Ministère de la Recherche et de la Technologie
Ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports
Ministère de la Culture et de la Communication, des Grands Travaux et du Bicentenaire
Secrétariat d’État chargé de la Jeunesse et des Sports
Ministère de l’Industrie et de l’Aménagement du Territoire
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Les « États Généraux de la Culture Scientifique, Technique et Industrielle » ont été initiateurs d’une réflexion sur les problèmes posés par la mise en œuvre de la politique de Culture Scientifique.
Afin de travailler les questions vives soulevées, I’AMCSTI a mis en place un groupe de travail, qui regroupe partenaires ministériels et de terrain, sur le thème « Réseaux Régionaux et Partenariat National ».
Les réunions qui se déroulent dans ce cadre ont permis d’affiner notre analyse et de formuler toute une série de propositions, tant sur les orientations des grands établissements nationaux que sur la politique jeunesse. Notre travail continue et conduira à un texte qui sera proposé au Conseil d’Administration puis à l’Assemblée Générale de notre Association.
Les contributions apportées lors des États Généraux sont donc exploitées, aussi quelques remarques et critiques formulées voici déjà presque un an - et que vous allez lire ci-dessous - peuvent-elles être dépassées sur certains points : c’est notamment le cas pour la politique menée par la CSI, dont les responsables ont pu formuler un certain nombre de propositions concrètes, très positives, qui répondent en partie aux difficultés que nous soulevions en décembre 1989, et dont nous espérons la mise en œuvre prochaine.
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Il m’appartient d’essayer de dresser ici un bilan des actions qui se sont développées dans vingt-six régions au cours de cette année ; les points culminants en ont été les colloques, les expositions, les opérations jeunesse, les journées portes ouvertes ... ; elles se sont tenues principalement pendant les mois d’octobre et de novembre, et ont vu un large public se diriger vers les établissements de culture scientifique, technique et industrielle. Elles ont permis aussi -et souvent pour la première fois - à des responsables provenant des milieux de la recherche, de l’industrie, de l’enseignement, des structures culturelles, des associations, du monde socio-économique ... de tisser des relations, de bâtir des projets, d’agir ensemble. Plutôt que de décrire toutes ces initiatives fécondes, je voudrais essayer de tirer un bilan critique des réflexions et des discussions qu’ont permises ces rencontres ayant eu lieu entre tous les partenaires de la « Culture Scientifique ».
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Dans tous les rapports envoyés par les Régions, nous voyons qu’une attention particulière a été portée aux enjeux que visent les actions de culture scientifique, comme si chacun tenait à expliciter une action qui trouve son origine dans les profondes mutations du monde dans lequel nous vivons :
Nouvelles façons de produire, induites par l’introduction de robots ; nouvelles manières de concevoir et de fabriquer, grâce à l’assistance des ordinateurs, nouvelles sources d’énergies mises à disposition ; nouvelles façons de cultiver, permises par le développement des biotechnologies et de l’ingénierie biologique ; nouvelles façons de communiquer, dues aux développement des lasers, des fibres optiques, du traitement de l’image, de la conquête spatiale aussi ; nouvel espace géographique, remodelé en raison de la facilité et de la rapidité des voyages ; nouvelles possibilités offertes à la médecine par le développement de la prévention, de l’instrumentation, des techniques de soins, de la pharmacopée ; nouvelles armes biologiques, chimiques, nucléaires ; nouvelles formes de naissances ... force est de constater que les découvertes scientifiques et les innovations technologiques marquent nos sociétés, contribuent à modifier la vie quotidienne et les habitudes individuelles, à transformer l’économie, la vie sociale, la culture, à interroger l’éthique ...
Tous les colloques régionaux ont souligné cette prégnance du scientifique sur la Société, prégnance s’exerçant à la fois dans les pays industrialisés, qui sont passés, en un siècle, d’une société rurale à une société industrielle, et les pays du Tiers Monde où l’on a cru - au mieux -que l’injection et l’utilisation de technologies transférées des pays du Nord allaient permettre l’accès au développement, faciliter le passage rapide à une société industrialisée.
Dans les deux cas, cependant, au Nord comme au Sud, plus ici que là, les mutations actuelles sont vécues dans un contexte de crise. Malgré les avancées considérables, les dernières décennies sont en train de façonner l’avenir des sociétés et de la condition humaine sans que cet avenir ou cette condition puisse être pensé, souhaité, décidé. C’est que nous voyons mal, en effet, dans quels buts, pour quelle fin, les progrès scientifiques entraînent ces afflux technologiques qui induisent les transformations économiques et sociales ; nous ne pouvons déceler quel projet de société ou de civilisation inspire cette évolution : nous vivons l’époque charnière du passage rapide d’une culture tournée vers les hommes et leur devenir à une culture tournée vers les objets et les moyens. Bien que porteuses d’importantes mutations culturelles, économiques, sociales, les sciences - dont la pratique nécessite un langage hautement symbolisé et une spécialisation poussée - restent, même dans les pays industrialisés, un domaine extérieur ou incompris par la grande majorité de la population ; elles sont certes montrées, données à voir, mais non appréhendées ou rendues intelligibles. Pour le plus grand nombre, notre système éducatif lui-même se révèle incapable à mettre en éveil l’esprit sur les questions scientifiques et techniques, à suivre leur développement, le rythme de leurs applications, à cerner leurs implications.
Le champ de la science et le champ des techniques se sont développés d’abord indépendamment l’un de l’autre
Cette situation est le fruit d’une évolution historique : la science a d’abord été pensée en cohérence avec la philosophie ; la physique - science des qualités sensibles - et les mathématiques - science des qualités discrètes - menant à la métaphysique, science de l’être, qui permettait de déduire les principes et les explications de chaque chose. Ce n’est qu’à la Renaissance que devint dominante, dans la civilisation occidentale, l’idée que l’on ne pouvait plus partir d’une conception globale afin d’en déduire les interprétations des faits partiels, mais qu’au contraire, il fallait observer et décrire rigoureusement des faits partiels pour, à partir d’eux, espérer pouvoir remonter à une interprétation générale de la nature. Depuis cette époque, l’homme de science s’est attaché à isoler des faits, à en éliminer ce qu’il estimait être des conditions superflues, à réduire les propriétés du réel pour pouvoir construire des théories - qu’il fallait tester en comparant leurs conséquences aux faits sélectionnés -, et utiliser en prédisant les faits nouveaux devant être observés ; dès lors, c’est l’expérience qui devint le critère permettant de valider les déductions et les prévisions théoriques ; il fallut donc se pencher sur les pratiques techniques afin d’y trouver les procédures nécessaires à l’expérimentation. Mais l’adoption de cette méthode, basée initialement sur la volonté de construire de « grands systèmes », eut pour conséquence de faire se séparer entre elles différentes disciplines qui, au fil du temps, devinrent de plus en plus précises. C’est ce qui fait leur force : un grand nombre de chercheurs - à qui la société fixe de plus en plus des critères d’efficacité - se concentre sur un petit nombre de problèmes précis et induit des applications toujours plus nombreuses. C’est ce qui fait leur faiblesse aussi : les disciplines en viennent à être cloisonnées de manière étanche, à tel point que les chercheurs eux-mêmes sont en situation de « public » pour des questions voisines de celles qu’ils traitent quotidiennement. Un divorce profond s’établit ainsi entre les sciences et la culture.
Il existe certes des cultures techniques ; elles sont apparues - au sein des métiers et des corporations - bien avant que les sciences se développent, bien avant que le primat de celles-ci soit reconnu, et toute l’histoire récente du développement scientifique montre que les rapports des sciences et des techniques ont d’abord été d’échanges et de fécondations réciproques - la machine à vapeur a été inventée avant les lois de la thermodynamique -, mais celles-ci ont permis de perfectionner les machines thermiques : la rationalité scientifique se nourrissant de l’empirisme technique, fournissant les principes d’ordre et d’économie à l’objet technique, la rationalité proprement technologique - fruit du geste de l’artisan, du fabricant, profondément dépendante de la place de l’outil dans la société - mettant à jour des nécessités profondes, élaborant ingénieusement des combinaisons.
Mais ces cultures techniques sont aujourd’hui dévalorisées ; elles sont jugées inférieures quant aux possibilités qu’elles offrent à celles que permettent les développements récents des sciences, elles tendent à disparaître avec les pans d’activités économiques en reconversion. Elles laissent la place aux « nouvelles technologies » - néologisme qui s’est glissé abusivement dans la signification de « techniques de pointe, modernes et complexes » - comme pour mieux souligner que leur rapport à la science est différent, qu’elles peuvent, elles, être directement tirées des conséquences des théories scientifiques, fruits d’une science supposée achevée et performante. Mais ces « nouvelles technologies », n’est-il pas dangereux de les introduire en discontinuité avec l’expérience humaine ? N’y-aurait-il pas lieu de comprendre le sens de leur intrusion avant de les diffuser largement et d’essayer d’y adapter massivement les utilisateurs ? Ne faut-il pas cesser de les percevoir globalement comme la seule condition du développement humain ? Leur introduction n’induit-elle pas des modifications de comportement de masse des individus, allant beaucoup plus vite que l’évolution de la mémoire collective, induisant donc des comportements non adaptés, dangereux ?
Introduction des « Nouvelles technologies » et niveau d’avancement culturel des sociétés
De telles questions ne sont pas au centre des problématiques que se pose notre démocratie ; aucune nation n’a d’ailleurs trouvé les moyens d’engager de véritables discussions sur les choix qu’elle opère en matière scientifique et technique ; on a cru que l’introduction des « nouvelles technologies » pouvait se faire sans que les conditions économiques, sociales, éthiques, politiques nécessaires pour les assimiler et en tirer parti soient pensées ; on a cru pouvoir séparer le niveau d’avancement culturel et social de la société des techniques imposées. On commence à comprendre l’erreur : nos sociétés sont parfois entraînées dans des réflexes de peur, les paroles des citoyens enfermées dans une dualité, contradictoire et émotionnelle, opposant la foi dans le « progrès » et la peur de ses conséquences, assimilant industrialisation et perte d’identité culturelle. Ne pouvons-nous pas nous dégager de ces faux débats, libérer notre parole et nos possibilités de choix, distinguer clairement autorité du pouvoir civil et autorité scientifique ? Ne faut-il pas rompre avec la pratique actuelle et privilégier « l’homme lent », l’homme qui prend le temps de réfléchir pour savoir où il va, pour transgresser aussi les buts visés par l’introduction des technologies afin de les adapter aux projets humains que nous choisissons de développer ?
Une approche moins superficielle de l’introduction des « nouvelles technologies » montre en effet qu’elles parviennent à pénétrer le tissu industriel ou le tissu social lorsqu’elles sont mises en adéquation avec les besoins des entreprises, avec ceux des hommes, quand elles sont adaptées grâce au savoir-faire des techniciens. Ce passage d’une technique traditionnelle à un outil industriel plus sophistiqué s’inscrit alors dans la continuité de l’expérience des sociétés. Le nouvel outil y prend son sens, à partir duquel un autre rapport homme machine plus codé, plus symbolisé peut se construire. Ces observations montrent qu’il importe à la fois de préserver les cultures techniques, de transférer l’expérience humaine dans les « nouvelles technologies », de développer celles-ci en continuité avec la culture. Si la mémoire technique disparaît avec le départ de ceux qui la détiennent, si elle n’est pas métabolisée sous une autre forme dans une culture, le fil du sens sera rompu pour laisser la place à un appauvrissement et à un dressage - problème voisin de celui d’une recherche fondamentale scientifique qui ignore aujourd’hui le processus dans lequel elle se développe, ainsi que sa propre histoire ...
Mettre en questions le développement scientifique, technique et ses implications ; amorcer à leur sujet un large débat démocratique ; réfléchir sur la manière de favoriser le développement d’un rapport authentique de l’homme aux objets techniques ; mettre en relations les domaines, trop séparés les uns des autres, de la recherche, de l’industrie, de la formation, de la vie sociale et culturelle ; mettre les établissements de Culture Scientifique, Technique et Industrielle et le monde économique et social en relations fortes ; lancer dans les régions des expériences en direction de la jeunesse, concernant les politiques de formation, la présentation des innovations de la recherche et de l’industrie, la production audio-visuelle et écrite ; tisser des liens pour que se développent entre tous les partenaires des politiques concertées : voici les buts que se sont fixés dans les différentes régions françaises les « États Généraux de la Culture Scientifique, Technique et Industrielle ».
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Ces États Généraux ont d’abord été - toutes les régions se sont plues à le souligner - le lieu où se sont rencontrées, et bien souvent pour la première fois - les structures culturelles, scientifiques, industrielles, éducatives, concernées par la mise en débat des implications et applications des sciences, la production des connaissances, la mise en œuvre des procès de fabrication, la diffusion des savoirs.
Le dialogue même, établi entre les différents établissements culturels scientifiques d’une même région, était parfois novation. La variété des natures et des fonctions de ces établissements, fruits de l’évolution historique et de la brisure existant entre le champ de la science et celui des techniques, sont grands en effet.
Pour mieux décrire la situation actuelle, un bref rappel des conditions de création des musées et centres que nous connaissons aujourd’hui peut être utile :
C’est dans un but d’ostentation, de magnificence, que furent organisées les collections du « Jardin du Roy » - devenu plus tard Muséum d’Histoire Naturelle - premier musée parisien offert au public cultivé - cinq ans avant que n’ouvre la première galerie du Louvre. C’est pour « éveiller la curiosité et l’intérêt pour les outils et les machines nouvellement inventés ou perfectionnés » et « provoquer ainsi dans tous les genres des industries d’art des progrès très rapides » que fut fondé, sous la Révolution, le « Conservatoire des Arts et Métiers ». C’est pour « diffuser les sciences dans les couches bourgeoises de la population » et « favoriser le développement de l’industrie particulière » que les multiples Sociétés Savantes du XIXe siècle œuvrèrent afin de créer dans les principales villes françaises des « Musées d’Histoire Naturelle », des musées « techniques », « industriels », « coloniaux », « agricoles », présentant des objets types - substitués à la notion de chef d’œuvre - ou la visualisation, que l’on voulait exhaustive, des classifications.
C’est pour servir la cause de l’organisation nationale de la Recherche et constituer une « Université populaire plongeant ses racines dans le peuple de Paris » que fut créé en 1937, par le Front Populaire, le Palais de la Découverte, véritable « laboratoire en activité » montrant la « science en train de se faire ».
C’est l’effondrement de pans entiers de secteurs économiques traditionnels qui est à l’origine du grand mouvement patrimonial que l’on voit se développer en France comme flambée dans les années 1970. Entreprises et collectivités locales, cadres et ouvriers jetés brusquement dans l’inactivité professionnelle, veulent alors préserver - à défaut de l’outil - ce lieu de travail, de production, de souffrances ... de vie, qu’avaient été les usines et leurs machines abandonnées.
À la fin des années 1970, la situation du terrain présente, on le voit, la stratification et la juxtaposition d’établissements et d’expériences nés à des époques, et pour des fins différentes. Tous ces établissements sont - nous l’avons dit - fruits de l’élan donné par une époque dans un contexte particulier. Tous aussi, la motivation initiale retombée, ont sombré - parfois très rapidement- dans la décrépitude, n’entretenant qu’à grand peine une vie végétative qui les laisse témoignages grandioses du génie de leurs créateurs.
C’est dans ce contexte que se forment les projets de créer le grand Musée de la Villette et de mettre en place un réseau de Centres de Culture Scientifique et Technique en régions :
Outre l’ouverture, décidée en 1979, de « la Cité des Sciences et de l’industrie », l’après 1981 se caractérise en effet par une très importante redynamisation par l’État des structures culturelles scientifiques. Cet effort se concrétise par des moyens matériels mis à disposition, par l’inscription dans la loi de nouvelles missions pour les chercheurs et les enseignants, par l’adoption d’un programme mobilisateur, par l’ouverture de possibilités de créer des passerelles entre des branches d’activités de jeunesse est augmentée ; une réforme des pratiques pédagogiques est initiée grâce au développement d’une pédagogie de projet. La Mission Interministérielle pour le Développement de l’Information Scientifique et Technique (MIDIST), relayée ensuite par une Direction du Ministère de la Recherche (DIXIT), ainsi que la Direction du Développement Culturel (DDC) du Ministère de la Culture sont les initiateurs de la nouvelle politique. Celle-ci se concrétise aussi par la réalisation en régions d’outils totalement nouveaux destinés à satisfaire à la nécessité de « mettre la science en culture » : là où existent sur le terrain des équipes motivées, se créent, grâce à l’aide de l’État auquel se joignent quelques collectivités territoriales, des « Centres de Culture Scientifique, Technique et Industrielle » -les « CCSTI » -qui seront les figures emblématiques du mouvement qui s’amorce. Non thématiques, sans collections, ces centres se veulent les points d’ancrage d’une politique régionale active, démultiplicatrice, interculturelle : ils sont conçus comme lieux de mise en synergie des structures existantes, pôles de rencontre et de création, bases de mises en circulation d’outils culturels, lieux de formation des animateurs et responsables, centres d’information et de ressources, moteurs parfois aussi de la coordination des opérations jeunesse.
C’est que, devant les mutations que nous vivons, la jeunesse ne ressent pas les mêmes sentiments de déchirement teintés de nostalgie que les adultes : elle n’éprouve pas leur prévention à l’égard des nouvelles technologies ... ; au contraire, les enfants montrent à leur égard une surprenante dextérité - que l’on ne saurait cependant confondre avec un processus d’appropriation. Le système éducatif se montre alors incapable de saisir l’opportunité de cette motivation : des enseignements de sciences trop formalisés, une lourdeur administrative certaine, quelque impéritie, empêchent la nécessaire adaptation. C’est en d’autres lieux, à l’extérieur ou aux frontières de l’école, dans des clubs et des associations, que les jeunes peuvent satisfaire - souvent grâce à des animateurs bénévoles mais non préparés - leur envie de taire, expérimenter, créer, construire, leur désir de comprendre le monde ...
L’explosion de l’influence des médias n’aide pas à la prise en compte de cette motivation. Point n’est besoin d’insister pour dire combien, en ce qui concerne la simple diffusion de l’information scientifique (qu’en est-il alors de l’éducation ?), les expériences sont restées limitées, ni comment - à une époque où la nouvelle idéologie de masse est si fortement marquée par l’influence de la télévision - tout reste à taire dans ce domaine capital.
C’est ce terrain riche et foisonnant, où coexistent établissements et expériences dont la diversité fait la fécondité et l’originalité de notre pays, qui est actuellement celui de la « Culture Scientifique, Technique et Industrielle ». On comprend, à la lumière de l’esquisse historique que nous venons de tenter, que - même si tous les lieux existants sont complémentaires, même si toutes les fonctions qu’ils assurent sont pertinentes et nécessaires -, nous ne saurions nous satisfaire du contexte dans lequel nous nous trouvons : la grande variété des motivations et des compétences réunies à l’intérieur des structures et des établissements, le poids des habitudes, l’héritage d’un passé trop prégnant, peuvent parfois développer incommunicabilité et restriction des ambitions ; la faiblesse des financements dirigés vers les régions pèse sur le dynamisme ; la complexité des rattachements administratifs et les conflits de compétence qui en résultent entachent la définition et la gestion des politiques ; la faiblesse surtout de la prise en compte par le système éducatif et par les médias des expériences menées confine le mouvement dans les marges ...
Ce sont sur ces difficultés ressenties, sur les forces et les faiblesses de la politique actuelle, que nous voulons à présent nous pencher.
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Nous devons constater que la « Culture Scientifique, Technique et Industrielle » n’est jamais, dans les textes ou les discours qui lui sont consacrés, définie en soi mais plutôt en termes d’activités se déclarant relever de la culture scientifique et technique, ou encore comme quelque chose à trouver pour résoudre cette coupure ressentie entre la « science » et la « culture », entre la « science » et la « vie ».
À l’aune des discussions ayant eu lieu dans les régions, nous allons donc essayer d’évaluer maintenant ces outils de culture, cet ensemble d’éléments, d’acquis, de connexions et de correspondances qui font la vitalité d’un groupe social – le nôtre -, sa capacité à s’exprimer et se transformer, à produire et se développer.
L’impression générale qui se dégage est faite d’une multiplicité d’initiatives (vivacité et fécondité d ’expériences se développant plus ou moins difficilement dans les régions) et de doutes quant à l’avenir ...
Fécondité et doutes
Fécondité parce que, nous l’avons dit, depuis 1982, la revitalisation des établissements de culture scientifique et de leurs actions est patente : dans l’Éducation Nationale, ce sont - en plus de la renaissance de certains musées d’histoire naturelle - la politique d’ouverture de l’école sur son environnement, la réflexion entreprise sur les méthodes et les programmes, le développement des Projets d’Action Éducative Scientifiques et Techniques ; dans le domaine de la Culture, ce sont l’action entreprise sur les musées techniques, le soutien aux action culturelles scientifiques et au développement des centres de culture scientifique, les importants investissements réalisés ; dans la politique jeunesse, c’est l’émergence des clubs, des Passeports Recherches, des contrats de ville, des exposciences ... toutes actions soutenues par les ministères de tutelle cités -avec aussi bien sûr aussi celui de la Recherche et de la Technologie, dont l’action motrice est déterminante.
Mais des doutes importants sont aussi perçus : en effet, si la culture scientifique et technique a été privilégiée dans les 9èmes plans, elle en a - sauf dans le volet « recherche » - pratiquement disparu dans les 10èmes plans, et la situation actuelle laisse sans promesse de développement ou de continuation certaines les actions engagées.
On perçoit plus ou moins confusément dans les régions un désengagement de l’État, alors que seul - ou presque - l’État initiait, incitait, la nécessaire mission de service public. Les propos recueillis au gré des discussions montrent un manque d’intérêt chez la majeure partie des responsables de l’Éducation Nationale, - ceux qui ne sont pas directement au centre de la politique de CSTI - un désenchantement chez ceux de la Jeunesse et des Sports, un dynamisme quelquefois mal soutenu à la Recherche et la Technologie, une tendance au repli dans bien des domaines à la Culture et à la Communication. Là surtout, en dehors des directions concernées, on entend dire que la présence de la « culture scientifique » est quasi inflationniste, que les résultats sont faibles, que les expériences n’ont pas été concluantes ; malgré les mots, on s’y désengage donc, on diminue les crédits, - et la réduction en 1990 sera rude : diminution de 40 % par rapport à 1989 des crédits déconcentrés par la DAGEC - ; on ne donne pas les moyens nécessaires au fonctionnement, même si les crédits d’investissement sont, cette année, pour les musées techniques, en nette augmentation : on sent poindre une tendance au saupoudrage qui multiplie le nombre des interventions au détriment du renforcement des axes forts.
Ce qui est grave, c’est que ce retrait qui ne dit pas son nom se déroule sans qu’une analyse critique de la politique initiée ces dernières années soit menée (ce n’est pas l’enquête confiée sur quelques produits à des didacticiens universitaires qui peut permettre de penser une évolution).
Le milieu de la culture scientifique est fragile, les expériences menées l’ont été sans que l’on se soit soucié de fixer des cahiers des charges, sans que l’on cherche à les généraliser quand elles sont positives, à les transférer alors dans le système éducatif. Comment reprocher à une politique son manque de visibilité quand on ne développe pas les conditions de développement de masse des essais concluants ? Certes, il y a eu dans les actions menées des confusions conceptuelles, des activismes encouragés par la volonté de « faire des coups », quelquefois une dérive des missions - on peut percevoir une telle modification de cap dans de très gros établissements, dans certains centres en région, dans ceux des écomusées qui n’assurent plus qu’une fonction ethnologique, dans des musées techniques ou de sciences naturelles trop figés sur eux-mêmes ... Mais dans ce domaine de la CSTI où tout était - et reste - à inventer (ce qui n’est pas le cas pour la musique, le théâtre, les musées des beaux-arts, la recherche qui bénéficient d’une expérience beaucoup plus riche, et qui sont des secteurs reconnus, identifiés, déterminés ...), comment reprocher le manque de maîtrise intellectuelle des expériences, les insuffisances théoriques, si on ne prend pas le temps d’analyser les actions, de tirer des bilans, si on continue de fuir en avant ?
On commence aujourd’hui seulement à savoir pourquoi telle ou telle expérience n’a pas été concluante, à avoir assez de recul pour essayer de proposer une autre politique. Est-ce le moment d’arrêter et de ne plus avoir à l’esprit les énormes enjeux que visent la « mise en culture scientifique » ? Ce serait déraison ! Il faut reconnaître - nous l’avons déjà souligné - à ces « États Généraux » le mérite certain d’avoir été le moment privilégié où des rencontres fécondes se sont produites en Région entre des partenaires qui n’ont pas encore l’habitude de travailler ensemble : les milieux de la recherche, de l’industrie, de la culture, de l’éducation, de la jeunesse. De ces rencontres, de cette connaissance mutuelle, de cet arrêt donné à l’urgente nécessité quotidienne, de ce temps pris à regarder cinq ans d’activités, de cette nécessaire distanciation, de ce moment réflexif accordé, ont émergé des éléments de critique. Nous allons essayer d’esquisser une évaluation, et, pour cela, reprendre type d’actions par type d’actions les éléments d’appréciation.
Critique des actions menées
Les expositions, les animations, les « musées scientifiques »
Cette fonction, souvent considérée comme emblématique de notre activité, - mais aussi source principale de financements extérieurs -, est d’une utilité qui n’est plus à démontrer. Chez les jeunes, 6 % déclarent visiter souvent nos établissements et leurs créations, 44 % quelquefois, chiffre assez peu vraisemblable qui révèle sans doute plus une disponibilité qu’une fréquentation réelle.
Ces outils que sont les collections, leur présentation, les expositions ..., permettent l’accès aux objets types, facilitent l’approche d’un sujet, font le point d’une question, couronnent ou initient une action en profondeur. En ceci ils sont irremplaçables. Mais il est juste d’ajouter que nous voyons à la fois des réalisations et des présentations pertinentes, d’autres qui le sont moins. Dans les établissements qui gardent un patrimoine important, l’absence de moyens, le manque de personnel, la confusion des tâches de conservateur, de concepteur, de réalisateur, d’animateur - une même personne doit souvent être tout cela à la fois -, le cloisonnement trop intense, la ténuité des relations avec le système éducatif, font problèmes, de même que - par manque d’imagination ou de culture - la création s’évanouit parfois - balayons devant notre porte - derrière une attitude trop didactique.
Les outils itinérants sont spécifiques. Destinés à circuler dans les structures culturelles, à être mis à disposition des responsables éducatifs qui les utilisent devant leurs publics, ils servent de base à des pratiques diversifiées. Ils peuvent être produits médiocres quand ils restent étroitement pédagogiques, être d’authentiques créations culturelles scientifiques quand ils mettent en scène et sont prétexte à manipuler, essayer, observer, quand ils croisent les approches artistiques, historique, épistémologique, scientifiques, quand ils permettent aussi d’explorer des pistes variées.
Dans tous les cas cependant, ces outils posent le problème de la pertinence de leurs utilisations, celui des capacités qu’ont leurs utilisateurs à leur donner une âme, problème que nous évoquerons à propos de la formation. Et, lorsqu’ils permettent de mettre l’intelligence en éveil, lorsqu’ils attirent, incitent, sont prétextes à ouverture, à relations entre disciplines, pourquoi ne pas les introduire progressivement dans le système éducatif au moyen de la commande publique ?
La politique menée en direction de la jeunesse a retenu - longuement - l’attention de presque toutes les Régions. Nous parlerons ici, spécifiquement, des actions qui mettent les jeunes en recherche, les amènent à pratiquer et à produire quelque chose, à faire connaître eux-mêmes ce qu’ils ont créé. Ces opérations favorisent la responsabilisation, la prise d’autonomie, la maturation vers l’âge adulte. Entrent dans cette catégorie :
• Les projets d’action éducative, dont trop peu touchent au domaine des sciences et des techniques, et parmi eux, un nombre infime tentent « d’ouvrir l’école sur son environnement », détournés qu’ils sont quelquefois de leur objet pour servir de source de financement aux disciplines scientifiques, enclavés aussi dans le carcan de l’école ou des programmes.
• Les clubs ou les associations : greffés ou non à des mouvements d’éducation populaire ou à l’Éducation Nationale, connus de 9 % des jeunes, fréquentés par l % d’entre eux ... mais que 40 % des jeunes aimeraient fréquenter s’ils les connaissaient ... Chiffres qui montrent tout l’effort qu’il reste à faire. Dans ces clubs quel enthousiasme, quelles discussions ouvertes, combien de réalisations concrètes ... si leur piétinement paraît quelquefois important, si leur encadrement - souvent bénévole - peut être déficient, combien la liberté et l’honnêteté devant l’expérience sont primordiales pour la formation du raisonnement !
• Les opérations « Passeport recherche » veulent, quant à elles, sur un sujet scientifique ou technique en rapport avec les innovations régionales et les mutations qu’elles induisent, mettre en activité les jeunes, et - sous la responsabilité d’un animateur ou d’un professeur - les amener à enquêter, visiter, questionner, dans les entreprises, les laboratoires, les établissements culturels, avec l’engagement de leur part de rendre compte de l’expérience acquise en créant un produit librement déterminé. Ces opérations semblent peu fécondes quand elles se limitent à de simples visites, quand elles ne sont pas relayées par une structure qui assure la continuité de l’action entreprise, mais que d’éveil d’esprit et d’allégresse offrent-elles souvent ... tout en restant des actions « de luxe » difficilement généralisables dans le contexte actuel.
• Les exposciences, enfin, grands rassemblements de jeunes qui concentrent dans une exposition les plus significatives des réalisations de jeunes ; objets, maquettes, manipulations, expériences, présentés par leurs créateurs au public. Combien cet aboutissement du travail d’une année est porteur de maturation individuelle et doit être envisagé dans la perspective de construction de notre société, le didactisme ou la répétition - trop fréquents encore dans cette phase d’initiation - devant laisser place à la confrontation, à la maîtrise d’une création riche et foisonnante.
La finalité qui sous-tend toutes ces actions de jeunesse est de permettre aux jeunes de devenir adultes, capables de s’insérer professionnellement dans de nouveaux métiers, d’avoir l’esprit alerte à penser les transformations du monde, de se comporter plus tard en citoyens responsables et vifs à prendre prise sur l’évolution sociale.
Mais diverses réflexions générales restrictives émergent des discussions qui ont eu lieu en régions au sujet de cette politique jeunesse.
Tout d’abord, ces activités fonctionnent trop sur le bénévolat et la motivation des adultes. Ce recours aux bénévoles entraîne un manque de continuité dans les activités, et l’auto-formation n’est pas toujours aisée. Les projets menés dans le cadre du système scolaire se heurtent à la rigidité des programmes ; ils ne sont pas valorisés dans le cursus et ne bénéficient en général que d’une reconnaissance extérieure à l’école. On peut donc dresser un constat d’actions valorisantes mais souvent parcellaires, toujours à renouveler, peu transférables, qui touchent un nombre trop faible d’individus. Renforcer la politique jeunesse passe d’évidence par l’adoption de mesures concrètes que nous évoquerons tout à l’heure mais aussi par le lancement d’une réelle politique de formation.
La politique de formation
La réflexion des régions, partant du clivage que les jeunes mettent le plus souvent entre leurs activités à l’école et hors de l’école, a porté aussi sur la place de la culture scientifique et technique dans l’enseignement des sciences, sur le décalage entre l’état du développement des sciences et les spécialités enseignées, sur la formation des enseignants, des animateurs de clubs de loisirs scientifiques ou d’associations.
Ici, un constat unanime : celui de l’absence de politique. Ce ne sont pas les deux expériences faites en France, dans un IUT ou une Université, qui permettent de résoudre les énormes problèmes soulevés, ou garantissent la continuité et la qualité des actions engagées en culture scientifique. Nous sommes ici dans un domaine vierge ; paradoxalement, les ressources intellectuelles se trouvent au sein de l’Éducation Nationale, mais c’est l’Éducation Nationale qui mène le moins d’actions culturelles scientifiques ; les expériences sont développées au sein de clubs ou associations, c’est là que se trouve le gisement des animateurs, mais ceux-ci sont souvent dépourvus du recul théorique nécessaire. Et tous, dans et hors l’Éducation Nationale, ignorent l’histoire des sciences, l’épistémologie, disciplines délaissées et dont la mise en valeur donnerait de l’épaisseur aux savoirs, un élan aux initiatives de décloisonnement disciplinaire ...
Dans ce domaine de la formation, où tout est à faire, les propositions qui se font jour doivent être étudiées avec un maximum d’attention. Nous y reviendrons.
La télévision et les livres
Le vide de la télévision, le peu de réalisations cinématographiques, le balbutiement de la politique du livre sont patents, et point - hélas - n’est besoin d’insister. Le problème dépasse largement la seule « culture scientifique et technique », pourtant parent pauvre s’il en est ... Les médias de masse semblent peu aptes à stimuler la réflexion, à fournir du sens. Installant une sorte de dangereuse homogénéisation culturelle, ils sont pourtant un formidable moyen laissé en jachère ... organiser la conservation et la diffusion des œuvres réalisées, aborder enfin sérieusement le problème des droits, semblent être des objectifs minima à se fixer ... quant aux livres, la richesse du réseau des bibliothécaires et documentalistes, mais aussi leur peu d’aptitude à se retrouver dans la jungle des publications scientifiques - niveau, lisibilité, qualité scientifique -ont été soulignés. L’expérience de « Rayon Vert », qui tente, avec trop peu de moyens humains, de lancer des évaluations, des fiches critiques de présentation, ne mérite-t-elle pas d’être amplifiée ? Ne peut-on pas développer une solide politique autour du livre scientifique - documentaire ou de fiction ? Ne peut-on pas donner de l’épaisseur à nos actions en les prolongeant par l’incitation à la lecture ? Ne peut-on pas utiliser comme lieux de démultiplication les bibliothèques et centres de documentation ? Le potentiel existe, il pourrait être mieux exploité ...
Voici esquissés les éléments du bilan que nous pouvons tirer des actions menées ces dernières années. Évidemment nous ne pouvons être exhaustif, mais nous serions cruellement incomplets si nous n’évoquions pas aussi la politique suivie par les établissements et organismes nationaux, si nous ne parlions enfin de l’interministérialité.
Les établissements nationaux
Peu de critiques concernent le Musée National des Techniques - dont on sent depuis un an apparaître le renouveau -, le Muséum d’Histoire Naturelle - où le projet de galerie de l’évolution est apprécié -, le Palais de la Découverte - dont la qualité du travail et du partenariat qu’il développe en régions est souligné. Qu’il soit cependant permis de remarquer ici que tous les rapports en provenance des régions parlent de la Cité des Sciences et de l’industrie de la Villette.
• La politique de la Cité des Sciences et de l’Industrie. Les propos relevés montrent qu’au sujet de la Cité des Sciences et de l’industrie, on est passé d’une phase d’opposition – c’était avant l’ouverture-, à une phase d’observation-vers 1986 et 1987 -, puis à des tentatives diverses de collaborations, pour en venir progressivement aujourd’hui à une période de doutes et de regrets. Il nous faut essayer de suivre cette évolution des appréciations - évolution qui est loin d’être univoque et monodirectionnelle dans les rapports de chaque région, mais qui est significative quand on en considère l’ensemble. Bien sûr, il ne saurait être question ici d’apprécier la politique intérieure de la Cité, de qualifier sa mise en pratique sur le site - et nous avons écarté toutes les critiques s’appliquant à ces objets - mais de considérer l’action que mène l’établissement vers les régions. Nous devons aussi préciser, de manière liminaire, que les problèmes évoqués sont surtout structurels et qu’ils ne mettent pas en cause ou en doute les efforts particuliers des personnes qui travaillent à la CSI : quelquefois l’excellence des rapports individuels noués est soulignée, de même que la volonté alors ressentie de voir fonctionner l’établissement dans un sens de rayonnement national.
Par contre, des rapports provenant des régions émergent quelques points - toujours les mêmes - qui sont ressentis douloureusement. Ce sont eux que nous allons évoquer à présent, comme nous avons analysé les difficultés rencontrées dans les actions de CSTI, adoptant en cela la démarche critique qui est celle de la recherche scientifique elle-même.
La fonction que l’on s’attend à voir jouer à la Villette est celui d’un centre de ressources au service de la politique nationale, de la mise à disposition de tous du formidable outil concentré à la CSI. Quels peuvent être les services rendus ?
• Ceux d’une grande médiathèque qui concentre un grand nombre d’ouvrages, les met à disposition, fournit des thésaurus, établit des bibliographies spécialisées, met à disposition des fiches critiques sur les livres, revues, articles qui paraissent, mais qui est aussi centre de ressources d’images, qui met en mémoire et à disposition iconographies, bandes audio ou vidéo réalisées ...
• Ceux d’une salle d’actualités qui fournit à la demande les textes et les iconographies réalisés ou utilisés en interne, de manière qu’en région, on puisse modeler, enrichir, mettre en forme ce matériau brut, l’adaptant à la spécificité régionale et aux normes de présentation utilisées localement.
• Ceux de services télématiques, informatiques, de bases de données, ainsi que d’un centre de médiation.
• Ceux de mise à disposition de manipulations réalisées, montées, testées - qu’elles aient été utilisées ou non.
• Ceux d’un centre de formation qui agit - de manière concertée et avec des échanges - sur la nécessaire définition de ce qu’est un animateur, qui permet aussi la rotation des compétences, la démultiplication vers l’Éducation Nationale.
• Ceux d’un inventorium qui pourrait être le lieu de mise au point de présentations pour les jeunes.
Ces possibilités ne sont guère mises en pratique. Au dire des rapports reçus, les contacts de travail tentés par les établissements de CSTI en régions avec les différents services de la Cité restent peu féconds : on note ici que la médiathèque reste enclavée sur elle-même et ne peut-quatre ans après l’ouverture -fournir de thésaurus ; là que la salle d’actualités - si riche - ne s’oriente pas vers la recherche de collaborations ; que les services concernant la télématique, l’informatique, les bornes images, la mise au point de manipulations ne sont pas offerts ; que le centre de formation est inexistant ; que l’inventorium - dont l’expérience serait à transférer et à enrichir sur le plan culturel - reste confiné. À la lecture de ces exemples, on voit que le rôle de centre de ressources de la Villette n’est pas assuré ...
C’est que la CSI met en œuvre - et c’est normal - une politique d’établissement mais - et ceci pose d’énormes problèmes - aucune structure de concertation, aucun contre-pouvoir, n’a été mis en place qui pourrait introduire une logique qui tienne compte aussi du terrain régional, qui permettrait le développement approprié du centre de ressources national. Ainsi, personne n’est venu empêcher la fusion dans un même secteur de compétences des relations régionales et des relations commerciales de la Cité ; cette jonction commence - peu de temps après sa réalisation - à produire les effets pervers qui pouvaient être prévus : on en vient à ne plus raisonner en termes de partenariat, de moins en moins en termes de co-productions, mais on effectue un démarchage en direction des régions, des collectivités territoriales, des municipalités, en ne se souciant pas assez de la politique menée par les établissements culturels scientifiques en régions (les initiatives prises au sujet de la « Révolution Française » et de « l’eau » sont là pour le montrer). À terme, en proposant des produits « clefs en mains », en sollicitant l’achat, la location par les collectivités d’expositions dont les possibilités d’exploitation sont mal cernées, on court le risque de tarir au profit de la seule CSI les financements potentiellement disponibles en région et de contribuer à stériliser un terrain local en termes d’initiatives et de créations. Ces risques sont renforcés par la conjonction de pratiques internes et de contraintes externes : les méthodes de conception et de réalisation adoptées par la Villette sont inflationnistes (la création d’un marché captif d’entreprises culturelles ou de services adoptant des habitudes budgétivores dues à la pratique systématique de la sous-traitance en est la principale cause) ; l’ambiguïté des contraintes imposées par la tutelle sur la marche de l’établissement agit dans le même sens : la directive donnée de tirer des ressources propres significatives - but acceptable s’il en est - génère, par exemple, des effets pervers comme l’emballement des coûts et des marges bénéficiaires (les prix de vente de l’exposition « Horizons Mathématiques » ou, surtout, de location de « Mille milliards de microbes » en sont les indices).
Ainsi, même si nous ne sommes plus à l’époque où des chargés de missions contradictoires étaient envoyés vers les terres provinciales, même si une nécessaire rationalisation a été introduite, même si les relations passent maintenant – et c’est heureux - presque exclusivement par la direction des régions (il n’est guère que la direction du développement qui ait encore des initiatives quelquefois intempestives), des problèmes structurels se posent, et un exercice plus strict et plus conforme à l’intérêt général du contrôle des missions de service public doit être assuré. Celui-ci exige que soient dissociées la fonction d’Établissement tourné vers sa vie propre que doit avoir la Cité et la fonction de centre de ressources national. Nous y reviendrons. Mais la réalisation de ce nécessaire équilibre entre logique interne et mission nationale touche aussi aux politiques ministérielle et interministérielle de Culture Scientifique, Technique et Industrielle, politiques qu’il nous faut maintenant évoquer et analyser.
La politique interministérielle
L’esquisse historique que nous avons faite précédemment montre la grande variété des établissements de culture scientifique et technique, dont est héritière la variété de leurs rattachements administratifs. Sans détailler précisément ceux-ci, disons, pour faire court, que l’éclatement du Ministère de l’instruction Publique a laissé au Ministère de l’Éducation Nationale la tutelle du Muséum, des Musées de Sciences Naturelles, du Musée National des Techniques, du Palais de la Découverte ... tandis que le Ministère de la Culture prenait la charge des Musées Techniques ; l’enrichissement des missions confiées a vu aussi intervenir dans ce même Ministère la Direction du Patrimoine et la Direction du Développement Culturel - remplacée depuis, dans le domaine qui nous intéresse, par la Direction des Affaires Générales et de l’Environnement Culturel. La nécessité d’impulser une nouvelle politique de CSTI avait fait se créer à la fin des années 70 la « Mission Interministérielle pour le Développement de la Culture Scientifique et Technique (MIDIST) », dont l’action fut efficace et déterminante dans la relance de la politique de CSTI après 81, et qui se fondit vers 1984 dans la DIXIT du Ministère de la Recherche. Aujourd’hui, le Ministère de la Recherche et de la Technologie est chargé de la tutelle de la Cité des Sciences et de l’industrie ; il intervient de manière décisive dans la politique de mise en place des Centres de Culture Scientifique, Technique et Industrielle, dans la politique menée en direction de la jeunesse (sur laquelle se retrouvent également le Ministère de l’Éducation Nationale, le Secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports, la Mission Culture Scientifique du Ministère de la Culture et de la Communication), dans l’aide à la création d’établissements, dans l’investissement, le fonctionnement, les activités de création de structures confiées à d’autres tutelles que les siennes propres, mais dont il veut encourager le dynamisme ...
Ce trop rapide panorama -qu’il faudrait compléter en instaurant les distinctions qui sont celles séparant les musées classés et contrôlés, les établissements dont le personnel appartient - en partie ou totalement - aux administrations publiques ou aux communes, montre à quel point la situation actuelle est complexe. La définition des politiques des ministères et de leurs différentes directions ne coïncide pas toujours ; la concordance avec les orientations des Régions, des Départements, des Villes (quand une politique de CSTI y existe) est encore plus aléatoire ...
On le comprend, tous les rapports émanant des régions insistent pour que soit définie une réelle politique interministérielle et pour que les pesanteurs actuelles soient diminuées. Personne - dans les textes qui me sont parvenus - ne remet en cause les rattachements - ceux-ci garantissent d’ailleurs la variété et la richesse du terrain -, mais tous souhaitent une meilleure concertation, la simplification des procédures, une nécessaire inscription de la politique menée dans la durée - non pas pérennisation de structures financées pour elles-mêmes, mais soutien pluriannuel à des établissements développant des activités vivantes, de manière à ce qu’ils puissent adopter des stratégies à moyen terme ...
L’interministérialité n’est pas une idée nouvelle : elle a été voulue à partir de 1982 ; elle a été créée ; elle a fonctionné de manière plus ou moins satisfaisante ; ici encore il nous faut tirer critiques des expériences menées dans ce domaine, afin que l’on puisse prendre des décisions améliorant la situation actuelle. Depuis 1982, la politique interministérielle a vécu trois étapes. Tout d’abord a été mis en place le Programme Mobilisateur numéro 6 avec la MIDIST puis, au sein du Ministère de la Culture, le « Conseil National de la Culture Scientifique, Technique et Industrielle » ; ce Conseil, consultatif, constitué surtout de personnalités, a eu l’immense mérite d’avoir posé le problème de la « mise en culture scientifique », d’avoir incité aussi à se lancer dans ce domaine dans une politique active, d’avoir initié des évaluations des politiques menées. Succédant, en 1985, à ce Conseil, les instances d’un deuxième « Programme Mobilisateur Culture Scientifique et Technique », naquirent de la volonté d’inscrire dans la loi - triennale -le développement de la CSTI ; elles possédaient une double structure : une assemblée consultative et une autre - plus restreinte - délibérative qui avait à se prononcer sur les financements. Ces instances comprenaient à la fois des représentants des ministères et des personnes du terrain, ce qui fut apprécié de manière très positive ; elles furent néanmoins rapidement confrontées à certaines difficultés : la confusion des missions d’orientations et de financement, les options prises quant à celui-ci, la représentation de ministères « désargentés » qui venaient trop souvent grappiller quelques subventions provenant d’autres départements plus favorisés, la mise en veilleuse surtout de l’instance (qui avait eu le désavantage d’avoir été mise en place peu avant les élections de 1986), la démission consécutive de son Président - démission qui mit fin à l’expérience.
Le Comité d’Orientation pour la CSTI succéda fin 1987 au Programme Mobilisateur. Il fut mis en place non plus de manière interministérielle avec un secrétariat commun, mais au sein du seul Ministère de la Recherche - bien qu’il comprenne des représentants d’autres ministères et des personnes désignées pour leur compétence. Là encore, les missions d’orientation et de financement furent d’abord mêlées. La fonction de distribution de crédits fut perdue - avec raison - après les élections de 1988. Depuis, la nouvelle mission du Comité n’est pas nettement fixée ... et les différents ministères partenaires de celui de la Recherche et de la Technologie n’y sont pas mandatés pour discuter les orientations, développer des complémentarités, harmoniser les politiques.
Mais là encore, l’expérience menée est loin d’être négative dans un domaine où tout était à inventer : je crois qu’à la lumière des difficultés rencontrées et des attentes manifestées, il serait possible de relancer la politique interministérielle en confiant au Comité d ’Orientation plusieurs fonctions : l’une de réflexion sur des problèmes bien identifiés, en associant pour cela, dans des groupes thématiques, des spécialistes et des représentants des départements ministériels concernés par l’action précise discutée ; une autre fonction serait de proposition en termes de politique à mettre en place ; une troisième serait d’évaluation des expériences nationales menées et, surtout, de définition des conditions de transfert de ces expériences dans les domaines culturels, éducatifs, scientifiques ... Mais il faudrait aussi asseoir l’interministérialité sur la décision commune des Ministres concernés, ceux qui se sont joints pour lancer les « États Généraux », d’autres aussi peut-être, dont l’apport est souhaité.
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On le voit, les « États Généraux de la CSTI » ont permis une réelle réflexion sur la politique menée et, si les contributions des régions ont pris parfois l’aspect de « cahiers de doléances », comment s’en étonner ? Il reste que les discussions qui ont eu lieu permettent de tracer à grands traits les lignes d’une politique nouvelle, pour la définition de laquelle les Assises nationales de la Villette constituent une nécessaire étape de confrontation.
Maintenant que les grandes idées ont été lancées, qu’elles ont été expérimentées, qu’elles trouvent un début de réalisation, il convient - ce me semble - de ne plus vouloir en développer obligatoirement une nouvelle chaque année (cela entraînerait nos établissements dans de pénibles contorsions), mais de renforcer les établissements qui ont fait leurs preuves, de définir quels services on attend de nos structures, quels sont les objectifs et les finalités qu’il convient de leur fixer, quelles mesures sont prises pour qu’elles puissent être traduites en terme d’actions, comment valoriser les expériences positives menées, comment en démultiplier et en transférer les apports. Cette définition, nous pouvons maintenant l’esquisser et clarifier ce que nous faisons ensemble.
Nous ne saurions trop le répéter, les États Généraux ont été le lieu où les partenaires différents ont appris à se rencontrer, à se connaître, à mieux comprendre leurs complémentarités. Comment s’étonner alors que les propositions qui émergent de ce foisonnement soient de constituer des réseaux régionaux de culture scientifique et technique ? L’État a initié des actions, ces actions portent expérience : il paraît opportun de développer à présent en régions des actions coordonnées. Ces actions peuvent s’articuler autour de trois termes : inventer, former, diffuser ...
Inventer
Nous avons dit que la création, la prise de sens, est le point faible des actions menées actuellement. Dans un domaine qui ne produit pas assez de réflexion ou de théorie, qui reste enclavé dans ses problématiques propres, il s’agit de confronter, d’intégrer les paroles diverses, de dépasser les rapports administratifs pour construire des rapports de travail entre responsables des services de l’État et des Régions, partenaires culturels, éducatifs, scientifiques, industriels.
Le vecteur de la création, c’est la transversalité, aussi allons-nous évoquer, type d’action par type d’action, les bénéfices que nous pouvons tirer d’une approche régionale riche de la mise en œuvre de complémentarités.
• Les expositions et les animations ne vont-elles pas bénéficier de la richesse des approches artistique, d’histoire de sciences, d’épistémologie, du travail commun sur un même territoire des Musées, des Centres de Culture Scientifique et Technique, des laboratoires, des industries ?
• La création de salles d’actualités n’est-elle pas un objectif à se fixer, qui permettrait de traduire en termes d’action la réflexion initiée entre laboratoires, entreprises, établissements culturels, qui produirait une interrogation plurielle sur ce qu’est l’actualité d’une discipline, qui présenterait - au moyen de supports variés - , dans le but d’induire aussi une réflexion sur le développement de notre société, à tous les établissements culturels et éducatifs d’une région ces innovations qui modifient la vie des citoyens ?
• La politique jeunesse n’a-t-elle pas à gagner d’une collaboration active sur le terrain, autour de réalisations communes, des différents partenaires que sont les structures associatives, l’Éducation Nationale, les clubs ? Et comment ne pas voir que mener de tels projets communs aboutirait, enfin, à « ouvrir l’école sur son environnement » ?
• Dans cette perspective, pourquoi ne pas généraliser, en les enrichissant, les expériences des « exposciences » ? Pourquoi ne pas développer des bases techniques pour les jeunes, entendues comme lieu de stimulation des projets ? Relayer les opérations passeport-recherche ? Faire sortir de leurs murs, laboratoires et entreprises afin qu’ils collaborent, au sein d’établissements culturels, pour s’offrir à la découverte des jeunes, de manière à ce que ceux-ci soient mis en situation de pratique scientifique réelle dans des « classes découvertes » ou des « bases de manipulations » ? Pourquoi ne pas utiliser nos écomusées et nos musées techniques comme pôles d’animation à partir desquels puisse s’édifier la compréhension du développement de la culture technique ? Pourquoi ne pas rattacher des « clubs nature » aux Musées d’Histoire Naturelle et y présenter la biologie qui se fait dans les laboratoires ?
• Pourquoi ne pas mener en régions des actions coordonnées sur le livre scientifique, documentaire ou de fiction. La mise en réseau de bibliothécaires, de documentalistes, de scientifiques, de responsables culturels, permettrait l’évaluation critique nécessaire, le développement d’actions d’incitation à la lecture, expériences dont la fécondité a été prouvée par quelques actions dans certains Centres de Culture Scientifique ?
• Pourquoi ne pas constituer des réseaux régionaux de ressources audio-visuelles concentrant en un lieu les productions disponibles, leurs fiches d’appréciation, mettant à disposition des structures les documents sélectionnés, en essayant de déblayer préalablement, de manière nationale, les problèmes de droit et de coût d’accès aux images ?
• Pourquoi ne pas mener des expériences d’animation et de muséologie active avec toutes les structures régionales intéressées, en commençant progressivement cette expérimentation ?
Nous pourrions allonger la liste ... Les expériences ont été tentées, les possibilités s’offrent, les contacts sont tissés ... Le développement de toutes ces initiatives suppose la mise en place, au cas par cas, de groupes de travail régionaux réunissant les personnes concernées et motivées. La coordination et le financement des actions suppose de confier des responsabilités particulières à certaines structures culturelles scientifiques choisies en raison de leur compétence - ici un CCSTI, là un musée ... -, et d’inscrire leur action dans la durée au moyen d’un cahier des charges pluriannuel. Mais, nous l’avons déjà signalé, le développement d’une telle politique suppose que soit abordé aussi le problème de la formation des responsables.
Former
Puisque, en matière de formation, les ressources scientifiques sont dans l’Éducation Nationale et l’expérience acquise pour le développement des actions appartient aux clubs, associations, centres de culture scientifique, il convient, de croiser les compétences. Et quel meilleur terrain, ici encore, que le niveau régional ? Prendre ce niveau d’intervention, c’est pouvoir développer trois catégories de propositions concrètes ayant pour axes :
• La mise en réseau des ressources régionales, dont les acteurs sont les plus aptes à se rencontrer, à élaborer entre eux des projets, à établir un inventaire régional des ressources disponibles et surtout mobilisables.
• L’articulation et la coordination de partenariats directs entre les structures institutionnelles différentes Éducation nationale, Jeunesse et Sports, autres ministères, partenaires associatifs, entreprises ...
• La réalisation de formations spécifiques d’animateurs scientifiques grâce à la mise en commun des compétences. Certes il s’agit dans ce cas de développer des compétences pour de nouveaux métiers qu’il n’a pas été jusqu’à présent possible de créer, - mais faut-il insister sur la nécessité qu’il y a de parvenir à les faire se dégager, sur la possibilité de les financer grâce à des contrats mixtes faisant intervenir Municipalités, Conseils Généraux, Région, État ...
• L’utilisation des procédures d’Universités d’Été, cofinancées par l’Éducation Nationale et les Régions, pour mettre en place les programmes de formation de formateurs faisant appel à l’histoire des sciences et des techniques.
• L’établissement d’échanges entre animateurs scientifiques, animateurs socio-culturels et enseignants afin de mettre en place une véritable co-formation qui puisse favoriser le développement d’actions spécifiques en direction de publics bien ciblés.
• L’initiation et la réalisation d’une telle politique de formation implique - ici encore - qu’existe une structure appropriée de réflexion et de coordination.
Diffuser
L’établissement de contacts, la mise au point de calendriers régionaux des projets et des manifestations, la réalisation de serveurs télématiques d’information, l’utilisation par les structures de bornes d’interrogation d’un atlas régional, ont été des propositions fréquemment formulées par les Régions.
Sans développer ici un thème bien connu et largement expérimenté par de multiples actions, qu’il soit permis de souligner tout l’intérêt de promouvoir et diffuser régionalement les outils de culture scientifique et technique. Leur mise en circulation, l’aide à la réalisation des projets, le fonctionnement de Centrés d’informations et de Ressources, supposent encore une structure de coordination. Quelques établissements remplissent cette mission, éditent catalogues, guides, plaquettes, journaux ... assurent ainsi la liaison et l’information des partenaires, développent des médiations entre acteurs culturels, éducatifs, de recherche, industriels. Il convient de renforcer de telles fonctions.
On le voit, toutes les propositions que nous venons de citer autour des termes inventer, former, diffuser convergent : leurs réalisations impliquent de mettre en place des groupes de travail régionaux, puis de confier à des structures régionales existantes la mission d’assurer les diverses fonctions que nous venons de définir. C’est sur les problèmes de détermination et de fonctionnement de telles structures, sur la détermination et la mise en œuvre de la politique nationale de CSTI que nous allons conclure.
Les politiques nationale et régionale
Nous avons dit combien il est urgent de relancer la politique nationale interministérielle de Culture Scientifique, Technique et Industrielle, alors qu’il n’y a plus de programme mobilisateur, que les contrats de plan n’ont guère été utilisés pour inscrire les actions menées dans la durée, que la diversité des rattachements est importante, que le Comité National de CSTI manque d’une claire définition de ses missions.
L’État se doit de réaffirmer sa politique et ses responsabilités dans la définition de missions de service public. Il importe donc qu’il énonce ses orientations, précise ses priorités, hiérarchise ses interventions, détermine ses financements, veille à rééquilibrer pour ceux-ci les interventions nationales ou à Paris et les interventions régionales - beaucoup trop faibles actuellement -, encourage les régions à investir la CSTI en garantissant dans ce cas son implication (et non pas en se dégageant dès que la région choisit d’adopter une attitude dynamique, comme c’est un peu le cas quelquefois actuellement). C’est aussi à l’État qu’il appartient d’impulser une politique des personnels, de préparer les nécessaires mesures administratives d’accompagnement, de décider le transfert des expériences dans le système éducatif, d’inviter les grands organismes à initier une politique de CSTI dynamique.
Une instance nationale de Culture Scientifique, Technique et Industrielle est donc plus que jamais nécessaire. Comme nous l’avons proposé plus haut, les ministres qui sont à l’initiative des États Généraux pourraient prolonger cette grande manifestation en relançant une telle structure de concertation, de propositions et d’évaluation, en s’y faisant représenter directement par des mandataires, de manière à ce que les différences d’appréciations pouvant quelquefois se présenter à l’intérieur d’un ministère puissent être résolus. Le travail de cette instance pourrait être préparé par des groupes thématiques, qui auraient à envisager concrètement les conditions dans lesquelles telle ou telle orientation serait développée ; constitués en fonction des sujets à traiter, leur composition serait adaptée à ces thèmes, de façon à ce que les spécialistes, les représentants de toutes les directions de ministères impliqués, soient effectivement représentés. Une telle articulation de groupes thématiques avec un conseil interministériel aurait donc l’avantage de pouvoir associer dans la préparation des décisions toutes les parties concernées, et dans la prise des mesures tous les départements ministériels impliqués.
Nous avons noté combien la mise en œuvre d’une politique nationale suppose que soit constitué un grand centre de ressources commun. Les difficultés rencontrées amènent à proposer qu’en plus de la tutelle exercée par chaque ministère sur ses propres établissements et organismes, soit créée une instance administrative, comportant en son sein des représentants des structures de CSTI en régions, et dont la fonction serait de gérer l’outil national commun constitué à La Villette. L’expérience acquise montre que la prise en compte des missions nationales de la médiathèque, de la salle d’actualités, de la banque de données, de l’inventorium ... ne peut s’effectuer en confondant les fonctions propres de l’établissement, soumises à sa politique interne, et la mise à disposition de ressources pour les régions.
En ce qui concerne la politique régionale, la richesse des actions menées lors des États Généraux, les synergies réalisées, les relations de travail nouées montrent que des instances fonctionnelles non administratives peuvent être mise en place ou confortés.
Ce sont elles qui pourraient décider, initier, mettre en œuvre les actions communes nécessaires et définies en fonction des potentialités en régions : le niveau régional est, ici encore, le bon niveau pour l’exercice effectif de l’interministérialité.
Concertation régionale entre services extérieurs de l’État, services régionaux, départementaux, partenaires de la culture scientifique et technique afin d’ élaborer une politique commune ; définition d’un cahier des charges afin de la mettre en œuvre ; désignation d’un ou de plusieurs établissements culturels scientifiques capable d’assumer une ou plusieurs des fonctions décidées ; financement pluriannuel de ces fonctions ; évaluation par l’instance de concertation des actions effectivement menées en application du cahier des charges ... peuvent être les nouveaux principes propres à permettre à la politique culturelle scientifique de prendre un nouveau souffle, d’inscrire les initiatives dans la durée, de leur donner l’ampleur et la visibilité indispensables. Une charte pluriannuelle pourrait donc être mise au point entre État, les Régions, les Établissements intéressés ; elle permettrait de rétablir la notion contractuelle « oubliée » dans le Xe plan, et d’assurer les nécessaires financements nationaux, l’instance nationale interministérielle donnant les nécessaires directifs aux services extérieurs de l’État.
À ce propos, pour éviter une déviation des propositions qui précèdent, nous voulons réaffirmer ici qu’aucune politique d’objectifs ne peut être conduite à son terme en se contentant de financer les fonctions. Les structures culturelles qui développent la politique contractuelle ont des coûts de fonctionnement permanent qu’il faut financer ; leur nécessaire activité doit s’inscrire dans la durée ... et celle-ci ne doit être limitée que par la perte du dynamisme, ou le non-respect du cahier des charges. Il est donc de la responsabilité de l’État de consolider un terrain fragile, en même temps que de définir les axes selon lesquels la contractualisation avec tel ou tel établissement culturel peut être effectuée.
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Voici quels axes nous proposons pour que soit renforcée une politique de Culture Scientifique et Technique active, diffusante, interculturelle, dont notre pays a tant besoin. La politique menée depuis maintenant sept ans a porté ses fruits ; les équipes existent : depuis 1982 nous avons vu ici se créer des centres en régions, ailleurs s’amplifier les missions des établissements ; les expériences ont été menées, elles concernent les expositions, les outils itinérants, la politique jeunesse, le livre, l’ouverture de l’école sur son environnement ... ces expériences sont tout à fait positives et permettent de fonder l’extension de la politique menée sur des bases solides. Ce sont sur ces bases qu’il faut bâtir afin de conforter les Centres, Établissements, ou Musées en régions, d’accroître leur influence, de démultiplier les initiatives ... et que, par cette action, soient atteints les objectifs sociaux, économiques, culturels, politiques dont nous avons rappelé au début du présent rapport l’importance et la nécessité.