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L’antisémitisme, le mot et... le nom

Un texte de Nabile Farès, écrivain et psychanalyste

L’antisémitisme, le mot et... le nom

« L’affaire » Siné, « l’affaire » Philippe Val, « l’affaire » Charlie Hebdo, « l’affaire caricatures », « l’affaireé » Badiou..., les mots et les animaux, les animaux qui servent d’injures, de rabaissements, d’accusations, toutes ces « affaires » traversées d’un seul mot qui, depuis sa création, utilisation, fait des ravages entre les mots, les personnes qui l’emploient, les discours qui le servent, l’histoire – notre histoire ancienne et contemporaine – qui a fait, à une certaine époque, récente à tout le moins, de ce mot un usage terrifiant puisqu’à l’apparition de ce mot la déferlante anti-juive, antijudaïsme, a envahi l’Europe puis le monde, le nazisme s’étant donné comme projet politique l’extermination, l’éradication dans les faits, dans les mots, la culture, l’histoire, de personnes qui portaient une vérité et sa récusation par l’anathème, l’injure, l’énigme, la parole, l’écrit, les juifs, le juif en chaque personne, corps, membres, histoires, espoirs, imaginations et pensée.

Si le premier vœu d’extermination des Juifs date, selon le livre d’Esther, de l’époque d’Assuérus, du temps de Xerxès 1 roi des Perses, par Aman, le mot d’« antisémitisme » ne fut pas employé et ne date pas non plus de la destruction du premier temple, en 587 avant l’ère commune, Jésus-Christ, en l’occurrence, par Nabuchodonosor, ni de la destruction du Second temple par Titus, en l’an 70 de notre ère ; ces deux destructions n’ayant pas donné naissance à une idéologie politique autrement meurtrière, celle de l’extermination telle qu’elle est apparue au cours du siècle qui précéda le nôtre, ce 21° siècle où, encore, nous sommes, existons...

Ce mot « antisémitisme » ne fait pas partie non plus du vocabulaire des dites Croisades – alors que nombreuses furent les communautés juives exterminées pendant leurs parcours – ni du vocabulaire de l’intégrisme musulman naissant, ni du vocabulaire des juges et exécutants des tribunaux de l’inquisition, ni de celui de 1492, expulsion d’Espagne des juifs et des musulmans, condamnations des hérétiques, ni de celui du Siècle des Lumières – bien au contraire le mot phare des Lumières étant « L’Emancipation »-.

Ce mot, dont l’apparition est datée très particulièrement « forgé » par un journaliste de Hambourg Wilhem Marr, écrit Jacques Madaule, appartient bien à notre modernité et indiquerait bien alors que chaque fois que ce mot « antisémitisme » apparaitrait, il redéployerait la charge sémantique redoutablement efficace de haines, de confusions, d’intolérances, d’anathèmes, d’injures et d’éradications, dont il est, depuis son emploi, le producteur et l’agent ; et, ce mot – au-delà de cette Europe où il vint au jour, fait partie de notre histoire contemporaine qui, à travers le nazisme, son exhortation et pratique de l’exclusion puis extermination, spécifiquement adressées aux juives et aux juifs, inscrites dans des lois, dès 1935, lois dites de Nuremberg, non pas celles des procès de 1945, mais celles concernant les juifs en Allemagne et ailleurs, dans ces autres pays qui participeraient à ce que le juriste allemand Carl Schmith avait élaboré, inventé pour cette cause « Le droit privé international » qui intimait à tous les pays qui hébergeraient des allemands (la plupart fuyant dès 33, l’accession au pouvoir d’Hitler, le nazisme, juives et juifs, communistes, artistes, intellectuels, écrivains,...) à appliquer ce nouveau droit allemand de la discrimination et exclusion, belle astuce, sans doute, d’un droit privé » - le troisième Reich et sa L.T.I – internationalement justifié et, surtout, généralisable – ce mot « l’antisémitisme » a fini par envahir notre histoire de sémites et d’antisémites, offrant, désormais, nul abri à la pensée et aux discours politiques, universitaires, philosophiques, littéraires, parfois, dits « scientifiques », contemporains.

Ce mot fait « tache », marque naturelle sur la peau de l’homme, ou, mot qui salit, nous dit le Larousse, ou, comme l’écrit bien, dans son livre, Philippe Roth, « La Tacheé », « The human stain », « La tache humaine », la souillure, titre en lequel on pourrait lire, à la place de la voyelle « a », la voyelle « e », une autre voyelle dans le nom de Stein, par exemple Gertrude Stein, ou, Einstein, et bien d’autres,... ce qui nous amènerait à comprendre et dire que dans le mot « antisémitisme » et dans « l’antisémitisme » revendiqué ou ignoré, à « l’insu », comme de disent, aujourd’hui, les psychanalystes, c’est le nom, le nom de l’autre homme, comme le dirait Emmanuel Lévinas, qui fait tache : le nom d’un soi-même porté par un autre nom à l’intérieur de la loi religieuse, puis civile, puis étatique ; ce nom de l’autre, femme, enfant, homme, père, difficilement prononçable, certaines fois, imprononçable, intolérable en « moi », dans « mon » discours, « mes » errements, ignorance de moi-même, et, pour finir... « nerveusement », « cèrèbralement », « histériquement », « communément »,... antisémite...

Le rejet du nom autre dans la langue, dans la pensée, la culture, serait au cœur du mot « antisémite » ; ce mot qui est apparu dans l’histoire, a un moment d’histoire qui a fait souillure, universellement tache, dont personne n’est « lavé », oserons-nous écrire ; et, il pourrait nous sembler qu’il n’y aurait pas d’autre façon de « nettoyer » cette tache - mot si commun, courant, aujourd’hui – que de l’accepter pour soi-même, pour la vérité, la critique, la vigilance, l’élaboration d’une nouvelle « tâche », cette fois, que celle qui désigna aux nations politiques cette vocation, mise en demeure, exécution, d’une extermination particulièrement, à chaque fois, généralisée, répétée, outrageusement, honteusement, cruellement, intolérablement, contraire à ce que nous pouvons espérer et savoir de l’humain.

L’horreur du nom autre, dans mon propre nom, telle serait, non plus l’énigme à rejeter, franchir, mais éclaircir, approcher, recevoir, comprendre de « mon » voyage humain, de l’histoire de l’humain, dans l’humain, non extérieur à lui, comme ce fut le cas, pour autant que juif est un nom, comme bien d’autres, pas seulement un simple adjectif, un nom propre, parmi bien d’autres, arabe, grec, chrétien, vietnamien, chinois, américain, européen, noir, blanc, berbère, oriental, sémite, palestinien, israélien... noms particuliers et propres... de l’humain.

Messages

  • 1 22 décembre 2009, 21:32, par simplesanstete

    Les juifs, ces ?trangers EXCEPTIONNELS a double titre parce qu’errants et unis et condamn ?s a porter les valises de l’usure a travers toute l’europe voila un fardeau et une richesse culturelle (israel veut dire questionner dieu) du questionnement et du savoir cosmopolite, le premier internet avant la lettre et ?videmment bouc ?missaire (mot h ?breu,comme par hasard !!) de tous les ressentiments locaux et religieux.
    Je suis entrain d ?crire un livre intitul ? "disneyland en terre promise" et j’ai besoin de liens (toujours la religion et le verbe) pour argumenter celui ci.
    Pourriez vous me contacter pour quelques ?changes, soit par email, soit par t ?l ?phone au 03 21 06 19 03, merci pour cet article.



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