Le Palais de la Découverte, par André Léveillé
Paris, 22 juillet 1960
Le moment est venu maintenant d’aborder la question du Palais de la Découverte.
Il ne s’agit pas d’en refaire tout l’historique mais de marquer quelques dates importantes :
– 1931-32 : étude personnelle d’avant-projet concernant le rôle de la pensée humaine pour l’Exposition internationale prévue en 1934 ; des conversations avec Messieurs Sainte-Laguë, Rivet, Henri Verne, Henri Bonnet et Henry de Jouvenel.
– Fin 1933 : principes du projet retenu par le Commissariat de l’Exposition internationale, reportée à 1937. Nomination et intervention de Jean Perrin qui concrétise les études précédemment faites et propose le Palais de la Découverte.
– Fin 1934 : jusqu’en septembre 1937, travail intensif avec l’auteur du projet initial et un groupe de savants réunis par Jean Perrin.
– Jour de l’inauguration de l’exposition internationale, le 24 mai 1937.
21 juillet 1937, visite du Président de la République Albert Lebrun.
Succès immédiat qui se développe pendant toute la durée de l’exposition ; en présence de ces résultats magnifiques, le Gouvernement décide que le Palais de la Découverte deviendra un Établissement permanent.
Sur proposition de Jean Perrin et du recteur Gustave Roussy, il est rattaché le 20 juillet 1937 à l’Université de Paris.
Il demeure en qualité d’affectataire dans la Partie Ouest du Grand Palais qui lui avait été attribué pour l’Exposition, mais les locaux sont insuffisants et c’est une lutte incessante durant quinze ans avec des Sociétés concessionnaires de diverses parties du Grand Palais.
Malgré les hostilités systématiques, le Palais de la Découverte a pu faire échouer ces tentatives d’empiétement non sans éprouver des difficultés d’exploitation très graves.
Dès 1937, les professeures avaient d’eux-mêmes organisé des visites scolaires à la suite desquelles des devoirs avaient été, donnés aux élèves. Les résultats furent excellents au point de motiver en 1938 une exposition de ces travaux d’élèves.
En 1939, en plus de l’exploitation normale, le Palais de la Découverte avait montré plusieurs expositions temporaires : la « Carnegie institution » de Washington présenta une exposition sur ses départements de biologie végétale et de la génétique ; Monsieur Pierre Grasset, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris, réalisa une exposition sur les termites.
Pendant la période d’occupation, le Palais connu une existence difficile mais il trouva un appui solide auprès des recteurs qui se sont succédé et malgré l’hostilité qui lui témoigne le Ministre Abel Bonnard.
En novembre 1943, fut présentée une très importante exposition de l’œuvre et la vie de Lavoisier qui eut un très grand retentissement.
La paix revenue, malgré un grave incendie, le Palais de la Découverte put reprendre ses activités normales avec plus d’ardeur que jamais : remise en état des locaux endommagés, reconstitution des expériences, regroupement du personnel, réorganisation des manifestations temporaires en France et à l’étranger.
À cette époque, en 1946, le Palais de la Découverte proposait au Directeur des Relations culturelles récemment créées, l’organisation d’une Union de tous les Musés scientifiques et techniques du Monde.
À cette création de l’Unesco, le Palais de la Découverte donna son concours le plus complet pour l’organisation de la Division des Musées dont Mrs Grace Morley était le chef. Elle a réussi admirablement dans cette entreprise et crée une revue consacrée au Musées, « MUSEUM ».
Pour la première conférence générale de l’Unesco qui se tint au mois de Novembre de l’année 1946 à Paris, à la demande de la Division des Sciences exactes, une exposition très importante fut organisée au Palais de la Découverte. Elle comportait trois grands chapitres : les ondes électromagnétiques, la génétique et l’œuvre de Louis Pasteur ; elle fut inaugurée par Sir Julian Huxley et Monsieur le Recteur Gustave Roussy.
C’est encore le Palais de la Découverte qui suggéra l’organisation d’une Campagne internationale des Musées dont le principe fut agréé par l’Unesco ; cette entreprise fut un succès extraordinaire et les moyens puissants dont disposait l’Unesco, ont été pour beaucoup dans la réussite de cette manifestation.
En 1952, le Palais de la Découverte, à l’occasion de son 15ème anniversaire, a inauguré en présence de Monsieur le Président de la République son Planétarium. Il ne faut pas oublier que c’est en partie grâce à l’intervention de Monsieur Raoul Dautry que l’appareil, qui était la propriété de l’État, lui fut attribué.
Les activités du Palais de la Découverte et les nombreuses expositions temporaires en France ou à l’étranger, ont nécessité l’utilisation de milliers de photographies et de nombreuses demandes parvenaient de France et de !’étranger ; actuellement une photothèque est en cours d’organisation par Roger Chartier.
Les ateliers rendent les plus grands services étant donné surtout le souci d’originalité et de nouveauté qui anime la direction. Les présentations ont presque toutes un caractère particulier, même pour la répétition à grande échelle d’expériences fondamentales et l’on pourrait presque qualifier la plupart des montages, de prototypes. L’ingénieur des Installations scientifiques et techniques a un rôle très important dans ce domaine.
La nouvelle enquête que nous avons fait au sujet des activités des Musées scientifiques à l’étranger, nous appris que de nombreux établissements ont des services d’information qui permettent de fournir des réponses qui leur sont adressées. C’est une question qui devra être étudiée dans un avenir prochain au Palais de la Découverte où un service analogue existe mais devra être développé.
Il est bon de faire remarquer que depuis 23 ans, le Palais de la Découverte a été un champ d’observation exceptionnel. Il a été possible de se rendre compte des réactions des différents publics et de la valeur de certaines formes de présentations.
C’est ainsi que le « push-button », dans lequel les organisateurs du Palais de la Découverte avaient une grande confiance, s’est révélé à peu près nul. La plupart des visiteurs ne se donnent pas la peine d’attendre la réalisation du phénomène ou d’écouter l’explication fournie, il arrive même qu’ils brisent ou volent l’interrupteur, alors qu’ils écoutent l’explication avec attention lorsqu’elle est verbale, fournie par un démonstrateur qualifié.
Peu à peu le Palais de la Découverte a créé des services qui lui étaient nécessaires et qui ne correspondent pas exactement aux services des autres établissements, ni de l’administration centrale des Ministères.
Il y a quatre grandes catégories de services :
– Service scientifique – pour répondre aux désirs des savants constituant les comités de sections et le personnel démonstrateur.
– Service administratif – direction ; service des relations extérieures ; publicité ; comptabilité et secrétariat.
– Servie technique – installations scientifiques et techniques ; décoration.
– Ateliers – mécanique, mécanique de précision, menuiserie, électricité, peinture.
Il existait en 1937 une section de cinéma sous la direction de Jean Painlevé ; supprimée faute de crédits à la déclaration de la Guerre, elle devra être reconstituée dans l’esprit du Palais de la Découverte, en insistent surtout sur la production de films incorporés aux expériences.
En 1938, le Palais de la Découverte obtenait le concours de savants éminents pour donner des conférences hebdomadaires et quoique dépourvu de personnel, certaines furent publiées. Depuis cette époque, ce service a été normalement organisé et les publications sont assurées. Leur vente augmente et des demandes parviennent de presque tous les Pays du Monde.
Le service de la Publicité, fonctionne très régulièrement mais avec des crédits limités.
Une librairie est à la disposition des visiteurs qui y trouvent d’importantes collections d’ouvrages scientifiques.
De plus, la petite Salle de lecture qui avait été ouverte à la fondation du Palais de la Découverte, est devenue une Bibliothèque bien agencée et confortable qui, grâce à un don très important, rendra de grands services aux étudiants et au grand public.
Depuis l’automne 1959, existe une salle des Actualités où, dans la mesure du possible, sont présentées les toutes dernières informations scientifiques de tous les pays.
L’idée séduisante de radiodiffuser et de téléviser les cours des professeurs, présente beaucoup de dangers et ne donnerait certainement pas les résultats que certains peuvent espérer.
Télévision, difficultés de prises de vues ; radiodiffusion pour les discipline, scientifiques ; il est douteux que de nombreux auditeurs puissent suivre un cours et prendre des notes. Peut-être n’en-est-il pas de même en ce qui concerne les cours, des Facultés de Lettres ou aussi des Sciences sociales ?
C’est pourquoi nous continuons à croire que les formes de présentation du Palais de le Découverte sont beaucoup plus profitables étant donné toutes les raisons que nous avons déjà exposées ; il reste un contact humain entre les visiteurs et les démonstrateurs lorsque ces derniers sont à la hauteur de la tâche.
La vie d’un Palais de la Découverte ne doit pas être assurée par des circulaires et des règlements mais par une vigilance constante, de très fréquentes transformations, des essais et même des improvisations.
Nous croyons que le Palais de la Découverte est l’un des meilleurs instruments qui soient, pour l’expansion de la recherche scientifique.
C’était en 1937 un instrument nouveau. Jour après jour, directement en contact avec le public, il accomplit son œuvre d’éducation en commençant par les éducateurs ; conçu dans un esprit international, il fait œuvre de paix.
Le Palais de le Découverte possède une force de démonstration toute particulière puisque par la couleur et par l’image, il met en jeu la mémoire visuelle dont la puissance est bien reconnue et que celle-ci incite souvent à des lectures que le souvenir des choses vues rend plus profitables.
Au Palais de la Découverte, le visiteur est libre. Les commentaires qu’il entend, les expériences auxquelles il assiste, ne lui imposent aucun comportement.
Il peut choisir le sujet qui l’intéresse, s’arrêter, lire les textes, prendre des notes, revenir à son gré, réfléchir et même rêver. Le Palais n’impose pas de pensée collective, il laisse sa personnalité au visiteur tout en l’amenant à réfléchir, à chercher le pourquoi des choses, à aiguiser son esprit critique.
Il faut redire encore une fois que le Palais de la Découverte n’est pas un Musée.
Actuellement le Palais de la Découverte est dans une situation très difficile en ce sens que plusieurs sections devraient être considérablement développées à la suite des progrès scientifiques, certaines présentations modifiées et de grands travaux d’énervations entrepris.
Pour cela, des locaux supplémentaires lui sont indispensable.
On a beaucoup parlé de l’édification d’un Palais de la Découverte sur des plans nouveaux qui répondraient à une architecture moderne mais quand on songe à le difficulté de trouver un terrain suffisant d’une part, et d’autre part étant donné sa situation exceptionnelle au Rond-Point des Champs-Élysées, il semble bien que la sagesse commande de s’étendre sur place et l’on peut penser que les visiteurs oublieraient vite l’aspect extérieur du monument si les aménagements intérieurs étaient enrichis et présentaient un intérêt capital.
La dernière réorganisation de la section de Biologie est une preuve de ce que l’on pourrait faire dans d’autres parties du Grand Palais.
Il y a donc une urgence extrême à obtenir des accords définitifs pour une affectation de locaux supplémentaires afin de doubler les superficies actuellement accordées au Palais de la Découverte ; l’aménagement du chauffage, la réalisation et l’achat de nombreux appareils.
L’Association d’Études pour l’Expansion de la Recherche scientifique et la Délégation générale de Recherches scientifiques devraient grandement aider à l’aboutissement de ces besoins.
André Léveillé
Paris, 22 juillet 1960