Emmanuel Laurentin : Premier temps d’une série de quatre émissions, dans « La Fabrique de l’histoire », sur la période qui succéda immédiatement aux événements de Mai 68. La semaine dernière, bien des émissions de France Culture traitèrent du 40ème anniversaire du mois de mai et nous-mêmes, avec une série documentaire de 5 numéros, encore écoutables d’ailleurs sur notre site : France culture.com. Cette semaine, nous allons nous intéresser à une période peu étudiée, celle qui suit de quelques mois, voire de quelques années les événements nommés. Demain, le documentaire de Séverine Liatard et de Charlotte Roux, intitulé « Les filles de Mai se rebellent », traitera de la déception et d’une certaine remise en cause de la révolution supposée de 68 chez les militants proches du gauchisme. Mercredi nous pourrons écouter des archives totalement inédites enregistrées lors d’une enquête effectuée à la Poste par la revue gauchiste Les cahiers de Mai, au début des années 70. Jeudi, nous traiterons de la violence révolutionnaire de ces années marquées par les expériences allemandes de la fraction Armée rouge et italiennes des groupes armées dont un d’entre eux, Les brigades rouges assassina Aldo Moro, le 10 mai 1978, il y a très exactement 30 ans. Aujourd’hui, notre invité est Isabelle Saint Saëns, ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche sur le transport et leur sécurité, qui fut du mouvement du mouvement du 22 mars 1968 à Nanterre et qui nous racontera comment elle est revenue à une autre forme de militantisme dans les années 90, depuis les années 90, puisqu’elle milite à la fois pour les « sans papiers » mais également du côté d’Act Up ou encore dans la revue Vacarme.
« Chacun se retrancha dans ce qui devait être des souvenirs, des sensations, peut-être des considérations sur vingt ans foutues en l’air, peut-être pas, eux seuls le savaient. Dehors, un flot continu de bagnoles, c’était ça qui était le plus dur à supporter. Dans le groupe il y avait deux filles. L’une avait tenu trois ans en usine puis était tombé dans la dope juste avant qu’ils n’arrêtent les frais. L’autre devait partir en Inde, avec un des types les plus bizarres du groupe, un casseur de Juvisy, grand spécialiste du V8 en tout-genre et dont les autres se méfiaient à mort, sans doute parce que c’était le seul réel prolétaire de la bande. Lucky, un surnom qui lui collait au moins autant à la peau que son cuir crasseux. Pas de nouvelles depuis non plus. Et deux autres autonomes, têtes brûlées, Rito et Maurice, des mecs que personne n’aurait aimé rencontrer dans une rue au cours d’une nuit déserte et de nuit. Vo-Vietnam à fond, hommes de main, prêts à tout, ils étaient les bras armés de l’« Orga » avec en couverture justement Bonnot et Adrien qui avait appris à les connaître sinon à les apprécier. La théorie, pour eux, se résumait à tout foutre en l’air, cogner sur les fachos, pendre les uns avec les tripes des autres, des Katangais comme on disait avant. Pour eux sous les pavés il n’y avait pas la plage mais encore des pavés. Pour la théorie, l’étude, l’analyse, la stratégie il y avait biens sûr Luc mais aussi Charlotte et Annie, précises et cultivées, et Marcel qui a dû continuer ses longues études en taule. Mais toutes ces différences s’étaient estampées dans le temps qui passe, même les visages étaient flous. Il y avait plus de vingt ans. Les traits avaient dû se charger et de cales, la vieillesse, plus de quarante-cinq ballets pour en gros tout le monde. Les différences incroyables quelquefois entre deux personnes de cet âge ! Question vie et d’espoir. L’espoir rongeur. »
C’est extrait de « Larchmütz 5632 », une série noire publiée en 1999, par Jean-Bernard Pouy. Jean-Bernard Pouy qui était célèbre aussi pour avoir traité de façon très ironique et très comique, dans « Spinoza encule Hegel », les conflits, pourrait-on dire, entre les groupes gauchistes dans les années 70. Et là, « Larchmütz 5632 » raconte l’histoire de deux militants ouvriéristes qui se sont installés à la campagne, dans ces processus d’établissement de gauchistes de l’époque, et qui sont devenus des fermiers. Vingt ans plus tard on les réveille, l’organisation les réveille et ils se souviennent de tous ceux qui ont peuplé ce mouvement. C’est toujours un peu la même chose. Tous les dix ans on refait ce coup-là, Isabelle Saint Saëns ?
Isabelle Saint Saëns : Oui, absolument ! Tous les dix ans, à tel point que nous, on se disait hier, en rigolant, - on se voit justement assez régulièrement, plus que tous les dix ans, avec un certains nombres de copains du 22 mars - que probablement, « les mouvements mai » avaient été inventés par une coalition d’éditeurs qui dès les années 76 se sont dit que tous les dix ans on va faire quelque chose. Parce qu’effectivement tous les dix ans il y a floraison de bouquins, re-floraison de bouquins. Ce n’est pas toujours des bouquins intéressants. Enfin, tous ne sont pas ressortis, ce qui est dommage. Interview de célébrités de plus en plus chenues et de plus en plus raisonnables… Nous on essaye de garder un petit peu le contact. Les gens qui sont restés en contact, on essaye, pour certains c’est difficile, de savoir ce qu’ils sont devenus, mais on essaye de parler de Dany Cohn-Bendit, Sauvageot, Geismar, Krévine, July, Olivier Rolin etc. pour parler de gens qui, à part Dany, n’étaient pas au 22 mars.
Emmanuel Laurentin : Dans le mouvement du 22 mars, il y a eu une occasion qui a été offerte par le site MediaPart, et Antoine Perraud, qui il y quelques temps a récupéré une photo, il a fait une sorte d’appel à témoin, de recherche – et c’est ce qui nous a donné un peu l’idée de vous inviter, Isabelle Saint Saëns - parce qu’il y a une vingtaine de personnes sur cette photo et il a commencé à lancer ça avec force de témoignages en disant : si vous reconnaissez ça sur cette photo, dites-nous qui c’est et on essayera de le joindre, de le retrouver, ou si vous vous reconnaissez, essayez de nous raconter ce qu’à été cette expérience du 22 mars. C’est pris dans la salle du Conseil d’administration de l’université de Nanterre que vous occupez, ce soir du 22 mars. On reconnaît bien entendu Daniel Cohn-Bendit. Tout compte fait il n’y a que 8 ou 9 personnes qui ont répondu à cet appel.
Isabelle Saint Saëns : Ce n’est as pour démystifier l’excellente enquête d’Antoine Perraud, dans le très intéressant MediaPart, mais ce n’est pas du tout une traque ou une chasse à l’homme etc. puisque la photo c’est Nicole Lapierre et moi – Nicole Lapierre, qui était au 22 mars et qui est par ailleurs la femme d’Edwy Plenel – qui l’avons donnée et qui lui avons confié les noms, les numéros de téléphone et les mails d’un certain nombre de gens. Et là il se trouve coincé avec 8 interviews et on lui dit que nous mêmes on a mené la chasse au trésor depuis très longtemps, par contre il a une autre photo où là il y aura ( ?) etc. mais lui veut sur cette photo. Sur cette photo il y a 22 personnes, donc 22 personnes pour le 22 mars…
Emmanuel Laurentin : Et pour l’instant on est arrêté à 8 ou 9, c’est un peu comme cette photo de groupe décrite par Jean-Bernard Pouy dans son livre. On essaye de savoir ce que sont devenus les autres, où sont-ils ? Qu’est-ce qu’ils ont fait entre temps ?
Isabelle Saint Saëns : Ce n’est pas exactement quand même le principe de la photo de lycée que l’on retrouve sous trois piles de draps et on dit, je vais lancer, sur internet, un appel. On a quand même continué, avec des destins différents, des choix différents, - il y a quand même eu justement cette histoire après 68 immédiat et ensuite des amitiés ont suivi – on s’est quand même un peu tenu au courant. On voit des gens, sans être resté très liés avec eux. Il y a des gens que je n’ai jamais perdus de vue. Chacun a crée des amitiés, gardé des liens plus ou moins forts avec des amis ou des camarades, ou des amis qui étaient des camarades, il y a des gens que l’on retrouve aussi dans d’autres manifestations. Il y a des gens que l’on a retrouvés dans les manifestations lycéennes de 74, ça, c’est à peu près normal, puis il y a des gens que l’on a retrouvés autour de…
Emmanuel Laurentin : L’élection de François Mitterrand, ou même pas ?
Isabelle Saint Saëns : Probablement puisqu’il devait y en avoir quelques uns dans la rue, place de la Bastille etc. Il y en a que l’on a retrouvé autour de François Mitterrand mais aussi autour de la marche des Beurs, puis beaucoup, je dois dire, en ce moment, autour des « sans papiers », du mouvement contre le CPE…
Emmanuel Laurentin : Avec tout de même quarante ans qui se sont écoulés. Avec des changements de vie, des progressions de carrières, des entrées dans la vie professionnelle alors qu’à l’époque vous étiez de jeunes étudiants.
Isabelle Saint Saëns : Mais c’est vrai qu’il y en a pas beaucoup. Les camarades d’Act Up - je suis membre d’Act Up depuis 97 – faisaient remarquer dans un texte, absolument magnifique, qui a un titre évidement un peu provocateur, qui s’appelle « Évidemment nous en sommes », qui expliquait pourquoi Act Up était partie prenante du mouvement de l’occupation des ASSEDIC en 98. Ils expliquaient, aux détours de ce texte, qu’ils trouvaient quand même qu’il y avait dans le mode d’action, dans le mode de réflexion, le mode d’organisation des choses qui pouvaient rappeler 68 mais qu’il y avait bien peu de gens de la génération de 68…
Emmanuel Laurentin : Qui les avaient rejoints ?
Isabelle Saint Saëns : Oui, qui les avaient rejoints ou dont on pouvait tout simplement attendre un soutien, ou les rejoindre carrément.
Emmanuel Laurentin : Alors, justement, si l’on revient à ces années, c’est moins peut-être, ces quelques semaines de mai - juin 1968 qui sont, on l’a raconté, une sorte de flambée sur le pavé de Paris, qu’est-ce qui se passe pour vous, Isabelle Saint Saëns, par exemple, tout de suite après ces événements de mai ? Qu’est-ce qu’on fait quand le pouvoir est réélu avec une chambre bleu quasiment unique ? Qu’est-ce qu’on fait dans l’été 68 ? Est-ce qu’on part ? Est-ce qu’on reste là ? Qu’est-ce qu’on décide de faire ?
Isabelle Saint Saëns : En ce qui me concerne, d’abord, je suis partie avec Danièle Schulmann - une amie très, très proche à l’époque et qui l’est toujours, qui a été interviewé par Perraud sur MediaPart - faire une enquête, entre Montauban et Saint Augustin dans le Var, avec un groupe d’étudiants en géographie qui étudiaient les cultivateurs de pêches mais aussi les réorganisations dans le milieu agricole. Un petit job que l’on s’était trouvé. Mais en même temps on discutait, les Toulousains et les deux Parisiennes, c’était assez vigoureux. Ensuite, moi, je suis partie en vacances, je ne sais plus où, Danièle est partie, retrouver son fiancé, en Bretagne. Puis, on s’est retrouvé à un certain nombre – c’est vrai qu’on était assommés - c’était le 20 août, pour des manifestations quasi spontanées après l’invasion des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie.
Emmanuel Laurentin : Ah ! Oui, alors, ça, c’était extrêmement intéressant. C’est là aussi que ce mouvement du 22 mars, il ne faut évidemment pas le confondre - on l’a compris quand on a écouté la série d’émissions de la semaine dernière – avec le Parti communiste etc. Effectivement, il y a toute cette dimension antiautoritaire. Antiautoritaire en particulier vis-à-vis d’un Parti communiste qui va soutenir les opérations de Prague, de « normalisation » de Prague en août 1968.
Isabelle Saint Saëns : Il y avait deux composantes politiques à gauche ou à l’extrême gauche qui étaient absentes du mouvement du 22 mars, pourquoi ? Parce qu’ils ne voulaient pas se mêler et que nous et que nous on n’en aurait pas voulu à cause des analyses qu’on faisait, c’était le parti communiste, c’est-à-dire l’UEC, en particulier leur représentant à Nanterre, Guy Konopnicki, qui depuis a fait critique sur critique… On était quand même pour beaucoup - ce n’était pas que ça le 22 mars - issu des histoires de la Résistance mais contre un certain héroïsme et issu aussi des luttes anticoloniales et de la Guerre d’Algérie. C’est la génération juste avant nous. La génération justement des July qui s’étaient fait exclure de l’UEC, soit des italiens, qui étaient désorganisés, soit des gens qui avaient fondé les Jeunesses communistes révolutionnaires, comme Krévine, soit ceux qui avaient fondé l’UEC, donc des communistes eux-mêmes. On a même, ce n’était pas un de nos fait le plus glorieux, foutu à la porte d’un amphi Pierre Juquin. Certains d’entre nous agitaient le petit livre rouge en criant « Juquin, petit lapin », parce qu’il courait… Cela dit, on était violemment – moi-même de part mon histoire familiale – anti Parti communiste français.
Emmanuel Laurentin : Parce que votre père avait quitté le Parti communiste français…
Isabelle Saint Saëns : Non, non. Il l’avait quitté en 68. Il était depuis 1920 au Parti communiste, il a été dans la Résistance à Toulouse, c’est là qu’il a connu Jean-Pierre Vernant et un certain nombre de gens.
Emmanuel Laurentin : Victor Leduc, j’imagine ?
Isabelle Saint Saëns : C’est ça. Justement, il a fait partie de cette bande qui avec Vernant et Leduc publiaient La voie communiste et L’étincelle, je crois que l’un était interne, l’autre externe. Et c’est bande qui de 48 à 68 a sauté sur toutes les occasions pour protester, pour critiquer et pour se faire massacrer par le PC. Que ce soit les médecins « des blouses blanches », la Hongrie, le « Manifeste des 121 », l’Algérie, les étudiants de l’UEC, les étudiants et Prague. Et Prague, là, ils ont estimé que ça suffisait. Donc, moi, j’étais virulemment anticommuniste parce que j’entendais à la fois les critiques que racontaient mon père et ses amis et en même temps je les voyais rester à l’intérieur de ça. Je trouvais ça… Bon. Puis, j’entendais ma mère raconter le planning familial et la façon dont c’était reçu par Jeannette Vermeersch qui nous poussait à pousser…
Emmanuel Laurentin : Faire des enfants.
Isabelle Saint Saëns : A faire des enfants pour assurer l’avenir du prolétariat… Et l’autre groupe qui n’était pas là, c’était, je crois que ça s’appelait le CLER ou le FER, qui était une fraction trotskiste, un peu analogue à ce qu’est devenu le l’UCE ensuite, qui nous considérait comme des petits bourgeois. Puis il y avait l’UJC (ml), à part qu’il y avait des gens de l’UJC (ml) qui participaient.
Emmanuel Laurentin : L’UJC (ml), qui étaient des maoïstes, mais des maoïstes orthodoxes, pourrait-on dire.
Isabelle Saint Saëns : Tout ce qu’il y a de plus orthodoxe. Depuis 65, ils envoyaient des gens, pour être méchante, je dirais que les monarques, les frères Muller, Philippe Morel ( ?), Blandine Kriegel, Robert Linhart envoyaient leurs condisciples en usine mais eux n’y allaient pas.
Emmanuel Laurentin : Ils y sont allés un peu.
Isabelle Saint Saëns : Ils y sont allés un peu. Robert y est allé mais je ne pense pas que Philippe Morel ou Blandine Kriegel y soit allé.
Emmanuel Laurentin : Ensuite, effectivement le problème c’est que certains d’entre eux qui sortaient tout juste - peut-être que c’était une déception - du prolétariat, qui étaient des jeunes maoïstes, issus de familles ouvrières, sont allés s’établir et qui pour certains d’entre eux sont restés dans le prolétariat. Ils avaient sorti l’idée qu’en faisant quelques études…
Isabelle Saint Saëns : Ils avaient fait quelques hécatombes à la fois de jeunes ouvriers qui s’étaient rebeller, donc coupure totale avec le milieu, parce que je crois que l’on a du mal à imaginer maintenant, - pour qui ne l’a pas vécu ou ne l’a pas étudié, vous le savez bien – la violence du Parti communiste et de la CGT : les exclusions, les tabassages… Marguerite Duras et Morel le raconte à propos du groupe de la rue Saint-Benoît. Du jour où l’on quitte le Parti, des amis intimes…
Emmanuel Laurentin : Dominique Desanti l’avait raconté avant.
Isabelle Saint Saëns : Oui, Dominique Desanti l’avait raconté avant. Comment les gens passent sur l’autre trottoir et ne vous voient pas. Donc, là, on se retrouve avec des gens qui sont plus ou moins protégés, qui n’ont pas un background intellectuel, financier, politique, social etc. Puis il y a eu tous les étudiants, y compris d’un milieu aisé, qui sont tombés dans la dope, l’exclusion etc. Il y a eu quand même quelques…
Emmanuel Laurentin : Il y a eu de la casse.
Isabelle Saint Saëns : Il y a eu des casses, oui. Ça, c’est bien raconté, par exemple, dans le premier livre de Virginie Linhart. Mais, ce n’est pas raconté, justement il faut aller rechercher dans l’histoire, en particulier celle qui suit 68. Ce n’est pas dans Génération qu’on les trouvera. On trouve beaucoup de choses très intéressantes dans Génération, je suis fascinée, en particulier dans le deuxième tome, de voir comment deux anciens trotskistes sont fascinés par les crapules maoïstes. Je suis désolée pour mes petits amis maoïstes, je veux dire les petits chefs qu’ils étaient à l’époque.
Emmanuel Laurentin : Et la violence qui s’en suivie, qui était une violence de rapport, une violence…
Isabelle Saint Saëns : Puis, il y a très peu de choses sur les femmes. Dieu merci, elles profitent lorsqu’il parle de VLR, de Roland Castro pour faire parler Christiane Bachelet ( ?), Nadia Ringard ( ?) etc., parler un petit peu du début du MLF, mais…
Emmanuel Laurentin : C’est extraordinaire parce que vous vous mouvez encore dans cet univers, vous citez une référence qui est tout à fait évidente mais qui dans la plupart des cas pour nos auditeurs doit être totalement incompréhensible. Parler de VLR, des ces maoïstes-là qui sont les premiers à s’intéresser à l’homosexualité, à la lutte des femmes, par exemple, c’est une tendance maoïste très particulière qui est séparée d’une autre tendance maoïste qui s’appelle la Gauche prolétarienne, par exemple,…
Isabelle Saint Saëns : Qui est celle dont on parlait.
Emmanuel Laurentin : Qui est celle dont on parlait maintenant, avec Serge July et d’autres.
Isabelle Saint Saëns : Ce n’est pas pour dire que Roland Castro qui était animateur de Galère, n’est pas maintenant un personnage aussi médiatique que ne sont d’autres. Je suis désolée, c’est effectivement VLR qui m’intéresse et pas la GP, alors que j’étais assez rétive, même très d’une part à toute forme d’indexation ( ?) et d’autres part au maoïsme, mais j’avais des amis à la GP et des amis à VLR, en particulier des filles. Mais c’était VLR qui était le plus intéressant parce que l’intelligence de Castro et des gens qui étaient là et les choses auxquelles ils s’intéressaient ont fait que c’est là que sont nés les mouvements lycéens, enfin ceux que ( ?), les mouvements de femmes, les mouvements d’homosexuels,… toutes choses qui ont quand même irrigués les années 70.
Emmanuel Laurentin : Alors, VLR, c’était « Vive la Révolution ». D’ailleurs il faudrait presque avoir une sorte de lexique. J’ai avec moi, le petit livre de Danièle Lindenberg qui vient de paraître aux éditions Bartillat, où il raconte sa géographie parisienne des années 68 et puis à la fin il met un petit glossaire, il fait expliquer la dynamique de groupe, l’école émancipée, l’externisme, rappeler qui était Frantz Fanon, le lambertiste, Marat, l’établisme avec Michel Raptis. Effectivement, c’est une période qui est relativement proche mais qui par ses références, l’auto construction de son discours, de séparation d’un groupe par rapport à un autre etc. a fini par devenir a fait devenir une période assez obscure. Il faut une sorte de boussole pour pouvoir se guider là-dedans.
Isabelle Saint Saëns : D’autant plus qu’il y a eu effectivement des reconstructions officielles. Justement, c’est cela qui était intéressant dans le 22 mars, c’est qu’il n’y avait pas d’organisation.
Emmanuel Laurentin : C’était ce qui posait problème à la fois.
Isabelle Saint Saëns : On y est arrive après. C’est ce qui est très bien raconté dans ce petit livre, sur lequel je vous avais fait de la pub, de David Vercauteren, qui s’appelait Micropolitiques des groupes qui était issu, entre autres, de l’expérience des « sans tickets » en Belgique, qui raconte les différents mots, sous forme de glossaire, qui peuvent frapper, quelque soit leur taille, et comment on peut essayer, non pas de les affronter mais au contraire de les contourner, les subvertir et de s’en alléger un petit peu.
Emmanuel Laurentin : Un mot, par exemple, pour le 22 mars, c’était sûrement la personnalité de Daniel Cohn-Bendit. La force et la puissance de l’image de Dany Cohn-Bendit qui finissait par être devenue l’ennemie du pouvoir, une sorte d’emblème auquel il fallait se raccrocher ou pas. Comment ça s’est passé cette suite de mai 68, par rapport à la personnalité de Dany Cohn-Bendit ?
Isabelle Saint Saëns : On a continué à avoir pendant longtemps l’étiquette « enragés de Nanterre » ou la « bande à Cohn-Bendit » alors que nos destins étaient très différents. Vous me posiez la question de savoir ce que j’avais fait pendant l’été, il y en avait des qui sont partis à Londres pour se plonger dans la musique et les drogues récréatives, d’autres sont partis avec les paysans ouvriers faire une longue marche, en France, d’autres sont tout simplement partis en vacances, ceux qui allaient devenir les leadeurs, les fondateurs en tout cas - il n’y a pas que du mauvais là-dedans – de la Gauche prolétarienne, c’est-à-dire Serge July et Alain Geismar, sont partis à Cuba où ils ont discuté avec le leader Massimo pendant des nuits et des nuits et ils en ont ramené un livre qui s’appelait « Vers la guerre civile » dont un des chapitres s’intitulait « Vietnam, lieu géométrique de notre joie la plus profonde ». C’est un texte intéressant à lire. Il raconte un peu d’ossification de ce qui se passait. En même temps, ces gens-là, j’ai un peu travaillé avec eux fin 68 début 69 parce qu’ils avaient eu l’idée, en particulier Evelyne July qui était à l’époque la femme de Serge, avec qui je suis restée très amie, je pense un peu plus elle que les garçons qui était à ce moment là en liaison avec le Groupe antiautoritaire de l’UGC (ml) - il devait y avoir Benny Levy, probablement Linhart, les frères Muller – Evelyne avait eu l’idée qui s’était un petit peu cristallisée de faire une pré agence de presse de Libération, j’ai oublié comment ça s’appelle, j’ai cherché dans mes papiers. Les locaux étaient rue…
Emmanuel Laurentin : L’agence de presse Libération c’est ce qui précédera Libération en 1973, je crois, et c’est ce qui précède de quelques mois le journal Libération parrainé par Jean-Paul Sartre. Il y a quelque chose de très fort, vous dites, « je suis partie faire une enquête », l’enquête c’est quelque chose, c’est un mot que tous les gens de cette époque utilisent. Alors ça peut des enquêtes payées, mais il y a les enquêtes ouvrières, on y reviendra mercredi, mais il y a l’idée qu’il faut enquêter sur le terrain, aller voir quelles sont les problèmes qui traversent la Cité…
Isabelle Saint Saëns : Il y en avait un slogan des maos qui disaient « qui n’a pas fait son enquête n’a pas droit à la parole ». Moi, je pensais, avec mon anticommunisme et mon anti maoïsme viscéral, comme une directive policière. Qui n’a pas fait son enquête sur ses petits camarades et ne les dénonce pas n’a pas le droit à grimper la hiérarchie.
Emmanuel Laurentin : Mais, il a fallu faire l’enquête sur ses petits camarades puisque quelques fois on sait que pour certains d’entre eux, heureusement ou malheureusement, c’étaient de informateurs de Raymond Marcellin, ministre de l’intérieur et que les agissements clandestins n’étaient pas tant que ça pour le pouvoir.
Isabelle Saint Saëns : Pourquoi pas. Pour revenir à maintenant, au XX–XXIe siècle, on a coutume de dire à Act Up, quelque soit le côté surprenant de nos actions, on a des assemblées générales ouvertes toutes les semaines aux Beaux-arts, probablement le local d’Act Up est truffé de micros, la presse qui est intéressée vient, mais comme le disait Philippe Mangeot, qui a été président d’Act Up, « on ne fait que des actions que l’on nous laisse faire ». Mais on les faits selon notre mode. Puis, il y a des gens qui n’étaient probablement pas des flics mais qui ont fait des tonnes de dégâts par sectarisme, mais ça il y en a partout.
Emmanuel Laurentin : Donc, ces enquêtes, avant même l’agence de presse Libération, c’est quand même l’idée que les médias, la radio on en a parlé la semaine dernière, la presse écrite, écrit à la va vite Action qu’on est comme ça dans le quartier latin pendant les événements de mai 68, c’est extrêmement important de propager sa parole. C’est aussi le moment où l’on film les actions ouvrières, c’est ISKRA, c’est Chris Marker, c’est tous ce qui tourne autour de ces questions. Il faut filmer, accompagner les actions d’une médiatisation de ces actions.
Isabelle Saint Saëns : Oui, mais il y a aussi, pour faire un lien entre ici et ailleurs, filmer et faire filmer. Ce qu’à Act Up j’ai mis un petit moment – à Act Up on emploi souvent le terme de slogan, de visuel etc. des méthodes qui viennent directement des États-Unis – avant de comprendre même si je saisissais très bien ce que ça vouait dire l’« empowerment », c’est-à-dire laisser la possibilité aux gens qu’ils prennent les choses eux-mêmes et non pas qu’ils fassent ce qu’on leur dit de faire. C’est en général ce qui se passe. Quelqu’un qui arrive à Act Up on ne va pas lui dire, toi tu vas à telle commission et tu vas faire tel boulot. Les gens naviguent un peu puis choisissent. Ça marche ou ça ne marche pas. Il y a des gens qui sont arrivés et qui 2 ans plus tard… Jérôme Martin était un remarquable président Act Up très peu de temps après être arrivé parce que justement il s’était investi. Donc, ce n’est pas simplement que ce soit Marker, Godard ou Morin qui filme, c’est aussi l’expérience des groupes Medvedkine qui vont filmer, c’était à Sochaux ou à Belfort ?
Emmanuel Laurentin : A Belfort. Il faut dire qu’il y a un DVD qui est sorti sur les films des groupes Medvedkine.
Isabelle Saint Saëns : Qui est remarquable. C’est des cinéastes et des techniciens qui arrivent avec des caméras qui filment des luttes et des entretiens mais qui en même temps donnent la possibilité aux ouvriers qui le veulent, - pas d’obligation : « toi aussi devient cinéaste » - de s’approprier les techniques, le discours… C’est un peu analogue aussi à ce qu’à fait à partir des années 80 une autre entité que j’aime beaucoup qui s’appelle l’Agence IM’média, qui a été créée par Mogniss H. Abdallah, qui était journaliste après avoir été très lié aux mouvements de l’immigration, et là il a fondé, en 80, une agence, qui a eu d’ailleurs une émission à la télévision, pour travailler avec des jeunes de banlieues mais aussi avec des journalistes pour d’une part constituer des archives des mouvements d’immigration et des mouvements de banlieues, à l’époque il y en avait pas, mais essayer de les retrouver, que les gens s’approprient le matériel mais il faut pas non plus qu’ils minimisent, « tu prends ta caméra et tu deviens immédiatement… » Comment ils se représentent ? Comment leurs paroles arrivent ? Qu’est-ce qu’ils pensent de leurs paroles ? Qu’est-ce qu’ils découvrent aussi de la parole des autres ? Mais quand vous parlez d’enquête, je pense que l’enquête en France, enquête ouvrière ou autre, avait un sens quand même très, très organisé, vous aurez peut-être l’occasion d’en parler avec Isabelle Sommier, par le sens que prenait l’enquête ouvrière en Italie, avec l’expertise etc. ce que font encore nos amis Italiens, ou que font admirablement les Espagnoles en particulier ( ?) à Madrid, qui est une enquête presque situationniste. ( ?) c’est un groupe de filles, il y a quelques garçons, qui sont pour la plupart des intellos précaires, non pas que des intellos mais quand c’est des intellos, vivent en général de petits boulots, de traductions, de prostitution, d’aide ménagère, l’appel téléphonique sexuel etc. c’est vraiment des intellos, des précaires et elles sont parties des dérives, c’est-à-dire aller dériver au hasard des rues à Paris ou ailleurs, elles sont peut-être moins alcoolisées. Elles partent au moment d’une lutte mais elles ne veulent pas aller obligatoirement dans un piquet de grève, elles vont demander aux jeunes du quartier et en particulier à la femme de l’épicier qui est obligée de fermer etc. Et c’est ce genre d’enquêtes, qui est très inspirées aussi par un certain nombre d’intellectuels Italiens, ils étaient bien plus avancés que nous, les Italiens là-dessus sur le plan théorique…
Emmanuel Laurentin : Alors, justement, vous aviez 19 ans au moment des événements de 68…
Isabelle Saint Saëns : 19 ans et demi, 20 ans.
Emmanuel Laurentin : 19 ans et demi. Est-ce que ces quelques semaines de mai 68 ont changé la géographie que vous vous faisiez de Paris ? On sait que juste avant 68, il y avait une géographie du quartier latin qui était tout à fait déterminée, il y avait « La joie de lire », il y avait, c’est ce que raconte d’ailleurs Daniel Lindenberg dans son livre, il y avait les cafés où l’on se retrouvait autour de la Sorbonne, j’imagine qu’après tout ce qui s’était passé toute cette géographie intime a peut être été légèrement déplacée parce qu’on se retrouve dans d’autres quartiers, on a changé d’habitudes et on a peut être trouvé d’autres manières de vivre ?
Isabelle Saint Saëns : Oui. Moi, j’étais à Nanterre pas par choix. On y était par obligation, il y avait une sectorisation. J’habitais le XVIIIe, mais le XVIIIe, près de la place du Tertre, je me suis donc retrouvée à Nanterre. On général, ceux qui étaient à Nanterre, ceux qui venaient de Paris étaient de milieux aisés. Il y avait aussi ceux qui venaient du XVIIe et XVIIIe prolo. Il y avait aussi tous ceux qui étaient à la Cité, Daniel Bensaïd qui venait de Toulouse, Bernard Benichou qui arrivait d’Algérie, Jacques Tarnero qui arrivait de je ne sais pas d’où… il y avait des jeunes qui habitaient à la « Cité U » parce qu’ils n’avaient pas les moyens à paris, comme là encore maintenant. Mais, moi, ce que je connaissais - j’arrivais du lycée – Montmartre, la place Clichy, le lycée Jules Ferry, je connaissais bien sûr un peu Paris, mais comme vous le disiez, le quartier latin c’était les cinémas et « La joie de lire ». Or, c’est vrai que là on a découvert à la fois des dérives, au gré des manifs, et puis des modes d’être dans Paris parce que, ce dont je me souviens, c’est vraiment que ça discutait partout, y compris pour s’égueuler : « petit con », « agent de l’étranger », etc. ou au contraire des gens qui tout d’un coup se mettaient à hurler… On a découvert Paris, mais on a découvert, ce qui n’existe plus maintenant, que place Mahler il y avait les usines Citroën.
Emmanuel Laurentin : Donc, les ouvriers dans Paris.
Isabelle Saint Saëns : Donc, les ouvriers dans Paris. Enfin, on l’a découvert, on le savait mais on y est allé, chez Citroën. Renault Billancourt, on savait, la forteresse ouvrière etc. c’est quand même quelque chose aussi.
Emmanuel Laurentin : Et ce changement géographique symbolique, c’est important pour ce qui se passe après 68 ?
Isabelle Saint Saëns : Oui, bien sûr, parce qu’il y a quand même des dizaines d’occupation de lieux. En plus c’était particulièrement frappant pour nous qui étions à Nanterre parce qu’à part certains soit un peu plus âgés, soit un peu plus fortunés qui avaient des voitures, on y allait en train. On prenait le train à Saint Lazare, on descendait à la Folie complexe universitaire. Il y a une scène célèbre de La Chinoise, une discussion entre Françoise Berto et Francis Jeanson qui a été reprise dans un magnifique court-métrage de Claire Denis qui s’appelle Vers Nancy, dans un train, une discussion entre le philosophe Jean-Luc Nancy et une exilée politique. C’est un film magnifique que l’on voit rarement et que j’ai vu grâce Robert ( ?) et son festival, il faudrait absolument le projeter parce qu’est le pendant - de plus avec une réflexion philosophique sur l’autre, l’exil etc. - Bon… Donc, on était à Nanterre, comme dit Jean-Pierre Duteuil, Nanterre c’était chiant, à l’époque c’était tout petit, il y avait trois bâtiments, il y avait encore des baraquements habités, il n’y avait bien sûr pas la piscine qui a provoqué l’altercation entre Dany et Missoffe…
Emmanuel Laurentin : François Missoffe, ministère à la Jeunesse et aux Sports.
Isabelle Saint Saëns : François Missoffe, Il n’y avait pas de bâtiment de la fac de droit. Moi, j’étais à sciences-éco. Moi, je suis arrivée en deuxième année de fac, en 66-67, il y avait déjà des gens mais on n’était pas extrêmement nombreux et on était tous ensemble. Jean-Pierre Duteuil dit : « c’était chiant Nanterre »…
Emmanuel Laurentin : Jean-Pierre Duteuil, qui était un de ceux du 22 mars.
Isabelle Saint Saëns : Qui était anarchiste et un type absolument merveilleux. Qui est l’historien, l’historiographe. C’est grâce à lui qu’on a pu reconstituer, presque au jour le jour, ce qui s’était passé, il a sorti un livre, il y a 20 ans, qui s’appelle Nanterre 1968 - Vers Le Mouvement Du 22 Mars, c’est-à-dire que ça s’arrête le 23 mars mais ça peut revivre. Et Jean-Pierre dit : « Nanterre c’est chiant, autant dans une grande ville quand on en a marre de quelqu’un on change de café, on change de quartier, là, c’est la place du village, donc on est obligé de composer. » Et c’est vrai que moi, je suis arrivée à Nanterre, j’avais deux amies Nicole Lapierre que j’avais connue au lycée, autour du cinéclub, et Yves Fleischl qui était un ami d’amie d’enfance, que je connaissais depuis plusieurs années, avec qui j’avais préparé le bac philo par correspondance, mais tout de suite on s’est fait des copains. Le truc un peu bizarre aussi, j’en parlais justement hier avec Yves et les autres, c’est qu’on était tous quand même relativement, moi en particulier, sensibles à l’histoire du colonialisme, en particulier à l’histoire du 17 octobre 1961, mes parents ont fait partie des très rares parisiens, des très rares non Français Musulmans d’Algérie à faire partie de la manifestation de soutien qui ont eu quelque jours après, ma mère est rentrée en sang… mais on était là entre deux bidonvilles, celui qui est vers la Seine et celui qui est vers la petite colline, où il y a maintenant la préfecture des Hautes-Seine, on est allé, on y allait très souvent, je me le suis fait confirmé par les autres, parce qu’il y avait un excellent couscous pas cher, mais pas du tout pour parler avec les gens…
Emmanuel Laurentin : Justement, comment ça se passe la rentrée universitaire après ? On a envie de continuer ses études ?
Isabelle Saint Saëns : Moi, j’étais dans un état absolument atterré. Une espèce d’atteration qui a durée un peu jusqu’au début des années 80, même si j’ai fait des choses qui m’ont beaucoup intéressées, amusées, passionnées. Je n’ai pas été totalement anéantie, mais j’étais absolument… Justement quand Jean-Patrick Manchette dit, dans son journal : « Le 28 /06/ 68 les lendemains vont brailler sévère », il m’a fallu attendre un petit peu, quand même. Ça a braillé, mais… En plus, on était tous, de notre bande, parce qu’on était tous assez liés, les 142 qui ont signé le texte du 22 mars - après ça s’est élargi – qui ce sont retrouvés à Paris dans le Bulletin du 22 mars etc., il y en a beaucoup qui n’étaient pas là. Il y en a qui sont partis aux États-Unis, certains sont partis en collectivité, Dany était reparti Francfort, puisqu’il était interdit de séjour,…
Emmanuel Laurentin : Il faudra attendre 10 ans pour qu’il revienne.
Isabelle Saint Saëns : Certains, dont Fleischl, sont parties à Vincennes, quoi que Vincennes a été fondé en 68 ou 69 ?
Emmanuel Laurentin : Fin 68.
Isabelle Saint Saëns : Danièle Schulmann est partie un an plus tard. Ce n’était pas gai, gai, Nanterre à cette époque-là. Il y a eu un certain nombre qui ce sont passées, on pouvait continuer mais il y avait des choses qui étaient en gestation, comme la Gauche prolétarienne justement.
Emmanuel Laurentin : Et la question de la violence est-ce que vous vous la posiez, les uns et les autres, puisqu’il y avait quand même cette tentative ou cette volonté de rétorquer à la violence d’Etat, comme on disait en Italie dans ces années-là à partir des débuts de 1969 ? Rétorquer à la violence d’Etat qui était réelle en Italie, avec en particulier les attentats déviés qui pouvaient avoir eu lieu avec le soutien ou pas des services secrets au tout début des années 70. Donc, il y avait la tentative de répondre à cette violence d’Etat par une même violence, une violence révolutionnaire qui allait donc conduire les uns et les autres à prendre les armes. Est-ce que ça, ça a été quelque chose qui a un moment ou un autre a traversé votre esprit à vous ou à d’autres ?
Isabelle Saint Saëns : A moi, non parce que je suis quand même un peu trouillarde et j’ai eu très peur à certains moments, je pense qu’Isabelle Sommier vous en parlera très bien, mais à certains de mes camarades bien entendu. Justement, le 1er numéro du 22 mars s’est fait saisir parce qu’on donnait la recette de fabrication du cocktail Molotov qui était entièrement fausse. Nos camarades de Nanterre ou autres - Sorbonne lettres - ont rétorqué par un tract qui donnait la bonne composition. Cela dit, moi, je n’ai rien contre. C’est à la fois une histoire génération mais aussi une histoire de réflexion. En même temps je trouve que la fascination pour la violence, y a quelqu’un qui en parlerait très bien, en même temps qu’Isabelle Sommier, c’est Jacques Rémy, qui était un des chefs du service d’ordre de l’UJC puis de la GP, comme Jean-Claude Zancarini, dit Tarzan.
Emmanuel Laurentin : Et la fascination pour cette nouvelle résistance qu’ils voulaient créer, comme en Italie, avec cette idée que la Résistance n’était pas allée jusqu’au de son travail, durant la Seconde guerre mondiale, et que c’était aux enfants des résistants ou à la nouvelle génération de reprendre le flambeau en se considérant comme de nouveau résistants, c’était de nouveaux résistants en France mais ça a été de nouveaux résistants en Italie, avec ces insultes qui étaient souvent proférées par des très jeunes aux anciens résistants de 1943 en leur disant : vous nous avez conduits à ce que la démocratie chrétienne garde le pouvoir, reste là, que la Parti communiste soit le seul Parti autorisé en Italie comme opposition, donc il fallait reprendre le flambeau d’une Résistance inachevée d’une certaine façon.
Isabelle Saint Saëns : Oui, en même temps, je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Enfin, d’une part, je pense que c’est encore vrai maintenant. Je pense que de calquer une situation sur une autre empêche de voir la nouveauté de quelque chose et plaque immédiatement des réflexes d’analyses ou des émotions. Si je peux faire juste une incise, j’aime énormément Emmanuel Terray, qui est un type formidable, qui est d’une génération d’avant, Terray n’est pas de la génération althusienne, il était déjà à l’époque investi, il était ethnologue sur le terrain en Afrique,…
Emmanuel Laurentin : Il était à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.
Isabelle Saint Saëns : Il était à l’Ecole des hautes études. C’est quelqu’un qui depuis très longtemps est investi, plus qu’investi personnellement et théoriquement dans le mouvement des sans papiers, il est en particulier très présent auprès des collectifs des sans papiers Chinois, mais il a sorti dernièrement un texte qui a eu un énorme succès qui faisait un parallèle entre les rafles, on ne peut pas appeler cela autrement, des sans papiers, qui se multiplient depuis maintenant 3 ans, et systématiquement, et les rafles des Juifs ou de refugiés politiques pendant la Seconde guerre mondiale. On ne peut pas comparer à la rafle du Vel d’Hiv qui est une rafle de… Enfin, bon… Je l’ai entendu dire ça dans un séminaire et il y a eu deux jeunes qui ont réagi en disant : « Oui, c’est formidable, parce que moi, dans ma famille, si je parle des « sans papiers » on me traite de révolutionnaire tandis que si j’utilise votre argumentation ils sont très sensibles à ça et ils commencent à réfléchir. » Je suis désolée, d’abord si on commence à attendrir sur le sort des sans papiers ce n’est pas comme ça qu’on y arrivera et puis on faisant des sans papiers les nouveaux petits enfants Juifs, on ne comprend rien du tout. D’où justement les nouveaux résistants même si, je me souviens très bien de mes petits camardes qui étaient allés cherche Charles Tillon qui était commandant légendaire des FTP après avoir été un des mutins de la Mer Noire en 17 (précison de Taos, la mutinerie de la Mer Noir a eu lieu le 19 avril en 19919), je crois,…
Emmanuel Laurentin : Non, c’était André Marty qui a été mutin en Mer Noire.
Isabelle Saint Saëns : Pour avoir son acquiescement, son aval, son alignement pour fonder la nouvelle résistance prolétarienne, avec toutes ses chansons. J’adore Dominique Grange, mais enfin « … Nous sommes les nouveaux partisans / Francs-tireurs de la guerre de classe / Le camp de peuple est notre camp / Nous sommes les nouveaux partisans »…
Emmanuel Laurentin : Vous les avez chantées, ces chansons ?
Isabelle Saint Saëns : Evidemment, mais ce n’était pas terrible. Quand je pense qu’à l’époque j’étais en plein dans les Rolling Stones et aller chanter ça…
Emmanuel Laurentin : Normalement, en situation postrévolutionnaire ou crypto révolutionnaire est une situation où l’on devrait penser neuf. Or, ce que vous êtes en train de dire c’est qu’on était quelques fois dans la répétition. Une répétition d’un événement qu’on voulait voir aboutir comme s’il avait été interrompu et il fallait être les derniers qui allaient porter le coup de grâce.
Isabelle Saint Saëns : Je pense aussi, et j’en suis la meilleure illustration puisque tout à l’heure j’ai fait une diatribe aussi longue, qu’enrouillée et enflammée sur mon anticommunisme, je pense justement qu’une des raisons qui fait que les choses ce sont mal terminées à la fin des années 70, on pourra rebondir après, c’est qu’on avait à l’époque le Parti communiste le plus puissant et le plus bête du monde occidental, vraiment, ce n’est pas pour défendre les communistes Italiens qui ont fait des saloperies, mais enfin, au moment où ils avaient Togliatti, nous on avait Thorez, nous Georges Séguy, eux avaient Bruno Trentin, qui est un ami mais qui a aussi fait des choses dégelasses, ils avaient Gramsci, nous on avait Garaudy, bon voila… Et c’est un Parti d’une violence incroyable. Les gens qui sont sortis dans l’extrême gauche, sont sortis de l’UEC, je ne sais plus dans quel ordre, d’abord les trotskystes ensuite les maoïstes. Donc, c’est des gens très proches. Des gens qui ce sont toujours définis par rapport au Parti communiste - même si j’ai un peu plus de tendresse pour les trotskystes – ce qui fait qu’il y a eu très peu de choses justement qui sont sorties de ça, ce dont on parlait tout à l’heure, les lycéens, les femmes, les homosexuels etc. Les prisonniers, c’est aussi l’influence d’une génération de penseurs qui viennent, Althusser c’est capital, mais il y a aussi tous ces gens comme…
Emmanuel Laurentin : Lefebvre…
Isabelle Saint Saëns : Il y a le Lefebvre mais moi je pense plus précisément à Foucault, Léotard, Deleuze, Guattari, etc. qui parlent en plus des minorités, minorités au sens large, c’est-à-dire quand on ne se reconnaît pas dans une norme… Le mouvement des femmes etc. Les luttes ça a été des choses qui ont été trop peu par rapport à l’écrasant carcan et du communisme et du gauchisme ce qui fait qu’en 81 il n’est plus resté grand-chose.
Emmanuel Laurentin : Alors, vous, vous décrochez, d’une certaine façon, des wagons de la contestation dans le années 90, en rejoignant à la fois le mouvement du GESTI, des « sans papiers », de l’immigration et puis aussi, vous l’avez dit tout à l’heure assez longuement, Act Up, comment avez-vous décidé à un moment ou un autre, alors que vous étiez ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche sur le transport et leur sécurité, dans un nouveau combat ? Et avec quel legs de ce combat que vous aviez mené à la fin des années soixante et début des années soixante-dix ?
Isabelle Saint Saëns : Dans les années 70 j’ai quand même fait partie de l’association pour la défense des droits des détenues, qui était la suite un peu officielle du groupe d’information sur les prisons…
Emmanuel Laurentin : Sous l’égide de Michel Foucault.
Isabelle Saint Saëns : Oui, dirigée par Michel Foucault. Ensuite, à la fin des années 70, j’ai participé à une revue féministe, qui était extrêmement drôle, qui s’appelait Remue-méninge, où il y avait quelques filles qui étaient à La Ligue, dont Sophie Bouchet qui était une de mes meilleurs amies à Nanterre, qui est devenue depuis conseillère de Ségolène Royale, mais c’était un journal qui n’était d’une part pas du tout inféodé à un groupe tel qu’il soit et qui faisait des enquêtes de terrain. On a fait des trucs sur les débuts de l’informatique, sur les femmes de ménage, sur le salarié n’est jamais dans le débat etc. Dans les années 80, la seule chose qui m’ait titillé l’esprit, c’était d’une part « La marche des Beurs » et d’autre part ce qui s’est passé en Nouvelle Calédonie, puis, je suis un peu sensible aussi au mouvement de la double peine, mais la chose qui m’a vraiment frappé ça a été le mouvement des « sans papiers », à la fois parce que ça montrait d’un fichage, d’un mode d’organisation et puis parce qu’il me semble, et je le pense toujours puise que je continue à travailler beaucoup là-dessus, que le phénomène de migration et les problèmes que soulèvent l’immigration, pas le problème parce que quand on dit il y a un problème en général on a la réponse et elle est en général imprécise, toutes les choses sont au cœur : ouverture des frontières, liberté de circulation, les États nations, l’extension, la précarité, la place des femmes, les nouvelles formes de répression que sont les camps hors d’Europe des nouvelles politiques européennes avec le fait de se faire aider par les États peu démocratiques pour…
Emmanuel Laurentin : et qui sont ( ?)
Isabelle Saint Saëns : Oui, comme le Maroc, la Lybie etc. Quand bien même seraient-ils démocratiques d’ailleurs un camp est totalement inadmissible. Nos amis Italiens disent : ( ?)… Un des livres les plus pertinents qui vient de sortir, celui de François Cusset, s’appelle « Contre discours de Mai », je ne suis pas du tout d’accord avec lui - il faudrait que je le relise et que j’affine un peu le truc - quand il dit c’est la fin de l’individu, 68. Ce que je trouve, peut-être que j’étais « actupienne » avant l’heure, ce qui m’avait frappé dans les années 75, au moment de la grande grève des immigrés, dans les foyers SONACOTRA, pour réclamer…
Emmanuel Laurentin : Oui, ça c’était très important, 73, 74-75.
Isabelle Saint Saëns : 75-79, qui a été menée par les habitants eux-mêmes,…
Emmanuel Laurentin : Absolument.
Isabelle Saint Saëns : Soutenus par un certains nombre d’experts, dont un certain nombre de jeunes qui étaient à la Cimade et qui sont passés au GESTI, qui ont exigé de ne pas être menés par d’autres mais au contraire d’être nourri. Ils apparaissaient, ils se montraient. Il y avait une espèce de visibilité. C’est-à-dire, « moi, je », ce que je suis en train de faire moi en ce moment, ce que sont en train de faire les images de 68, c’est parler en son nom. Ce que d’une certaine façon à Act Up d’une façon un peu embrouillée - je ne peux pas vous expliquer ça bien que cela soit absolument passionnant – on appelle faire de la politique à la première personne, ce qui permet par exemple à l’extraordinaire Emmanuelle Cosse, femme hétérosexuelle et séronégative, d’avoir été une des très, très brillante présidente Act Up, dans un autre genre, aussi brillante que Philippe Mangeot, Christophe Martet, etc. Et nous aussi, c’est représenter une communauté, pas une communauté au sens où l’on en parle maintenant, mais au sens de communauté tel qu’on pouvait l’expérimenter en particulier dans les communautés homosexuelles ou ailleurs, qui est une communauté d’expérience et de lutte. Les gens viennent pour 10 raisons qui peuvent être totalement contradictoires et d’ailleurs quittent la communauté… Donc, je ne suis pas d’accord avec ce que dit Cusset. Ce qui m’a frappé, - en plus il y avait, pour faire le culte du leader, il y avait Madjiguène Cissé et Salah, qui étaient des gens magnifiques, intelligents…
Emmanuel Laurentin : Ça, c’était Saint Bernard.
Isabelle Saint Saëns : Des gens de Saint Bernard. Avec les assemblées de saint Bernard, les gens discutaient entre eux, où les femmes en avaient marre d’être toujours réduites au silence disaient : « vous les « connards » allez discuter de vos histoires de stratégie, nous on va parler de la politique, de ce qu’on fait, comment on s’organise » etc. Ça, c’était absolument extraordinaire. Donc, j’ai beaucoup suivi le mouvement et comme c’était l’époque où je m’étais mise à faire des sites web, professionnellement, j’ai tout de suite rejoint Marc Chemillier, qui avait fondé le premier site à partir des communiqués des « sans papiers », puis après il y a eu d’autres choses. Puis, à la fin 96, je suis allée proposée au GESTI, Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés, un groupe extraordinaire, pas du tout Act Up, un groupe d’experts foucaldiens, des juristes au départ, ça été fondé par de jeunes et hauts fonctionnaires, en 72, qui voulaient faire prendre en compte les droits des étrangers, dire que les étrangers ont des droits mais ne sont pas respectés, dire qu’il faut d’autres droits et pas de talion… Moi, je trouve que le GESTI est un monde assez formidable et je suis allée tout simplement. J’avais aussi mis en ligne, avec un ami antiabolitionniste, des textes de Daniel le Chat - Daniel avait fait des analyses sur le droit sous Vichy. Je l’ai d’abord connu par ça, je lui ai proposé de faire un site. Puis, à la fin des années 96-97, il commençait à y avoir des choses, je suis rentrée au GESTI. Par le GESTI j’ai connu Act Up. Là, j’ai eu quelques grands coup-de-foudre entre le GESTI et Act Up, je me rappelle en particulier d’une réunion, la première fois où j’ai vu les jeunes qui représentaient Act Up, des amis qui sont à Vacarmes, Stany et Claire avec qui je travaille à Migrance…
Emmanuel Laurentin : Comment on est accueilli ? Est-ce que c’est un poids par rapport à un jeune militant, des jeunes qui ont 20 ans, dans les années 90, de se dire ancienne du 22 mars ? Ou, est-ce que au contraire il y a quelque chose, entre guillemets, de glorieux qui fait un peu référence, un peu comme la question des résistants par rapport aux nouveaux résistants des années 70 ?
Isabelle Saint Saëns : Je ne le porte pas en bandoulière mais disons que j’ai la vanité d’en parler un peu à la… ce qui est un peu une forme de vanité que d’en parler à la rigolade etc. En même temps, comme je retrouvais des choses, cette façon d’essayer de…
Emmanuel Laurentin : La question de l’anti autoritarisme.
Isabelle Saint Saëns : L’anti autoritarisme, l’organisation horizontale. A Act Up c’était beaucoup plus facile que si j’étais arrivé 3 ans auparavant. Quand des gens, comme Emmanuelle, sont arrivés en 92, toutes les semaines, en réunion hebdomadaire, on annonçait des morts, la question de l’expertise des malades n’était pas encore reconnue, c’était le début du procès de l’affaire du sang contaminé, il y avait encore « c’est tous des pédés » etc. C’était incroyablement dur et éprouvant. Moi, je suis arrivée à un moment où les choses étaient un petit peu plus légères. C’était toujours l’hécatombe, ça l’est toujours, mais les gens commencent à avoir des perspectives de vie. Justement, entre Act Up et les jeunes que j’ai connus qui étaient aussi sur les mouvements des étrangers, on a eu l’idée de ce mouvement très rigolo, au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale, qui s’appelait « Nous sommes la gauche », expliquant que c’était nous la gauche parce qu’on était avec les ouvriers, les « sans papiers », les malades, les précaires… On s’est réuni, à quelque uns on a fait signé le GESTI là-dessus, Act Up était prenante, on fait connaissance avec les gens qui à Agir ensemble contre le chômage parlaient de mouvements de réinsertions qui sont passés depuis chez les intermittents, Eugène Revel ( ?), Rémy Mouftant ( ?), Marc Mangeot ( ?)… et on a commencé à agiter des choses. Donc, moi, je m’y retrouvais, eux pouvaient aussi se sentir conforter quand je leur racontais des choses. Act Up - Vacarmes, c’est un groupe très sûr de lui. Ils sont contents d’apprendre mais ils ont aussi des choses à enseigner.
Emmanuel Laurentin : Lorsqu’on se retrouve entre anciens du 22 mars, ça ressemble à quoi, cette réunion annuelle que vous faites maintenant ?
Isabelle Saint Saëns : Ah ! non, ce n’est pas une réunion annuelle. C’est une réunion décennale.
Emmanuel Laurentin : Et on se demande ?
Isabelle Saint Saëns : Qu’est-ce que ça va être. On a invité tout le monde, tous les gens dont on a les coordonnées. Il y a eu des morts, des gens qui sont à l’étranger, qui ne viendront pas, des gens qui font autre chose, Jean-Christophe Bailly ( ?), vit en Polynésie, donc c’est peu compliqué, Roger Antony ( ?) vit à la Guadeloupe donc ce n’est pas tout à fait sûr, Danielle Linhart, a petite sœur de Robert, sera là, etc. On a même envoyé une invitation à Dany. Je ne sais pas combien on sera. Moi, il y a des gens avec qui j’ai vraiment gardé le contact. Nicole Lapierre, je l’ai connue au lycée, je ne l’ai jamais quittée. Danièle Schulmann, on s’est un peu quitté parce qu’elle a eu un engagement très vivace, elle a été en usine etc. mais on se retrouve depuis 10 ans, on se voit beaucoup. Fleischl, aussi, Harry Jancovici qui était l’homme le plus drôle et le plus intelligent de cette génération, ils sont tous formidables. Puisque vous avez lu le truc de Perraud… Il faudra avoir d’autres choses aussi. On sera 10 ans plus tard, peut-être qu’on va s’égueuler. Jacques Tarnero qui rend maintenant Mai 68 responsable de l’état de la société française et des attentats palestiniens, ça m’étonnerai qu’on… Jacques était un gentil garçon,...
Emmanuel Laurentin : On peut encore en discuter, non ?
Isabelle Saint Saëns : C’est ce qu’on verra.
Emmanuel Laurentin : Merci, Isabelle Saint Saëns, d’avoir bien voulu ouvrir cette semaine, consacrée aux années et aux mois qui suivent tout juste 68, par votre expérience et par votre récit.