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Cité des sciences et de l’industrie sur les ondes de France Culture

Tout arrive !, émission du jeudi 15 juin 2006, en direct de la Cité des sciences, transcrite par Taos Aït Si Slimane

Texte initialement publié sur Tinhinane, le vendredi 30 juin 2006 à 20:45.

Arnaud Laporte : Après Lyon hier, avant Toulouse demain, Tout arrive ! est aujourd’hui en direct depuis la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, en compagnie de Dominique Leglu, une émission préparée par Genévrière Mérique ( ?), l’équipe technique, ici, composée de : Julien Bourdais ( ?), Alain Fauchet ( ?) et Roland Dandaleix. Je salue, aussi, la présence de Gaëlle Michel de la communication de France Culture. Une émission réalisée par Brigitte Alléhaut.

Ainsi, donc, la Cité des Sciences et de l’Industrie a vingt ans, [trois minutes de coupures techniques], la technique, ici, nous trahit ce qui est, tout de même, un comble, Jean-François Hebert ! Je vous présentais à l’instant : Président de la Cité des sciences et de l’industrie, énarque, conseiller maître à la Cour des Comptes, nommé, ici, le 10 octobre 2002, comme président, après un long passage au ministère de la défense, je vous demandais – nous n’étions plus à l’antenne – je vous repose la question : comment aviez-vous vécu cette arrivée, ici, en tant que non scientifique ? Est-ce qu’il y a de plus facile ?

Jean-François Hebert : Facile…, rien n’est jamais facile quand une maison est aussi impressionnante. Et, elle est impressionnante par ses dimensions. Elle est impressionnante par le public qu’elle reçoit. Et, elle est impressionnante par la mission qu’elle porte.

Arnaud Laporte : Alors, je vais demander à Paul Caro à qui je repose la question, - Paul Caro, longue carrière de chercheur ayant débuté au CNRS en 1955 et ayant été, ici même de 1989 à 2000, délégué aux affaires scientifiques de cette Cité des sciences et de l’industrie - j’imagine que vous avez gardé de nombreux contacts, ici, dans cette maison qui vous est très chère, très honnêtement, le plus possible, entre nous l’arrivée d’un énarque, un non scientifique à la tête de cette maison a été vécu comment par cette communauté scientifique très attachée à ses pré carrés comme toute communauté ?

Paul Caro : J’ai connu l’arrivée de plusieurs présidents de la Cité durant ma carrière. Je dois dire qu’ils étaient tous un peu ignorants des choses au départ mais très rapidement ils se sont acclimatés à l’atmosphère de la maison et aux problèmes que pose la science et la technologie à la nation. Il faut dire que si une maison comme ça existe, un monument comme ça existe, c’est parce que, finalement, la science et la technologie et l’industrie ont changé la société depuis déjà au moins deux siècles et que pour traduire cet effet culturel, économique, politique dans la société, l’Etat a éprouvé le besoin d’élever des monuments. Depuis la fin du XVIIIe siècle, d’ailleurs, alors dans toute l’Europe il y a des monuments à la gloire, si l’on peut dire, de la science et de l’industrie. Celles-ci s’exposent à la population comme une espèce de démonstration symbolique du rôle que la science et l’industrie ont eu dans la vie quotidienne des gens, dans la manière dont la vie a été changée. Alors, c’est très important parce que c’est là que l’on peut prendre contact avec ces objets, avec ces théories, avec ces problèmes qui finalement ont changé la vie quotidienne considérablement. Et la Cité, depuis qu’elle est créée, joue son rôle dans cet effort d’explication du monde tel qu’il est, dans ses complexités techniques et scientifiques et dans la culture de la société, finalement.

Arnaud Laporte : Alors, toutes ces thématiques, on va les développer, évidemment avec Jean-Marc Levy-Leblond, Joël de Rosnay, avec Bernadette Bensaude-Vincent qui sont également nos invités. Dominique Leglu, une première intervention ? Une première précision ? Une première question ?

Dominique Leglu : Oui. Paul Caro vient d’employer les termes de maison, de monument, de symbole et, effectivement, ici cela s’appelle la Cité des sciences et de l’industrie. Il y a les deux mots accolés. Et, on ne dit surtout pas, surtout pas musée. Donc, il faut nous ré-expliciter cela. Musée, c’était l’idée de départ et puis finalement c’est Cité. Ça reste vraiment au cœur de la Cité, la Cité des sciences et de l’industrie ?

Jean-François Hebert : En fait, il y a eu de grands débats, ne se serait-ce que pour dénommer cette maison. Maurice Lévy, qui est à l’origine du rapport de 79, qui en a dessiné les contours, hésitait beaucoup sur le terme. En fait on a créé cette maison un peu sur le modèle du centre Pompidou. Ce n’est déjà pas un musée. On ne dit pas le musée Pompidou. On dit centre Pompidou. Ici, on dit Cité parce que ça rend compte de l’extraordinaire diversité des propositions qui sont faites pour accéder à la science. Ce n’est pas un musée. C’est un musée pas comme les autres. C’est aussi un musée quand même mais c’est beaucoup plus qu’un musée.

Arnaud Laporte : Joël de Rosnay, docteur es science, conseiller du président Hebert, vous avez toujours été très proche, très impliqué dans cette maison, le mot a été employé tout à l’heure, vous avez été directeur de la prospective et de l’évaluation, ici même jusqu’en juillet 2002, alors je vais vous demander un exercice extrêmement inhabituel pour vous, c’est de regarder vers le passé. L’idée de cette maison en février 79, vous le disiez à l’instant l’ouverture en 86 puisque nous fêtons ses vingt ans, à ce moment-là c’était sacrement visionnaire d’imaginer une Cité, alors musée à cette époque-là, des sciences et de l’industrie ? ?

Joël de Rosnay : Au départ cela devait être une sorte de vitrine de la technologie française et de l’industrie française vis-à-vis de l’étranger, c’était le projet de Giscard d’Estaing et d’Ornano et, progressivement, c’est devenu, on peut presque dire des futurs à venir. Et, notre mission, notre idée, a toujours été d’aider les gens, nos visiteurs à construire leur futur, à le comprendre plutôt qu’à le subir. C’est vraiment une mission tout à fait fascinante. Et, donc, nous à travers les années, on a à la fois beaucoup appris de nos visiteurs parce qu’on les sonde en permanence, et on a développé de nouvelles façons de communiquer qui utilisent effectivement la transdisciplinarité, le multimédia pour lequel on a été parmi les pionniers, les tous premiers.

Arnaud Laporte : Mais c’était une idée neuve à l’époque de faire ça, de s’adresser à tous les publics, de se tenir au plus près de l’innovation technique, technologique, scientifique et de la communiquer en temps presque réel.

Joël de Rosnay : C’est ça. L’innovation, c’était la pluridisciplinarité et surtout de traiter la complexité. Puisque la complexité c’est la caractéristique du monde dans lequel nous vivons et la complexité on ne peut pas la traiter de manière disciplinaire et analytique traditionnelle comme d’autres l’ont déjà fait avant nous. Donc, on a voulu la traiter avec des thèmes et des thèmes globaux et avec des outils nouveaux de communication pour lesquels on a été vraiment des pionniers.

Dominique Leglu : Joël de Rosnay, vous dites, nous avons beaucoup appris des visiteurs. Qu’est-ce qu’ils vous apprennent les visiteurs ? Et, d’abord vous les sondez comment ? On y arrive, vraiment bien ?

Joël de Rosnay : Si vous voulez, ce qui s’est passé c’est que les visiteurs, je vais prendre un mot peut être schématique, avant, avaient traditionnellement une attitude un peu soumise et culpabilisé face à la science. Ils sont soumis aux grands prêtres de la science, ils écoutent et ils se sentent coupables de ne pas bien comprendre ou de ne pas vouloir comprendre. Et puis progressivement, au cours des vingt, trente dernières années, avec toutes les fameuses histoires des échecs de la science, de Bhopal à Tchernobyl, de Tchernobyl à Seveso, le sang contaminé, la vache folle etc. le public a voulu prendre une attitude plus responsable. Entre la crainte et l’espoir, nous sommes venus lui apporter des raisons, non pas seulement d’espérer mais de comprendre et de se poser les bonnes questions. Et, cette sorte de remise en selle du citoyen visiteur par rapport à ceux qui avaient un peu confisqué le débat scientifique, je m’excuse ce n’est pas du tout une critique, les politiques et l’expert, le médiatique et le juridique d’une certaine manière, nous avons voulu replacer le citoyen, le visiteur, on l’appelle, vous voyez le citoyen parce qu’il vient à la Cité évidemment, au cœur de la grande discussion, des grands sujets, des grands thèmes scientifiques d’aujourd’hui.

Arnaud Laporte : Jean-Marc Levy-Leblond, j’en viens à vous. Une précision, Jean-François Hebert, avant ça.

Jean-François Hebert : Oui, juste pour corroborer ce que dit Joël, en plus dans cette maison, il y a une caractéristique qui est de placer le visiteur en position d’acteur. On n’est pas du tout dans un musée classique. C’est pour ça que le qualificatif ne s’applique pas. On est ici dans une position d’acteur. C’est-à-dire que l’on fait appel aux cinq sens des visiteurs, à leur intelligence. Ils vont manipuler, expérimenter, et on ne sort pas de cette maison de la même manière de ce qu’on trouve dans d’autres musées.

Arnaud Laporte : Alors je continue ce tour de table avec Jean-Marc Levy-Leblond, professeur à l’université de Nice, département physique et philosophie, directeur des collections sciences ouvertes, Point sciences au Seuil. On reviendra, sans doute, dans la deuxième partie de l’émission sur ce que vous entendez par « mettre la science en culture », la façon dont vous pensez que la culture peut être, doit être mise en culture, je reprends votre expression, mais pour rester sur cet outil dans lequel nous sommes aujourd’hui, outil de communication, de diffusion. Quelle place, selon vous, a-t-il prise ? Quel rôle joue-t-il dans l’évolution du rapport du public aux sciences, depuis vingt ans ?

Jean-Marc Lévy-Leblond : Une très grande place et, si je voulais être un peu provocateur, je dirais peut-être une trop grande place, en tout cas de façon relative. Moi, je viens de province, comme vous l’avez dit et, je ne peux pas m’empêcher de penser quand j’arrive à la Cité et que je vois l’ampleur de cette maison et la qualité de ce qui s’y fait de trouver que nous sommes assez mal lotis en dehors de Paris et que le budget de la Cité, c’est bien connu, est de vingt fois supérieur à l’ensemble de ce que l’État dépense ailleurs qu’à Paris. Et, donc, on se trouve dans une situation qui est un peu désagréable pour quiconque n’habite pas à Paris qui est un peu celle où vous auriez une flotte aérienne qui comporterait, mettons, un Concorde, trois ou quatre moyens courriers, je ne sais pas si c’est au Muséum ou au Palais de la découverte, et puis une trentaine de petits coucous amateurs, de sorte qu’il y a un problème qui est posé, d’ailleurs depuis très longtemps, qui est celui de la place de la Cité dans un réseau national, plus efficace et plus convaincant. Et, je crois, ça n’est pas du tout de la faute des dirigeants ou des acteurs de la Cité. Ce problème mal résolu se pose à une autre échelle. Le problème c’est que vous faites difficilement, pour changer un peu la métaphore, coopérer une équipe de formule1 et un club de vélocipédistes et qu’il y a là un problème politique ouvert depuis plusieurs années, donc, j’aimerais bien le voir pris à bras le corps enfin.

Dominique Leglu : Ça veut dire, Jean-François Hebert, que vous êtes toujours considéré comme un dangereux impérialiste quand vous vous promenez dans les provinces françaises ? On vous dit, qu’est-ce que la Cité va nous imposer, quelle exposition vont-ils nous envoyer ? Quel nouveau DVD ? …

Arnaud Laporte : Ce n’est pas ce que Jean-Marc Lévy-Leblond voulait dire. Il va corriger lui-même avant la réponse de Jean-François Hebert.

Jean-Marc Lévy-Leblond : C’est pas du tout impérialiste, c’était plutôt, au contraire, que la Cité en tant que telle, et ce n’est encore une fois pas de son fait,

Arnaud Laporte : Tant mieux pour elle mais dommage pour les autres.

Jean-Marc Lévy-Leblond : ne peut pas grand-chose pour

Arnaud Laporte : Les autres.

Jean-Marc Lévy-Leblond : pour nous, pour Nice.

Jean-François Hebert : Je voudrais, quand même, ajouter quelque chose. Je partage évidemment le constat qui est fait mais il y a des choses qui évoluent. D’abord, il y a des centres en région qui sont assez dynamiques. On en voit émerger, on voit les collectivités locales prendre le sujet à bras le corps ce qui rend plutôt optimiste. Il y a des régions où l’on se rend compte que la culture scientifique et technique est importante et on voit donc apparaître une nouvelle génération de centres de science. La deuxième chose que je voudrais dire c’est qu’ici on essaye de faire des efforts pour aller à la rencontre des régions et coopérer avec elles, pas dans un sens descendant mais pour trouver ces voies de coopération. Ce n’est pas toujours facile compte tenu des disproportions. On a ici, par exemple une exposition sur l’eau, « L’Eau pour tous », qui a été faite avec le Pont du Gard, avec Rennes, l’espace des sciences de Rennes, avec le Musée des confluences de Lyon et avec la Mairie de Marseille. Vous voyez, un exemple, cinq partenaires pour un projet et c’est « L’eau pour tous ».

Joël de Rosnay : Oui, j’ajouterais à ça que les moyens de technologies modernes nous permettent aussi de collaborer et de diffuser en région. Par exemple, notre salle science actualité produit des DVD de ses expositions qui peuvent être réutilisées ensuite sous forme de panneaux et d’interviews en région et n’oublions pas l’Internet, nous avons notre site Internet, cite-sciences.fr, qui accueille 6,5 millions de visiteurs par an et qui permet des coopérations aussi au niveau des régions et qui permettent aussi de s’étendre.

Dominique Leglu : La question que je me pose, est-ce que les choses sont facilement transférables depuis la Cité, qui est à Paris en Ile de France, ou faut-il adapter ? Faut-il en quelque sorte régionaliser, par exemple, la présentation des expositions ? Est-ce qu’il y a une demande locale différente ou est-ce que la science c’est la même chose partout, la technique aussi ? Comment fait-on ?

Arnaud Laporte : Êtes-vous, d’ailleurs, ceux qui ont la réponse à ça et qui doivent s’intéresser à ça ? Ce que dit Jean-Marc Lévy-Leblond ça se pose à un autre niveau.

Paul Caro : Moi, je crois que la création d’un monument local, c’est-à-dire un musée ou un centre, dépend de l’énergie des autorités locales en particulier des politiciens locaux. Parce que je crois ça c’est le facteur fondamental dans la création d’un centre. Je vais vous donner un exemple. C’est le cas de la Bretagne et de Rennes, Rennes a un espace des sciences qui a été créé dans la ville qui est un endroit assez spectaculaire et qui non seulement est un lieu où l’échange comme ici de la culture scientifique par différents moyens : exposition, conférence etc., mais qui, également, est capable de fabriquer des expositions et de les exporter à Paris. Exemple de l’exposition « Gorilles », qui n’est pas ici mais au Palais de la découverte, qui vient de Rennes. Ici même il y a eu des expositions qui venaient de ce centre-là et sans doute d’autres. Donc, je crois que le point fondamental ce n’est pas tellement la domination parisienne c’est plutôt la volonté locale de faire quelque chose en faveur de la science et de l’industrie qui varie énormément avec les régions. Comme on le sait avec beaucoup d’activités de base de la culture scientifique, l’un des objectifs de la Cité c’est peut-être, justement, d’une manière très générale, de développer le goût de la culture scientifique et techniques et surtout de développer chez les autorités locales la volonté d’une action en faveur de la science et de la technique. Ce qui n’est pas forcément très évident.

Arnaud Laporte : Alors, ça commence très jeune, on entend les enfants derrière, on en parlera de la futur Cité des enfants dans la deuxième partie de Tout arrive !. Bernadette Bensaude-Vincent, vous êtes professeur d’histoire et de philosophie d’histoire des sciences à l’université Paris X Nanterre, vous avez publié, vous aussi, de nombreux livres sur lesquels nous reviendrons sans doute dans la deuxième partie de l’émission, pour rester sur notre question, vous avez travaillé dans le cadre du centre de recherche en histoire des sciences et technologies sur l’histoire de la vulgarisation des sciences, sur ce sujet-là, sur la place de cette Cité, sur le déséquilibre que pointait Jean-Marc Lévy-Leblond, quelle est votre opinion ?

Bernadette Bensaude-Vincent : Je pense qu’une des originalités de la Cité ce n’est pas simplement ce lieu où se promènent des enfants de quatre à cinq ans, mais c’est aussi un lieu de recherche, et une des grandes réussites de la Cité c’est d’avoir dans le sous-sol, une médiathèque, très précieuse, d’histoire des sciences, et d’avoir mis en place un centre de recherche dès la création, et j’ai participé moi-même à la mission du musée, comme ça s’appelait autrefois, où nous avons eu la chance de travailler [coupure] une vitrine [coupure] comme il y avait déjà des remous [coupure] des missions de la vulgarisation, notamment mon voisin de gauche,...

Arnaud Laporte : Jean-Marc Lévy-Leblond.

Bernadette Bensaude-Vincent : Jean-Marc Lévy-Leblond qui avait déjà lancé ce programme de culture scientifique et technique d’autocritique de la science, les responsables de la [coupure] un peu de culture dans la science high-tech du musée. Inutile de vous dire que la mission a été très, très difficile parce que deux philosophes au milieu d’une armée de gens convaincus que la science c’était parfait on avait beau être solides, Isabelle Stringers et moi, on n’a pas fait grand-chose. Je peux vous dire qu’il y a dans les archives de cette maison, des dizaines et des dizaines de projets d’expositions qui n’ont jamais été réalisées et qu’on sortira peut être un jour des archives mais qui auront valeur historique, je pense, plutôt que de valeur de pédagogie.

Arnaud Laporte : Si elles n’ont pas été réalisées, pourquoi ?

Bernadette Bensaude-Vincent : Elles n’ont pas été réalisées parce qu’à l’époque on rêvait beaucoup, on pensait qu’on aurait tout l’argent que l’on voulait. On nous entretenait dans le mythe qu’on était les enfants chéris du régime et que tout était permis. Tout n’était pas permis, je peux vous l’assurer. On a eu beaucoup de censure, je peux en témoigner et ce qui est intéressant, néanmoins, c’est qu’on nous a tout de suite invités à réfléchir sur l’action qu’on était en train de faire, de vulgarisation. Et, un des axes du centre de recherche a été de réfléchir sur la vulgarisation et sur l’histoire de la vulgarisation et de la muséologie.

Arnaud Laporte : Avant une réaction de Paul Caro, vous parliez de censure, ça concernait quoi, ces censures là ? Vous en avez trop dit ou pas assez mais…

Bernadette Bensaude-Vincent : C’est une censure implicite. Je veux dire que dans la dynamique de création, je vous donne un exemple. Nous avons réalisé, avec Françoise Balibar et d’autres, un petit film sur l’histoire de l’atome. C’est un petit film, qui dort quelque part dans les archives, qui est très intéressant. On a représenté, comment, à chaque époque, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’atome avait été un enjeu de débat impliquant la religion, la philosophie, la société etc. mais, je ne dis pas qu’on a été censuré de dehors, on s’est autocensuré, on a arrêté dans la mécanique quantique dans un débat qui a eu lieu entre Einstein et Bohr en 1927 et il ne nous venait pas, en 1986, à l’idée, l’année de Tchernobyl, de parler du nucléaire et de l’acceptation sociale du nucléaire.

Arnaud Laporte : Deux réactions, Paul Caro et ensuite Jean-François Hebert.

Paul Caro : Je vais dire que le problème technique de faire des expositions scientifiques est assez complexe. J’ai observé plusieurs fois, effectivement, qu’il y avait beaucoup de projets et finalement peu de réalisations. Pourquoi ? Parce que c’est difficile de mettre la science en exposition. Il y a aussi des problèmes idéologiques, comme suggérait Bernadette, mais c’est techniquement difficile. Par exemple exprimer la mécanique quantique par une exposition ça n’est pas du tout évident et les créatifs de cette Cité ont quand même une résistance vis-à-vis de ça. Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Il s’est passé que la partie scientifique des expositions a plus ou moins été, disons, simplifiée. Mais que, par contre, il y a eu un développement considérable, et tout à l’honneur de la Cité, du côté des applications, l’explication à quoi servaient les machines et la présentation de l’industrie. Je crois que quelques-unes des meilleures expositions que la Cité a faites sont des expositions qui ont un côté pratique, appliqué et industriel mais rarement il y a eu des succès considérables dans le domaine du fondamental. Parce que techniquement c’est un problème qui n’est pas résolu. Bon il y a quelques essais, notamment à l’étranger qui ont été faits, etc. C’est difficile. En plus, ce n’est pas forcément la mission de la Cité, en face du Palais de la découverte qui est plus pédagogique mais, je crois, naturellement, quand on parle de science sous son aspect industriel on tombe effectivement dans des problèmes de responsabilités du système scientifique et industriel vis-à-vis de problèmes de société qui sont importants.

Jean-François Hebert : Je suis très content que l’on ait rappelé les débuts de la Cité et les difficultés à faire des expositions parce que ça nous permet de mesurer que les choses ont vraiment, profondément, changé. On parlait de vitrine au moment où l’on a conçu la Cité, c’est-à-dire dans les années 70, aujourd’hui, on n’est plus du tout une vitrine. En tout cas, on ne se vit pas comme une vitrine. On se vit comme un lieu de débat, pas seulement ça, mais un lieu de débat. On s’inscrit dans le débat public. Deux exemples, on a fait dans cette maison, une exposition sur le cannabis, on a bien pris le soin d’expliquer que c’était le cannabis sous l’œil des scientifiques. On a quand même fait une exposition sur le cannabis dans un pays où le cannabis est illégal ! et on a travaillé avec les meilleurs spécialistes pour expliquer les effets du cannabis. Dire que ce n’était ni effrayant ni, non plus, bénin. Et, ça, c’était très important. Autre exemple, Puisqu’on parlait du nucléaire, de l’atome, on a participé, l’année dernière au débat public sur la gestion des déchets nucléaires. Et, on a fait une exposition d’actualité en travaillant d’un côté avec Areva, EDF, etc. Greenpeace. C’est des choses qui ont radicalement changé je crois.

Joël de Rosnay : Tout à fait d’accord avec Paul Caro sur la nécessité absolue, dans notre mission, de parler de l’abstrait, de parler de la science fondamentale, mais les sondages dont je parlais tout à l’heure montrent que le public a évolué. Et quand les grands sujets étaient à l’époque de Camille Flammarion sans doute l’astrophysique, l’astronomie, la physique, les mathématiques, voire la chimie, maintenant les gens nous disent on veut en savoir plus sur les sciences du vivant, sur l’environnement, sur les hautes technologies, sur les réseaux, sur l’Internet, sur la téléphonie… et effectivement, je ne veux pas dire une dérive, mais une tendance à parler de ce qui vit dans la vie pratique des gens. Mais, il ne faut pas que cela soit au détriment des grands principes fondamentaux et on s’attache à essayer de faire, toujours, les deux.

Jean-Marc Lévy-Leblond : Je crois que la question qui est posée doit être encore approfondie parce que quand on dit Cité des sciences et de l’Industrie c’est le « et » qui, évidemment, pose problème, comme toute copule qui réunit des termes hétérogènes. Il me semble que nous, là je parle collectivement pour tous ceux qui s’occupent de ces questions là, nous ne sommes pas encore sortis du dilemme qui est le suivant : nous avons longtemps pensé, c’était d’ailleurs le cas au XIXe siècle, que la science avait des applications techniques, puis industrielles puis sociales mais qu’elle avait une autonomie au niveau du fondamental. Il n’en va plus de même. Une mutation considérable qui s’est effectuée à partir de la moitié du XXe siècle, en particulier à partir du nucléaire et Hiroshima qui ont été tout à fait symboliques, qui a fait que, de plus en plus, l’efficacité même de la science et la façon dont elle fécondait la technique et l’industrie, a fait qu’il y a eu un renversement entre l’aval et l’amont et qu’aujourd’hui nous sommes dans le royaume de la techno science, c’est-à-dire de la science qui est pour l’essentiel commandée par l’aval. On pourrait prendre une bonne partie de la biologie et voir que c’est les industries pharmaceutiques qui jouent un rôle dominant ou même le spatial ou il est tout à fait clair que ce qu’il peut y avoir de fondamental dans la recherche en astrophysique lointaine n’existerait même pas s’il n’y avait pas des satellites de télécommunication ou des satellites militaires. Et, donc, le fait que l’industrie soit maintenant à la source de la science et non pas à son débouché, à mon avis, nous pose des problèmes redoutables quant à l’explicitation de cet état de fait. Et, je crois que nous avons encore beaucoup à travailler pour nous expliquer là-dessus et faire de cette Cité un endroit où véritablement ce sont les citoyens qui auront à en débattre. Parce que une chose est de faire des expositions, qui expliquent les thèmes, une autre chose est de participer au débat citoyen et à l’organisation de la discussion en général, ce qui n’est pas la même chose.

Arnaud Laporte : La discussion générale, va se poursuivre, ici, dans une vingtaine de minutes. Effectivement, ils nous en reste des choses à dire, à évoquer et puis dans cette Cité qui a entamé sa rénovation, programmée sur dix années, alors on va parler cette fois, Joël de Rosnay, de prospective, vous revenez maintenant dans votre champ le plus naturel, mais nous allons auparavant revenir du côté de la maison de Radio France, à Paris, de l’autre côté de cette ville, pour retrouver Antoine Mercier qui va nous présenter le journal complet de la rédaction.

[Journal] … suite. Tout arrive !, reprend un petit peu en retard alors que nous avons déjà beaucoup de choses à dire après cet incident d’antenne en début de « Tout arrive » [hommage à Raymond Devos]. Il est temps, maintenant à 12h 59mn et 40 secondes de revenir, soyons précis, à la Cité des sciences et de l’industrie, où nous sommes en direct, aujourd’hui, retrouvons nos invités pour parler à la fois, mais surtout dans cette deuxième partie de l’avenir de cette Cité des sciences et de l’industrie qui fête ses vingt ans avec ce grand colloque qui a commencé ce matin et qui se poursuit jusqu’à samedi avec un certain nombre d’émissions de France Culture qui sont enregistrées aujourd’hui, en direct comme nous, mais enregistrées, je l’ai dit tout à l’heure mais c’était pendant la coupure de notre antenne, Stéphane Deligeorges sera là dans un instant, à partir de 14h, pour enregistrer le prochain numéro de « Continent science » qui sera diffusé mardi et puis Julie Clarini lui succédera à 15h pour un numéro de « Science Culture » diffusé à l’horaire habituel à 19h 30. Voila.

Jean-François Hebert, président de la Cité des Sciences et de l’Industrie, qui a entamé cette rénovation programmée sur dix années à cause du choix fait de rester ouvert au public pendant les travaux au-delà du vieillissement des bâtiments et des matériels, cette rénovation aussi permet d’une certaine façon de repenser cette Cité des sciences et de l’industrie et c’est vrai que le début de votre présidence a été marquée par une volonté qui s’est traduite par un succès, d’augmenter la fréquentation de ce lieu, et on parlait et on va continuer à le faire de : comment exposer la science ? Que faut-il montrer ? Quel savoir diffuser aujourd’hui ? Alors cette hausse de fréquentation qui se chiffre par un record historique en 2005, presque 3 millions 200 mille visiteurs, c’est-à-dire dix mille par jour en moyenne, ce sont des chiffres absolument ahurissants. Alors, ils ne vont pas, vous savez comment est ce monde, sans critique, parce qu’on dit oui, alors on fait des expos Star Wars, on donne la clef aux Américains de notre Cité des Sciences et c’est pour ça que ça fait du monde. Alors vous levez les sourcils évidemment, Jean-François Hebert, c’est normal, mais vous pouvez répondre à ces critiques.

Jean-François Hebert : Oui, alors, évidemment ne serait-ce que sur « Star Wars », en fait on n’a pas donné la clef aux Américains, loin de là, on a loué un certain nombre d’objets aux Américains, 150 pour être précis et on a fait l’exposition. Le produit qui est ici présenté est un produit, alors je devrais dire « home made » pour vous choquer… mais « fait chez nous », c’est la Cité des Sciences qui a réalisé cette exposition et qui a un très grand succès puisqu’elle a passé le cap de son 500.000e visiteur et elle est présentée jusqu’au mois d’août.

Arnaud Laporte : C’est vertigineux, ces chiffres.

Jean-François Hebert : C’est important et ça nous fait plaisir. Mais, alors, un autre élément très fort : si le public vient pour voir « Star Wars », nous savons qu’il vient voir en même temps toute une série de choses, voir un film à la Géode, écouter une conférence puisque la statistique que nous avons – et Joël de Rosnay rappelait tout à l’heure que nous observons nos visiteurs depuis vingt ans – nous savons que 60% de nos visiteurs « Star Wars » pendant une heure, une heure et demie, vous avez encore trois heures pour faire le tour de la Cité et il y a beaucoup de choses à voir.

Dominique Leglu : Oui, le jour où disparaît Raymond Devos, je me pose la question de savoir quelle place l’humour peut avoir dans la science. Or vous avez fait venir, aussi, une exposition qui était un peu la science impertinente du corps, plutôt dirigée vers les enfants, encore que… et ça marche…

Arnaud Laporte : Crado !

Jean-François Hebert  : Crad’expo.

Arnaud Laporte : Crad’expo, pardon.

Jean-François Hebert : Crad’expo. Alors là, c’est une exposition invitée, qui venait des Etats-Unis et du Canada et c’est vrai qu’on a eu du culot, il faut le dire, on a pris des risques. Le risque, c’était de briser un tabou. Dans notre pays, pays latin, on ne parle pas des fonctions impolies du corps humain. Les gargouillis, toutes ces choses qui font notre quotidien depuis tout petit jusqu’à notre mort et on n’en parle pas. En tout cas on s’y intéresse beaucoup quand les enfants sont petits et puis quand ils deviennent propres… finalement on ne parle plus du tout de ces sujets. Eh bien on a décidé d’utiliser cette exposition qui fonctionnait bien dans d’autres pays, pour la traduire et l’adapter au public français et ça a été un très grand succès. Ce qui montre que quand on ose des choses, à condition de s’entourer de toutes les garanties nécessaires, on peut finalement attirer le public.

Arnaud Laporte : Joël de Rosnay, cet apport comme ça, ces effets d’attraction vers le public, on les attrape peut être avec une exposition, alors grand public, alors ils restent là ? Comment on les fait rester ? Qu’est-ce qui les fait rester ? Comment on peut imaginer des choses qui aujourd’hui correspondant aux attentes du public que vous sondez régulièrement ?

Joël de Rosnay : Sur l’originalité et l’humour, j’ajouterais aussi le « Marsupilami », une exposition qui a eu, quand même, beaucoup de succès et puis, prochainement, ce samedi, nous allons faire un spectacle tout à fait étonnant, qui est fait par des philosophes – Michel Serres -, des scientifiques comme Jean-Claude Ameisen ou Pascal Picq, qui va mettre en scène, sur la grande scène de l’auditorium de la Cité des sciences, à la fois des images, des images de synthèse, de la musique, de la danse, des raconteurs. Ça, il faut dire, c’est l’innovation. Alors, comment faire pour maintenir nos publics en quelque sorte en haleine, les faire rester intéressés, c’est que on utilise, je vais dire un mot peut être un peu technique, une approche multidimensionnelle qui permet, à la fois, de voir une exposition mais aussi d’aller à la médiathèque pour en savoir plus, de s’engager dans des débats et des discussions, et c’est pourquoi nous avons toujours cherché à la Cité d’avoir cette approche qui nous permet de déboucher sur des nouvelles, puisque vous parliez de prospectives, de nouveaux espaces pour nos publics, par exemple ce que l’on appelle la « Galerie des innovations ». Alors, cette galerie des innovations c’est justement quoi ? C’est de permettre à des industriels de montrer des objets du quotidien, comme le téléphone du futur ou peut être la voiture à hydrogène, et en tout cas, aujourd’hui la biométrie qui permet de mesurer sur le corps non plus simplement l’empreinte digitale mais l’iris, le visage, etc. et de montrer des sujets qui concernent les gens non seulement sur le plan technique, la sécurité, la biométrie, mais aussi sur un plan personnel avec les risques d‘atteintes à la vie privée, avec des risques éthiques, on pourrait dire on a beaucoup parlé de la bioéthique, là des risques, infos éthiques, et donc, si vous voulez, c’est notre approche multidimensionnelle, multimédia, au sens le plus élevé du terme, parce que le multimédia pour nous ce n’est plus seulement de rajouter des images et de la photo et des vidéodisques, c’est aussi de permettre aux gens d’accéder à des sites web, de discuter entre eux. Alors, je termine sur ce point, la haute technologie, c’est important mais il n’y a pas que ça. L’important c’est la relation humaine. C’est le lien. C’est l’émotion. C’est l’expression des gens. C’est la chaleur de la rencontre avec des animateurs. Et, ça, on est en train de développer des systèmes de parcours, des systèmes d’animations, des systèmes de guidage qui vont permettre aux gens de se retrouver, de créer, en quelque sorte une exploration de groupe plutôt que des visites isolées. Ça c’est de la prospective.

Arnaud Laporte : Paul Caro, chercheur, ancien délégué aux affaires scientifiques à la Cité des sciences.

Paul Caro : Je crois qu’à la naissance de la Cité, à la première constitution d’exposition à la Cité, elle a été dominée par une idéologie, pour la fabrication de l’exposition, qui était celle qui venait d’être inventée au Centre Pompidou, à l’occasion de cette grande exposition qu’on appelle les « Immatériaux » qui a été faite par Jean-François Lyotard et qui était quand même l’un des papes du Post-modernisme et qui a voulu créer, finalement, des expositions post-modernes. Ça voulait dire quoi ? Ça voulait dire qu’autour d’un thème, on juxtaposait des éléments d’expositions sans trop d’explication et c’était un peu au visiteur de se composer son exposition à partir de ce qu’il voyait, aucun parcours n’était imposé et le visiteur, Jean-François Lyotard était quand même un professeur, il voulait que le visiteur apprenne, qu’il apprenne en contemplant les choses, en faisant lui-même la liaison entre les éléments et en créant son propre parcours à travers les éléments de l’exposition. C’est tout à fait le cas des « Immatériaux » qui avaient beaucoup dérouté à l’époque et finalement les premières expositions de la Cité et surtout Explora, les expositions permanentes ont été conçues comme cela. Il y avait des éléments qui étaient juxtaposés mais il n’y avait pas « voyez ça d’abord », « voyez ça ensuite », etc. Il n’y avait pas 1, 2, 3, 4, 5. Il n’y avait pas salle1, salle2, salle3. et, donc, le visiteur était, ma foi, un peu perdu et en même temps c’est vrai qu’il pouvait faire des découvertes extrêmement enrichissantes et inattendues que les concepteurs n’avaient pas forcément imaginées. Alors, qu’est-ce qui plaît dans les expositions d’aujourd’hui ? C’est évidemment le récit. Quand on met la science en récit, ça se fait couramment à la télévision, etc. ça marche beaucoup mieux parce que les gens écoutent une histoire et au cours de l’histoire, en écoutant les histoires ils apprennent des choses et puis ils sont un peu – parce que la science est quand même complexe et foisonnante – ils sont un peu guidés, on les prend un peu par la main et on leur dit : « Il faut comprendre ça, comprendre ça, comprendre ça… » et je crois qu’aujourd’hui, c’est devenu un peu nécessaire d’avoir un changement de style, au moins d’essayer ça, c’est un peu l’intention du président de la Cité de tenter cette opération des domaines peut être classiques mais où le visiteur sera un peu guidé à travers les représentations contemporaines de la science. Je crois que c’est très important d’essayer cette structure aujourd’hui.

Dominique Leglu : Là, vous parlez de la forme. Mais est-ce que vos visiteurs ou est-ce que vous sentez chez vos visiteurs la demande de certains domaines ? Est-ce qu’ils vous disent je veux comprendre enfin ce que c’est les nanotechnologies ?

Arnaud Laporte : Ah ! vous êtes là déjà ?

Dominique Leglu  : Les biotechnologies ? Est-ce qu’eux veulent du contenu très précis ou est-ce qu’ils ne sont pas capables de le formuler et vous êtes obligés de les amener à ces sujets là ?

Arnaud Laporte : Alors, Joël de Rosnay qui doit, en tant que conseiller du président, conseiller le président sur la nature même des expositions ?

Joël de Rosnay : Avant cela j’ai dirigé l’équipe qui faisait les évaluations.

Arnaud Laporte : Bien sûr !

Joël de Rosnay : Les évaluations à la Cité des sciences, donc, on a un livre, assez remarquable, qui a été fait par Aymard de Mengin et toute son équipe, qui nous montre effectivement que le public oscille, je dirais, entre deux grandes attitudes en schématisant. Il y a la volonté d’exploration. Je ne sais pas ce que je vais voir, je vais découvrir, la Cité des sciences est un nouveau terrain d’inconnues, terra incognita, on va me dire des choses et au détour d’une expo je vais peut-être tomber sur un sujet que je vais continuer à lire à la médiathèque ou à voir en film. Et puis, il y a des gens qui viennent non pas avec des idées très précises, Dominique, hein, qui viennent avec des domaines, des gens qui viennent voir « la biologie à la Cité des sciences », il y a des gens qui viennent voir l’environnement, les gens qui viennent voir les réseaux et les technologies de communication, et, ces gens-là, de plus en plus, comme je le disais tout à l’heure, nous demandent ce genre de science de la complexité, si vous voulez, biologie, environnement, écologie, problème de médecine, problème du corps, par rapport aux grandes idées traditionnelles, la physique, l’astrophysique, etc. Et, ça, c’est vraiment une demande qu’on mesure tout à fait dans nos sondages.

Arnaud Laporte : Avant de revenir, sans doute et aux nanotechnologies et à ces questions qu’est-ce qu’on va montrer demain, justement on va y venir, je voulais quand même interroger Jean-Marc Lévy-Leblond et revenir sur cette idée de mise en culture de la science, en rappelant que vous êtes physicien, spécialiste de l’histoire et de la philosophie des sciences, concerné par la question de la vulgarisation des sciences puisque vous dirigez notamment les collections, « Science ouverte » et « Points Sciences » au Seuil, Dominique Leglu me disait que vous étiez le premier à publier Hubert Reeves, à l’époque où personne n’en voulait parmi les éditeurs parisiens donc c’est dire à la fois votre sens aigu de ce qui peut être communiqué, diffusé, enseigné, la question de l’équilibre est quand même extrêmement complexe entre vulgarisation et communication, on est quand même aujourd’hui à un moment un peu particulier ou les sponsors sont très présents, ici comme dans d’autres domaines, je pense à une exposition au Palais de Tokyo faite par des gens qui sont dans la cosmétique, une exposition sur la peau au Palais de Tokyo c’est un peu compliqué, on pourrait parler de pétrole avec une compagnie pétrolière, bon. Jean-Marc Lévy-Leblond, ces questions-là.

Jean-Marc Lévy-Leblond : Je dois dire que, il me semble que ce qu’il y a de plus important, aujourd’hui, si l’on revient à cette belle idée de Cité et donc de citoyen, c’est de parler des contenus de la science mais avant et peut être pour pouvoir en parler de sa nature. Il me semble que la plus grande difficulté aujourd’hui pour l’ensemble de nos concitoyens et pour les scientifiques eux-mêmes d’ailleurs c’est de comprendre ce qu’est la science et comment elle a profondément changé au cours des dernières décennies. Nous ne sommes plus au temps du savant isolé fin XIXe et même début XXe, nous avons de grandes équipes, une organisation quasiment industrielle, comme je le rappelais tout à l’heure, et donc il y a cette nécessité de donner des représentations non seulement je le répète des contenus, de ce que découvre la science mais aussi de sa façon d’être disons de son activité même. Il me semble que de ce point de vu là nous avons absolument besoin de toutes les ressources de la culture, de ce qui existe déjà comme culture, qui est reconnu comme tel, c’est-à-dire le théâtre, le cinéma, la littérature et les arts plastiques. Je voudrais rappeler à cet égard, parce que je parle des arts plastiques, qu’il y a eu en ces lieux, voici, quelques années, il y a eu une mission, je ne sais plus quel était son nom exact, mais qui s’occupait très précisément du rapport entre science et art plastique, elle était dirigée par Claude Fort et travaillait avec un groupe qui comportait de nombreux artistes aussi connus que Piotr Kowalski, par exemple, qui s’appelait « Art Teknika ». Je regrette, pour ma part, que cette dimension ait sinon disparue du moins ne fasse plus partie véritablement du projet, de la perspective de la Cité, et, je demande, voilà, je demande au président de réactiver cette dimension-là. Et, je crois, aujourd’hui, ce qui se passe peut-être, à mon avis, de plus novateur, de plus intéressant, dans ce domaine-là, c’est précisément, dans des domaines de la culture qui s’occupent de science, je pense au théâtre, par exemple, depuis les grandes mises en scène mettons de la vie de Galilée de Brecht à la Comédie française jusqu’à de multiples petites troupes de théâtre qui se retrouvent maintenant dans un festival de théâtre et de sciences à Saint-Étienne, il y a une activité vibrionnante et multiple dans ce domaine-là. Et puis, le cinéma, alors « StarWars », d’accord, très bien, mais depuis très longtemps le cinéma qui est par essence une industrie technique s’occupe de la technique et de la science, depuis, je ne sais pas, « Futuropolis » de Fritz Lang jusqu’à « Alpha ville » de Godard, pourquoi ne ferait-on pas d’ailleurs ici à la Cité un cinéclub qui mettrait en œuvre très spécifiquement et en situation les rapports entre science et cinéma ? Et je terminerais sur un mot, puisque vous parliez de Raymond Devos, pour lui rendre hommage, et rappeler que lui-même a parlé de science. Il y a un sketch absolument merveilleux de Raymond Devos, qui s’appelle, je ne me souviens plus très bien, mais je crois « un atome rieur » où il observe un atome en train de rire. Pour ceux que cela intéresse ce sketch a été reproduit dans un numéro spécial de la revue Alliage, dont je m’occupe, qui a été un numéro dédié à la science et au rire, précisément,

Arnaud Laporte : Pour répondre, aussi, à la question de Dominique, alors Jean-François Hebert, ces suggestions, commentaires de Jean-Marc Lévy-Leblond.

Jean-François Hébert : Je commencerai par la fin. Je conçois que la Cité soit si riche que Jean-Marc Lévy-Leblond n’en connaisse pas toute la diversité mais, simplement, sur le cinéma, on a eu en accompagnement de « StarWras », parce qu’on ne fait jamais une exposition toute seule, il y a, toujours, tout un appareil de manifestations autour. On a fait un cycle de ciné-club autour de science-fiction, on en a fait un, récemment, qui a eu pas mal de succès autour de médecine et cinéma. Beaucoup de médecins ont découvert la Cité des sciences à l’occasion de ce cycle de film « Médecine et Cinéma ». Donc, on essaye d’utiliser ce media qu’est le cinéma pour justement arriver à la science, toujours cette idée de chemins qui conduisent à la science. D’autres exemples, on rappelait que pour clôturer ce colloque, on aurait, autour des conversations sur le temps, une sorte de spectacle avec des scientifiques qui vont s’essayer au théâtre. La semaine prochaine, on a deux représentations d’une compagnie Hallet Eghayan qui vient de Lyon, avec Pascal Picq, qui vont, c’est une conférence dansée, nous expliquer l’évolution des singes à l’homme, l’évolution de l’espace humaine en réalité. Donc, on utilisera la danse. Le théâtre, la danse, le cinéma, et on vient de créer tout récemment, je crois que cela fera plaisir à Jean-Marc Lévy-Leblond, un comité artistique pour accompagner la Cité, justement, les grandes tendances qui vont nous permettre d’utiliser l’art pour arriver à la science ou la science pour aller à l’art c’est aussi possible.

Arnaud Laporte : Voilà quelques réponses. Joël de Rosnay.

Joël de Rosnay : Oui, ce qu’on vient de décrire c’est évidemment de multiples approches de récits scientifiques par des abords différents et là, aussi, je suis tout à fait d’accord avec Paul Caro quand il disait tout à l’heure qu’il faut plus de récits pour donner envie d’en apprendre plus sur la science. Moi, j’ai commis un livre, justement, avec Hubert Reeves et Yves Coppens qui s’appelle « La plus belle histoire du monde », on raconte l’origine de l’univers, l’origine de la vie, l’origine de l’homme et donc, il faut aller vers ça, mais, aussi, ce que dit Jean-Marc ouvre la voie à quelque chose peut être que l’on ne fait pas assez à la Cité des sciences. Ça m’inspire de vous le dire. C’est, comment fonctionne la science de l’intérieur ? Comment font les scientifiques ? Comment ils travaillent ? La publication scientifique, le jugement par les pairs, la bagarre entre les scientifiques, les conflits, les organismes qui seraient détenteurs d’un prix Nobel alors que ce sont des individus ? Vous voyez ? Toute cette procédure qui est inconnue du public, on me demande, les journalistes me demandent, quand j’étais à Pasteur je m’occupais, aussi, notamment des relations avec la presse, les journalistes me disaient, téléphonez-nous quand il y aura une découverte. Je leur disais, cela ne se passe pas comme ça.

Arnaud Laporte : Téléphone rouge.

Joël de Rosnay : Une découverte vous savez c’est beaucoup de tubes à gratter pour que le truc cristallise et puis ensuite on décide, bon… Donc, tout ce processus est mal connu et là, peut-être, qu’à la Cité des sciences on devrait trouver une forme d’explication aux jeunes, notamment, pour leur donner goût à la science parce que les vocations scientifiques se perdent et que c’est une aventure absolument extraordinaire.

Arnaud Laporte : C’est des germes en direct, c’est normal, il y a toute une Cité des sciences. Revenons, peut-être, sur les questions des nanotechnologies, Dominique Leglu est-ce là-dessus que vous vouliez intervenir maintenant ?

Dominique Leglu : Écoutez, Il y avait une autre question que je me posais, c’est que, souvent, on évoque LES SCIENTIFIQUES, on dit LE PUBLIC, mais ici, nous sommes dans un lieu où il faut bien fabriquer des choses à montrer, des choses à raconter ; et finalement il y a aussi un mystère de qui fait la Cité. S’appellent-ils des muséographes ? Mais qui sont ces gens ? Ce sont des scientifiques, ce sont des designers, ce sont des amuseurs, ce sont des journalistes ? Ça, aussi, c’est un peu mystérieux.

Arnaud Laporte : Alors, président Hebert, qui travaille dans cette magnifique Cité des Sciences et de l’Industrie ?

Jean-François Hebert : C’est un peu tout ça. Moi je dirais que ce sont des médiateurs scientifiques. Je dis souvent que cette maison, c’est un formidable outil de médiation ; c’est-à-dire qu’on transforme en expérimentation, en choses concrètes, perceptibles, tangibles, je disais, faisant appel aux cinq sens, des notions très abstraites, c’est vraiment très simplificateur mais c’est une grande boîte de transformation, de médiation scientifique. Donc nous dépendons de la science. Nous avons besoin des scientifiques. Nous allons chercher les connaissances scientifiques et nous sommes très heureux de les accueillir dans cette maison pour leur service de tribune et nous transformons ces connaissances fabuleuses en choses perceptibles pour le grand public. Voilà notre boulot, voilà notre travail.

Arnaud Laporte : Alors, le travail d’aujourd’hui, de demain, c’est de savoir qu’est-ce qu’on va montrer ici, qu’est-ce qu’on va expliquer ici. Alors, Bernadette Bensaude-Vincent, je rappelle que vous êtes professeur d’histoire et de philosophie des sciences, à Paris X Nanterre, parmi vos thèmes de recherche, la science et le public, il y a eu un livre, il y a quelques temps, « La science contre l’opinion, l’histoire d’un divorce » où vous parliez de cette science [coupure], l’accessibilité doit être évidemment un but, comment concilier la science et le public ? [coupure] …

Bernadette Bensaude-Vincent : [coupure] … se sentent concernés. Je pense que, si l’on est à formuler des vœux comme l’a fait Jean-Marc Lévy-Leblond, je souhaiterais que l’on repense, profondément, à la Cité, la relation aux publics. A quel public on s’adresse et la notion même de médiateur. La notion de médiateur, vient de la notion classique de la vulgarisation qui repose sur cette idée qu’il y a un fossé entre la science qui est de plus en plus complexe, qui est de plus en plus difficile, de plus en plus enfermée dans des laboratoires et de l’autre côté, un public à qui il faut annoncer la bonne nouvelle. Et, la métaphore de la bonne nouvelle, je la prends à dessein, c’est, le mot vulgarisation vient de là, vulgate qui était la traduction de la Bible et que Jean Rostand réclamait avec force. Or, je crois que l’on n’est plus là. La science n’est pas forcément la bonne nouvelle, elle résout beaucoup de problèmes, elle en pose d’autres. Et, le public est au courant de ces problèmes. Les nanotechnologies nous annoncent beaucoup de promesses, beaucoup de médicaments merveilleux mais en même temps posent des problèmes relatifs à la vie privée, des problèmes relatifs à la répartition des richesses, à la surveillance etc.

Arnaud Laporte : Un peu de vulgarisation Dominique Leglu, nanotechnologies, ré expliquez, encore une fois, à nos auditeurs, de quoi il s’agit d’une façon extrêmement, à la fois limpide et concise.

Dominique Leglu : Oui, c’est vrai que vous me demandez une mission impossible. Parce que, justement, la définition, les gens s’empaillent sur le sujet.

Arnaud Laporte : Oui, mais il faut, il faut Dominique.

Dominique Leglu : Alors, nano, ça veut dire tout petit, 10-9, hein ! Voilà, vous mettez autant de zéros devant, 9 zéros devant et puis vous avez une dimension, ça veut dire des choses, des robots, par exemple, ou des objets qui sont de tailles infinitésimales et qui pourront faire toute sorte de chose. Qui pourront être des vecteurs de médicaments, qui pourront être aussi dans la mécanique, … Donc, nanotechnologies, c’est des techniques à tout petite échelle, et effectivement la question de leur innocuité, quand on arrive à ces dimensions-là qui rappellent, par exemple, celles de notre génome, on peut se demander, « n’y a-t-il pas danger ? », « n’y a-t-il pas risque ? » et, en même temps quelles sont leurs promesses ? C’est vrai que c’est une des questions, c’est un des domaines les plus intéressants en ce moment à examiner, sur lequel débattre.

Bernadette Bensaude-Vincent : C’est très intéressant ,parce que ça remet en question le postulat de base de la Cité. Le postulat de la Cité, on vient de le rappeler, c’est que le public vient ici comme un consommateur et on l’attire avec les moyens du marketing, on fait des enquêtes, on essaie d’être à l’affût de ses attentes, de ses demandes. Or, précisément, lui donne la nouvelle que nous, on pense être la bonne nouvelle. Je veux dire par-là que c’est nous, scientifiques – entre guillemets – où nous industriels, qui savons ce qui est intéressant de dire au public. Ce que les nanotechnologies ou les OGM ont remis en question c’est précisément cela ; c’est que c’est le public qui pose les questions maintenant, c’est le public qui demande et qui souhaite qu’on l’informe sur ses propres questions et non pas sur les questions que nous, nous avons décidé de poser.

Arnaud Laporte : Alors, je revoie, aussi, à « Se libérer de la matière, fantasme autour des nouvelles technologies », c’est un ouvrage de l’année dernière, que vous avez signé. Plusieurs réactions, Jean-Marc Lévy-Leblond.

Jean-Marc Lévy-Leblond : Juste pour apporter un tout petit supplément à ce que vient de dire Bernadette, avec laquelle je suis parfaitement d’accord, le public, qu’il ne faudrait, peut-être, plus appeler comme ça, les citoyens, demandent non seulement à savoir mais à pouvoir. C’est-à-dire qu’ils ne demandent pas, seulement, qu’on leur explique ou qu’ils comprennent les choses, leur demande fondamentale, maintenant, c’est de pouvoir agir sur. Là, il y a un problème qui dépasse largement, évidemment, le cadre de la Cité. C’est un problème fondamental de l’organisation politique aujourd’hui, problème non résolu, de savoir si, pour le dire brutalement, si la techno science est soluble dans la démocratie. Nous n’avons pas la preuve jusqu’à présent.

Arnaud Laporte : Ni du contraire. Paul Caro et ensuite Joël de Rosnay.

Paul Caro : Je crois qu’il faut réaliser que dans les nanotechnologies on a un problème qui est un problème de base industrielle. C’est-à-dire que pour faire des nanostructures, il faut pouvoir disposer d’instruments pour ça, donc d’instruments d’observation notamment : microscopes, etc. il y a des quantités de techniques qui permettent de rendre visibles ces nanostructures et ce faisant, d’expliquer quelle est leur fonction. Alors je crois que, justement, ça veut dire que, je disais tout à l’heure la Cité a beaucoup fait pour développer les techniques, pour exposer, du moins, les techniques industrielles, voilà un domaine. Pour que les nanotechnologies soient perceptibles, il faut les voir. Or ça s’est possible, il faut avoir des espaces d’exposition convenables pour pouvoir y apporter des instruments industriels et scientifiques véritables, les faire fonctionner devant le public ; d’abord pour démystifier l’objet – je ne parle pas de sa fonction, je parle de l’objet. Où est-ce qu’on le met, combien il y a d’atomes dedans, etc. et à partir de là, on peut engager le débat qu’on souhaite sur : quel est l’usage ? Est-ce que vraiment vous acceptez d’être truffé de petits systèmes qui vont mesurer votre pression artérielle, votre taux de sucre, etc. retransmettre tout ça à une base d’information ? Donc être suivi médicalement en permanence. Ça, c’est un vrai problème qui se pose aujourd’hui parce qu’à travers les nanotechnologies, il y a la possibilité de contrôler la santé de l’Individu pratiquement en permanence et en continu.

Arnaud Laporte : Ça, c’est de l’hyper-traçabilité dont parlait Jean-Marc Lévy-Leblond aussi, dans un autre ouvrage. Parce que, comme je vois que le temps presse, je vois que Joël de Rosnay et Jean-François Hebert … Joël de Rosnay vous disiez tout à l’heure, que les nanotechnologies on va en parler ici. Alors, de quelle façon justement ?

Joël de Rosnay : On va faire une exposition dans le cadre de la galerie de l’innovation sur les nanotechnologies avec des débats autour. Ce que je voulais surtout dire en rebondissant sur ce que Bernadette a dit tout à l’heure, c’est qu’effectivement le public, comme on est à son écoute, on voudrait essayer de montrer que la multi-dimensionnalité de ces questions qui ne sont pas seulement techniques mais familiales, héréditaires, à long terme sur l’environnement, le scientifique ne peut pas répondre en disant : s’il comprenait il n’aurait pas peur. C’est faux, je ne suis pas d’accord avec ça parce que les gens ont parfaitement la notion du risque ; c’est sûr qu’ils font une grande différence entre le risque socialement imposé et le risque individuellement choisi, ça c’est vrai. Ils conduisent des voitures vite, ils fument des cigarettes, ils disent « ce n’est pas un risque » alors qu’une centrale nucléaire à côté d’une ville ou un téléphone portable c’est peut-être dangereux. En revanche, sur cette notion fondamentale de la multi-dimensionnalité des approches, on a été parmi les tout premiers, peut-être même les premiers en France, à lancer des débats dits citoyens, Marie-Pierre Hermann a beaucoup travaillé là-dessus, à l’époque, on a lancé un premier débat sur le réchauffement climatique, la vache folle, le sang contaminé ; et qu’est-ce qu’on a fait ? On n’a pas mis que des experts à faire une conférence, on a mis ce qu’on appelait des « naïfs » qui n’étaient pas du tout des naïfs, c’est le grand public qui a été sélectionné par sondage d’opinion de type IFOP, qu’on a mis en présence des informations de la presse et on les a fait poser des questions à des experts. Donc le débat était à l’envers. Ce n’était pas des experts qui faisaient un discours, c’était le public qui posait les questions aux experts et des questions de bon sens, finalement. Et ça, c’est important pour nous, c’est le bon sens.

Arnaud Laporte : C’est compliqué et on finira là-dessus Jean-François Hebert, la machine à fantasme elle marche à plein, alors, notamment vous qui avez des relations du côté du ministère de la Défense, on prête évidemment aux armées de tout pays, de se servir de façon évidemment qu’on imagine les plus déviantes, des technologies nouvelles. Alors vous souhaitiez réagir aussi sur ces questions.

Jean-François Hebert : Oui, je voulais juste réagir pour dire que si je suis d’accord avec ce que dit Bernadette sur l’idée qu’il faut créer le débat, mais pas seulement ; délivrer les connaissances mais c’est quelque chose qu’on a dépassé déjà depuis très longtemps. Je ne peux pas laisser dire qu’on considère les publics de la Cité comme des consommateurs. Quand on voit les débats animés qui ont lieu dans cette maison, des gens qui se lèvent, des contradictions, on ne peut pas imaginer qu’ils soient dans une attitude passive. Ici, je le redis, on est dans une attitude active. Et si je devais résumer la politique qui est la nôtre aujourd’hui, c’est de proposer à nos visiteurs des clés de compréhension, du monde contemporain, pour que les gens soient plus, pour reprendre l’expression de Jean-Marc Lévy-Leblond, plus « citoyens ». Ça, c’est l’expression la plus élevée de ce que nous cherchons à faire dans cette maison : donner des clés de compréhension à nos visiteurs pour qu’ils soient plus citoyens. C’est-à-dire qu’ils soient actifs dans le monde dans lequel ils vivent.

Arnaud Laporte : Alors il y a beaucoup de choses dont on n’a pas parlé. On pourrait revenir, par exemple, à l’automne 2007 pour l’ouverture de la nouvelle Cité des enfants de 2 à 7 ans, à l’été 2008 pour celle qui concernera les 5 / 12 ans. Peut-être beaucoup plus vite, au mois d’août, le planétarium rouvrira à cette date-là ou un peu plus tard ?

Jean-François Hebert : Oui, en août le planétarium rouvre. Il est réorienté et il a un simulateur beaucoup plus performant qui va nous permettre d’accueillir des films qui viennent du monde entier.


Commentaire laissé sur le blog Tinhinane
ROUGE, le vendredi 14 juillet 2006 à 17:48 , site : Ya pas à dire Bernadette Bensaude c’est bien mieux que Joel De Rosnay ...

J’aimerais bien savoir si elle a réfléchi quelque part au pourquoi de l’autocensure... ou bien pourquoi elle n’y a pas réflechi !



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