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D’autres regards sur la crise, avec Marco Baschera

Transcription par Taos Aït Si Slimane de l’entretien, du vendredi 28 janvier 2009, d’Antoine Mercier avec Marco Baschera, professeur de littérature comparée à l’Université de Zurich.

« D’autres regards sur la crise », entretiens, depuis fin décembre 2008, d’Antoine Mercier, journal de 12h 30 sur France Culture, avec des intellectuels pour une autre manière de parler de la crise. Les brèves séquences du journal sont complétées par des bonus hors antenne, mis en ligne sur le site de France Culture.

L’oralité est volontairement conservée, vos remarques, corrections et observations sont les bienvenues.

Antoine Mercier : « D’autres regards sur la crise », nous continuons notre petit tour d’horizon international, aujourd’hui avec Marco Baschera. Bonjour

Marco Baschera : Bonjour.

Antoine Mercier : Vous êtes professeur de littérature comparée à l’Université de Zurich. Vous vous occupez notamment du théâtre, à travers la théâtralité, la compréhension de ce qu’est l’homme. On va tout de suite aller, pour évoquer cette crise, au cœur du problème tel que vous, vous pouvez le percevoir de votre point de vue. C’est-à-dire, ce que vous appelez la crise du sujet aujourd’hui en matière d’éthique. Est-ce que vous pouvez précisez ce dont il s’agit quand vous évoquez cette crise du sujet en matière d’éthique ?

Marco Baschera : Il s’agit de questions tout à fait pratiques d’abord. Par exemple la question qui concerne le début de la vie humaine, le statut juridique et moral qu’il faut accorder à un embryon, toute la question du début de la vie, c’est-à-dire le début d’une personne, pour passer ensuite à la fin de la vie humaine, toutes ce questions, très pratiques aujourd’hui, qui concernent la transplantation d’organes, donc la définition de la mort, est-ce que c’est la suspension des activités cérébrales qui déterminent la mort, donc la fin de la personne donc permettant ainsi l’enlèvement d’organes ? On pourrait penser aussi aux questions de clonage. Donc, autant de domaines où la question de la dignité du sujet se pose et mise en question aujourd’hui.

Antoine Mercier : Alors, c’est un des aspects, évidemment très profond, très personnel de la crise, presque anthropologique. Comment expliquez-vous que cette dignité soit aujourd’hui en cause ?

Marco Baschera : J’ai organisé, l’année dernière, à Polytechnique de Zurich, un cycle de conférence sur la notion de personne. J’ai invité des scientifiques, très connus, dans le domaine de la biologie, neurologie, etc. J’ai constaté qu’il y a un très grand clivage entre ces scientifiques et par exemple des philosophes ou des sociologues etc. et qui tournent justement autour justement autour de la notion de personne. J’ai constaté, que ces scientifiques, très connus, ignorent complètement ce que « personne » veut dire, ce terme très, très ancien, qui s’occupe justement de la question de la dignité du sujet, du fait qu’il faut protéger l’être humain, et là, j’ai constaté qu’il y a une nécessité absolue aujourd’hui de prendre contact avec ce monde des sciences, des scientifiques pour clarifier ces choses. Ces scientifiques continuent à inventer, faire des progrès tout en ignorant toutes ces questions profondes, historiques, culturelles, philosophiques, théologiques, voire même.

Antoine Mercier : Il y a un oubli de la personne aujourd’hui, qu’est-ce que c’est la personne ?

Marco Baschera : La personne, c’est un terme très compliqué. Ça remonte à l’Antiquité grecque, ça a beaucoup à voir avec théâtre parce que le terme originairement signifie le masque théâtral. Vous avez donc là, déjà la question de l’apparence, qu’est-ce qui apparaît ? Qu’est-ce que c’est une unité de l’être humain qui apparaît ? Vous savez que ce terme a passé ensuite beaucoup de domaines, philosophiques, théologiques, sociologiques, psychologiques… Je crois que c’est un terme clef de notre culture européenne. Moi, je le vois effectivement entrer en crise depuis un certain temps. Je peux vous donner deux exemples pour cette crise qui sont très clairs. Dans le domaine du droit, on distingue généralement entre un endroit qui concerne les personnes et un droit qui concerne les choses. On constate de plus en plus que cette différence est en train de s’estomper. Par exemple, l’année dernière, il y a eu un procès aux États-Unis, où on a qualifié un logiciel, on lui a accordé un statut de personne. Vis-versa, vous savez peut-être que là aussi, aux États-Unis, il y a une tendance juridique aussi, assez dangereuse, consistant en ceci : si quelqu’un commet un acte, qu’il est capable de se payer un avocat, qui coûte très cher, que cet avocat est en contact avec des neurologues, il est possible que cet avocat arrive à prouver que son client n’était en mesure neurologique telle qu’on puisse lui admettre cet acte. Il y a, dans ces exemples, la question de la responsabilité tout court. Donc, dans ce sens-là, le terme de personne commence à vaciller.

Antoine Mercier : La frontière s’estompe effectivement, réification du sujet, peut-on dire, est-ce que, déjà pour faire le saut vers la crise – après on reviendra peut-être sur ce sujet – telle qu’on la connaît de façon plus immédiate, à savoir de façon économique et financière du système libéral, est-ce que vous faites un rapprochement entre cette réification du sujet et l’idéologie en œuvre dans le système libéral aujourd’hui ? Est-ce que c’est directement connecté ? Et est-ce que c’est ça aussi qui est en crise ?

Marco Baschera : Écoutez, je ne peux pas vous parler en spécialiste de l’économie, pas du tout. J’habite à Zurich, vous savez que c’est une ville de banques, vous savez qu’aujourd’hui on a ouvert en Suisse, à Davos, le forum économique mondial, moi, je ne m’attaque pas en des termes économiques, disons, à cette crise. Moi, je vois une crise profonde du symbolique qui concerne le rapport entre le local, parce que les langues sont toujours très, très locales…

Antoine Mercier : Peut-être un mot quand même sur ce mot de symbolique parce qu’il n’est pas toujours bien compris.

Marco Baschera : Oui.

Antoine Mercier : Qu’est-ce que vous appelez le symbolique ?

Marco Baschera : Par symbolique, j’entends beaucoup de choses. Justement le fait qu’un symbole comporte toujours en lui un écart, qui nous met toujours à l’écart de ce qu’il veut dire, de ce qu’il signifie, j’ai l’impression que cet écart est en train de se perdre aussi. Là, j’ai besoin de passer à la question des langues parce que c’est un peu ma…

Antoine Mercier : Allez-y.

Marco Baschera : C’est plutôt ma spécialité, je suis plurilingue. Je tiens beaucoup au plurilinguisme. Je constate justement que par ce mouvement très poussé qui se manifeste de manière très profonde en Suisse, qui est un pays pluri-langues, vers l’anglais, ça concerne justement cette crise du symbolique. C’est-à-dire qu’on essaye de plus en plus de mettre à la place d’une pluralité de langues, une seule langue universelle, ce globish dont on ne sait pas très bien si c’est une langue où justement l’écart, la distance à l’intérieur de cette langue me manque de plus en plus. Cette langue est devenue une espèce de fétiche universel permettant la communication entre tous les êtres humains. Et là, profondément, moi je crois que la pluralité des langues est une chose tout à fait nécessaire à l’être humain.

Antoine Mercier : En quoi l’écart qui est l’enjeu, avec cette pluralité des langues, qui disparaît… vous pouvez peut-être préciser votre pensée ? C’est l’écart entre quoi et quoi ?

Marco Baschera : Par exemple, moi, je parle maintenant avec une langue étrangère, le français, donc, je suis obligé, je ne traduis pas mais j’utilise quand même des termes que normalement je n’utilise pas parce que ma première langue, c’est l’Allemand, donc de passer d’une langue à une autre cela veut dire aussi changer de perspective. Si l’on parle une seule langue, on oublie justement ces différences de position. J’appelle écart cela. Ce qui m’intéresse justement, c’est comment penser en langues, au pluriel. Aujourd’hui, avec ce globish on prétend justement pouvoir avoir accès, surtout dans le monde des sciences, à une seule langue, universelle, mondiale et on oublie justement cet aspect local, ce que j’appelle l’écart qui se localise dans une langue particulière.

Antoine Mercier : En quoi, on va dire la mondialisation - y compris au niveau du langage - implique-t-elle qu’il y ait une réification du sujet : en tout cas cette frontière dont vous parliez entre la personne et la chose, tend à se rendre plus floue ? Comment faites-vous le lien ? Comment vous l’expliquez le lien ? En quoi la langue finalement peut être une manière de distinguer la personne localement ? C’est ça que vous voulez dire.

Marco Baschera : Oui, mais aussi sa pensée, sa culture, sa manière d’aborder les choses de tous les jours mais aussi des questions scientifiques. Et là, on assiste vraiment à une perte de toutes ces différences qui pouvaient être une richesse énorme.

Antoine Mercier : Est-ce que vous parleriez par exemple d’une crise des conditions, des possibilités de la pensée aujourd’hui ?

Marco Baschera : Oui, tout à fait. C’est ce que je conste par exemple dans le domaine des sciences. Vous savez que dans les universités européennes, j’imagine qu’en France c’est la même chose, mais à Zurich, c’est très évident, on se met de plus en plus à l’anglais. Là, il y a des questions que je me pose. Est-ce que cette science, qui essaye uniquement de penser dans une seule langue, n’oublie pas justement une richesse qui consiste, dans le fait de pouvoir penser en plusieurs langues, à aborder le même sujet sous un autre jour, sous une autre perspective.

Antoine Mercier : Pour revenir à l’actualité, à ce qui est actuel, précisément ce malaise, cette crise importante dont voit encore mal les contours, est-ce que vous diriez que, relativement à cet abandon de la langue, donc de la notion d’unicité de la personne, c’est aujourd’hui ça qui est ressenti comme un problème, et on assiste peut-être à une réaction ? Est-ce que vous ressentez ça, comme ça ? Une réaction contre cette uniformisation ?

Marco Baschera : Qu’est-ce que vous entendez par « Une réaction contre cette uniformisation », je n’ai pas bien compris ?

Antoine Mercier : C’est-à-dire le fait qu’il y ait aujourd’hui cet état de crise, de malaise est-ce que c’est un symptôme de ce que vous diagnostiquez comme problème ?

Marco Baschera : Oui, je crois. Il y a de la question de la responsabilité. Un cas très concret, le Parlement suisse a donné, l’année dernière, à une très grande banque suisse, l’Union des banques suisses, 40 milliards d’euros et on a lu, hier, dans les journaux, que la même banque avait encore distribué des bonus d’un milliard d’euros pour l’année passée. En même temps, on constate que le chômage augmente, donc là surgit la question de la responsabilité. Qu’est-ce qui se passe ?

Antoine Mercier : Vous avez une réponse ?

Marco Baschera : Non, je n’ai pas de réponse.

Antoine Mercier : Parce qu’effectivement c’est intéressant de voir comment en Suisse, pays qui repose en grande partie sur un système bancaire, est vécue cette crise. Est-ce que cette crise est vécue de manière plus aiguë ? On n’en parle pas beaucoup dans l’actualité. Comment ça se passe chez vous ?

Marco Baschera : Si, si on en parle.

Antoine Mercier : Hors Suisse, en tout cas en France. On parle beaucoup de l’Islande, des grandes puissances mais la Suisse il y a sans doute quelque chose de spécifique peut-être que vous pouvez nous raconter ?

Marco Baschera : Ce qui est spécifique, c’est que l’économie suisse, marche assez bien. Ce n’est pas une crise bancaire, comme la connaît l’Islande, pas du tout. Mais il y a quand même une différence énorme justement entre ces bonus que l’on distribue, malgré une année néfaste, catastrophique pour ces banques et même temps on affiche justement des licenciements en masses. Donc, là, je crois que quelque chose est en train de se produire en Suisse aussi.

Antoine Mercier : Alors, vous êtes professeur de littérature comparée, je l’ai dit, et puis vous vous intéressez beaucoup au théâtre. Est-ce que dans cet univers de théâtre aujourd’hui, vous repérez aussi des symptômes de cette crise, la manière dont on considère, on aborde le théâtre, dont le théâtre évolue ?

Marco Baschera : Oui, bien sûr. Le théâtre contemporain évoque surtout la question du corps, qu’est-ce que c’est qu’un corps sur la scène ? Est-ce qu’il y a une unité du corps ? Est-ce qu’il n’y a pas plutôt une polyphonie des corps sur scène, plusieurs corps qui apparaissent en même temps ? Cette question du corps est centrale, et la question de la langue. Qu’elle est l’unité de la langue ? Je constate de plus en plus, en Suisse mais aussi en France, que le théâtre contemporain devient de plus en plus plurilingue de manière très évidente.

Antoine Mercier : Ça, c’est plutôt bien, alors ?

Marco Baschera : C’est plutôt bien parce que le théâtre est un endroit précieux, qui réagit à cette crise. Il est à même de poser des questions que normalement on ne pose pas.

Antoine Mercier : Vous allez participer à un cycle de conférences avec Marie-Josée Mondzain, samedi 7 février à 17h, C’est à quel théâtre ?

Marco Baschera : C’est dans le théâtre de Gennevilliers.

Antoine Mercier : Ça s’appelle la polyphonie des corps. Qu’est-ce que c’est exactement, ce que vous appelez polyphonie des corps ?

Marco Baschera : Exactement, c’est difficile à dire. Bien sûr que polyphonie est un terme acoustique et un corps c’est quelque chose de visuel. Ce titre, polyphonie des corps, veut dire justement qu’il y a dans le théâtre, une pluralité de corps qui apparaissent. Le terme de personne, de personnage le rappelle. Personne, probablement vient de l’étrusque perso ( ?), qui voulait dire masque mortuaire, donc ça rappelle la fonction du théâtre anthropologique presque de traiter la question des revenants. Qu’est-ce que ça dire que quelqu’un est mort et comment le faire revenir ? Comment bannir les revenants ? Donc, le théâtre à toujours à faire avec la pluralité de corps. Et le théâtre contemporain effectivement se prête à cela. Ce n’est plus le théâtre classique où il y avait un personnage bien circonscrit. Aujourd’hui, le personnage a explosé. Il y a une multitude de corps dans un seul personnage. Marie-Josée Mondzain et moi, allons aborder cette question-là autour de la question de « personne ».

Antoine Mercier : Vous avez parlé à plusieurs reprises, notamment au début, de la définition de la mort. Est-ce que cette perception de la mort, cette vision que l’on peut avoir de la mort dans une société, la vision reçue, traditionnellement, est-ce que là aussi, les choses ont évolué ? Et est-ce que ça peut être un signe à travers lequel on peut éventuellement dire des choses sur le malaise actuel, la manière dont on considère la mort de tout le monde, de chacun d’entre nous ?

Marco Baschera : Justement, j’ai abordé ces questions au début de notre entretien. C’est la question de la mort, est-ce que c’est la mort clinique qui compte ? Et qu’est-ce que c’est que la mort clinique ? Elle est entière. Et avec la question de la mort, si on n’est plus sûr de ce que c’est que la mort, si la mort devient uniquement biologique, la notion de mort change complètement de sens.

Antoine Mercier : C’est-à-dire ? Elle devient ?

Marco Baschera : Elle devient justement quelque chose de manipulable, de très difficile parce que normalement il y avait toujours un certain respect devant la mort. Et si je pose cette question de la définition de la mort et la possibilité qu’elle donne au chirurgien la possibilité de prélever des organes, ça veut dire que la mort perd quelque chose d’essentiel, cette espèce de respect, voilà.

Antoine Mercier : Est-ce qu’on peut parler d’une sorte de matérialisation du vivant, qui peut être manipulé et qui souffre précisément d’avoir perdu cette partie peut-être symbolique ou spirituelle ?

Marco Baschera : Justement, qui était toujours pensé, pour ce qui concerne l’être humain par le terme de « personne ». Parce que « personne », ça inspire une notion de dignité, justement, de distance, de respect.

Antoine Mercier : Levinas parlait effectivement, du visage de l’homme qui apparaissait dans son unicité personnelle. C’est ça, évidemment sans doute qui a tendance à s’effacer. Est-ce que vous avez, vous, comment dirais-je, des moyens, des pistes pour essayer de retrouver ça, de ne pas totalement continuer à plonger dans cette uniformisation, disons matérialisation, réification du vivant ?

Marco Baschera : Justement, je me soucie, c’est la voie dans laquelle je procède depuis un certain temps, je cherche le contact avec des collègues biologistes, neurologues etc. un contact avec le monde des sciences exactes qui m’intéresse beaucoup. Je pense qu’il faut continuer à les sensibiliser à des questions éthiques. Que ces questions ne soient pas seulement discutées dans les commissions d’éthique, parlementaires ou que sais-je, mais qu’elles aient lieu aussi dans les universités, devant le public. Moi, je trouve que c’est une question très importante.

Antoine Mercier : Plutôt que de moraliser le capitalisme, pour vous…

Marco Baschera : On n’a pas parlé de capitalisme, bien sûr, mais moi je trouve que la grande question quand même, c’est la globalisation. La mondialisation des sciences, de l’économie, de l’université, etc. Il faut penser cet oubli du local. Le fait que dans le mondial, le global il y ait toujours du local. On est en train de complètement l’oublier, de l’écarter.

Antoine Mercier : Quel est le rôle joué par exemple par Internet et les réseaux sur la toile, selon vous dans cette perte-là du local ?

Marco Baschera : Le fait par exemple que je vous parle au téléphone maintenant, je crois que cette émission passera par Internet, on y est, bien sûr, ça peut apporter aussi quelque chose, ça peut inciter à la réflexion, bien sûr. Mais le grand danger, c’est qu’on oublie toujours que la voix a quelque chose de très corporel, lié à un corps.

Antoine Mercier : Le paradoxe finalement, c’est que dans cette matérialisation dont vous parlez, en même temps, il y a un oubli du corps, un oubli du matériel. Il y a une sorte de paradoxe, c’est-à-dire que la notion de personne s’efface, comme vous l’avez dit, en même temps cette notion de personne passe aussi par le corps, alors que le corps est peut-être considéré comme, disons, simplement un moyen, pour une personne, d’exister. Mais c’est la personne qui est atteinte à travers, vous pensez, la disparition, disons, le corps local.

Marco Baschera : Oui, tout à fait.

Antoine Mercier : Et aujourd’hui, vous voyez les choses évoluer comment, dans cette crise plus généralement, pour reprendre un petit peu de recul, avant de terminer ?

Marco Baschera : Vous voulez dire la crise financière ?

Antoine Mercier : Voilà. Financière, économique et puis tout ce que l’on dit aussi. C’est une crise philosophique.

Marco Baschera : Ce n’est pas encore fini. On n’est qu’au début. Moi, je me méfie beaucoup de ces décideurs économiques qui se retrouvent, qui se rencontrent à Davos. Je ne crois pas que ce seront eux qui pourront nous sortir de cette crise. C’est une crise qui est profonde, selon moi.

Antoine Mercier : Et donc, comment en sortir ?

Marco Baschera : Grande question, justement. Moi, je ne peux pas vous répondre. Tony Blair a dit, récemment, que la seule réponse correcte à donner à une telle question, c’est « I don’t Know ».

Antoine Mercier : « I don’t Know », bon. Cela dit, je pense que dans ce que vous dites, il y a aussi, pour chacun d’entre nous la possibilité de retrouver une réflexion en tout cas.

Marco Baschera : Oui, certainement.

Antoine Mercier : Et retrouver cet écart, parce que c’est cela qui a manqué aussi.

Marco Baschera : Tout à fait.

Antoine Mercier : Retrouver l’écart, mais cette manière de retrouver l’écart, on ne voit pas forcément toujours la voie pour le faire. Est-ce qu’il faut aller au théâtre, par exemple, davantage ?

Marco Baschera : Oui, je crois, il faut aller au théâtre justement pour y trouver cette richesse énorme que vous avez en français dans ce terme de personne, qui signifie à la fois absence et présence. Là, il y a un mystère, dans la langue française, qu’aucune autre langue ne peut traduire. Au théâtre, on voit ce mystère de la « personne » et on se pose la question : qu’elle est cette « mêmeté » entre la présence et l’absence. Et là, vous retrouvez la question de l’écart mais de manière très concrète au théâtre.

Antoine Mercier : Merci beaucoup, Marco Baschera, d’avoir éclairé de votre point de vue cette crise sur laquelle on s’interroge dans cette série. Je rappelle que le samedi 7 février, pour ceux qui écouteraient sur le site Internet avant cette date, à 17h au théâtre de Gennevilliers, vous donnez une conférence, avec Marie-Josée Mondzain, intitulée « La polyphonie des corps ».



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