmanuel Laurentin : Et vous aimez parler du beau Moyen-âge…
Jacques Le Goff : Je crois que tout ceci est idiot. Il n’y a pas un Moyen-âge simplement doré ou un Moyen-âge simplement noir, toutes les époques historiques sont mêlées du point de vue des couleurs.
Jean-Pierre Vernant : Bien sûr !
Jacques Le Goff : Je crois qu’aussi bien l’histoire ancienne, en particulier l’histoire grecque, que l’histoire médiévale s’il y a eu, et s’il y a encore à notre époque, un certain efficacement, vont redevenir, disons ce mot, à la mode, qui est un mot qu’il ne faut pas trop mépriser - je me rappelle avoir entendu Roland Barthes, dire comment la mode était quelque chose de positif, d’utile, etc. - ceci en raison des ces rapports qui ne cesseront pas, de très longtemps, entre le présent et le passé. Pour comprendre le présent, on s’apercevra que l’on a au moins autant besoin de connaître la Grèce antique ou le Moyen-âge qu’on a besoin de connaître l’histoire immédiate, et peut-être plus. Vous avez parlé de retours, moi je crois qu’il va y avoir de beaux retours. En particulier, je pense que quand on s’occupera plus sérieusement que ne le font aujourd’hui les hommes politiques de la construction de l’Europe, que je considère comme le grand événement de notre présent, on s’apercevra que l’on ne peut pas construire l’Europe sans penser à ce qu’a été et à ce qu’a apporté la cité antique et le monde médiéval. Par conséquent, je suis assez optimiste. Il va y avoir de beaux retours.
Emmanuel Laurentin : Merci Jacques Le Goff. Merci Jean-Pierre Vernant, de nous avoir accompagné pendant ces cinq jours dans ce dialogue autour de votre discipline commune puisque nous avons quand même pu voir que Jean-Pierre Vernant et Jacques Vernant étaient des historiens, même si, Jean-Pierre Vernant, vous avez commencé ces entretiens en disant : je ne suis peut-être pas un historien, je ne mérite pas ce titre, pourtant tout le monde vous l’accorde. Merci encore à tous les deux.
Les livres et les liens signalés sur le site de l’émission
– Jacques Le Goff, « Un autre Moyen Age », Ed. Gallimard, (1999).
Un autre Moyen-âge c’est un Moyen-âge total qui s’élabore aussi bien à partir des sources littéraires, archéologiques, artistiques, juridiques, qu’avec les seuls documents naguère concédés aux seuls médiévistes.
Comprend : Pour un autre Moyen-âge, L’Occident médiéval et le temps, L’imaginaire médiéval, La naissance du Purgatoire, Les limbes, La bourse et la vie, Le rire dans la société médiévale.
– Jacques Le Goff, « L’imaginaire médiéval », Ed. Gallimard, (1996).
Après avoir défini l’imaginaire et les moyens de son exploration, l’auteur évoque les représentations dont se sont servis les hommes du Moyen-âge pour penser le monde et la société : images de l’espace et du temps, codes symboliques, métaphores littéraires...
– Jean-Claude Bonne, Jacques Le Goff, Éric Palazzo, Marie-Noel Colette, Pierre Vernant, « Le sacre royal à l’époque de Saint-Louis », Ed. Gallimard.
– Jean-Pierre Vernant, « L’Univers, les Dieux, les hommes », Ed. Seuil (1999).
– Jean-Pierre Vernant, « Entre mythe et politique », Ed. Seuil (1996).
– Jean-Pierre Vernant, « Mythe et Religion en Grèce ancienne », Ed. Seuil (1990).
– Jean-Pierre Vernant, « L’individu, la mort, l’amour / Soi-même et l’autre en Grèce ancienne », Ed. Gallimard (1989).
– Jean-Pierre Vernant, « La Mort dans les yeux / Figures de l’autre en Grèce ancienne », Ed. Hachette (1985).
– Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne, « Les ruses de l’intelligence / La métis des Grecs », Ed. Flammarion (1974).
– Jean-Pierre Vernant, « Les origines de la pensée grecque », Ed. Puf, (7ème édition, collection Quadrige, 1990) (1962).
– Bottéo, Jean ; Vernant, Jean-Pierre ; Herrenschmidt, Clarisse, « Orient ancien et nous (L’) : l’écriture, la raison, les dieux », Ed. Albin Michel (1996), repris en Hachette Pluriel en 1998.
– Jacques Le Goff, En coll. avec Nicolas Truong, « Une histoire du corps au Moyen-âge », Ed. Liana Lévi, (septembre 2003).
Présente une étude sur le rapport au corps au Moyen-âge : entre répression et liberté, entre Carême et Carnaval, celui-ci est d’une part méprisé, condamné, humilié, et d’autre part glorifié, par des codes, des gestes, des significations légués à la modernité.
– Jacques Le Goff, « Saint François d’Assise », Ed. Gallimard, (octobre 1999).
Jacques Le Goff confie sa fascination pour saint François d’Assise, personnage historique qui, au cœur du tournant décisif du XIIe au XIIIe siècle, fait bouger la religion, la civilisation et la société. Il publie ici l’ensemble des textes qu’il a consacrés au saint.
– Jacques Le Goff, « À la recherche du Moyen-âge », Ed. Louis Audibert, (2003).
L’auteur a centré son étude sur la figure du marchand, à la fois banquier et intellectuel, pour rendre compte d’une période allant de 476 à 1492. L’historien remet en cause l’idée que le Moyen Age serait une époque barbare et met en évidence sa richesse culturelle, sa complexité et l’empreinte de l’Église chrétienne (avec la collaboration de J.M. de Montrémy)
– Jacques Le Goff, « Marchands et banquiers du Moyen-âge », Ed. Puf, (janvier 2001).
Dans un cadre urbain en rénovation, la chrétienté médiévale est le théâtre d’une révolution dont les animateurs sont les marchands et les banquiers. S’émancipant de la tutelle religieuse, le commerce s’épanouit, le capitalisme apparaît.
– Jacques Le Goff, « Un Moyen Age en images », Ed. Hazan, (octobre 2000).
Fruit de quarante années de fréquentation des images du Moyen Âge, à travers la collection personnelle de l’auteur, cet ouvrage cherche à expliquer et à insérer ces images dans une évocation raisonnée et structurée de la société et de la civilisation de l’Occident médiéval dans son ensemble.
– Jacques Le Goff, « Héros du Moyen-âge, Le roi, le saint, au Moyen-âge », Ed. Gallimard. Coll. Quarto, (janvier 2004).
Présente des textes qui étudient le personnage du roi et du saint en Europe médiévale, à travers les figures du roi Saint Louis et de saint François d’Assise.
– Jacques Le Goff, « Le Dieu du Moyen-âge », Ed. Bayard, (septembre 2003).
De quel Dieu est-il question au Moyen Age ? Que représentent l’Esprit saint et la Vierge Marie pour les médiévaux ? Quel rapport entre Dieu et la société médiévale ? Que croient les hommes du Moyen Age ? Quelle est la place de Dieu et de la théologie dans la culture du Moyen Age ? Telles sont les questions auxquelles s’efforce de répondre l’historien.
(Interview par Jean-Luc Pouthier)
– Philippe Borgeaud et Jean-Pierre Vernant, « L’homme grec », Ed. Seuil, (janvier 2000).
Au-delà d’une galerie de portraits, une analyse des rapports de l’homme grec aux formes de la socialité et aux différentes étapes de sa vie privée que ce soit à la guerre ou dans la cité, à la campagne ou au spectacle ou encore au temple.
– Jean-Pierre Vernant, « L’univers, les dieux, les hommes », Ed. Seuil, Coll. Points essais, (octobre 2006).
Récits grecs des origines : Spécialiste de la mythologie grecque, l’auteur évoque les origines de l’univers, la guerre des dieux et les liens que l’humanité n’a cessé d’entretenir avec le divin. Il nous fait entendre ces vieux mythes toujours vivants et nous permet d’en déchiffrer mieux le sens souvent multiple. C’est à cette rencontre entre le savant et le conteur que ce livre doit son originalité.
– Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, « Oedipe et ses mythes », Ed. Complexe / Historiques (janvier 2006).
Une recherche d’historiens qui tentent par le biais d’une critique des interprétations psychanalytiques, de reconstruire à la fois les circonstances, le milieu social, les cadres de l’expérience et les formes de sentiments individuels auxquels le récit fait référence.
– Jean-Pierre Vernant, « La mort héroïque chez les Grecs », Ed. Plains Feux (mai 2001).
La mort héroïque, donc sans lâcheté, et de préférence jeune est considérée comme un honneur dans la civilisation grecque antique. L’auteur tente de définir et d’expliquer cette notion à travers des personnages de la mythologie, à des étudiants des classes préparatoires scientifiques.
– Jean-Pierre Vernant, « La volonté de comprendre », Ed. de l’Aube, (Novembre 1999).
Quatrième de couverture : Jeune antifasciste des années 30, grand résistant du Sud-ouest, compagnon de la Libération, militant anticolonialiste, philosophe puis helléniste, Jean-Pierre Vernant a consacré sa vie à la mythologie grecque.
Avec son extraordinaire talent de conteur, il retrace ici son parcours tout en montrant « ce que la Grèce nous apprend du monde ».
Et « ce qui nous manque, constate-t-il, ce serait quelqu’un qui ferait un peu ce qu’a fait Marx pour la fin du XIXe siècle -tenter de comprendre les grand traits qui expliquent le mouvement et la crise de notre culture. »
N’est-il pas l’un de ceux qui comblent ce manque ?
– Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, « Mythe et tragédie en Grèce ancienne (vol.1&2) », Ed. La Découverte (février 2005).
Un recueil de sept études qui s’efforcent de soumettre les textes antiques à l’analyse structurale, à une recherche de l’intention littéraire et au démontage sociologique. Cette triple approche est appliquée aux tragédies en ce que chacune a de singulier, considérée comme un phénomène indissolublement social, esthétique et psychologique.
Volume 2 : Élargit la perspective choisie dans le premier volume et centre l’analyse sur les dieux de la tragédie du Ve siècle, et en particulier le dieu du théâtre, le dieu au masque : Dionysos. Au-delà du théâtre classique, les auteurs se demandent pourquoi ce classicisme est devenu le classicisme de l’époque actuelle.
– Le site des éditions la fabrique
Commentaires : Mai 2001.
Cinq personnages d’hier pour aujourd’hui : Bouddha, Abélard, saint François, Michelet, Bloch, par Jacques Le Goff.
Dans une série d’émissions sur France Culture, Jacques Le Goff a présenté cinq personnages qui lui paraissent remarquables, moins par la pérennité de leur enseignement que par le fait qu’ils ont créé du scandale en leur temps. Et il lui semble que ce scandale, ils le provoqueraient encore aujourd’hui.