Un homme meurt et nous savons qu’il est irremplaçable
Nul ne viendra jusqu’à la fin des temps, égal en voix, en gestes, en sourires,
Un homme unique et pourtant pluriel
Car, si chacun de nous conserve quelques moments privilégiés d’intimité, ce sont tous ces instants dans leur multitude qui sont toi.
Impatient pour certains comme quand, à quatre ans, tu rentrais seul au village car tu en avais assez d’attendre que nos parents arrivent une fois encore « en haut de la Kreille »
Et pourtant si persévérant à tant d’autres occasions,
Fougueux quand enfant, tu poursuivais tes sœurs dans la maison et cassais la vitre de ton poing pour retenir le battant de porte qui se refermait sur toi.
Et pourtant si réfléchi à l’âge adulte
Convivial, amical, bon vivant surtout.
Toujours prêt à rire avec tes proches ou tes amis, toujours prêt à mêler ta joie à d’autres joies comme tu mêlais ta voix à celle des choristes du Linot de Papa.
Drôle, pudique quand à l’occasion de tes anniversaires, tu déclarais avec humour et de façon systématique désirer, la paix ! à ceux qui s’interrogeaient sur les vœux que tu avais formulé en soufflant tes bougies.
Fier, fier jusqu’au bout quand tu affrontais ta maladie. Fier surtout de tes filles,… Il fallait te voir ces derniers temps le regard pétillant de bonheur quand elles s’improvisaient manucures ou coiffeuses pour que tu conserves ta superbe…
Qu’ils sont présents tous tes visages et tellement familiers,
Davantage peut-être dès lors qu’ils sont invisibles,
Et sans doute sont-ils plus chauds les feux lointains
Qui nous parviennent du fond de la nuit maintenant que nous pesons le poids de ton absence,
Qui a dit que tu étais mort ?
On a simplement fermé les volets de tes paupières et allumé le cierge pour rassurer ton ombre.
La mort n’est rien
Tu es simplement passé dans la pièce d’à côté.
Je suis moi tu es toi.
Ce que nous étions l’un pour l’autre, nous le sommes toujours.
Et nous tous, ses parents, ses amis, ses proches,
Réunis autour de lui aujourd’hui,
Donnons-lui le nom que nous lui avons toujours donné.
Appelons-le Thierry, gamin, papa, titi, frangin, papou, vieux machin…
Parlons-lui comme nous l’avons toujours fait.
N’employons pas un ton différent.
Ne prenons pas un air solennel ou triste.
Continuons à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Que son nom soit prononcé comme il l’a toujours été, sans emphase d’aucune sorte et sans trace d’ombre.
La vie signifie ce qu’elle a toujours signifié.
Elle reste ce qu’elle a toujours été.
Le fil n’est pas coupé.
Pourquoi serait-il hors de notre pensée simplement parce qu’il est hors de notre vue.
Qui parle d’enterrement ?
Toi qui a fait de la nature ton bureau,
Tu te lègues à la terre pour pouvoir renaître de la vigne que tu aimes tant
Tu nous attends, tu n’es pas loin.
Enfin en paix,
Tu nous regardes de l’autre côté du chemin
Texte d’Olivier P.