PRÉFACE
Promouvoir la culture scientifique est une exigence vitale non seulement pour faire face aux défis technologiques mais aussi pour surmonter les problèmes sociaux qu’ils entrainent. Consciente de l’enjeu qu’elle représente, la Ville de Rennes a dans un premier temps confié à Bernard BESRET une étude sur les conditions de son développement.
Après avoir tracé à grands traits un panorama de la situation générale, des outils dont l’État se dote pour mettre en œuvre sa politique, des stratégies que différentes villes ou régions adoptent dans ce domaine, l’étude expose plus en détail la situation rennaise, son contexte économique général ; elle recense les nombreux partenaires et les actions qu’ils mènent déjà sur le terrain en faveur d’un développement de la culture scientifique et technique.
Tenant compte de cette richesse locale l’étude propose de s’appuyer sur elle pour constituer un réseau efficace de culture scientifique et technique en mettant à son service un centre de ressources et une politique active de collaboration avec tous les moyens de diffusion, valorisant ainsi la vocation de Rennes d’être une ville pilote en ce qui concerne les nouvelles technologies de la communication.
C’est en réduisant le décalage qui risque de s’accentuer entre l’évolution des mentalités et le développement des sciences et des techniques que l’on permettra à chacun de ne pas être dépossédé de sa vie quotidienne.
INTRODUCTION
En 1982, à la suite des démarches entreprises par sa Direction du Développement Culturel, la Ville de Rennes signe une Convention avec le Ministère de la Culture. Celle-ci comporte un chapitre consacré au développement de la culture scientifique et technique :
Toucher de nouveaux publics c’est aussi englober dans le champ culturel les savoirs et les connaissances de tous les publics.
La Ville de Rennes dispose d’un ensemble scientifique remarquable : les deux universités - Rennes-Beaulieu et Université de Haute-Bretagne - souhaitent ardemment entretenir une collaboration fructueuse avec la Ville de Rennes au bénéfice de la population rennaise ; les instituts de recherche ou de formation spécialisée (INSA-CCETT) sont prêts à contribuer à la vulgarisation scientifique.
La demande de la population, qui a pu être constatée dans un certain nombre d’opérations ponctuelles – « informatique et vie » organisée par l’Université de Haut-Bretagne avec de nombreux partenaires – est très forte.
Ici et là, des clubs d’expression scientifique naissent, attirant de nouveaux publics. Enfin des moyens techniques remarquables sont sous-utilisés : des collections scientifiques inestimables en géologie, en zoologie, en botanique ; des laboratoires ; des équipes techniques.
Aussi le Ministère de la Culture et la Ville de Rennes décident d’étudier dans quelles conditions pourrait naître un centre scientifique et technique, une maison des sciences. Ce vaste projet devrait entraîner outre les partenaires rennais concernés les autres Ministères (éducation, travail, industrie, recherche).
Dans une première étape le service des études et de la recherche du Ministère de la Culture et de la Ville de Rennes ont confié une mission à un chercheur pour dresser un inventaire des moyens disponibles susceptibles d’être ouverts au public et dans quelles conditions (inventaire des lieux d’accueil et d’expression et inventaire des équipes acceptant de se mobiliser) pour esquisser un pré-programme de ce qui pourrait être un établissement culturel spécifique.
Cette mission est alors confiée à Bernard BESRET et réalisée dans le cadre de l’APRAS [1]. Plus qu’une étude académique, il s’agit pour lui de réaliser une étude opérationnelle qui fournisse des informations utiles aux responsables chargés de prendre des décisions. C’est ainsi qu’en cours d’année il a été amené à rédiger plusieurs notes de travail à l’intention du Maire de Rennes et de la Direction de Développement Culturel de la Ville.
Sa mission a comporté :
- une exploration de la réalité rennaise ;
- une confrontation aux projets de réalisations émanant d’autres villes ou régions françaises ;
- ainsi qu’une réflexion sur la manière dont se pose aujourd’hui le problème de la culture scientifique et technique.
Elle débouche sur quelques conclusions et sur une hypothèse de travail.
D’où le plan de ce rapport :
PREMIÈRE PARTIE
PANORAMA FRANÇAIS
I. Interrogations philosophiques
La culture couvre un vaste champ aux contours mal définis. Le rapport Guillaume cite un ouvrage récent qui en recense plus de trois cents définitions. Les débats théoriques sur la culture risquent donc de couvrir plus d’un malentendu, chacun pouvant, selon les besoins de la cause qu’il défend, choisir la définition qui lui convient.
Nous choisirons de l’entendre ici au sens que lui reconnaît Jean-Marc Levy-Leblond quand il écrit : une culture, c’est tout un réseau de représentations, d’attitudes, de références qui irrigue le corps social - inégalement certes, mais globalement - Il n’y a culture que par le partage d’une tradition vivante [2] Ce qui nous permet de nous interroger sur la place qu’occupent la science et les techniques dans la culture française d’aujourd’hui. Dans quelle mesure sont-elles intégrées à la vision du monde qui inspire nos attitudes et nos démarches de citoyens des années 80 ?
La question est typiquement moderne et occidentale. Dans l’Antiquité, alors que la science n’avait pas encore le statut très particulier qu’elle occupe aujourd’hui parmi les différentes formes du savoir humain, la question ne se posait pas, pas plus qu’elle ne se posait, encore récemment, en Chine. Au temps de Pythagore ou d’Aristote, science et philosophie étaient indissociables. La métaphysique tirait son nom même du traité de physique qui la précédait. Les astronomes étaient tous astrologues et seul notre regard actuel distingue l’une de l’autre de ces deux fonctions qui étaient alors confondues [3], tant il est vrai qu’alors la recherche d’un savoir sur l’homme et sur l’univers ne se distingue pas de la recherche du sens de la vie. Quant à la médecine traditionnelle chinoise, elle est étroitement liée à la vision taoïste du monde que ses praticiens partageaient.
Avec la naissance de la science occidentale moderne ces deux démarches se distinguent et s’éloignent progressivement l’une de l’autre. Alors que la culture dans l’élaboration des représentations qui permettent à l’homme de se situer par rapport aux nombreux problèmes que lui posent sa vie et son insertion dans la société et dans l’univers, poursuit sa quête de sens et s’efforce d’exprimer une vision aussi unitaire que possible du réel, la science, pour mieux cerner son objet, isole indéfiniment les phénomènes pour en analyser les fonctionnements. Aussi bien est-ce par facilité de langage que nous parlons encore aujourd’hui de la science, car c’est de la multiplicité des sciences qu’il serait plus adéquat de parler. La démarche culturelle tend vers une certaine unité de la vision, la démarche scientifique vers la démultiplication des objets et des approches de son investigation. Culture d’un côté et sciences de l’autre se sont ainsi séparées comme deux continents qui partent à la dérive.
Cette dérive est accélérée et amplifiée par les progrès spectaculaires des techniques et les transformations non moins spectaculaires qu’ils entraînent dans les modes de vie, de travail, de communication de la population. Il y a, en effet, un décalage évident entre la rapidité des changements matériels qui se bousculent au rythme accéléré des découvertes et la lenteur des changements de mentalité et de mœurs qui s’effectuent au rythme des générations. C’est cet extrême décalage qui provoque le malaise - pour ne pas dire plus - que nous ressentons. [4] D’où le caractère culturel, maintes fois rappelé, de la crise que nous traversons.
En effet, le changement technico-économique étant plus rapide que le changement social, il en résulte une inadéquation croissante des structures sociales et des comportements aux réalités nouvelles. Selon cette lecture, la crise n’est que le reflet de l’inadaptation de nos structures, et le changement technologique ne fait qu’exacerber cette contradiction. [5]
Non seulement l’intégration n’est pas effectuée au niveau des représentations et des comportements populaires mais il est impossible de ne pas être frappé de stupeur lorsqu’on constate à la fois l’importance concrète des techniques dans la vie des individus et des sociétés et la quasi-absence de réflexion sur ces mêmes techniques de la part de ceux qui font officiellement profession de réfléchir sur la vie des individus et, plus généralement, des sociétés. [6]
Certes, il y a bien eu, dans le passé, des exceptions. Les sciences et les techniques ne sont pas totalement absentes des lieux institutionnels de la Culture : dès 1794, la Convention, sous l’impulsion de l’Abbé Grégoire, créait le Conservatoire des Arts et Métiers, le dix-neuvième siècle vit la multiplication des Muséums d’Histoire Naturelle, le Front Populaire donna naissance, en 1937, au Palais de la Découverte. Au cours des vingt dernières années le double souci de conservation du patrimoine industriel et de mise en valeur des aspects ethnographiques de la vie industrielle et technique a suscité la création de plusieurs musées ou écomusées, etc. Mais aucune de ces réalisations n’aura suffi à surmonter le divorce entre le développement des sciences et des techniques d’une part et la culture que partage (avec plus ou moins de bonheur et d’intensité) l’ensemble du pays.
Dans son analyse de la situation, Jean-Marc Levy-Leblond va encore plus loin. S’il pense effectivement qu’il y a une culture technique propre et qu’elle n’est pas coupée totalement de la culture générale (il n’est pas rare d’entendre discuter de mécanique automobile ou même éventuellement de microprocesseurs), il estime par contre qu’en son propre sein déjà, la science ne fonctionne pas comme une culture ... L’urgente continuité de la recherche scientifique interdit la patience attentive qu’exige toute acculturation. Sa frénétique fuite en avant inhibe la permanente référence au passé, indispensable à l’émergence d’une tradition. [7] Bref, selon lui, la culture scientifique n’existe pas même pour les professionnels de la science. Lorsqu’on (en) parle, ce ne peut donc être pour la partager ou la développer - mais bien pour la créer. [8]
On le voit, le problème posé par l’émergence d’une culture qui intègre les apports des sciences et des techniques et permette à l’homme contemporain d’accéder à une nouvelle vision du monde, ce problème prend une profondeur et une amplitude qu’un premier énoncé ne laissait pas supposer. Il ne peut s’agir d’une simple adaptation, d’une facile mise à jour. Il s’agit d’une véritable mutation.
Bien qu’il se limite à ses répercussions sur l’appareil de production, Jacques Ellul, parlant à ce sujet de seconde révolution industrielle, écrit : Tout cela implique la radicalité des changements dans lesquels, que cela nous convienne ou non, nous sommes entrainés par la croissance ultra-rapide des techniques. Prétendre y adapter, y préparer les jeunes est dérisoire. (Comme autrefois d’adapter les jeunes paysans à devenir des citadins prolétaires en usine !). Il y faut d’abord un changement mental complet, une vue plus ample, une extrême audace ... [9] Même écho chez Jacques Rozner : Aux visions étriquées mais souvent obligées de l’heure, il est temps de faire succéder de vastes réflexions sur le devenir des hommes et des sociétés. [10]
C’est dans cette vaste perspective qu’il faut entendre les propos tenus lors du Colloque National Recherche et Technologie (13-16 janvier 1982) : Jean-Pierre Chevènement lui fixait comme objectif, entre autres, de restaurer l’alliance de la science et de la démocratie, d’intégrer la science à la culture de notre temps [11] et le Président de la République affirmait que nous devons ensemble inventer de nouveaux rapports de l’homme et de la science … nouer un dialogue entre la recherche et l’ensemble des forces vives de notre société [12], etc.
L’enjeu n’est donc pas seulement de favoriser une saine vulgarisation de la science, ou, pour employer une expression plus juste, une circulation du savoir [13], ni seulement de promouvoir une initiation aussi large que possible aux nouvelles technologies. Ces deux démarches sont évidemment nécessaires et urgentes mais elles ne prennent leur sens qu’en s’insérant dans une démarche plus fondamentale qui demande la collaboration de tous, à savoir l’élaboration de la culture de demain.
Si nous étions tentés de penser que ce problème culturel est un luxe en ce temps de crise économique, le Président de la République s’empresse de dénoncer cette illusion : Il n’y a pas d’un côté la culture avec majuscule, pur royaume de l’esprit, et de l’autre, l’économie, champ clos des intérêts et des égoïsmes. Cette dichotomie trahirait la vérité de l’histoire, celle d’hier comme d’aujourd’hui [14]. Les deux dimensions sont étroitement imbriquées. Répétons-le sans nous lasser, la culture est un facteur de développement technologique, économique et social, mais les transformations technologiques, économiques et sociales sont elles-mêmes un facteur de développement culturel [15] Il ne s’agit donc pas de rôles antinomiques, ni même seulement de réalités complémentaires. Il s’agit bien plutôt de deux facettes du même réel, liées par ce qu’Alain Dunand a appelé une logique de l’affirmation réciproque [16]. Le va-et-vient de l’une à l’autre doit être constant, à l’image d’une respiration, si l’on veut que le corps social continue à vivre et qu’il ne se sclérose pas sous l’effet d’une culture peut-être prestigieuse mais désormais momifiée, ni qu’il n’explose sous l’effet d’un développement scientifique et technique qu’il serait incapable d’assumer. L’enjeu est de maîtriser les techniques nouvelles avant qu’elles ne s’emparent de nos consciences. [17]
Il en va du sort de la culture qui, sous peine de perdre toute signification pour le présent et le futur, doit permettre aux hommes de dégager un certain sens du monde dans lequel ils vivent.
Il en va du sort de la démocratie car, sous peine d’abandonner tous les choix qui conditionnent vitalement leur avenir à la décision des technocrates, les citoyens doivent se réapproprier cet élément essentiel de la culture moderne que devrait être la familiarité avec les sciences et les techniques, avec leur évolution, avec les enjeux socio-économiques, politiques, humains, que comporte cette évolution. [18]
Il en va du développement de la recherche scientifique et technique car il faut bien voir que l’effort actuellement fait par le pays en faveur de la recherche ne pourra se maintenir que s’il a le soutien de l’opinion publique. [19]
Il en va de la transformation de toute l’organisation de la société (production, vente, distribution, vie sociale, etc.) car il est à craindre que la mutation technologique se heurte à toutes les habitudes sociales et culturelles, à l’imaginaire collectif qui ont supporté et permis la croissance du passé [20], Jean-Pierre Chevènement, alors qu’il était Ministre de l’Industrie, déclarait : Le combat pour enrayer le déclin industriel observé depuis dix ans est d’abord et surtout culturel [21].
La problématique Science-Technique et Société n’est donc pas marginale. Elle est au cœur de la crise contemporaine. C’est elle que le Président de la République évoque lorsqu’il veut éclairer les Français sur le sens de la phase actuelle de leur histoire : Tout simplement, la société industrielle du vingtième siècle n’a pas encore assimilé les effets de la technique et de la science sur ses structures de production et de travail, donc sur son mode de vie, et nous assistons aujourd’hui aux soubresauts d’un monde qui meurt, en même temps qu’un autre naît … [22]
C’est donc à l’accouchement d’un monde nouveau que nous sommes conviés.
II. LES OUTILS D’UNE POLITIQUE
Par rapport à l’ampleur d’un tel défi qui appellerait un projet de vaste envergure (il s’agit selon Alain Savary de l’un des enjeux majeurs de la France et de la politique nouvelle) [23], il faut bien reconnaître que les outils directement disponibles, pour non négligeables qu’ils soient, ne semblent pas faire le poids.
1. LE CENTRE DE LA VILLETTE
Celui qui attire le plus l’attention parce qu’il est sans doute le plus spectaculaire, est sans conteste la création du Centre de la Villette. À l’origine se place le travail de la Mission d’étude dirigée par le professeur Maurice Lévy et le rapport approuvé à la fin de l’année 1979 [24] Très vite après son accession à la Présidence de la République, François Mitterrand décide la poursuite du projet amorcé sous le septennat précédent, et de lui conférer le plus grand éclat. Alain Savary, Ministre de l’Éducation Nationale, le définit comme l’un des projets les plus modernistes qui soit actuellement en chantier, celui d’un grand centre éducatif national dans le domaine des sciences et de l’industrie [25].
Le Centre de la Villette, dont l’appellation définitive reste encore à trouver, est bien un des éléments de réponse au problème posé. Au cœur de sa conception actuelle se trouve, selon les termes mêmes du Directeur de la Mission du Musée, la symbiose des sciences et des techniques contemporaines et ses relations avec l’évolution de la société [26].
L’objectif que l’on s’assigne est donc clair :
Il s’agit d’abord d’éclairer ces phénomènes essentiels de notre temps que sont l’imbrication des sciences et des techniques contemporaines, les processus et les résultats de la recherche scientifique et du développement industriel ; et à cette fin, il convient naturellement œ faire apparaitre l’état actuel du développement scientifique et technique comme le résultat d’une évolution toujours à l’œuvre.
Mais aussi il faut relier à cette évolution les phénomènes d’ordre sociologique, économique et politique, voire esthétique qui s’y rattachent naturellement. L’objectif qu’on s’assigne implique que l’articulation avec les grands débats de société soit englobée dans la mission de l’établissement, et que l’éclairage des sciences humaines ne soit pas absent d’un outil de culture centré sur les « sciences exactes » et les « techniques ». [27]
Sur ce double objectif, il semble que la Mission du Musée ait réalisé un certain consensus. Personne ne conteste non plus l’opportunité pour la France de rattraper le retard pris dans ce domaine par rapport aux autres pays développés. Par contre, sur les modalités envisagées pour la conception et la mise en œuvre du Centre, de nombreuses critiques ont été formulées et certaines polémiques ont éclaté. Le Groupe de Liaison pour l’Action Culturelle Scientifique [28]. Dans son rapport au Ministre de la Culture intitulé Cultiver la technique, Philippe Roqueplo parle du syndrome de la Villette et adresse au projet la critique suivante :
La perspective générale consiste à présenter l’industrie non point pour elle-même mais comme lieu de mise en œuvre des techniques, celles-ci étant à leur tour considérées comme application des sciences. Or cette façon de placer les sciences au centre du dispositif trahit la réalité de la vie technique et industrielle en ne montrant qu’un aspect de l’industrie sans considération suffisante de l’insertion socio-économique des entreprises. [29]
La création du Centre de la Villette, outre qu’elle offre un terrain privilégié d’expérimentation (cf. l’exposition JANUS inaugurée le 17 décembre 1982 par François Mitterrand), provoque donc une intense réflexion théorique [30]. Mais au-delà des divergences de conception, se pose la question fondamentale de l’adéquation d’une institution parisienne prestigieuse pour répondre aux besoins urgents de l’ensemble de la France : En quoi l’inculture technique et scientifique des habitants de Saint-Flour, de Bar-le-Duc ou de Plougastel sera-t-elle traitée par l’érection d’un musée à la Villette ? [31]
La Mission du Musée en a une claire conscience. André Lebeau déclarait aux Journées 82 : Compte tenu des objectifs qu’on lui assigne, la création du Centre de la Villette ne prend tout son sens que si elle est conçue comme un élément d’un effort général entrepris pour remédier au retard pris par la France dans le domaine de la culture scientifique et technique et pour créer un système public d’accès à cette culture qui s’étende sur l’ensemble des régions. Et encore : Nous jugeons d’une importance extrême qu’à l’effort consenti pour le développement de la Villette corresponde un effort de même importance dans les régions [32]
La Mission du Musée souhaite poursuivre et intensifier des relations d’échanges et de travail avec ses partenaires des différents musées et centres de culture scientifique, technique et industrielle régionaux [33], et s’est dotée à cet effet d’un service efficace. En juin 1982 s’est créée l’Association des Musées et Centres pour le développement de la Culture Scientifique et Industrielle [34] qui a pour objectif de faciliter les possibilités d’information et de coproduction entre ses adhérents, et en particulier avec La Villette. Ce double dispositif est destiné à favoriser un rééquilibrage entre Paris et les Régions, entre La Villette et les autres initiatives locales. Encore faut-il que celles-ci aient des possibilités réelles de voir le jour et de se développer car il reste entre la Villette et ses partenaires éventuels une disparité fondamentale, à savoir d’une part, que le budget du premier est inscrit aux charges communes du Gouvernement et dépend en fait de la seule décision de l’Élysée, alors que celui des autres doit se négocier de façon complexe et laborieuse auprès des différentes instances communales, départementales, régionales et auprès des multiples ministères ou missions interministérielles concernées et d’autre part, que le Centre de la Villette va coûter plusieurs Giga-francs en investissement et environ un Giga-franc en fonctionnement annuel : ce coût est donc celui de plusieurs C.C.S.T. [35] Ne court-on pas le risque d’un déséquilibre flagrant entre Paris et un « désert français » perpétué ... La question est bien actuelle de savoir si La Villette sera un phare isolé, destiné à éblouir par sa magnificence, ou si elle sera le centre d’une activité vivante et diversifiée ? [36] Le budget de la Villette est exorbitant (en particulier son budget d’exploitation). Il a toute chance de réduire à la portion congrue l’ensemble des autres projets. [37]
Il importe donc d’explorer quels autres outils sont mis à la disposition de l’ensemble de la France.
2. L’ACTION GOUVERNEMENTALE
On peut dire que jusqu’en 1973 les quelques institutions préoccupées de culture scientifique et technique (Les Muséums d’Histoire naturelle, le Conservatoire des Arts et Métiers, le Palais de la Découverte) étaient tous sous la tutelle du Ministère de l’Éducation Nationale. Un premier tournant se prend alors avec l’apparition d’un mouvement en faveur de l’archéologie industrielle et la création d’écomusées. C’est la date à laquelle le Ministère des Affaires Culturelles commande à Philippe Roqueplo un rapport sur la Vulgarisation scientifique et action culturelle [38] rapport qui retentit comme une sonnette d’alarme. Elle ne suffira cependant pas pour que s’élabore une véritable politique du développement de la culture scientifique et technique.
AU MINISTÈRE DE LA CULTURE, une telle politique est actuellement en voie d’élaboration. Au mois d’août 1982, le Cabinet du Ministre a mis en route six groupes de travail dont les rapports viennent d’être publiés par les éditions Dalloz :
- Espace et culture au travail par Paul-Henry Chombart de Lauwe
- L’ordinaire de la communication par Michel de Certeau et Luce Giard
- Cultiver la technique par Philippe Roqueplo
- Création et technologie par Jean Zeitoun
les deux derniers devant paraitre prochainement sous le titre :
- Hommes, Techniques et Sociétés industrielles : traces et identités par Noëlle Gérome, Bernard Rignault et Jacques Vallerant.
L’ensemble de ces rapports constitue un corpus volumineux et une mine d’informations et de propositions mais ne définit pas encore une politique. Philippe Roqueplo, au nom de son groupe de travail, se permet même de douter de la volonté du Ministère en ce domaine : Dans l’état actuel des choses et malgré les nombreuses déclarations officielles favorables à la promotion de la culture scientifique et technique, il nous est difficile de croire à la volonté réelle du ministère en ce domaine. [39] Et il réclame que soit créée au sein du Ministère de la Culture une structure interne (par exemple une Mission à la Culture scientifique et technique) indépendante des directions actuelles du Ministère. [40]
On peut supposer qu’à la suite du travail considérable de réflexion que le Ministère a provoqué, une ligne de conduite sera fixée et que les moyens appropriés seront dégagés afin qu’elle soit appliquée. Mais on peut craindre aussi que les difficultés économiques actuelles paralysent la mise en place d’une action spécifique dont le financement devrait se faire au détriment des activités culturelles plus traditionnelles.
AU MINISTÈRE DU PLAN ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, un groupe s’est constitué sous la présidence d’Yves Malécot pour réfléchir sur les conditions du développement d’initiations régionales en matière de culture scientifique et technique. À la suite de ses travaux [41], un C.I.A.T. (Comité Interministériel pour l’Aménagement du Territoire) a été constitué qui gère une certaine enveloppe budgétaire pour contribuer au financement de quelques initiatives régionales. Ce C.I.A.T. tient deux sessions par an.
Par ailleurs le Rapport du Groupe de travail long terme - Culture, rédigé par Marc Guillaume et intitulé L’Impératif Culturel réserve une place importante aux relations de la culture avec le travail et les nouvelles techniques de communication [42].
AU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET DE L’INDUSTRIE, la préoccupation du développement de la culture scientifique et technique est essentiellement portée par la M.I.D.I.S.T. (Mission Interministérielle pour le Développement de l’Information Scientifique et Technique) qui dispose de certains fonds pour contribuer au financement des frais de fonctionnement de certaines initiatives locales. (Ces financements peuvent aller à des opérations ponctuelles ou au contraire se conjuguer avec ceux du C.I.A.T. de la D.A.T.A.R. dont il a été question plus haut.
Avec l’ambition de réintégrer la dimension scientifique et technique dans l’information, l’éducation et la culture, la MIDIST soutient :
- des programmes de vulgarisation et de formation élaborés avec d’autres ministères ;
- des initiatives émanant d’institutions ou d’associations nationales ou régionales.
La MIDIST agit par :
- l’ouverture des communautés scientifique et industrielle au grand public : « journées portes ouvertes » dans les laboratoires, les entreprises ;
- la sensibilisation aux sciences et techniques par les médias, notamment les chaînes de TV : coproductions de films, appui technique à des émissions scientifiques ;
- le renforcement du rôle culturel et pédagogique des musées scientifiques et techniques ;
- la constitution d’un réseau national de centres culturels scientifiques et techniques à partir de l’établissement public de la Villette [43]
- le développement des actions en directions des jeunes :
- par l’élaboration avec le ministère de la jeunesse et des sports de programme de formation d’éducation et d’animations sensibilisés à la culture scientifique et technique,
- par la réalisation d’expositions et de jeux, l’aide aux clubs et aux activités scientifiques dans les centres de loisirs, le lancement du concours du jeune inventeur ;
- les relations avec le secteur de la production
- par des discussions suivies avec les différents partenaires : directions, ingénieurs, techniciens, ouvriers, ainsi qu’avec les différentes organisations professionnelles, la MIDIST entend repérer les besoins d’information scientifique et technique dans l’entreprise et mettre en valeur l’information scientifique et technique détenue par l’entreprise et souvent largement inexploitée [44]
D’autre part il faut rappeler que dans le cadre de la restructuration du C.N.R.S., deux directeurs scientifiques à vocation horizontale, pour la valorisation de la recherche d’une part, la diffusion de l’information scientifique d’autre part, sont mis en place [45]. La nomination du premier ne rend nullement caduque la Mission de l’ANVAR (Agence Nationale pour la Valorisation de la Recherche) qui est bien implantée régionalement. Quant à la nomination du second, il s’agit encore d’une ouverture, vers le grand public cette fois. [46]
Le Colloque national Recherche et Technologie (13-16 janvier 1982), préparé par des journées régionales, a donné une impulsion au désir des chercheurs de mieux faire connaître leur travail à la population. Une association nationale, l’ADEMAST [47], a été créée pour entretenir et orchestrer cette volonté, ardente invitation à mener une réflexion sur le meilleur moyen d’amener par leur formation initiale et continue les Français aux sciences, aux techniques et à la culture [48]. Un an après le Colloque national, elle vient de dresser le bilan de son activité. Rendant compte de l’assemblée tenue dans l’ensemble scientifique de Sophia Antipolis, Le Monde écrit : Les organisateurs du colloque avaient prévu une commission de l’information scientifique et technique et de l’animation culturelle : or c’est une commission de la culture scientifique et technique qui a siégé. La distinction n’est pas gratuite. Elle trahit une nette évolution depuis un an. Ceux qui se préoccupaient alors d’information scientifique ont pour la plupart franchi un seuil et porté leur réflexion sur les enjeux socio-économiques à long terme qui implique une intégration de la science à la culture du citoyen [49].
Toujours au Ministère de la Recherche et de l ’Industrie, plusieurs rapports ont été publiés qui touchent par un biais ou un autre la culture scientifique et technique. Citons le rapport Mattelart-Stourdzé intitulé Mission technologique, diffusion de la culture et communication [50], et le rapport Pelissolo sur l’Industrie du futur.
AU MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, plusieurs services ont été regroupés pour constituer la DBMIST (Direction des Bibliothèques, Musées et de l’Information Scientifique et Technique). Cette direction semble toujours très dépourvue de moyens financiers (surtout pour l’entretien et la mise à jour des collections d’histoire naturelle qui dépendent de sa tutelle). Par contre, elle a la possibilité de faciliter la mise à la disposition de personnel enseignant pour des opérations de développement de la culture scientifique et technique et de favoriser l’ouverture du monde scolaire sur l’univers qui l’entoure, selon la volonté exprimée par Alain Savary : Nous cherchons à rapprocher les intérêts culturels des familles et les activités scolaires, à réduire l’écart entre l’univers ambiant des jeunes et le monde que leur propose l’école [51].
En particulier par le biais de l’Association Nationale Sciences Techniques Jeunesse [52] développée autour du Palais de la Découverte et ayant des antennes dans chaque région de France [53], l’Éducation Nationale, soutenue par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, favorise la mise en place d’ateliers et de stages d’intérêt scientifique et technique hors du temps scolaire, ainsi que la formation d’animateurs.
Enfin des textes officiels sont en cours d’élaboration pour que l’action en vue du développement de la culture scientifique et technique soit prise en compte dans la carrière des chercheurs et qu’elle ne soit plus considérée péjorativement comme de la vulgarisation. Mais au-delà de la mutation introduite dans les textes, sera essentielle sur ce point la mutation accomplie dans l’esprit des chercheurs eux-mêmes, afin qu’ils ne considèrent plus comme secondaire l’activité visant à la circulation du savoir. Cependant la bonne volonté ne suffit pas. Encore faut-il que soit assurée aux chercheurs une certaine formation à la diffusion de l’information et à l’action culturelle. C’est sans doute à ce besoin qu’entend répondre la création des U.R.F.I.S.T. [54] qui ouvrent un nouveau champ de recherche et de formation à l’Université.
III. LES DIFFÉRENTES STRATÉGIES
Face à la problématique générale et en fonction des outils forgés par l’État, il est intéressant de faire un tour d’horizon des initiatives prises en différents points de France. La première constatation qui s’impose est qu’il n’y a pas de modèle dominant, pas de structure-type et que chacune obéit à une stratégie institutionnelle particulière, en fonction de la situation locale dans laquelle elle doit s’insérer. Les exemples ne sont pas plus à prendre au Palais de la Découverte, au Musée du Chemin de fer de Mulhouse, à la Maison de la Culture de Chalon s/Saône, à l’Écomusée du Creusot qu’à Grenoble [55]
Il ne peut donc être question d’établir ici une liste exhaustive des réalisations, mais plutôt, à travers quelques exemples, d’illustrer les différentes stratégies mises en œuvre.
1. GRENOBLE
Dès qu’il est question de culture scientifique et technique,
L’exemple de Grenoble et de son CCST vient à l’esprit. La stratégie mise en œuvre a été de s’insérer dans les institutions culturelles déjà existantes, ou plus précisément en voie de création : Avant même que la Maison de la Culture de Grenoble ouvre ses portes en février 1968, il apparaissait nettement que les sciences, exactes et naturelles, devraient y avoir leur place au même titre que le théâtre, les arts plastiques ou la musique. [56] Dans un premier temps la culture scientifique et technique est purement et simplement intégrée à l’activité de la Maison de la Culture. Le succès fut immédiat et de grande ampleur. De 1968 à 1974, il vint à la Maison de la Culture autant de gens attirés par les activités scientifiques que par toutes les autres manifestations réunies [57]. Bilan positif qui ne permet cependant pas de résoudre tous les problèmes d’intégration à part entière de la culture scientifique et technique dans les activités de la Maison de la Culture. Il y a donc, en dépit du succès, une sorte d’échec à l’origine de la mise en place d’une structure spécifique. D’où en janvier 1975 la création d’une Association pour un centre culturel scientifique qui aboutit en 1979, non sans difficulté, à l’ouverture de l’actuel CCST de Grenoble. [58]
Pour simplifier la démarche, disons donc qu’il s’agit ici de la scission puis du développement de l ’un des secteurs de la Maison de la Culture. Elle aboutit à la création d’une structure autonome. Certes celle-ci est de plus en plus en relation de service avec tous les organismes socio-culturels de la Ville [59] mais peut être ressentie comme rivale par certains. [60]
2. MULHOUSE
Le cas de Mulhouse illustre une tout autre situation. Ici, le point de départ est l’existence de plusieurs musées chargés de garder la mémoire d’un riche passé industriel :
- musée de l’impression sur étoffe (fondé en 1858 et réorganisé en 1955)
- musée du papier peint (constitué à la suite de la restructuration dans les années 70 de la Manufacture de papiers peints Zuber & C°)
- musée français du Chemin de fer (ouvert en juin 1971)
- musée du sapeur-pompier (inauguré en novembre 1978)
- musée de la radio (appartenant à un collectionneur passionné, mais ouvert au public)
- musée national de l’automobile (devenu municipal à la faveur de la faillite des frères Hanz et Fritz Schlumpf, et ouvert au public depuis 1982).
À cela s’ajoute encore un projet : Le Centre sur l’énergie électrique, actuellement en cours de réalisation.
Par rapport à ce parc muséologique particulièrement riche, il n’est pas question que le CCST projeté soit un musée de plus. La création de ce Centre National de Culture Scientifique, Technique et Industrielle n’a pas pour but de concentrer toutes les fonctions au sein d’une structure centrale et donc, de se substituer aux différents musées, mais plutôt d’établir clairement que ceux-ci constituent réellement un ensemble qui fait l’objet d’une politique générale prenant en compte tous les problèmes d’intérêt commun liés à la valorisation du patrimoine. [61]
Par rapport aux Musées, ce Centre se voit attribuer les fonctions suivantes :
- coordination (dans le domaine des investissements et du fonctionnement)
- animation (en particulier en relation avec l’environnement régional)
- promotion par la mise en œuvre d’actions globales.
Par rapport aux opérateurs régionaux :
- mettre à profit toutes les opportunités de nature à valoriser le patrimoine mulhousien,
- assurer un maximum de retombées économiques par la promotion d’une image de marque de la ville.
Par rapport aux organismes extérieurs (Ministères, La Villette, etc.) : servir d’interlocuteur unique pour l’ensemble des structures mulhousiennes.
3. LA FONDATION 93
La Fondation 93 illustre encore une autre démarche. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, il ne s’agit pas d’une Fondation au sens juridique du terme mais d’une Association Départementale regroupant plusieurs communes du département de la Seine Saint-Denis, communes qui présentaient la particularité d’être toutes dirigées par le même courant politique lors de la constitution de l’Association en 1982 [62].
Ici encore, il ne s’agit pas de constituer un Centre, au sens du CCST de Grenoble, mais par contre, à l’image de Grenoble et à la différence de Mulhouse, il s’agit bien d’assurer une unité de production (d’expositions, de valises pédagogiques, d’émissions de radio, etc.) qui s’appuie pour sa diffusion sur l’ensemble des structures socio-éducatives des communes engagées dans l’opération. Chaque commun participe selon un certain quota au financement de la Fondation et peut ainsi bénéficier de ses services.
Il est intéressant de noter que la Fondation 93 possède, de façon bien distincte, un Conseil de gestion (composé de représentants des institutions qui contribuent à son financement) et un Comité de réflexion consultatif qui assure le rôle de proposition et d’incitation. L’équipe des professionnels comprend les postes suivants :
- un directeur
- un directeur-adjoint
- un secrétaire
- un documentaliste
- deux animateurs
- un comptable à mi-temps [63]
Nous reproduisons ci-contre l’organigramme de l’ensemble.
4. EN CHAMPAGNE ARDENNE
Ici l’initiative n’est plus celle de quelques communes d’un même département, mais celle d’un regroupement, à l’échelle de la région Champagne-Ardenne, de tous les partenaires éventuels d’un développement de la culture scientifique et technique. Dans la foulée des Assises Régionales Recherche et Technologie de Novembre 1981 à Chalons, une Rencontre Animation et Information scientifique et culturelle en Champagne-Ardenne est organisée le 11 juin 1982. 65 délégués de 40 organismes différents y participent, qui présentent leurs réalisations, leur potentiel, leurs projets et expriment leurs besoins. [64]
Le 30 octobre 1982 une association culturelle est créée, de Coordination pour le Développement de l’Animation et de l’Information Scientifique, Technique et Industrielle en Champagne-Ardenne dont l’article 2 des statuts précise l’objet :
L’action collective de ses membres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle en facilitant l’échange, l’information, la concertation, la recherche et l’expérimentation, notamment en :
- aidant à l’organisation de manifestations itinérantes ou de colloques ; à la publication et à la diffusion de tous les documents nécessaires à la réalisation de son objet, ou à tout autre moyen approprié,
- aidant ses membres dans leur mission didactique notamment en organisant pour leur compte des stages pour la formation de personnels d’animation,
- apportant son concours aux Associations membres qui le solliciteraient et pouvant servir d’interlocuteur auprès des établissements publics ou privés, groupes ou fédérations d’entreprises pour des questions d’intérêt commun,
- participant aux réflexions ou recherches portant sur la culture scientifique, technique et industrielle,
- plus généralement en délibérant de toute question d’intérêt commun tant au niveau national que régional [65]
5. NICE
Ici le point de départ est constitué par un petit groupe de chercheurs rassemblés autour de Jean-Marc Levy-Leblond qui, à la suite des Assises Régionales Recherche et Technologie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont constitué l’Association A.N.A.I.S. [66] L’association n’ est constituée ni de communes (cf. Fondation 93), ni d’institutions (Champagne-Ardenne), elle n’est pas une fédération de musées (Mulhouse), mais un petit groupe de neuf personnes, vigoureusement motivées par le projet (4 professeurs, 2 ingénieurs, 1 maître de recherche au CNRS, 1 astronome, 1 psycho-sociologue). Ce petit groupe est le véritable moteur de l’opération mais il s’est adjoint un comité de parrainage des personnalités de renom international.
Le projet prévoit d’associer un centre proprement dit et une activité de réseau. Le centre sera situé à proximité immédiate des autres pôles culturels de la Ville (Théâtre, futur Palais des Congrès et de la Musique, Palais des expositions) et pourrait comprendre :
- un planétarium moderne dans une coupole d’une quinzaine de mètres de diamètre, salle d’environ 60 places, transformable et adaptable à d’autres spectacles (lasérium, projections panoramiques). Plusieurs séances auraient lieu chaque jour (avec des commentaires en plusieurs langues), dont certaines spécialement réservées aux scolaires,
- un espace d’exposition à géométrie modulable (environ 600 m2),
- une salle polyvalente d’environ 60 places pour séminaires et conférences,
- des ateliers d’animation et salles de manipulation,
- un centre de documentation : bibliothèque, vidéothèque, photothèque, avec salle de lecture,
- un centre informatique avec des micro-ordinateurs et accès aux différents réseaux informatiques,
- une coupole d’observation pour un petit télescope de 300 mm et une station météo,
- une boutique : librairie, vente de matériel,
- un hall d’accueil et de rencontres,
- une cafétéria et un parc à voitures.
Ce à quoi il faudrait ajouter les locaux propres non ouverts au public :
- 5 ou 6 bureaux,
- un atelier de réalisation et d’entretien technique,
- un atelier graphique (création, tirage),
- un laboratoire photographique, un entrepôt de matériel,
- un studio d’enregistrement et de diffusion (vidéo, radio, télévision par câble. [67]
Cette énumération méritait d’être citée in extenso car elle donne un bon exemple de ce que pourrait être un CCST, véritable Maison de la Culture scientifique et technique. Petit équipement si on le compare à La Villette, mais gros équipement pour une ville moyenne, même parée du prestige de métropole régionale.
6. LES BOUTIQUES DE SCIENCES
Le 23 octobre 1982, l’assemblée générale constitutive de la Fédération Nationale des Boutiques de Sciences et Assimilés (F.N.B.S.A.) s’est tenue à Lyon, avec comme membres fondateurs les Boutiques de Sciences de Lyon, Paris-Jussieu, Seine-Saint-Denis (ATES 93), Marseille (ORES5TE), Grenoble, Lille (ALIAS), Strasbourg, Clermont (ARTA), Charleville-Mézières, et le CRET (Coopération Tiers-Monde. Même si la mise en place et le démarrage des Boutiques de Sciences semblent longs et frustrants pour les initiateurs qui doivent encore porter les projets à bout de bras ... le chemin parcouru depuis le Colloque de Louvain-la-Neuve est considérable. En l’espace d’un an et demi, une dizaine de projets se sont concrétisés … [68]
Ce mouvement se distingue sous de multiples aspects des initiatives précédemment évoquées :
- C’est un mouvement international et le mot boutique est la traduction du mot shop dont il garde l’une des significations en laissant tomber l’autre qui évoque un atelier plus qu’un lieu de négoce. [69]
- Ses promoteurs proviennent tous de milieux où s’est élaborée, depuis mai 1968, une autocritique de la Science [70] et ont participé antérieurement à des essais plus ou moins heureux de modification du statut des scientifiques dans la société. Il s’agit donc d’une tentative d’institutionnalisation et de développement de certaines pratiques militantes antérieures dont l’un des enjeux est la subversion du système [71]
- L’idée de base est de placer la recherche face à la demande sociale [72], c’est-à-dire de permettre à des collectivités locales, des petites entreprises, des organisations syndicales, des comités d’entreprises, des associations, et même dans certains cas des particuliers, de soumettre aux scientifiques et aux chercheurs des problèmes concrets appelant des réponses urgentes soit pour la modification des conditions de vie ou de travail, soit pour la prise de décisions à répercussions économiques ou sociales. La Boutique assure la médiation entre la demande sociale et les chercheurs. Elle joue un rôle d’interface en aidant les demandeurs à bien formuler leur requête, en sélectionnant parmi ses correspondants ceux qui sont compétents pour travailler sur le problème posé, enfin en veillant à ce que les réponses apportées soient formulées de façon compréhensible par des non-spécialistes.
En dépit du changement politique intervenu en mai 1981, changement qui a suscité un grand espoir parmi les militants des Boutiques de Sciences, le mouvement doit encore faire face à d’énormes résistances et à de grosses difficultés financières. Plusieurs projets sont en voie d’élaboration. Aucun n’est actuellement en prévision sur Rennes. [73]
Ces six exemples sont loin d’épuiser tous les cas de figure possibles mais ils illustrent différents types de stratégies institutionnelles parmi lesquelles il faut bien choisir :
- Partir d’une institution culturelle comme à Grenoble.
- Fédérer un grand nombre de musées comme à Mulhouse.
- Mettre en commun les moyens de plusieurs communes comme dans la Seine-Saint-Denis.
- Regrouper en association tous les partenaires institutionnels possibles de la région, comme en Champagne-Ardenne.
- Favoriser un petit groupe de personnes très motivées comme à Nice.
- S’appuyer sur la contestation interne du statut de la Science et des scientifiques, pour créer une Boutique de Sciences.
CONCLUSION
Le partage du savoir et le développement de la culture scientifique et technique constituent aujourd’hui pour notre pays un enjeu essentiel répondant à plusieurs objectifs :
- Économiques : assurer une base collective de compétence scientifique et technique pour, le développeront, et promouvoir l’aptitude à l’innovation ;
- politiques et sociaux : permettre l’élargissement de la démocratie aux choix technologiques (énergie, défense, santé) qui conditionnement notre société ;
- culturels et éducatifs : répondre au légitime besoin reconnaitre et de comprendre le monde dans sa dimension naturelle autant que sociale ;
- intellectuels et scientifiques : désenclaver les milieux scientifiques, valorisation et féconder les activités de recherche. [74]
Face à cette vaste perspective, le Gouvernement n’a pas encore défini clairement sa politique. Un intense effort de réflexion est en cours mais, si l’on excepte le budget de La Villette, les moyens financiers disponibles sont encore modestes. Face à cette situation, plusieurs stratégies institutionnelles sont possibles qui tiennent compte des contextes industriels, universitaires, sociaux et culturels, spécifiques.
En ce qui concerne Rennes et sa région, il importe donc avant de proposer des scénarios possibles d’action (troisième partie) de dresser un bilan de la situation actuelle en évoquant le contexte général, en reconnaissant les acteurs du développement de la culture scientifique et technique et en relevant les actions déjà menées dans ce secteur.
DEUXIÈME PARTIE
LA SITUATION RENNAISE
I. LE CONTEXTE GÉNÉRAL
L’histoire de Rennes est très liée à celle de la Bretagne dont elle est la capitale. Or, la Bretagne partage le sort de l’ensemble de l’Ouest français, qui fut l’un des axes économiques primordiaux de la France d’Ancien Régime, pour n’être plus, au XIXe siècle, qu’une partie intégrante de la grande dorsale rurale de la France nouvelle. [75]
À l’absence de charbon et d’autres sources d’énergie, à sa situation géographique qui entraîne un certain isolement du reste de la France, il faut sans doute ajouter l’absence de cadres sociaux dynamiques, pour expliquer cette carence du développement économique. On a pu dire du XIXe siècle qu’il fut pour la Bretagne (et donc pour Rennes) celui des mutations manquées, la bourgeoisie rennaise préférant placer ses capitaux en terres et en fonds plutôt que dans l’industrie. [76]
C’est ainsi qu’en dehors de l’activité traditionnelle des forges, des moulins, des tanneries, Rennes ne voit s’installer dans la première moitié du XIXe siècle que deux usines d’une certaine importance :
- L’imprimerie Oberthur en 1842
- L’Arsenal en 1844
La ville se développe avant tout comme centre administratif et comme lieu privilégié d’échanges (avec une intense activité commerciale, judiciaire, universitaire, religieuse). L’arrivée du chemin de fer en 1857 confirmera ce rôle sans entraîner de nouvelles industries dans son sillage.
Cet état de fait, que l’installation de Citroën à partir de 1954 ne peut pas, à elle seule, radicalement changer, pouvait être considéré jusqu’en 1974 comme un lourd handicap économique. À la lumière de la crise qui s’est alors déclarée et de la mutation technologique qui s’est simultanément accélérée, cette situation n’apparaît plus nécessairement comme un handicap mais peut au contraire se transformer en atout. Les forces non mobilisées par la sauvegarde et la difficile reconversion d’un patrimoine hérité de la première révolution industrielle sont directement disponibles pour participer activement à la révolution technologique dans laquelle la société occidentale est actuellement engagée. La partie n’est pas gagnée d’avance (il y faut de l ’initiative, de 1 ’audace et une véritable volonté politique) mais elle est jouable, et à ce jeu, comme à tant d’autres, les derniers peuvent un jour se retrouver les premiers. C’est la partie qui est actuellement engagée à Rennes et dans sa région.
Notons ici en passant qu’il est aujourd’hui très difficile de définir de façon tranchée les contours d’une ville. La commune de Rennes se trouve au cœur de l’agglomération rennaise (qui comprend, outre Rennes, les communes de :
- Saint-Jacques
- Cesson
- Chantepie
- Bruz
- Chartres de Bretagne
- Saint-Grégoire
- Vezin).
Celle-ci constitue à son tour le noyau dur du district de Rennes, composé en tout de 27 communes. Enfin, au-delà des limites du district, s’étend le pays de Rennes (par opposition aux pays de :
- Saint-Malo
- Fougères
- Redon
- Vitré
qui constituent à eux tous le département d’Ille-et-Vilaine), petite région de définition récente mais d’existence très ancienne, qui entretient avec l’agglomération d’intenses échanges économiques et culturels.
Bien que ce rapport soit rédigé à l’intention première du Conseil Municipal de la Ville de Rennes, ses considérations valent en général pour l’agglomération, le district et même souvent pour l’ensemble du pays de Rennes.
DANS TROIS SECTEURS D’AVENIR, Rennes se trouve actuellement à la pointe de la recherche, dans :
- l’ensemble électronique et télématique
- l’agro-alimentaire
- la recherche médicale et la santé publique.
Dans ces trois secteurs, Rennes dispose :
- D’un équipement de haute qualité qui permet de former sur place les cadres nécessaires à leur développement
En ce qui concerne l’électronique et la télématique :
- l’École Supérieure d’Électricité
- l’École Supérieure d’Électronique de l’Armée de Terre
- le secteur informatique de l ’Institut National des Sciences Appliquées
- le secteur électronique de l’Institut Universitaire de Technologie (IUT)
En ce qui concerne l’agroalimentaire :
- l’École Nationale d’Agronomie, avec son équivalent féminin.
En ce qui concerne la médecine :
- Outre la Faculté de Médecine et le C.H.U.
- L’École Nationale de la Santé Publique (unique en France)
- et plusieurs formations dans le secteur sanitaire et social.
1. De centre de recherche spécialisés :
- CCETT (Centro Commun d’Études de Télévision et de Télécommunications)
- l’IRISA (Institut de Recherche en Informatique et Systèmes aléatoires)
- l’INRA (Institut National de Recherches Agronomiques)
- Le Centre de Recherche Porcine
- l’Institut pour le Développement de l’Industrie Laitière (IDIC)
- l’Aide au Diagnostic Médical (A.D.M.) mis au point par le Professeur Lenoir.
2. Et la création d’industries correspondantes, déjà amorcée
(C.G.C.T., S.G.S., SOFREL, Thomson-C.S.F., d’un côté ; Poridel, Ricard, Coopérative Agricole de l’autre), devrait être accélérée et comme orchestrée par la création d’une Z.I.R.S.T. (Zone Industrielle de Recherche Scientifique et Technique) dont trois des filières prioritaires sont précisément :
- la biotechnologie
- le génie biologique et médical
- les nouvelles technologies de communication (dont la Maison de l’électronique mettra en valeur toutes les dimensions).
C’est dans ce contexte général que se pose à Rennes le problème du développement de la culture scientifique et technique. Il ne s’agit pas, par une action volontariste, de greffer sur la vie rennaise une activité artificielle, mais au contraire, de mettre en culture la mutation technologique qui est en train de façonner l’avenir économique et social de l’agglomération. Cette mutation ne doit pas être vécue par la population comme une sorte de viol mais au contraire être préparée, assimilée, comprise et, dans une certaine mesure, choisie par elle. Instituts universitaires, laboratoires de recherche et industries nouvelles ne doivent donc pas se développer comme des excroissances par rapport à la ville, mais au contraire entrer en osmose avec elle par un accroissement de la communication entre ces différents pôles. Cela évoque davantage le modèle d’un réseau qui innerverait le tissu urbain en y faisant circuler l’information (à l’image du système nerveux dans le corps), que celui de centre où il serait nécessaire pour les Rennais de venir chercher l’information.
Cette mise en culture, si elle était réussie, donnerait aux citoyens de Rennes le sentiment de participer à la gestation du monde nouveau qui s’élabore dans ses usines, ses laboratoires, ses universités, et donnerait en retour aux professeurs, chercheurs, ingénieurs, ouvriers, le goût de vivre à Rennes dans un milieu où la valeur culturelle de leur travail serait pleinement reconnue.
C’est ainsi que peut se forger, autrement qu’à coup de slogans publicitaires, une véritable image de marque de la Ville de Rennes, susceptible de créer une dynamique de déploiement et d’attraction.
Le développement de la culture scientifique et technique, loin d’être un luxe pour une période faste de croissance, se révèle donc comme l’une des conditions du succès de la reconversion de la région aux technologies d’avant-garde.
II LES PARTENAIRES
De tout ce qui précède, il ressort clairement que tous les Rennais, à un titre ou à un autre, peuvent devenir les partenaires du développement de la culture scientifique et technique. Celle-ci est, par définition, l’affaire de tous et non de quelques spécialistes. Dans ce chapitre, il ne peut donc être question d’établir la liste exhaustive de tous les partenaires potentiels, mais plutôt de mettre en valeur les infrastructures déjà existantes qui peuvent servir d’appui à une action cohérente de développement de la culture scientifique et technique.
1. LES STRUCTURES D’ENSEIGNEMENT
Rennes est dotée d’un réseau très dense d’établissements d’enseignement primaire et secondaire, tant du secteur public que privé, qui assurent la scolarisation (pour la seule ville de Rennes) de 58.000 élèves (environ 25.000 dans les maternelles et le primaire 33.000 dans le secondaire).
À noter, au service de ce double réseau, la présence à Rennes des Centres, Régional, et Départemental, de Documentation Pédagogique CRDP et CDDP [77]. Ils constituent une importante base de données, écrites et audiovisuelles, et facilitent l’accès aux ressources du Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP) [78] dont le catalogue est un outil de travail précieux pour qui cherche des instruments pédagogiques en vue du développement de la culture scientifique et technique.
L’enseignement supérieur est également très bien représenté puisque la ville peut se prévaloir de deux Universités : l’Université de Rennes I sur le campus de Beaulieu et l’Université de Haute-Bretagne à Villejean. À elles deux, elles accueillent 22.000 étudiants et couvrent le champ tant des sciences dites exactes (surtout présentes à Beaulieu) que des sciences dites humaines (surtout présentes à Villejean).
Une approche superficielle du problème posé par le développement de la culture scientifique et technique, préoccupée avant tout par la vulgarisation du savoir scientifique serait tentée de privilégier l’Université d’Rennes I et les Grandes Écoles spécialisées. Et certes, il y a nécessité de faire circuler au maximum les savoirs dispensés par les facultés scientifiques (avec toutes les difficultés pédagogiques et les limites incontournables que l’on sait). Mais la culture scientifique et technique ne s’épuise pas dans la vulgarisation, aussi réussie qu’on puisse l’imaginer. Si déjà il importe que l’éclairage des sciences humaines ne soit pas absent d’un outil de culture aussi centré que La Villette sur les « sciences humaines » et les « techniques » [79], à plus forte raison sont-elles essentielles, dans un projet plus global de développement de la culture scientifique et technique, comme instrument d’évaluation des implications économiques, sociales et culturelles des découvertes les plus récentes de la science, des innovations technologiques et des choix industriels qui déterminent pour une grande part l’avenir de la société.
Il n’est donc pas envisageable de privilégier l’un ou l’autre pôle (en termes concrets, de s’appuyer davantage sur Rennes I ou sur U.H.B.). Il importe au plus haut chef de réussir la symbiose des deux et de bénéficier, dans une activité cohérente, du double éclairage des sciences exactes et des sciences humaines. C’est l’un des atouts majeurs de Rennes. Il serait très regrettable de ne pas en tirer le meilleur parti, en se contentant, par exemple, de juxtaposer des opérations alors qu’il y aurait un incomparable enrichissement mutuel à les conjuguer, et un profit culturel pour la population rennaise qui dépasserait de loin la simple addition des deux parties.
Rappelons que chacune des Universités dispose d’une Bibliothèque Universitaire, sans compter les rayons de livres (souvent très spécialisés) adjoints à chacun de leurs laboratoires (dont il serait sans doute utile, mais ceci sans doute plus à l’intention des chercheurs eux-mêmes qu’à celle du grand public, d’avoir un catalogue récapitulatif, éventuellement informatisé).
Dans le cadre de cette étude, il convient de souligner de façon particulière la présence sur le campus de Beaulieu de COLLECTIONS, en ZOOLOGIE, MINÉRALOGIE et en BOTANIQUE, qui ont traversé avec plus ou moins de bonheur les bombardements de la deuxième guerre mondiale, puis le déménagement de l’Université de la ville vers Beaulieu.
Le département de Géologie a trouvé le moyen de stocker les importantes collections de pierres et de fossiles dans le sous-sol de la Faculté, ce qui a résolu de façon heureuse le problème de leur poids considérable.
Par ailleurs, un bon nombre de spécimens sont présentés sous vitrine dans le Hall d’accueil. Cette galerie aurait encore besoin de quelques vitrines supplémentaires. Elle n’est pas, dans l’état actuel des choses, ouverte au grand public (car il y a un seul conservateur pour faire face à toutes les tâches), mais elle accueille de temps en temps des groupes de scolaires. Outre les pierres et les fossiles (dont certains sont des types de référence), le département dispose d’importantes collections de diapositives et de plaques minces de référence. Enfin, certaines collections peuvent être dédoublées à des fins d’exposition à l’extérieur du campus universitaire.
Les herbiers n’ont pas connu un sort aussi heureux. Il est vrai qu’ils sont difficilement utilisables à des fins d’enseignement et que leur mise en scène pour des expositions poserait des problèmes très ardus. Par contre, ils renferment de très nombreux types de référence très utiles pour la recherche. Ils sont actuellement entreposés de façon extrêmement sommaire dans des locaux de fortune et subissent une rapide dégradation. Le département dispose de moulages qui servent à l’enseignement et pourraient aussi servir à des expositions.
Quant à la collection du laboratoire de Zoologie, elle a déjà une bien longue histoire. Débutée en 1840, elle s’élargit considérablement à la fin du XIXe siècle par de nombreux achats. Elle s’enrichit encore, à la fin de la deuxième guerre mondiale, d’une bonne partie des collections de sciences naturelles du Musée de Rennes (le reste étant dispersé dans les lycées de la ville).
Devenue considérable, et encore accrue par des dons et des achats, la collection du laboratoire de Zoologie est logée place Pasteur, dans les locaux de la Faculté des Sciences où elle occupe 450 m2 répartis en 5 salles [80]. Le déménagement de la Faculté vers Beaulieu pose un problème épineux car aucun local adapté n’a été prévu pour cette collection. On l’installe tant bien que mal dans deux couloirs et une salle de travaux pratiques. Cette solution ne saurait être que très provisoire, affirme le Doyen de l’époque, en attendant que soit prise la décision de construire de nouveaux bâtiments destinés à abriter cette importante collection. Cette lettre est datée du 6 juin 1969. [81] Quatorze ans plus tard cette solution très provisoire dure encore !
Un premier projet est élaboré dès 1969 mais n’aura pas de suite. En 1973, le projet de MASUR (Maison des Sciences de l’Université de Rennes) qui aurait inclut une solution au problème de toutes les collections, échoue devant l’importance des investissements nécessaires et des frais annuels de fonctionnement à budgétiser.
Entre temps, les collections qui souffrent en particulier d’un manque de climatisation se dégradent un peu plus chaque année, et ne peuvent être présentées au public rennais (à l’exception des écoles et de quelques groupes, notamment de personnes du troisième âge).
Cette situation désastreuse préoccupe les responsables de ce département universitaire. Ils se tournent d’une part vers l’Éducation Nationale qui exerce une tutelle sur les Muséums d’Histoire Naturelle, et vers la Ville de Rennes dans la mesure où, comme nous l’avons vu, une partie du fonds est d’origine municipale, et où la population rennaise pourrait être bénéficiaire, par l’ouverture des collections au public, si une solution positive était trouvée. Mais le Ministère de l’Éducation Nationale dispose de très peu d’argent (pour ne pas dire aucun) pour les Muséums, et d’autre part la question de fond est posée de l’opportunité, aujourd’hui, de présenter au public des collections entières comme on le concevait au XIXe siècle. La possibilité de voir, grâce aux facilités de déplacement, au cinéma ou à la télévision, les espèces les plus spectaculaires ou rares dans leur milieu naturel, a radicalement changé la motivation du public qui demande aujourd’hui une information scientifique. En conséquence, de nombreux spécimens n’ont plus à figurer dans la galerie [82]
Il semble donc opportun de dissocier aujourd’hui le problème du stockage intelligent des collections dans une zoothèque appropriée, et celui d’un nouveau musée moderne d’éveil à la connaissance des différentes espèces zoologiques. Cette réflexion vaut aussi pour la botanique, à la promotion de laquelle le service des jardins de la Ville de Rennes (en particulier avec le Thabor, jardin des plantes situé en plein centre-ville) et la Société d’Horticulture d’Ille-et-Vilaine contribuent très efficacement [83].
Le problème n°1, en ce qui concerne les collections de zoologie et de botanique, me semble donc être celui de leur stockage approprié, de façon à sauvegarder un patrimoine précieux pour la recherche, l’enseignement et, dans une certaine mesure, pour une mise en valeur partielle et temporaire de certains de ses éléments dans le cadre d’opérations visant au développement de la culture scientifique et technique. Il ne s’agirait plus, dans cette hypothèse, de créer un musée de zoologie, mais d’envisager la constitution d’une zoothèque en étudiant la manière dont elle pourrait contribuer, par l’organisation d’expositions et d’animations, en différents lieux de la ville, à promouvoir la culture scientifique et technique.
L’Université de Haute-Bretagne, par plusieurs des formations qu’elle assure et par les pôles d’intérêt de sa recherche, peut constituer de son côté une solide base d’appui à l’action culturelle, scientifique et technique. Pour 1982-83, l’Université était habilitée à délivrer une licence d’information et communication et sera habilitée en 1983-84 à délivrer une maîtrise dans cette nouvelle discipline.
Par ailleurs Rennes 2 est l’une des sept universités retenues par la DBMIST pour servir de cadre à la création d’une Unité de Formation et de promotion pour l’Information Scientifique et Technique (les autres centres étant Lille, Lyon, Nice, Paris, Strasbourg et Toulouse). La compétence géographique de l’URFIST BRETAGNE - PAYS DE LOIRE s’étend aux villes universitaires d’Angers, Brest, Le Mans, Nantes et Rennes.
Ses missions sont :
- Informer : pôle régional d’échanges et de diffusion de l’information scientifique et technique, s’appuyant sur un réseau de correspondants locaux, l’URFIST facilitera les contacts entre chercheurs et l’ouverture au grand public des universités et des bibliothèques universitaires.
- Sensibiliser : avec les responsables régionaux de l’enseignement et de la recherche, l’URFIST encouragera l’accès des universitaires et des communautés scientifiques à la recherche documentaire automatisée.
- Former : l’URFIST formera prioritairement les utilisateurs des établissements d’Enseignement Supérieur (chercheurs, enseignants, bibliothécaires, documentalistes) à l’interrogation en conversationnel des bases et banques de données documentaires, participant ainsi au développement d’une véritable politique de l’information à l’université. [84]
Par ailleurs l’Université de Haute-Bretagne même de façon continue une opération Diffusion sociale de la culture qui consiste à établir une collaboration étroite avec le milieu associatif pour monter des actions communes à destination d’un large public.
Près de trente actions ont été menées en 1982-198,3, donnant lieu à des débats, émissions de radio, expositions, guide pratique, films, etc. Autant d’actions qui ont permis la responsabilisation des étudiants sur des projets concrets et opérationnels, l’ouverture des associations et institutions concernées vers le public et d’autres partenaires et enfin la reconnaissance du rôle culturel de l’Université dans la ville (document du 10 06 1983).
Parmi les opérations prévues pour 1983-84, nouvelles technologies et effets culturels prouve combien le travail de l’Université rejoint la préoccupation dont témoigne cette étude.
Aux deux Universités viennent s’ajouter plusieurs GRANDES ÉCOLES et ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR SPÉCIALISÉ :
- Institut National des Sciences appliquées (INSA)
- École Nationale Supérieure Agronomique (ENSA)
- École Nationale Supérieure Féminine d’Agronomie
- École Nationale Supérieure de Chimie
- École Supérieure d’Électricité (SUPELEC)
- École Supérieure d’Électronique de l’Armée de Terre (ESEAT)
- École d’Architecture
- École Régionale des Beaux-Arts
- École du Notariat
- École Nationale de la Santé Publique
- Formations dans le Secteur Sanitaire et Social.
Ce à quoi il convient d’ajouter :
- Le Service de la Formation Continue [85]
- et l’Association pour l’Université du Troisième Age (AU3A) [86]
qui contribuent l’un et l’autre, chacun dans son secteur, à maintenir le niveau de culture des catégories sociales auxquels ils s’adressent.
1. LES STRUCTURE DE RECHERCHE
En évoquant le contexte général de Rennes nous avons déjà énuméré plusieurs des centres de recherche implantés à Rennes. Nous retrouvons ici les trois grands pôles mis alors en valeur.
Depuis la décision prise le 18 décembre 1967 par un Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire, d’implanter à Rennes UN POLE D’ÉLECTRONIQUE qui s’insère dans l’environnement électronique breton (autres pôles à Brest et Lannion ; industries à Morlaix, Guingamp, Fougères, Lorient, Saint-Malo), le paysage rennais a considérablement évolué :
- 1968 : Création du Centre d’Électrique de l’Armement (CELAR) [87]
- 1972 : Création du Centre Commun de Télévision et de Télécommunication (CCETT)
- 1975 : Création par l’Université de Rennes I, le CNRS et l’IRIA [88] de l’Institut de Recherche en Informatique et Système Aléatoires (IRISA) [89]
- 1976 : Création du Groupe Armoricain en Informatique et Télécommunication (GRANIT) [90], Implantation des activités téléinformatiques de la DGT (Direction Générale des Télécommunications),
- 1978 : Création de la société TRANSPAC
- 1983 : Inauguration du nouveau CCETT,
– Inauguration du central de l’Annuaire Électronique
– Coup d’envoi de la maison de l’Électronique [91],
– Déci, ion de construire un Centre National de Formation à la Télématique,
– ainsi que le Centre National de Télé-enseignement.
Si l’on ajoute encore à cela le lancement d’un Centre de télévision numérique, cet ensemble fait de Rennes une véritable capitale de la télématique, le lieu de plus haute concentration en techniciens de l’image, d’où sortent les nouveaux produits comme TRANSPAC, ANTIOPE et de nouveaux autres services (télécopie, téléécriture, courrier électronique, etc.).
Il est intéressant de noter que dans ce secteur la collaboration est étroite entre la recherche, l’enseignement et l’industrie comme en témoignent l’association GRANIT ou la Commission Permanente pour le Développement de l’Électronique en Bretagne qui est composée de représentants de :
• la Chambre de Commerce et d’ Industrie de Rennes,
• la Chambre Syndicale des Industries Métallurgiques et Électroniques,
• la Ville de Rennes,
• l’Université Rennes I,
• l’INSA,
• SUPELEC,
• GRANIT.
On assiste ici à une véritable synergie des compétences qui favorise une dynamique de développement.
L’exemple le plus spectaculaire de cette convergence de toutes les forces sera sans aucun doute La Maison de l’Électronique dont le Premier Ministre, Pierre Mauroy, a confirmé la création lors de sa visite en Bretagne le 24 octobre 1981, et dont le chef de projet a été nommé au début de l’année 1983.
L’idée de départ est de constituer un pôle actif regroupant :
– les chercheurs
– les professionnels de l’électronique
– les professionnels utilisant l’électronique
– le grand public,
en leur assurant un lieu de rencontre, de contact, d’information, de conseil. Il s’agit avant tout de promouvoir les produits et le savoir-faire de l’Ouest, mais le souci d’informer le grand public n’est pas absent, comme en témoigne la soirée organisée par GRANIT sur l’introduction de l’annuaire électronique dans la société qui a réuni plus de 800 personnes à Rennes. Les organisateurs concluent : la réceptivité et l’intérêt du grand public paraissent acquis aux techniques électroniques [92]. Souhaitons que ce souci reste activement présent dans les préoccupations des promoteurs de La Maison de l’Électronique et que les limitations budgétaires ne fassent pas oublier cette dimension (moins immédiatement rentable) du projet.
Pour spectaculaire qu’ils soient les progrès de l’électronique et des télécommunications ne doivent pas monopoliser l’attention. La révolution biologique annoncée depuis quelques années par les futurologues est déjà commencée et son importance sera vraisemblablement comparable à celle que nous connaissons dans le domaine de l’électronique. [93]
La RECHERCHE AGRONOMIQUE doit tenir compte de la réalité agricole environnante. C’est pourquoi à côté de l’INRA ont été créés à Rennes :
– un Centre de recherche Porcine
– et un institut pour le développement l’industrie laitière (dont les travaux vont de la production fourragère à la transformation industrielle de lait).
Les propositions de programme pour le IXe Plan envisagent la création d’un G.l.P. (Groupement d’intérêt Public) pour développer les applications pratiques des biotechnologies élaborées à l’INRA. Nous sommes en effet en train d’assister à la naissance d’une véritable bio-industrie ou industrie de la fermentation car on dispose en effet presque toujours d’un micro-organisme pour convertir ou fabriquer tel produit organique désiré.
Le développement de ces biotechnologies d’une triple prise de consciences :
– nécessité d’utiliser au mieux la biomasse (les plantes produisent une grande gamme de produits, depuis les plus abondants comme la cellulose, jusqu’aux plus rares tels que les vitamines, les alcaloïdes, etc.)
– possibilités techniques offertes par le génie génétique (on peut intervenir au cœur du patrimoine génétique d’un micro-organisme et y greffer des gènes porteurs d’une fonction précise et particulièrement précieuse, par exemple pour :
o la régénération des plantes telles que les céréales
o l’amélioration du rendement de la photosynthèse
o l’assimilation de l’azote atmosphérique par les plantes
– nécessité de sauvegarder l’environnement par la promotion de produits biocompatibles, moins agressifs pour l’environnement par leurs effets secondaires [94]
La double présence à Rennes de l’ENSA et de l’INRA pose un problème tout à fait spécifique de diffusion de l’information scientifique et technique. En effet la demande est très grande de la part de la population rurale environnante qui vient à Rennes ou dans les autres lieux d’implantation des annexes de l’INRA, pour quérir une information sur les résultats de la recherche et sur les innovations technologiques en cours d’élaboration. En 1982 rien n’était prévu à cet effet et cette fonction était assumée au coup par coup, par les chercheurs, en surcroît de leur travail de recherche et parfois à son détriment. Des décisions viennent d’être prises au niveau national pour pallier cette carence. Il importera donc de tenir compte de leurs répercussions sur l’institut rennais.
En ce qui concerne le DOMAINE MÉDICAL, Rennes est plus particulièrement privilégiée. En effet, outre les recherches propres à la Faculté de Médecine et au C.H.U., la ville bénéficie de la présence de l’École Nationale de la Santé, d’une implantation de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) et vient de voir se constituer en mars 1983 un Observatoire régional de Santé dont l’un des buts est de recenser l’ensemble des études médicales déjà faites sur la région afin de les mettre en fiches. Sa finalité sera de retourner rapidement vers la population toute information médico-sociale susceptible de faire progresser la prévention et l’éducation sanitaire.
D’autre part, c’est à Rennes que le Professeur Lenoir a mis au point l’utilisation de l’’informatique dans l’établissement du diagnostic médical. C’est l’A.D.M. (Aide au Diagnostic Médical) qui constitue une banque de données disponible pour tous les médecins qui peuvent y avoir accès par la société TRANSPAC. À partir d’un certain nombre de symptômes, le programme les invite à préciser leur recherche en explorant différentes pistes possibles, et permet ainsi d’établir plus rapidement un diagnostic.
Dans le domaine médical comme dans celui des biotechnologies, un G.I.P. est à l’étude (dans le cadre de la création de la ZIRST) pour élaborer et produire industriellement les outils de la médecine de l’an 2000. Il s’agit en particulier de mettre à la disposition des médecins toutes les images dont ils ont besoin (radiographies, scannographies, échographies, etc.) sous forme numérique de façon à informatiser la totalité des archives et à en rendre ainsi beaucoup plus fonctionnelle la consultation.
Enfin, au service de tous les secteurs de la recherche, signalons la présence à Rennes des bureaux de l’ANVAR-Bretagne [95] dont l’équipe suit activement le parcours qui va de la recherche scientifique aux applications technologiques et facilite son aboutissement dans le monde industriel en apportant une aide financière à l’innovation. L’exposition l’ANVAR - La Villette présentée sur la place du Champ de Mars du 25 au 31 octobre 1982 a illustré cette politique par une centaine de cas d’innovation de laboratoires, de P.M.I. et de grandes entreprises.
Un exemple récent vient d’attirer l’attention de l’opinion publique sur Rennes : celui qui, des laboratoires de Rennes-I, a abouti à la création d’une P.M.E. pour l’exploitation d’un brevet de verre fluoré aux performances exceptionnelles, susceptible de s’imposer sur le marché international.
2. LES INSTITUTIONS CULTURELLES ET SOCIO-CULTURELLES
Sur le plan culturel et socio-culturel, la Ville de Rennes dispose de puissants pôles d’attraction (comme le Théâtre Municipal, la Maison de la Culture, le Musée de Bretagne, la Bibliothèque Municipale) et de tout un réseau d’équipements moins importants (MJC, maisons de quartier, annexes de la Bibliothèque municipale) qui assurent une présence culturelle dans toutes les parties de la ville. Il n’est pas nécessaire d’en établir ici un recensement exhaustif. Il va de soi que le développement de la culture scientifique et technique pourra, et dans une certaine mesure devra, s’appuyer sur tout cet ensemble. Nous nous bornerons à relever ici ce qui, dans tel ou tel de ces lieux culturels, peut contribuer le plus directement et le plus efficacement à ce développement.
Le MUSÉE DES BEAUX-ARTS recèle dans ses réserves de nombreuses pièces qui permettraient d’illustrer l’évolution des techniques au cours des âges.
Le MUSÉE DE BRETAGNE, par son orientation ethnographique, a été amené à constituer des archives précieuses sur le passé technique de la Bretagne, mais aussi sur le passé récent (en recueillant par exemple des documents photographiques sur les sites industriels dont certains ont cessé leur activité dans les dernières années), et collabore, entre autres avec l’INRA, pour la production de documents audio-visuels sur l’actualité de la région (voir par exemple, le montage sur le remembrement).
Dans la mouvance du Musée de Bretagne, est en train de se mettre en place, juste à la périphérie de Rennes, l’ÉCOMUSÉE DES BINTINAIS qui sera à la fois un musée du temps et un musée de l’espace.
– Musée du temps dans la mesure où l’exposition permanent retracera l’histoire de la vie rurale dans le pays de Rennes depuis le XVIe siècle.
– Musée de l’espace dans la mesure où l’espace agricole autour de la ferme montrera comment l’homme dans cette région a façonné son environnement …
Le temps et l’espace n’ont de sens que par rapport à la façon dont l’homme les conçoit, les organise ou les interprète. Cette dimension culturelle, la vision du monde des différentes générations les savoir-faire seront également conservés sous forme de livres, documents iconographiques, de bande magnétiques ou vidéos [96]
Ce manifeste souligne la nécessaire convergence des sciences naturelles et des sciences humaines, préconisée plus haut. Par ailleurs l’écomusée des Bintinais, s’il est mémoire du passé (par son aspect conservatoire sera aussi fenêtre ouverte sur le présent (en étant l’un des lieux possibles de l’information sur l’actualité agronomique) et élaboration du futur (par son aspect laboratoire). Ici jeu et connaissance ne seront pas séparés.
La BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE, à l’image de la plupart des établissements similaires en France, n’était guère orientée vers la littérature scientifique et technique. Il ne s’agit d’ailleurs pas de faire double emploi avec les Bibliothèques Universitaires mais de trouver, tant pour les abonnements aux revues scientifiques et techniques, que par l’achat de livres, le juste créneau correspondant à l’intérêt croissant des usagers de la Bibliothèque. Le développement de la vidéothèque permettra aussi éventuellement d’élargir le champ des services rendus au développement de la culture scientifique et technique.
Actuellement une action expérimentale est en cours à l’annexe Bourg-l’Évêque de la Bibliothèque Municipale. Elle est avant tout dirigée vers les enfants et les jeunes, mais quelques personnes adultes du quartier en ont aussi bénéficié. Il s’agit de développer un rayon scientifique et technique. Le choix des ouvrages s’est essentiellement appuyé sur les catalogues du Palais de la Découverte. La Bibliothèque possède aussi quelques jeux de diapositives mais n’est pas équipée en vidéocassettes. Le bilan de l’activité au bout d’un an révèle que 38 % des documents prêtés sont des livres ou revues concernant les Sciences et les Techniques. Cela représente près de 3.000 prêts, soit I/5 de la totalité des prêts.
La MAISON DE LA CULTURE de Rennes s’est dotée dès sa création d’un groupe sciences et a recruté en 1974 un géographe comme responsable des relations avec les Universités et de l’animation scientifique. Le budget assigné à cette action (au-delà de la rétribution du responsable) est longtemps resté de 10.000 F. Il vient d’être porté à 30.000 F. Ce budget ne permet la réalisation chaque année de plusieurs opérations que dans la mesure où son responsable réussit à jouer avec les autres services de la Maison.
L’animation scientifique, comprise au sens large, permet d’aborder la science pure (physique, géologie, ...), la science appliquée à l’homme (problèmes médicaux) et à sa vie quotidienne (école, urbanisme) mais aussi les problèmes d’actualité. En un mot tout ce qui touche à la diffusion d’une connaissance autre q ’artistique.
Depuis sa création, la Maison de la Culture a proposé au public des réalisations d’organismes nationaux (Palais de la Découverte, Centre de Création Industrielle, Centre National de la Recherche Scientifique), et des réalisations locales menées à bien en collaboration avec différents groupes. [97]
C’est ainsi que sont proposés à la population rennaise, des débats, des animations, des expositions scientifiques, des expositions documentaires, des programmes « à la découverte du monde ».
Il n’y a pas de mois sans activités scientifiques proposées. [98]
Les MAISONS DES JEUNES ET DE LA CULTURE représentent un réseau d’équipements socio-culturels non seulement sur la ville de Rennes, mais aussi sur l’agglomération, le district, le pays de Rennes et le département tout entier. Une opération menée par les MJC possède, comme naturellement, un rayon d’action beaucoup plus étendu que la seule ville de Rennes.
Par ailleurs, bien que la culture scientifique et technique n’ait pas fait partie des orientations premières des MJC (ce qui pose le problème de la compétence dans ce domaine des animateurs actuels), elle apparaît aujourd’hui, du moins pour l’union locale de Rennes, comme un champ privilégié. Une première opération d’envergure (dont il sera question plus loin) a déjà été menée en novembre 1982 avec la collaboration de nombreux partenaires dont l’Université de Rennes I, les associations d’éducation populaire (clubs Léo Lagrange et cercles Paul Bert) et les clubs Microtel. Devant le succès rencontré par cette première opération, l’union locale des MJC entend, pour les années à venir, accentuer cette orientation.
Les MAISONS DE QUARTIER, par leur nombre et par leur implantation décentralisée, constituent une des richesses de la vie socioculturelle de Rennes. Nous retiendrons ici leur contribution à la culture technique par la mise à la disposition de la population d’ateliers de mécanique, de menuiserie et plus généralement, de bricolage. En effet, comme le relève Philippe Roqueplo, le « bricolage » constitue un phénomène culturel massif qui doit être reconnu comme tel [99]. Les ateliers de bricolage, s’ils sont efficaces, assurent donc une formation aux techniques de la vie quotidienne.
Certes d’innombrables manuels existent, mais il reste le besoin que quelqu’un vous montre le geste à faire et corrige le geste mal fait. De véritables leçons de menuiserie, de collage, de soudure, de peinture … devraient être données (gratuitement ou non). En particulier il serait extrêmement éducatif d’aider les gens à exprimer leurs propres projets : à les dessiner, à en évaluer la faisabilité et le coût éventuel [100]. Cette expression, avec les erreurs et les tâtonnements qu’elle implique, est l’une des meilleures introductions qui puissent être données à la pratique scientifique. [101]
De tels ateliers existent, entre autres à l’Hexagone, au Carrefour 18, à La Harpe (ce centre fait partie des clubs Léo Lagrange), et un atelier bricolage bois, doublé d’un atelier agrément vient d’être inauguré en décembre 1982 à La Maison des Familles de Cleunay. Il a fallu d’abord former les animateurs d’ateliers, éventuellement faire appel à un ancien menuisier en retraite, pour ouvrir ce nouveau lieu de circulation du savoir-faire. [102]
Chacun de ces lieux a un caractère modeste. Mais dans ce domaine, mieux vaut la multiplication de lieux modestes, proches de la vie quotidienne, qu’un lieu prestigieux où des ateliers de bricolage risqueraient de sonner faux parce que totalement dis-connectés du réel.
3. LES ASSOCIATIONS
La vie de Rennes est traversée par une intense activité associative à laquelle la Municipalité apporte un réel soutien financier. L’O.S.C.R. [103] regroupe plus de 250 associations et leur fournit de nombreux services en vue de leur développement, de leur renouvellement et en particulier de leur ouverture aux nouvelles formes de communication (bandes dessinées, affiches, utilisation des medias, etc.).
Les grandes ASSOCIATIONS D’ÉDUCATION POPULAIRE (clubs Léo Lagrange, Cercles Paul Bert) par les équipements dont elles disposent pourraient se ranger parmi les institutions socio-culturelles évoquées plus haut. Les cercles Paul Bert disposent d’un équipement vidéo suffisamment développé pour éventuellement servir à la production de documents audio-visuels. Par ailleurs ils déclarent vouloir contribuer à donner droit d’existence à une culture technique, c’est-à-dire faire admettre l’évidence de l’univers qui nous entoure. [104]
Signalons que la Ligue de l’Enseignement publie depuis le mois d’avril 1983 un mensuel, L’Argonaute, premier magazine des jeunes pour expérimenter les sciences d ’aujourd’hui. [105]
Il existe aussi à Rennes un certain nombre d’ASSOCIATIONS À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE :
• Société française de Physique,
• Société française de Chimie,
• Société scientifique de Bretagne, qui regroupe les personnes s’intéressant aux sciences et aux techniques, et développe les connaissances scientifiques sur le plan régional. Sa principale activité est la publication d’un Bulletin qui, en 1982, en était à son 54ème volume. Ce bulletin est échangé contre d’autres publications scientifiques, françaises et étrangères. Il permet ainsi à la Bibliothèque Interuniversitaire de Rennes de recevoir près de 550 périodiques de 80 pays différents, ce qui constitue un Centre de documentation scientifique important. Dirigée par le professeur Léon Grillet de 1924 à 1977, l’association dont le nombre de membres s’établissait pour 1982 autour de 70 à 80 personnes, s’efforce de retrouver une nouvelle vitalité. Elle vient de déposer une demande de subvention auprès de l’Établissement Public Régional qui sera instruite dans le cadre de la convention de développement culturel à passer entre la Région de Bretagne et l’État pour l’année 1983.
Parmi les associations à caractère scientifique, une place toute particulière doit être accordée à CISTEM, le Centre d’initiation scientifique et technique et d’étude du milieu qui est l’antenne bretonne de l’Association Nationale Sciences Techniques Jeunesse (ANSTJ) constituée auprès du Palais de la Découverte le 5 avril 1962, et agréée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports depuis le 8 mai 1967.
L’objectif principal de l’ANSTJ est le développement des activités scientifiques et techniques dans le domaine scolaire ou extra-scolaire ; pour cela, elle propose :
• de coordonner, stimuler, soutenir et organiser les loisirs scientifiques et techniques des jeunes,
• de prendre en charge les procédures de sécurité des expériences, en particulier dans le domine aérospatial,
• de contribuer à la formation pré-professionnelle des jeunes,
• de collaborer avec les établissements d’enseignement primaire et secondaire pour la réalisation de travaux à caractère expérimental
• de préparer des animateurs et des éducateurs aux méthodes de développement de projets scientifiques et techniques, leur apportant ainsi un outil, supplémentaire pour leur action professionnelle.
Deux idées caractérisent les actions de l’ANSTJ et lui confèrent son originalité :
• le développement de projets expérimentaux par des groupes de jeunes en milieu scolaire ou extra-scolaire,
• la coordination d’échanges entre les secteurs de l’industrie, de recherche et les jeunes. [106]
4. LES MÉDIAS
Pour un développement efficace de la culture scientifique et technique, la ville de Rennes doit aussi compter parmi les partenaires à mobiliser tous les responsables
– de la presse écrite (à commencer par Ouest-France, premier quotidien de province en France),
– de FR 3 Bretagne pour la télévision,
– de la radio officielle,
– et des radios libres,
– de Minitel,
– des salles de cinéma.
Chacun, selon la nature propre de services rendus, peut contribuer à la diffusion de l’information et à l’institution d’un véritable débat.
Notons qu’en plus de la parution du quotidien, les Éditions Ouest-France publient des guides-couleurs et des livres qui sont largement diffusés dans l’Ouest et dont certaines collections (Nature, Aviation, Jeunesse, Parascolaire, Ouest-France Université, Agriculture, etc.) rejoignent directement le champ de la culture scientifique et technique. Dans bien des cas, ces livres ou livrets servent de courroie de transmission entre les chercheurs de l’Université et le grand public. [107]
5. PARTENAIRES ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX.
Le classement suivi dans les pages précédentes est nécessairement arbitraire et laisse immanquablement dans l’ombre certains des partenaires dont il a été question par ailleurs.
Ceux de la VIE ÉCONOMIQUE :
– Chambre de Commerce et d’Industrie de Rennes,
– Office du Tourisme et Syndicat d’initiative,
– Foire internationale de Rennes,
– entreprises implantées à Rennes,
– commerces permettant l’achat d’objets scientifiques et techniques,
– etc.
Ceux de la VIE SOCIALE :
– comités d’entreprises,
– sections syndicales,
– Jeune chambre économique,
– etc.
Avec une mention particulière pour le CESPAR (Centre d’Études Économique et Sociales du Pays de Rennes) qui constitue un véritable observatoire de la situation rennaise. [108]
@ suivre