Fabrique de sens
 
Accueil > Oreille attentive > Transcriptions d’émissions de France Culture > La Fabrique de l’Histoire, Science et politique, débat

La Fabrique de l’Histoire, Science et politique, débat

« La Fabrique de l’Histoire », par Emmanuel Laurentin, émission du jeudi 20 novembre 2008, « Science et politique (4) », une émission transcrite par Taos Aït Si Slimane. L’oralité est volontairement conservée. Les corrections des auteurs, des producteurs et des lecteurs sont les bienvenues.

Édito sur le site de l’émission : Un débat, ce jeudi, pour clore notre série de quatre émissions « science et politique » : avec nos trois invités, on repense ce jour les rapports entre l’État-nation et la science. On se concentre surtout sur le XXe siècle, mais, aux racines de l’histoire récente, on remonte également jusqu’au 17e siècle avec un passage obligé par les transformations en profondeur au 19e siècle.

Invités : Dominique Pestre, historien, spécialiste de l’histoire des sciences, directeur d’étude à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Alain Blum, démographe, spécialiste du monde russe, directeur du CERCEC (Centre d’étude des mondes russe, caucasien et centre européen), directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherches à l’INED et Cédric Grimoult, professeur agrégé d’histoire, historien des sciences.

Introduction par Emmanuel Laurentin : Quatrième et dernier temps de notre semaine consacrée au rapport de la science et de la politique alors que la semaine de la science bat son plein et que ce matin et cette après-midi, un peu partout en France, des chercheurs rejoindront les manifestations d’enseignants avec des préoccupations spécifiques liées en particulier aux réformes de la recherche et de l’université.

Nous allons, ce matin, nous intéresser, dans le débat historiographique, au rapport entre science et politique en particulier au XXe siècle car l’histoire des sciences s’est ouverte depuis quelques années aux conditions sociales, politiques et culturelles de sa production. Nous allons repartir du XVIIe siècle en nous demandons si le colbertisme, mis en place à l’époque, a été à l’origine d’un rapport particulier de l’État à la science et aux scientifiques. Puis nous nous poserons la question de savoir si le XIXe siècle scientifique a profondément bouleversé ces rapports et en quoi.

Nous verrons avec Anaïs Kien, de La Fabrique de l’Histoire, Dominique Pestre, directeur d’étude à l’École des hautes études en sciences sociales, auteur de « Science, argent et politique », aux éditions de l’INRA, c’était en 2003 et également auteur récent, à la Découverte de, « Introduction aux Science Studies » et puis avec également Cédric Grimoult, historien des sciences, enseignant en Classe préparatoire au lycée Jean Jaurès de Montreuil et auteur de « Science et politique en France de Descartes à la révolte des chercheurs » qui vient de sortir chez Ellipses et avec Alain Blum, directeur d’étude à l’École des hautes études en sciences sociales.

Mais, avant d’évoquer le XXe siècle, je l’ai dit, nous allons peut-être commencer cette émission sur les siècles qui l’ont précédé en particulier au grand siècle, le XVIIe siècle. Est-ce qu’on peut dire, Dominique Pestre, qu’au XVIe siècle, XVIIe siècle s’installent des nouvelles conceptions du rapport entre la science, l’État, la politique, de développement d’un État-Nation un peu partout dans l’Europe de l’époque ? Ou est-ce que c’est exagéré que de dire cela ?

Bonjour Dominique Pestre.

Dominique Pestre : Bonjour. Non, ce n’est pas exagéré. Je pense que l’on devrait plutôt dire que ce qui s’invente au XVIe siècle, XVIIe siècle, c’est une nouvelle manière de produire des connaissances, qu’on pourra appeler la science moderne pour faire vite, et que ce mode-là de produire de la science est un mode très opérationnel. C’est-à-dire faire des expériences. Faire une expérience artificielle dans un laboratoire, c’est un moyen extrêmement précis de produire un savoir qui permet d’agir sur la chose. Si vous travaillez dans une pompe à vide, vous savez après cela améliorer les pompes à vide. Mais, c’est aussi une mise à l’ombre. Ce qu’on appelle la mathématisation dans la formule de Koyré. Donc, c’est une façon de mettre des effets en relation numérique. Et ça aussi, quand vous établissez une loi numérique, vous êtes capables de peser sur les choses en modifiant un paramètre. Donc il n’y a pas de raison d’être surpris que lorsque la science devient ça, lorsqu’elle dérive vers quelque chose de ce style, elle est utile. Elle peut toujours servir.

Emmanuel Laurentin : Elle est utile en particulier aux différents pouvoirs qui commencent à la regarder d’une manière un peu différente des pouvoirs qui précèdent, même si évidemment quand on s’intéresse à l’histoire de la Renaissance, quand on s’intéresse à un personnage aussi intéressant que Léonard de Vinci, les cités italiennes de l’époque de Léonard de Vinci s’intéressaient déjà à ce pouvoir des scientifiques à transformer la réalité, à imaginer de nouvelles façon de faire, en particulier dans le domaine militaire. C’était déjà le cas dans ces cités, qui se faisaient la guerre au tout début de la Renaissance, Dominique Pestre ?

Dominique Pestre : Le XVIe siècle est tout à fait symptomatique de ça. Si vous voulez, il y a deux dimensions dans cette science moderne. Il y a une dimension qui est de l’ordre de ce qu’on appelle à l’époque les mathématiques pratiques ou les mathématiques mixtes. C’est-à-dire l’ensemble des savoirs qui permettent de faire les choses. Ça peut être de l’artillerie, de la fortification, de l’observation astronomique, la production d’instruments, la cartographie, la topographie... Toutes ces activités de terrain en fait, on pourrait dire d’ingénieurs de terrain. Ça, au XVIe siècle, ça explose littéralement. Et c’est là que se recrute tous les ingénieurs militaires de fait. Ils constituent les nouveaux serviteurs des nouveaux arts de la guerre, parce que l’art de la guerre est en train de se transformer profondément depuis les guerres italiennes, françaises, les guerres françaises menées en Italie de la fin du XVe siècle. En fait, je dirais que tout homme de guerre sait qu’il peut obtenir, peut peut-être obtenir, quelque chose de ces gens, et ces gens sont évidemment impatients d’offrir leurs services. C’est parfaitement symétrique. Ce n’est pas simplement qu’on va les chercher, c’est qu’ils se mobilisent pour offrir leurs services.

Emmanuel Laurentin : C’est-à-dire que là, on est très loin de l’idée qui naîtra ensuite, qui est peut-être une construction, on y reviendra plus tard, de scientifique de science pure, désintéressés, loin du terrain et de la réalité. Là, on est effectivement chez une catégorie de personnes qui cherchent, qui cherchent pour quelque chose, dans un but précis, et parce qu’ils sont commandités pour chercher, parfois justement par ces pouvoirs locaux que peuvent être les cités italiennes de la Renaissance ?

Dominique Pestre : Oui, tout à fait. L’institution nouvelle du XVIIe siècle, c’est l’Académie, ce sont les académies. On va prendre l’Accademia italienne, celle de Florence, l’Accademia del Cimento, qui est la première académie au milieu du XVIIe. Qu’est-ce que c’est ? C’est une construction du Duc, il s’agit donc bien d’une construction princière. C’est une institution princière qui pensionne ses membres et dont l’objet est, si on emploi un vocabulaire anachronique pour se faire comprendre rapidement, de constituer un musée de machine. Ça consiste bien à récupérer, rassembler un certain nombre de machines, de rassembler des gens autour de ces machines et la fonction est bien d’améliorer ces systèmes de machines. Les académies, la première académie, si nous prenons celle-là, n’est typiquement pas un mode de type université où on enseigne les arts libéraux ou autres, c’est un endroit où l’on rassemble des gens dans une certaine forme de fonctions techniques. Disons que vous preniez ensuite l’académie à Paris ou celle de Londres, qui ont toutes des structures assez différentes, ce sont toutes des choses assez différentes comme d’institutions, il n’empêche qu’elles ont toutes cette relation relativement pragmatique à l’action.

Emmanuel Laurentin : Relation pragmatique à l’action, que vous développez Cédric Grimoult – Bonjour – dans votre livre, en particulier au début, qui s’intitule « Sciences et politiques en France, de Descartes à la révolte des chercheurs » chez Ellipses. Vous êtes, vous aussi, un historien des sciences et vous avez évidemment mis l’accent, dès le début sur le fait, qui vient d’être évoqué par Dominique Pestre, de la création de l’Académie royale des sciences par Colbert, je crois que c’est en 1666, de la création du Jardin du Roy, du développement du Jardin du Roy au XVIIe siècle, du parrainage de la construction de l’observatoire de Paris en 1667, toujours par ces mêmes Colbert et Louis XIV. On voit bien effectivement un intérêt particulier, par un pouvoir qui va devenir absolu ou qui se veut tel, pour le rapport à la science nouvelle, à la construction scientifique qui va peut-être pouvoir servir et vous évoquez là aussi, dans votre travail, la question du rapport de l’innovation aux champs de bataille avec en particulier tous ces subventionnements, on pourrait appeler ça comme ça aujourd’hui, de Louis XIV à toutes les manières de produire du salpêtre, parce que le salpêtre on le sait va permettre de produire de la poudre et donc à partir de ce moment-là, de mieux faire la guerre.

Cédric Grimoult : Oui, la dimension du financement de la recherche est tout à fait essentielle, cruciale. Colbert, en particulier, prend précocement conscience de l’intérêt justement des savoirs d’un point de vue pratique, technique. Il admire aussi les sciences par leur rigueur, il s’en sert dans son administration, les classements mathématiques de tous les dossiers à traiter en même temps.

Emmanuel Laurentin : C’est-à-dire que l’on ne peut pas séparer justement cette mathématisation, dont parlait Dominique Pestre, de la volonté d’administrer, et d’administrer de façon rigoureuse le territoire, les gens c’est aussi les modes statistiques qui vont petit à petit monter en puissance jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, c’est cela ?

Cédric Grimoult : Oui, c’est cela, ça fait vraiment partie d’une conception moderne du pouvoir et de l’État monarchique en construction à cette époque. Mais il n’y a pas que la dimension utilitaire dans les sciences qui est recherchée par le pouvoir. Il y a aussi toute la dimension de prestige qui est associé aux nouvelles découvertes et on le voit par exemple dans la manière dont Louis XIV donne des gratifications aux savants qui baptisent de nouveaux astres, découverts avec les lunettes astronomiques, en son honneur. Il fait…

Emmanuel Laurentin : Cassini en particulier.

Cédric Grimoult : Oui. Il fait frapper des médailles et des monnaies spéciales pour mentionner le moment où il visite l’Académie des sciences, parce que cette création de nouveaux savoirs porte en elle-même aussi un prestige. Il y a une dimension de rivalité extrêmement forte entre les grands pays européens qui n’est pas seulement d’un point de vue pratique militaire ou économique mais aussi au prince qui sera le plus grand mécène et le meilleur fondateur.

Dominique Pestre : Un tout petit point. C’était quand même la grande stratégie de Galilée. Nous savons bien que quand Galilée passe de l’université de Padou et de la cité de Venise au duché de Toscane, il gagne cette position, si l’on peut dire, comme courtisan. Il devient un des premiers courtisans de la cour. Il la gagne parce qu’il a dédié des planètes à la Cour des Médicis. Donc, c’est une stratégie très classique.

Alain Blum : Ce qu’il y a de très intéressant dans tout ce processus, au XVIIIe en particulier, dans l’Empire Russe on le voit très bien, c’est la stratégie faite pour faire circuler les savants et là, l’État a un rôle très important. On voit dès Pierre 1er, Pierre le Grand, qu’il va faire appel énormément au monde savant, en mettant beaucoup d’argent, pour attirer les savants en particulier Français à Saint-Pétersbourg.

Emmanuel Laurentin : Mais est-ce que c’est très différent par exemple de la Cour de Rodolphe à Prague et de toute la volonté de s’attirer, mais là bien plus tôt évidemment, au tout début de l’époque moderne, autour de lui, par les cabinets de curiosité, par la volonté de gouverner le monde, la magie autant que la science naissante, est-ce que c’est très différent ce que fait Pierre le Grand ? Ou est-ce que c’est encore dans cette lignée-là, qui a été décrite avec Tycho Brahé ou d’autres, par certains spécialistes comme Pierre Béhar, de cette période-là ?

Alain Blum : Je pense qu’en termes de nature du phénomène c’est assez proche en même temps les moyens qui sont mis sont beaucoup plus forts. Cette idée de rivalité aussi apparaît, cette idée de puissance. Peut-être qu’elle apparaît beaucoup plus tôt que ça, je ne suis pas spécialiste. Et derrière tout ça, derrière une certaine liberté du chercheur ou du savant, je pense que l’on peut l’appeler chercheur, il y a la puissance de l’État qui va pouvoir ressortir complètement. Elle est très, très nette chez Pierre et elle va l’être par la suite, c’est une autre constante de l’Empire.

Emmanuel Laurentin : Est-ce qu’on peut pour autant, Dominique Pestre, ou est-ce que ça serait une erreur aujourd’hui, une sorte d’anachronisme, de penser, comme je crois des gens comme Jean-Jacques Flahaux ont pu le penser, on peut parler de politique scientifique dès le XVIIe siècle ? Ou est-ce que c’est quelque chose de différent ? Vous, vous insistez, vous-même, sur une sorte de césure qui interviendrait dans l’histoire européenne, mettons au XIXe siècle, plus exactement à la fin du XIXe siècle, est-ce que c’est exagéré que de le dire ? Ou est-ce que c’est une lente montée en puissance de cette notion de politique scientifique ?

Dominique Pestre : C’est toujours difficile de répondre à une question comme ça. Oui, il y a de la continuité. Oui, j’aurais tendance à penser que ce n’est pas le bon vocabulaire.

Emmanuel Laurentin : Vous pensez que c’est anachronique que de le dire.

Dominique Pestre : Oui, moi je pense que c’est un petit peu anachronique. Parce que par définition personne n’aurait pensé à l’idée d’une politique scientifique. D’abord parce qu’il n’y avait pas de scientifiques et puis il n’y avait pas de politique dans ce sens. Qu’il y ait par contre une action délibérée du souverain pour sa gloire, pour la puissance du pays etc., c’est certain. Donc, il y a bien des mobilisations de ce genre. Mais, on ne peut pas comparer avec la fin du XIXe parce qu’entre-temps il s’est passé deux choses absolument décisives. D’une part, il y a ce qui se produit à la fin du XVIIIe, si l’on veut parler politique on n’est pas seulement dans un rapport science-État, il y a au moins un troisième terme qu’il faut mettre qui est ce qu’on appelle aujourd’hui, et qu’on appelait comme ça à la fin du XVIIIe, la société civile. C’est-à-dire que la science entre dans l’espace public. Et ça, c’est quelque chose qui n’existe pas avant.

Emmanuel Laurentin : C’est le développement de l’industrie aussi.

Dominique Pestre : Il y a deux choses. Il y a la question de l’espace public et la question de l’industrie. La science entre dans l’espace public à la fin du XVIIIe siècle, elle devient un élément…

Emmanuel Laurentin : Du débat public.

Dominique Pestre : Du débat public. Elle entre…

Emmanuel Laurentin : Par l’intermédiaire des encyclopédistes et d’autres...

Dominique Pestre : Ou des salons, des journaux, des « coffee shops », etc. C’est-à-dire que ce mouvement, qu’Habermas a été le premier à noter, au XVIIIe, en même temps aspire la République des Lettres. République des Lettres avant, au XVIIe, elle est en monde clôt. Elle est relativement dans un monde clôt. Elle a à voir avec le roi, avec le prince, avec la cour mais elle n’a pas à voir avec, entre guillemets, si ça avait un sens, la société civile. Au XVIIIe, ça, ça arrive et ça, c’est un premier changement majeur. Donc, à partir de ce moment-là, la notion même de politique va changer. Puis, à la fin du XIXe, c’est que ces sciences sont capables directement de peser sur l’innovation.

Emmanuel Laurentin : Et sur la production.

Dominique Pestre : Et sur la production. Puis nous sommes dans la montée des États-nation. Nous sommes dans un autre contexte.

Emmanuel Laurentin : Cédric Grimoult, sur ces remarques de Dominique Pestre. Est-ce que c’était une lente évolution, une lente montée en puissance entre le XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle ?

Cédric Grimoult : Oui, cette continuité est tout à fait intéressante. On voit bien quels sont les mobiles de l’État. Il y a aussi les intérêts des scientifiques, qu’on a évoqués dès le début de cette émission. Les scientifiques ont besoin de financements accrus. C’est une évidence. À partir surtout du moment où la technicité des machines, des processus d’expérimentation dépasse les moyens d’un seul individu qui pouvait bricoler éventuellement comme à la Renaissance. Il y a aussi la dimension collective du savoir, dont nous avons parlé avec les académies, qui exige une certaine liberté d’association, plus ou moins en contradiction avec la caractéristique absolue de la monarchie…

Emmanuel Laurentin : Et le contrôle en particulier sur les publications, par l’intermédiaire de la loi sur la libraire.

Cédric Grimoult : La censure, surtout quand les savants remettent en cause ou travaillent en parallèle mais sans références directes avec les savants religieux, la foi catholique en particulier en France. Le souverain autrefois le prince, désormais le souverain au XVIIIe siècle, puis l’État lui-même à partir du XIXe siècle, assure une liberté contre compensation. Assure une certaine capacité de penser, de raisonner en même temps évidemment ça se souscrit par un contrat plus ou moins formel qui oblige les savants à une certaine autocensure, en particulier à l’égard de la critique du pouvoir absolutiste. Les académies veillent justement d’une manière importante au respect de ce cadre…

Emmanuel Laurentin : Et du contrat supposé.

Cédric Grimoult : Du contrat d’une liberté limitée.

Alain Blum : Juste un point là-dessus. On a employé le terme contrôle, je pense quand il est né, c’est difficile à dire, mais au XIXe siècle on est assez au cœur de cette tension entre le monde savant qui cherche à avoir une sorte de circulation très rapide des savoirs, et qui pense que c’est dans le non contrôle que se développe la science, et le monde politique qui est toujours tendu d’une part par la nécessité du secret, puisque derrière le développement scientifique et les concurrences nationales qui se mettent en place il y a le secret, et la volonté d’une circulation pour bénéficier aussi de ce qui se fait ailleurs. D’ailleurs, on voit apparaître des tensions très fortes au XIXe entre les congrès savants et le développement des sciences nationales. C’est un point fondamental qui au XXe siècle sera au cœur des développements scientifiques.

Emmanuel Laurentin : Et puisque vous évoquez la montée des États - Nations au XIXe, arrêtons-nous sur cette archive, retrouvée par Charlotte Roux, notre réalisatrice, Émile Fischer, Prix Nobel de chimie en 1902, qui en 1917, en allemand, explique ce qui pour lui est le rôle du savant justement dans un conflit comme la Première guerre mondiale.

Archive, Émile Fischer, 1917 : « Bien qu’il soit difficile de prévoir l’évolution de la recherche, je pense pouvoir affirmer que le rapprochement de la chimie organique avec la biologie, va avoir tendance à s’intensifier et porter ses fruits. Surtout, j’espère avec confiance, que grâce à la production de la synthèse organique, nous allons parvenir par la chimie à exercer une influence radicale sur le développement de l’individu et provoquer des transformations qui dépasseront de loin tout ce à quoi prétendre par la seule culture. La recherche scientifique allemande et la technique, qui en de nombreux points lui est liée, connaissent une grande évolution et ont, depuis le début de la guerre, été l’objet de mépris des pays ennemis. »

Emmanuel Laurentin : J’ai traduit un peu rapidement, étant donné que je ne traduis pas l’allemand, je ne comprends pas cette langue, mais j’avais la traduction sous le nez. Dominique Pestre, ce que disait ce Prix Nobel de chimie de 1902, en 1917, est-ce qu’on peut dire qu’effectivement la montée en puissance des États – Nations, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la concurrence entre ces États et la place qu’y tiennent les scientifiques changent radicalement la donne ? Vous notez vous-même la date de 1870 comme une sorte de césure qui vous apparaît importante, il y aurait un avant 1870 et un après 1870, en quoi ce rapport entre science et politique change-t-il à ce moment-là, selon vous ?

Dominique Pestre : 1870, c’est de l’ordre, disons, du dernier tiers du XIXe.

Emmanuel Laurentin : On est bien d’accord.

Dominique Pestre : Le changement est à mon avis extrêmement significatif. Je lui donnerai 3 caractères, c’est que ce que sont les pratiques de science est différent. Si nous les énumérons : le télégraphe, ça c’est avant 1870, je veux dire la télégraphie marine, cette télégraphie très complexe, poser un câble entre l’Angleterre, les États-Unis et faire que l’on obtienne un signal de l’autre côté, la chimie organique comme vient de le mentionner Fischer mais aussi l’électricité, l’électrotechnologie, la radio, des formes d’électronique on pourrait dore maintenant, fait que les sciences sont capables d’offrir des moyens de transformer profondément les modes productifs, les objets, les techniques, le social. Ça, bien évidemment ça suscite, vous l’imaginez bien, de l’autre côté une demande extrêmement forte et notamment dans le contexte, c’est mon deuxième point, notamment en Europe, d’États qui sont en guerres permanentes. Nous sommes bien en guerre permanente pour la suprématie européenne, et si vous combinez la chimie organique et ce qu’elle offre en termes militaires, la radio, ce qu’elle vous offre, la télégraphie etc., etc. Les États se précipitent sur ces choses. C’est-à-dire que l’État qui est en train de se transformer à ce moment-là, qui je vous le rappelle, en dehors des questions scientifique, devient un État plus ou moins providence, on va l’appeler comme ça plus tard…

Emmanuel Laurentin : Bismarckien, en quelque sorte.

Dominique Pestre : Le parfait exemple serait évidemment…

Emmanuel Laurentin : La Prusse de Bismarck.

Dominique Pestre : Voilà, mais ça devient aussi un état guerrier et ça devient un entrepreneur de sciences et de techniques par définition. Pour être le bon État prévoyant et le bon État guerrier, il faut qu’il devienne un…

Emmanuel Laurentin : Et c’est un État régulateur dites-vous.

Dominique Pestre : Il deviendra un peu plus tard un État régulateur, ça, c’est plutôt au XXe siècle, mais c’est déjà en germe, ça, c’est un peu keynésien, ça, c’est un peu décalé dans le temps. Ce qui m’intéresse moi, vis-à-vis de la science, si l’on comprend ces deux premiers points, je crois que la chose essentielle qui advient, on le voit très, très bien sous la IIIe République, c’est frappant dans le cas de la IIIe République, la science devient une institution d’autorité. La science devient une institution de pouvoir existant en tant que telle. La science existe avant, il existe des scientifiques, il existe des pratiques de science mais c’est pour ça que l’on ne peut pas parler de politique scientifique avant. Il faut pour ça que la science devienne une institution qui d’une certaine façon est l’alter ego de l’institution étatique comme représentant de la neutralité.

Emmanuel Laurentin : Néanmoins, une institution qui se pense elle-même et qui se pense différemment de ce qu’elle est réellement. Vous, vous dites, il faut se méfier de ce que disent les scientifiques sur ce qu’ils sont, en particulier d’ailleurs sur ce qu’ils commencent à écrire sur leur propre production une fois qu’ils ont pris leur retraite ou qu’ils réfléchissent à leurs propres ancêtres, ceux qui ont été avant eux, parce qu’évidemment ils sont dans une vision téléologique qui finit jusqu’à eux avec une sorte de logique. En particulier, ils construisent cette idée de la science pure, qui serait séparée du reste etc. Et ça s’est construit dans le même moment où justement le scientifique est au centre d’un réseau beaucoup plus large, vous appelez ça les régies de savoir de l’époque.

Dominique Pestre : Ça me fait penser à deux grands auteurs, un Anglais et un Américain : Steve Feller et puis… Son nom m’échappe, c’est des choses qui arrivent, tous les deux insistent sur quelque chose. Ils parlent de la Seconde guerre mondiale, et de la guerre froide, et ils disent tous les deux, ce qui est tout à fait intéressant, c’est qu’au moment où les physiciens, plus que jamais, sont au cœur du dispositif étatique militaire, du complexe militaro-industriel, comme a dit Eisenhower, c’est à ce moment-là précisément que monte le discours de la science pure. Vous avez exactement le même phénomène à la fin du XIXe. Ce n’est pas parce que précisément ils deviennent de plus en plus inséparables, d’un certain côté, du complexe productif et militaire…

Emmanuel Laurentin : Ils se mettent les mains dans le cambouis.

Dominique Pestre : C’est le moment où pour marquer son identité, son existence, on développe par ailleurs un immense discours sur la science pure.

Anaïs Kien : Avec ce développement du discours et ce changement d’orientation du politique vis-à-vis de la science, le statut même du scientifique évolue, Cédric Grimoult, puisqu’à cette époque-là on a plutôt tendance à parler de savant et puis progressivement on va parler de scientifique, mais à la fin du XIXe siècle, ce n’est pas encore le cas ?

Cédric Grimoult : Le changement du terme fait partie justement de la construction de ce nouveau regard, le savant en tant que parfait représentant d’une objectivité. En fait la nature parlerait à travers lui, tout simplement. Il existe une forme d’illusion qui correspond d’ailleurs aussi à la philosophie des sciences qui règne à cette époque. C’est-à-dire une certaine forme d’empirisme, on utilise beaucoup le terme de positivisme pour insister sur le fait que les connaissances sont issues des faits, directement, par une forme d’illusion complète bien entendu. Il se développe d’ailleurs une idéologie scientiste. Le scientisme c’est vraiment la conception selon laquelle la science peut avoir réponse à toutes les questions, qui diffuse largement au sein de la société puisque même certains théologiens croient pouvoir parler à ce moment-là d’une foi positiviste. Le modèle scientifique est en train de dépasser largement les sciences dures, les sciences expérimentales pour gagner l’ensemble des domaines de la société. Mais il s’agit bien d’une illusion de ce point de vue-là. Et le nationalisme exacerbé dans le contexte de la Première guerre mondiale, comme on le voit avec Fischer qui répond à des accusations extrêmement fortes de la part des savants Anglais et Français qui eux-mêmes répondaient en particulier à l’Appel des 93 intellectuels allemands aux nations civilisées pour dédouaner la science des crimes de guerre pratiqués dès l’été 1914. Et ça donne lieu à une guerre, on pourrait appeler ça « La guerre de l’histoire des sciences » ou « La guerre d’intellectuels » qui atteint vraiment un paroxysme à ce moment.

Alain Blum : Pour revenir là-dessus, cette illusion scientiste il faut la voir aussi un peu, ce que disait Dominique Pestre, comme une protection par rapport à une intrusion trop forte du politique et là, le cas soviétique est vraiment typique à cette époque dans les années 20 et 30.

Emmanuel Laurentin : Développez alors.

Alain Blum : On va y revenir.

Emmanuel Laurentin : Non, non, allez-y.

Alain Blum : Face, disons, au stalinisme montant ou face même au bolchévisme, les scientifiques vont vraiment se défendre en affirmant une primauté scientifique, une non intrusion du politique. Au milieu des années 20, il y a des discours assez étonnants de scientifiques qui s’opposent à Staline directement, qui n’est pas encore au fait de sa puissance il est vrai, et qui disent : La science dit le vrai et vous ne pouvez rien dire contre nous. On voit bien que l’Académie russe, puis soviétique, sera un lieu alors pas de résistance mais un lieu justement qui sera en partie respecté. Le temps de la contrôler va être très long. Il faut attendre 36 pour qu’il y ait vraiment un contrôle fort. Les stratégies seront différentes auparavant parce qu’effectivement il y a eu cette forme d’affirmation d’une existence scientiste. Ce qui est une protection forte.

Emmanuel Laurentin : Ce que vous dites, c’est que ce n’est pas qu’une construction, ça a aussi une efficience dans le rapport entre les scientifiques et les pouvoirs surtout quand ces pouvoirs se durcissent, comme le pouvoir stalinien de l’époque ?

Alain Blum : Tout à fait. Et paradoxalement, les politiques hésitent un peu parce qu’ils croient à ça, à cette science au-delà du politique.

Dominique Pestre : Je pense qu’il y a une ambigüité structurelle finalement de cette science moderne qui est que d’une part, elle dit savoir et donc être à part du politique ou au-dessus du politique ou avant le politique, c’est-à-dire qu’il y a la science et il y a l’opinion, il y a la science et le politique et que d’une certaine façon, le monde politique ne refuse pas radicalement cette posture. En général il l’accepte. D’autre part, cette science, si on la prend sur son versant technique, c’est-à-dire en tant qu’elle débouche toujours, qu’elle est une manière de fabriquer des techniques finalement dans la démarche même, elle ne peut pas ne pas être productrice de technique, elle est immersion dans la vie économique et politique. J’aurais tendance à dire, c’est peut-être du psychologisme un peu simpliste, mais on pourrait historiquement le préciser, que lorsque le mélange se fait trop étroit, il y a une réaffirmation de cette distinction de principe, de cette direction d’essence entre le scientifique et le politique.

Emmanuel Laurentin : J’ai reçu un petit mél, durant la nuit, d’une de vos collègues de l’École des hautes études, qui s’appelle Pascale Gruson, qui disait : J’ai écouté la série sur les sciences et je me pose une question, dit-elle, est-ce qu’il y aurait par exemple un rapport particulier, parce que là on est en train de parler de façon très large, de l’État français, par exemple, à cette question scientifique qui serait différent d’un autre rapport. Et elle me rappelait, je ne le savais pas, que l’université de France au temps de Napoléon était sous la direction du Ministère de l’intérieur et elle dit : Il ne faut pas oublier qu’en France, le système de l’enseignement en particulier devait conjuguer ordre et progrès de manière fort contraignante. Est-ce qu’on peut dire cela ? C’est-à-dire est-ce qu’il faut, alors qu’on est en train de parler de quelque chose d’assez comparatiste et d’expliquer que tout compte fait c’est à peu près la même chose dans toute l’Europe de l’époque, est-ce qu’il y aurait des spécificités nationales, Dominique Pestre ? Une spécificité française comme semble cette directrice de recherche, je crois, de l’École des hautes études en sciences sociales ?

Dominique Pestre : Je pense qu’il n’y a aucune raison de ne pas penser qu’il n’y ait pas de spécificités. Il y en a. Tout dépend à quelle vitesse on avance. J’ai envie de dire d’abord, en tant qu’historien, que du XVIe au XXe siècle, je vois des moments de rupture forts. Puis ensuite il y a des variations locales mais on est plus, à mon sens, dans l’ordre de la variation locale que de phénomènes essentiels. Si je reprends un tout petit point, si vous me le permettez…

Emmanuel Laurentin : Allez-y.

Dominique Pestre : Il y a un livre tout à fait intéressant que Lorraine Daston et Peter Galison ont sorti récemment, qui est ce qu’ils appellent une histoire de l’objectivité, c’est-à-dire la notion même de l’objectivité, évidemment on peut l’historiciser, on voit bien, par exemple, que par période la manière de définir l’objectivité diffère. A la fin du XIXe, si on revient sur notre point central, on va comprendre pourquoi ils mettent en évidence quelque chose de très fort, c’est qu’on définit l’objectivité de façon quasiment mécanique. C’est à-dire qu’on dit, par l’intermédiaire des instruments enregistreurs etc., c’est comme ça qu’on définit a vérité du monde. Nous sommes objectifs, nous disons le monde objectivement tel qu’il est parce qu’au fond ce sont les machines qui parlent. Ça, vous le trouvez aussi bien à Berlin, qu’à Paris et c’est en rupture avec une phase antérieure, et ça va encore se déplacer par la suite. Donc, j’aurais tendance à penser que…

Emmanuel Laurentin : Ce sont des nuances, une sorte de montée en puissance par escaliers, par étapes différentes, mais un peu partout en Europe des mêmes types de pensées, c’est ce que vous pensez ?

Dominique Pestre : Oui.

Alain Blum : Je suis tout à fait d’accord. Je pense en fait que les spécificités tiennent plus au fonctionnement de l’État, pas seulement aux scientifiques, aux relations aux institutions qu’une spécificité vis-à-vis de la science. C’est la place des académies, c’est la manière peut ou pas bouleverser des institutions, c’est la plus ou moins grande centralisation qui intervient. En Union soviétique par exemple, on voit bien que la politique de la science est surtout gérée par une politique des institutions et non pas une intrusion directe, à nouveau parce que les politiques considèrent qu’ils n’ont rien à faire là-dedans. En France, pour donner un exemple plus contemporain, je pense, sans doute on en parlera doute après, que la politique de la science actuelle, voyons l’Agence d’évaluation qui est faite pour ça, a été prise a priori sur des modèles américains etc. et brutalement, on a une machine hyper centralisée. Donc, c’est bien dans la vision de l’institution, qui n’est pas spécifique à la science, qu’on trouve des spécificités beaucoup plus que dans une conception scientifique particulière.

Cédric Grimoult : Oui, sans doute parce que l’État est particulièrement fort en France que les institutions, l’institutionnalisation de la science présente des caractéristiques un petit peu particulière en particulier cette organisation précoce des institutions savantes avec l’État et en particulier le statut de fonctionnaires, la fonctionnarisation croissante de ces statuts à travers en particulier le XIXe siècle. Mais, il ne faut pas oublier quelque chose d’essentiel qui distingue la science comme mode de savoir parmi d’autres, c’est sa dimension critique. Les scientifiques émettent des hypothèses, des théories et elles sont plus ou moins réfutées…

Emmanuel Laurentin : Débattues.

Cédric Grimoult : Débattues, puis rejetées en fonction des réalités expérimentales obtenues. Mais, les critères objectifs ne sont malheureusement pas les seuls à entrer en ligne de compte. Certaines personnes, qu’elles soient des savants de professions, des enseignants, des hommes politiques peuvent récupérer pour leur compte un certain nombre de productions intellectuelles issues des sciences et les proclamer comme vérités. Alors, bien évidemment, comme toute théorie scientifique…

Emmanuel Laurentin : Oui, alors, là, vous avez travaillé en particulier sur la question eugénique etc. tout au long du XXe siècle, effectivement des productions scientifiques sont transformées, réadaptées, réutilisées de façon différentes, hors de leur champ par les personnalités politiques de l’époque, les pouvoirs de l’époque, pour pouvoir servir des fins qui ne sont peut-être pas les fins d’origine de ces usages que voulez les scientifiques du début.

Cédric Grimoult : Oui. Souvent de bonne foi, les scientifiques confortent l’idéologie dominante qui peut correspondre à leurs préjugés de classe sociale qui peuvent venir de leur éducation, de leur religion. Et même dans un pays qui a priori a peu développé justement l’eugénisme aussi dévastateur que dans les pays d’Europe du nord ou bien l’Allemagne nazi, la France qui a été relativement en retrait, sur ce terrain…

Emmanuel Laurentin :

Cédric Grimoult : Oui, enfin, disons, l’eugénisme présente des caractéristiques spéciales mais même dans un pays ou justement on n’est pas darwiniste, eh bien la convergence idéologique entre des savants et des hommes politiques scientistes peut conduire à des aberrations, peut conduire à une déviation complète parce qu’effectivement on peut se servir des productions scientifiques dans un tout autre cadre que celui de connaître la nature.

Anaïs Kien : On a un autre exemple peut-être d’une théorie scientifique qui vit une vie assez longue mais finalement assez peu longue dans le champ purement scientifique et qui rencontre un succès politique et patrimonial quelque part très part très fort, c’est le lamarckisme qui s’accorde très bien avec le régime politique de la IIIe République et qui par contre est mis de côté très vite par les savants, les scientifiques.

Cédric Grimoult : Ça dépend où. Effectivement, dans la communauté scientifique internationale, la résurgence…

Anaïs Kien : Je parlais de la France plus particulièrement.

Cédric Grimoult : En France, le néo lamarckisme connaît, on peut dire, une survie intellectuelle en particulier au Muséum d’histoire naturelle pratiquement jusqu’à nos jours et en tout cas d’une manière majoritaire jusqu’aux années 1960, alors que dans le reste du monde, l’hérédité des caractères acquis est réfutée définitivement au moins au début du XXe siècle, en particulier avec les travaux de la génétique. Il y a un double phénomène d’induration, on pourrait dire, du lamarckisme, de son ancrage institutionnel qui est du en particulier au caractère mandarinal des chaires, en particulier universitaires, puis aussi à une convergence idéologique, vous l’avez dit, l’idéologie radicale de la IIIe République, de ce que Léon Bourgeois appelle le solidarisme, qui oppose à la lutte pour la vie, qui aura un accent darwinien, l’entraide pour la vie, l’association, le mutualisme qui correspond évidemment à un idéal social tout à fait conforme aux attentes des classes moyennes, des couches nouvelles de la France de la belle époque.

Emmanuel Laurentin : Dominique Pestre, puis Alain Blum, sur la question de la permanence comme ça, dans certains secteurs et dans certaines sphères géographiques de certaines pensées qui sont abandonnées par d’autres.

Dominique Pestre : Concevoir la relation entre les savoirs, notamment les sciences, et l’univers social, en particulier la politique, il n’est pas faux de la considérer comme étant un savoir qui ensuite est plus ou moins utilisé, déformé, déplacé etc. en même temps, il faut aussi, je pense avoir l’idée que cette culture et cette science se construisent en même temps, à partir des mêmes matrices. Ce qui est une autre manière de penser la chose, pas dans une relation binaire …

Emmanuel Laurentin : D’influence …

Dominique Pestre : De coproduction, c’est le vocabulaire que l’on emploie aujourd’hui, qui a ses faiblesses. Donc, il n’y a pas à être surpris d’une certaine façon que suivant les endroits où vous êtes, vous ayez des affinités particulières entre certaines formes théoriques et puis certaines pratiques sociales. Voilà. De la même façon, il ne faut pas non plus entre le solidarisme et le darwinisme penser que l’on serait sûr que l’évolution est darwinienne et qu’en conséquence le solidarisme est une idéologie, c’est une façon extrêmement étrange de poser la question. Personne ne le fait comme ça ici mais ça serait une façon très, très étrange. Il y avait dans l’extraordinaire exposition qui s’appelait « Hommes et bêtes » (remarque de Taos, le titre réel était « Bêtes et Hommes »), qui était à la Villette, en janvier, en début d’année, je ne sais pas si vous l’aviez vu, dans la trois ou quatrième salle, un petit dessin animé qui était un débat fictif entre Darwin et Kropotkine. C’était intéressant parce que ce qu’il y avait de très fort dedans c’est que Darwin disait : Moi, je suis la science, ça a été prouvé. Et Kropotkine disait : Mais, non, ce n’est pas que vous êtes la science, c’est que vous, vous avez pris des animaux dans un contexte bien particulier. Moi, si je prends des animaux dans le monde sibérien, que je connais très, très bien, eh bien, moi, je vois bien que ceux qui survivent, c’est ceux qui sont solidaires. Et il disait en fin de compte, ce n’est pas que c’est l’un ou l’autre, c’est

Emmanuel Laurentin : C’est l’un et l’autre…

Dominique Pestre : Ça dépend des contextes dans lesquels où vous êtes, ce qui est un très bon argument.

Emmanuel Laurentin : Alain Blum, justement.

Alain Blum : Cette intrusion entre une sorte de contexte social et de pratiques scientifiques passe par différentes choses. Elle a des conséquences plus ou moins grandes. D’abord, elle passe beaucoup par la métaphore. C’est assez typique. L’exemple que tu donnes, on prend le darwinisme, qui est au début quelque chose liée à l’observation, comme une sorte de métaphore générale du monde social, d’ailleurs Marx va être très marqué par ça, et c’est à travers cette métaphore qu’effectivement ça va prendre plus ou moins dans un contexte particulier ou dans un autre. Et c’est à travers cette métaphore aussi que ça va générer des débats, qui souvent d’ailleurs sont très intéressants. Le lamarckisme avait sans doute une emprise à travers ça. Il aurait une emprise très forte en Union soviétique à nouveau, je ne vais pas toujours ramener à ça, mais on le voit bien pour quelles raisons dans les questions Lyssenko et autres, mais ce qui est intéressant c’est que je ne crois pas qu’il ait gêné le développement de la biologie en France par exemple, parce qu’il n’y avait pas un absolu de ça. Là, où ça devient problématiques, c’est quand cette métaphore devient norme et quand le politique prend des institutions pour orienter totalement vers ce qui lui plaît en terme métaphorique.

Emmanuel Laurentin : Il faut toujours s’intéresser à ces questions des normes, d’ailleurs un de ces jours on reviendra sur une histoire des normes dans La Fabrique de l’Histoire. On écoute un enregistrement, de l’après Seconde guerre mondiale, en 1945, Le Golden Gate Quartet, Atom and Evil.

[Chanson 39 : 25 à 40 : 43]

LYRICS/TRANSCRIPTION : Atom And Evil : The Golden Gate Quartet [1947]

Now brothers and sisters,
I’m troubled to say
Brother Atom is gone astray
Listen, listen, listen, listen, listen
 
This is the story of Atom and Evil
Their courtship is causin’ a great upheaval
Now Atom was a sweet young innocent thing
Until the night that Miss Evil took him under her wing
 
Now Atom was an honest, hard workin’ man
He wanted to help out the human clan
But Evil got him drunk on prejudice and hate
And she taught him how to gamble with Humanity’s fate
(So true !)
 
I’m talkin’ ‘bout Atom, and Evil
Atom and Evil
If you don’t break up that romance soon
We’ll all fall down and go boom, boom, boom !
 
Now if Evil gets Atom, ‘twill be such a shame
Because a-plenty of big shots are playin’ that dame
Now his sleep will be troubled, and his life will be cursed
Lord, if Atom plays with evil, Jack, he won’t be the first !
(So true !)
 
I’m talkin’ ‘bout Atom, and Evil
Atom and Evil
If you don’t break up that romance soon
We’ll all fall down and go boom, boom, (boom), boom !
 
Now Atom is a youngster and pretty hard to handle
But we better step in and stop that scandal
Because if Atom and Evil should ever be wed
Lord, then darn near all of us are goin’ to be dead !
(So True)
 
I’m talkin’ ‘bout Atom, and Evil
Atom and Evil
If you don’t break up that romance soon
We’ll all fall down and go boom, boom, (boom), boom !
 
Atom and Evil
Atom and Evil
If you don’t break up that romance soon
We’ll all fall down and go boom, boom, (boom), boom !
We’re sitting on the edge of doom (doom) (doom) (doom) doom !

Golden Gate Quartet [1947], Atom And Evil, (Zaret-Singer), Columbia 37 236-4

Le Golden Gate Quartet, Atom and Evil, en 1945, et on a eu droit à un petit spectacle dans la régie de Claude Courteau ( ?) et de Charlotte Roux qui faisaient le chœur de cette très belle chanson d’ailleurs, que je ne connaissais pas. Dominique Pestre, là, on est dans une période assez positive, de cette histoire nucléaire que vous connaissez bien. Qu’est-ce qui va changer profondément, puisque cette question nucléaire ne change pas directement, immédiatement les rapports de la science et du politique, pour que dans les années 70 en particulier vous considériez qu’il y a une nouvelle ère qui s’ouvre, les 30 dernières années seraient différentes ou pas, on n’est pas toujours d’accord sur ces questions-là, de ce qui a précédé, c’est-à-dire de ce siècle, mettons entre la fin du XIXe et XXe siècle ? Est-ce qu’il y a de nouveau rapports qui s’instaurent et en quoi ?

Dominique Pestre : Oui, c’est la thèse que je défends et comme toujours il faut être prudent. Je force le trait en fabricant une césure et puis on pourrait montrer qu’il y a toujours de la continuité. Je propose de tenir cette période de la guerre froide comme étant l’apogée de ce qui s’ouvre dans les années 1870 dont on parlait tout à l’heure.

Emmanuel Laurentin : C’est ça.

Dominique Pestre : C’est une forme d’organisation à la fois du social en général, du politique en général, d’une certaine forme de soumission de l’économique à des formes politiques et à une certaine place de la science comme institution de pouvoir, comme je le disais tout à l’heure, en forme de miroir d’alter ego de l’État et permettant aux deux de parler, au nom d’une neutralité générale qui est en partie acceptée par le social. Et ce que nous voyons maintenant, on peut employer le vocabulaire courant, le néolibéralisme, ce qu’on veut, ce n’est pas grave, on a une forme différente d’organisation de la relation sociale. Donc, forcément la science, dans ce dispositif ne peut plus fonctionner, comme alter ego neutre disant la vérité et offrant ses services aux politiques qui développent des politiques et des choses comme ça, maintenant, on n’a plus de politique scientifique en ce sens, si vous voulez. Dorénavant, l’offre se fait vis-à-vis essentiellement des milieux industriels, dans un monde dérégulé.

Emmanuel Laurentin : Prenons, par exemple l’invention de l’Internet, le développement de la microinformatique etc., etc. là, on est dans un autre rapport, un autre régime de savoir, comme vous le dites, que celui qui précédait, c’est-à-dire qu’on est dans un autre rapport de la politique à la science ou de la science à la politique parce que ça ne se produit pas de la même façon que ça c’était produit auparavant ? On a toujours dit que l’Internet, c’est Arpanet, c’est donc la puissance du Pentagone qui fait cela en cas de guerre nucléaire etc., qui invente ce système multi centré justement de communication, donc on dit bien qu’on est dans une sorte de logique traditionnelle, pourrait-on dire, de la politique à la science. Et vous vous dite, non, c’est plus compliqué parce qu’entre en jeu des caractères sociaux et culturels très particuliers qui sont liés par exemple à la Californie des années 60 et 70.

Dominique Pestre : Oui, oui. C’est la thèse du très grand livre, qui est en anglais, il n’est pas traduit en français, je n’ai pas le titre actuellement en mémoire, je ne savais pas qu’on en parlerait ce matin, je n’ai pas pris la référence - (Note Taos, il s’agit probablement de ce livre, C. Lecuyer, « Fairchild Semiconductor And Its Influence », C. Lee, W. Miller, M. Hancock et H. Rowen (sous la dir. de), The Silicon Valley Edge, Stanford, Stanford University Press, 2000). Ce qui est extrêmement frappant, c’est qu’il y a 10, 15 ans on parlait du problème du problème du web justement dans les termes que vous dites, on pensait Arpanet, le Département américain, etc. c’était ça la question. Est-ce que ça va devenir un univers marchant ? En quoi l’univers marchant va nous entrainer…

Emmanuel Laurentin : On n’est pas très loin de cela quand on pense à ce qu’on dit, par exemple, sur une marque comme Black Berry. On interdit parait-il, ici même en France, l’usage des Black Berry dans les cercles gouvernementaux parce que les liens, les bases de données seraient faites avec les Départements de défense américains et si on envoyait des E-mails ou des choses comme ça sur des Black Berry en Europe, c’est ce que l’on dit en tous les cas dans certains milieux, eh bien il pourrait y avoir une sorte de rapport d’espionnage, entre guillemets, fait de l’autre côté de l’Atlantique. En tout cas, ce n’est pas très loin de ça.

Dominique Pestre : Soyons clairs, attendez, je ne suis pas en train de dire que ceci est faux. Nous posions le problème en ces termes et il avait une réalité. Ça me semble parfaitement légitime.

Emmanuel Laurentin : D’accord.

Dominique Pestre : Je comprends une réalité de ce genre parce que c’est une réalité. Je n’ai aucun doute sur la réalité de ce phénomène. Mais, ce qui m’intéresse, c’est comment parle-t-on du web aujourd’hui, à la fin des années 2008 2009, on en parle sous le mode du Web 2.0.

Emmanuel Laurentin : Coproduction par celui qui consulte et fabrique en même temps…

Dominique Pestre : Si vous pensez à MySpace, Facebook, n’importe quoi…

Emmanuel Laurentin : Rappelons qu’il y a un site Facebook Fabrique de l’Histoire.

Dominique Pestre : Si vous regardez ça, vous êtes dans un univers où est en train de se reconfigurer complètement un ordre social. Un ordre des relations entre individus qui passe par ce médium-là, qui est tout à fait spécifique. Cela ne veut pas dire que les autres questions ont disparu. Il y a du pouvoir dans le Web, il y a de l’économie dans le Web mais le Web aussi est une forme sociale radicalement neuve qui est en train d’instaurer un social que nous n’avions pas, que nous n’imaginions pas il y a 10 ans.

Emmanuel Laurentin : Un tournant qui est n’a pas été pris par la puissance soviétique par exemple. Cette façon de concevoir la science, pluri centrée, multi centrée, ça n’était évidemment pas la conception du pouvoir soviétique de la grande époque, Alain Blum ?

Alain Blum : L’Union soviétique jusqu’aux années 80 en était resté un peu à la science des années 60, où il y avait effectivement un très gros financement, en contrôlant au maximum les communications. Ils ont créé des villes fermées, des sortes de laboratoires, qui étaient des Silicon Valley avant la lettre quelque part mais les savants…

Emmanuel Laurentin : Sans société civile.

Alain Blum : Sans société civile et sans circulation, sans circulation vers de la société civile et sans circulation vers l’international. C’était, poussé à l’extrême, un modèle très fermé et très financé. C’était, entre guillemets, bien de vivre dans une ville fermée parce qu’il y avait tout, dans le cadre soviétique. Ça en a montré des échecs. Mais par rapport à tout ça, la transition est très difficile vers ce nouveau modèle. Ils ont été incapables de s’adapter à ce nouveau modèle avant le début du XXIe siècle. Simplement, il ne faudrait pas croire non plus, par rapport à ce qu’on vient de dire autour du Web, de ces nouvelles pratiques sociales, que ça signifierait que la science est complètement différente, l’intervention du politique complètement bouleversée. Elle est bouleversée mais en même temps on voit bien que la présence de l’État, des financements publics reste centrale. Le modèle Internet est typique, d’un côté il y a eu effectivement un investissement militaire énorme, d’un autre côté il y avait une circulation du savoir et une pratique non officielle, si l’on peut parler rapidement, qui était très importante. Mais l’investissement a été très important et aujourd’hui encore l’investissement public reste très important dans tout ça.

Emmanuel Laurentin : Cédric Grimoult, sur ces questions. Changement ? Pas changements ? Évolution rapide ? Transformations des rapports entre les uns et les autres ?

Cédric Grimoult : L’effacement progressif et limité du cadre national contribue évidemment à des reconfigurations. On le voit particulièrement bien en Europe où effectivement une partie de la recherche est en train de se retransformer, au plan institutionnel au moins, dans les organisations internationales, transnationales. Disons que l’internationalisation de la recherche, c’est quelque chose qui a toujours existé, je pense à l’Internationale de la République des lettres, par exemple. Mais désormais, ces organisations cherchent de nouveaux appuis financiers, politiques…

Emmanuel Laurentin : Qui sont supranationaux.

Cédric Grimoult : Supranationaux, sauf dans le cas, et encore, des États-Unis dans le cadre d’une hyper puissance qui aurait les moyens de financer l’équivalent de la recherche militaire de l’ensemble du reste du monde. Ces problématiques posent une question à savoir : dans quelle mesure le progrès scientifique peut se poursuivre, uniquement ou principalement à travers la compétition économique dans la mesure où la rivalité militaire et idéologique de la plupart des grandes nations industrialisées et scientifiques a tendance à diminuer ?

Emmanuel Laurentin : Sans pour autant croire à une fin de l’histoire.

Cédric Grimoult : Non, mais c’est intéressant de voir comment ça va se transformer.

Dominique Pestre : Moi, je suis prêt à penser que les États sont restés absolument centraux.

Emmanuel Laurentin : Les États sous le mode des États-Nations dont vous parliez auparavant.

Dominique Pestre : Absolument.

Emmanuel Laurentin : C’est-à-dire que là, il n’y a pas une transformation, un bouleversement complet.

Dominique Pestre : Sur ce point, ça, c’est une illusion du discours courant sur la globalisation. C’est illusoire. Que vous preniez les États européens, les États-Unis et probablement encore plus évidemment, vous parliez de la Chine, vous allez le voir arriver sur l’Inde et le Brésil etc. Donc, c’est une illusion de raconter ça, je pense. Ce qui est intéressant, ce qui m’intéresse, c’est le déplacement de l’université. D’une certaine façon, l’université était centrale dans les cultures nationales en tant qu’alter ego de l’État, disant la vérité etc., c’est ce qu’on disait tout à l’heure. Je pense que d’une certaine façon maintenant, l’université est redevenue centrale mais d’une autre façon. Il y avait, ce qu’on avait inventé au XIXe siècle, qu’en a très fortement dans la guerre froide américaine, c’est que les industriels sont d’énormes producteurs de science. Dans le complexe militaro-industriels, ce sont bien les industriels liés aux militaires qui deviennent des producteurs de science au moins aussi important que les universités. Or, ça, paradoxalement, c’est en train de disparaître à nouveau. C’est-à-dire que l’industrie, dorénavant est organisée sur la conception de produits et pas sur la recherche et développement. Avant, si vous prenez le laboratoire DELL, qui était un modèle, ils ont inventé…

Emmanuel Laurentin : D’autant qu’on a un grand discours aujourd’hui sur la recherche et le développement dans tous les milieux d’industriels. Vous voulez dire qu’il y a un discours d’un côté et une réalité qui ne correspond pas à ce discours-là ?

Dominique Pestre : Je pense que dans certains secteurs, si vous prenez la pharmacie par exemple, vous avez encore ce modèle, mais dans énormément de secteurs, vous n’avez plus ce modèle. Je le dirais comme ça, si vous êtes dans une dynamique où ce qui compte, c’est des produits sur des marchés extrêmement mobiles et la rapidité d’adaptation sur les marchés, en tant qu’entreprise vous devenez concepteur de produits, la recherche, c’est quelque chose que vous pouvez externaliser.

Emmanuel Laurentin : Et donc, là, l’université retrouve un autre intérêt dans ces nouveaux rapports ?

Dominique Pestre : L’énorme investissement des industriels dans les universités américaines, c’est sidérant.

Alain Blum : Deux choses, là-dessus. D’abord l’européanisation de la recherche, je pense que ce n’est pas du tout que le national s’en va. C’est qu’à la limite, le périphérique est différent aujourd’hui, le périphérique de ces nations. L’Europe finance la recherche européenne. Ce n’est pas une mondialisation de la recherche qu’on a à travers l’européanisation. Ça, c’est une première chose. Donc, ce n’est pas très différent du temps où la France finançait la France… maintenant c’est l’Europe qui finance des États qui ont des intérêts communs. Seconde chose, la résurgence, la remonté effectivement de la place de l’université, je crois que c’est très clair, y compris d’ailleurs dans tout ce qui est biologie, la place de la recherche fondamentale, sans doute en partie financée par des laboratoires, mais reste centrale dans les universités et extérieures parce que c’est beaucoup trop couteux à l’industrie. Et ça, c’est quelque chose qu’on voit très clairement aujourd’hui et qu’il ne faut pas laisser échapper…

Emmanuel Laurentin : Et qu’il ne faut pas négliger.

Alain Blum : Dans une politique intéressante de la recherche.

Emmanuel Laurentin : Ah, on se raccroche aux manifestations qu’il y a ces temps-ci et ces discussions autour du rôle du politique et de la recherche.

Merci Cédric Grimoult. Vous êtes l’auteur de « Sciences – au pluriel- et politiques », qui vient tout juste de sortir chez Ellipses, « de Descartes à la révolte des chercheurs ». Dominique Pestre, vous êtes auteur de « Science, argent et politique : un essai d’interprétation », un petit livre extrêmement roboratif sur ces questions-là, aux éditions de l’INRA, mais également à la Découverte, d’« Introduction aux science studies ».

Puis, rappelons que le site, Fabriquedesens.net, transcrit certaines de nos émissions. Vous pouvez donc, pour ceux qui ne peuvent plus écouter certaine des émissions anciennes, en particulier sur l’histoire de l’édition, par exemple ou plus récemment l’entretien que nous avons eu autour de l’imaginaire historique de Pierre Guyotat, vient d’être mis en ligne, par Taos Aït Si Slimane, qui a créé ce site pour reprendre certaines de nos émissions et pour aussi faire tout un tas d’autres choses à côté.

Merci à Claude Courteau ( ?) et à Charlotte Roux.

Notre numéro de téléphone, 01 56 40 25 78.


Des livres à découvrir signalés sur le site de l’émission

 Dominique Pestre, « Science, argent et politique : un essai d’interprétation », Ed. INRA, 18 novembre 2003.

Présentation de l’éditeur : Étroitement liées aux autres activités humaines, les sciences ont toujours intéressé les pouvoirs, qu’ils soient économiques ou politiques, et leurs développements ont toujours été marqués par eux. Inversement, les sciences ont souvent offert des outils neufs permettant aux puissants de transformer radicalement la nature et les sociétés.

Dans ce livre, cette thèse est étayée par une relecture des régimes de production des savoirs qui se sont succédé en Occident depuis le XVIe siècle et de leurs effets sur nos rapports au monde et à la nature. L’auteur insiste sur les trente dernières années, caractérisées par l’apparition d’un régime des savoirs qui opère de plus en plus entre académies et marchés, entre bien public et intérêts marchands, et par une production de risques nouveaux issus d’une techno-science organiquement liée au monde industriel.

Cédric Grimoult, « Sciences et politiques en France, de Descartes à la révolte des chercheurs », Ed. Ellipses, 19 septembre 2008.

Présentation de l’éditeur : Comme toute activité humaine, les sciences présentent une dimension sociale et s’inscrivent dans leur époque. Elles cherchent pourtant à s’en affranchir et prétendent apporter des vérités universelles. C’est cette tension que montre ce livre sous l’angle politique, à partir du cas de la France.

Notre pays n’est ni coupé des autres ni absolument unique en son genre, mais l’État s’y est montré précocement et intensément impliqué dans l’ensemble de la vie culturelle. Si la France fait partie des grandes nations scientifiques, l’histoire des sciences et des scientifiques y attire encore trop peu l’attention des spécialistes de l’histoire politique et générale.

Accessible à un large public, ce livre entend combler cette lacune en couvrant un vaste panorama historique de près de quatre siècles et en présentant, de manière inédite, les relations originales et complémentaires entre les chercheurs, leurs idées scientifiques, l’État, les hommes politiques et les autres composantes de la société française et du contexte international.



Haut de pageMentions légalesContactRédactionSPIP