François Noudelmann : La question de la connaissance est une des plus anciennes de la philosophie. De la formule socratique : « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » à l’ambition philosophique d’éclairer le monde en luttant contre l’ignorance, tout cela nous montre que la connaissance fonde un enjeu tant pour l’esprit que pour l’action humaine. Mais est-il encore possible de parler d’une manière aussi générale quand la multiplication des objets de savoir et des méthodes nous renvoie à nos propres limites ?
Le déclin de l’idéal encyclopédique nous reconduit vers des questions élémentaires : que sont une croyance, une conviction, une certitude ? La raison nous aide-t-elle davantage que le sens commun ? Comment savoir si nous avons des mains ou si nous sommes qui nous sommes ? Ces interrogations classiques apparaissent sous un jour nouveau selon les approches philosophiques contemporaines.
Pour parler de cette question de la connaissance, j’ai invité des philosophes qui appartiennent à des courants de pensée très différents : Pascal Engel, professeur de philosophie contemporaine à l’université de Genève ; Bertrand Saint-Sernin, professeur émérite de philosophie des sciences et théorie de la connaissance à l’université de Paris 4 Sorbonne et membre de l’Institut.
Bertrand Saint-Sernin, dans votre livre, « Le rationalisme qui vient », qui paraît chez Gallimard, vous évoquez la nécessité de repenser la connaissance, sa nature, ses objets, ses méthodes, parce qu’elle a changé. Est-ce qu’elle est en crise ?
Bertrand Saint-Sernin : La connaissance est toujours en crise. Je crois qu’il y a deux phénomènes très importants, d’une part à partir des années 25, au moment où l’on découvre que les équations de la relativité générale peuvent avoir des solutions non statistiques, l’idée que l’univers est en devenir s’impose à la communauté scientifique, ça, c’est un premier point. D’autre part, comme vous le disiez il y a un instant, la multiplication des disciplines, des spécialités, l’impossibilité pour un individu de maîtriser un domaine particulier du savoir amène une interactivité, une relation poussée entre les spécialistes des différentes disciplines, donc la forme du travail scientifique change profondément.
François Noudelmann : Cette émission est en direct, comme vous constatez puisque vient d’arriver Michel Maffesoli, professeur de sociologie à l’université de Paris 5 Sorbonne, directeur du Centre d’études sur l’actuel et le quotidien, bienvenue. Je disais dans la courte introduction qu’effectivement le modèle encyclopédique peut être en crise et qu’il faut repenser la connaissance. Dans votre livre, qui reparaît aujourd’hui chez Klincksieck, « La connaissance ordinaire » vous dites qu’il faut sortir d’une conception de la connaissance héritée du XIXème siècle. Si Bertrand Saint-Sernin évoque dans son livre par exemple les sciences biologiques qui modifient la donne, vous, il s’agit plutôt d’évoquer la communication, l’information, tout une série de savoirs ou de pratiques, qui exigent d’avoir un autre rapport à la connaissance. Je posais la question, et je vais vous la poser à votre tour, la connaissance est-celle en crise ? Bertrand Saint-Sernin disait : elle est toujours en crise.
Michel Maffesoli : J’aurais répondu également : elle est toujours en crise. Il y a des modalités de la connaissance et puisque je suis sociologue, je m’intéresse au contexte dans lequel s’établie la connaissance, étant entendu que suivant le moment il pourrait y avoir en effet un type de connaissances universalistes et à d’autres moment, pour ma part je suis partisan de ceux-là, une connaissance qui sera elle totalement relativiste.
François Noudelmann : Je le disais on va entendre des différents philosophiques selon les écoles philosophiques, je ne sais pas si l’on peut parler d’écoles, en tout cas les courants philosophiques auxquels vous appartenez. Pascal Engel, vous venez de faire paraître « Va savoir ! » aux éditions Hermann, je dirais que votre enjeu est moins de revoir l’histoire de la connaissance et de l’esprit humain que de répondre, comme beaucoup de philosophe l’ont fait aussi de cette manière dans l’histoire de la philosophie, au défi sceptique. Est-ce que vous pourriez nous expliquer votre approche et, peut-être pas votre seule réponse, en tout cas votre manière de répondre ? Vous dites que le sceptique met en cause toute certitude et pose la question : Comment sais-tu que tu as deux mains ? Tu rêves peut-être ? Tu es trompé par un Malin Génie. Peut-être peut-on même définir ce qu’est la connaissance ? Vous, vous semblez dire : oui, on peut quand même définir.
Pascal Engel : Je ne m’intéresse pas exactement à la connaissance du même point de vue que mes collègues. Je ne m’intéresse pas à l’histoire du savoir, je ne m’intéresse pas à la sociologie du savoir, je ne m’intéresse pas même véritablement aux objets du savoir et à leurs changements. Je dirais au passage que c’est vrai que la connaissance est toujours en crise mais en même temps peut-être que cette idée si répandue depuis notamment le célèbre livre de Thomas Kuhn, « La structure des révolutions scientifiques » selon laquelle le savoir est en permanente révolution n’empêche pas de s’interroger sur la nature de l’attitude de qu’est-ce que c’est que connaître. Je suis frappé que dans la sociologie des sciences relativistes très souvent, dans l’histoire des sciences, on se pose rarement la question de qu’est-ce que c’est que connaître. Donc, dans la perspective assez classique effectivement, qui est la mienne, je me pose une question, qui a été considérée par beaucoup de philosophe comme relativement dépassée : « qu’est-ce que ? ». Donc, je reprends à nouveaux frais des vieux problèmes qui étaient posés par Platon dans le Théétète, ou les sceptiques depuis Sextus Empiricus. Je suis frappé par le fait que ces problèmes fondationnels continuent de se poser. Je ne vois pas en quoi les crises et les contextes variés qu’il peut y avoir de la connaissance nous permettent d’évacuer ce genre de question.
François Noudelmann : Je crois que nos auditeurs auront compris tout de suite que là il y a un différent assez fort dans le rapport à l’historicité de la connaissance ou à l’histoire du savoir et que cette approche est très différente. Pourrait-on continuer quand même, Pascal Engel, juste pour interroger à nouveaux frais, on n’a pas tout de suite perçu ce que signifiait pour vous « interroger à nouveaux frais », la question « qu’est-ce que ? », qui n’est pas simplement une question ontologique mais une question pour vous aussi de formulation. Vous dites, dans votre livre, que la réponse par exemple de Georges Moore, du point de vue de la tradition de la philosophie analytique, par exemple sur « est-ce que tu sais que tu as deux mains ? » « Je sais que j’ai deux mains » parce qu’on part du sens commun. Pour vous cette réponse n’est pas suffisante.
Pascal Engel : Je pense qu’elle est fondamentalement correcte. Dans l’histoire de la philosophie, la question « qu’est-ce que connaître ? » a été scandée, c’est une banalité de le dire et Kant le dit dans la préface de « La raison pure », par l’opposition entre les sceptiques qui pensent qu’on ne peut rien savoir, que la vérité n’existe pas, ou qui même ne disent pas qu’ils ne le savent pas parce que sans ça cela les engagerait un petit peu trop, et d’autre part les gens qui disent : on sait. Il existe une tradition, que l’on appelle la philosophie du sens commun, elle a des ancêtres français, comme le jésuite Claude Buffier, des ancêtres écossais, comme le philosophe Thomas Reid, ou le philosophe anglais Georges Edwards Moore, et cette tradition existe encore aujourd’hui, elle est à nouveau interrogée, effectivement elle affirme que le savoir de sens commun est la base même du savoir. C’est une tradition dans laquelle il y a en réalité une continuité entre le savoir de sens commun et le savoir scientifique, c’est une idée qui n’est pas du tout pareille que la conception révolutionnaire de la connaissance à laquelle je faisais allusion. Quand je dis on pose à nouveaux frais ces questions, ce que je dis tout simplement c’est qu’il existe toute une tradition qui réexamine ces problèmes avec de nouvelles méthodes, sans leur apporter nécessairement des réponses très différentes de celles des classiques, formule les problèmes et les questions de manière à mon avis renouvelée et intéressante.
François Noudelmann : Le sens commun, Michel Maffesoli, vous le revendiquez d’une certaine manière. Il faut partir du sens commun justement de ce que vous appelez la connaissance ordinaire qui est au fondement de tous les phénomènes sociaux. Vous réagissez, vous, à cette opposition entre le savoir et la doxa, ce que l’on appelle la doxa pour vous paraît aussi digne d’intérêt parce que justement on st dans le sens commun, peut-être pas dans le lieu commun mais dans le sens commun. Dans quelle mesure on peut défendre cette notion encore aujourd’hui ?
Michel Maffesoli : Tout d’abord, moi je ne pense pas que les choses soient exclusives l’une à l’autre, peut-être est-ce le vrai relativisme dans le fond, qu’il pu y avoir dans le sens immédiat du terme, parce que moi je pense le relativisme dans ce sens-là de Georg Simmel, qui était philosophe et sociologue, comme étant à la fois la relativisation et la mise en relation, et non pas l’incapacité de savoir. Il y a dans l’idée de relativisme, tel que je viens de le dire ici, qui n’est pas de moi encore une fois c’est de Simmel, ce double aspect : pas l’abdication de l’esprit mais une manière un Modus operandi, qui fait que je vais en effet mettre en relation t relativiser. Et c’est dans cette perspective qu’en effet pour ma part, d’ailleurs j’ai été pas mal critiqué en sociologie, de développer cette idée de sens commun comme étant l’ordinaire, comme étant ce sur quoi le savoir est enté - il y a hanté avec un H et enter, greffer – on ne peut dire quelque chose que dans le sens où on sera enraciné, c’est ça le contexte. Alors, le sens commun, dans le sens étymologique, la ( ? manque un mot) esthesis, c’est-à-dire à la fois tous les sens et les sens de tous, de ce point de vue on est bien dans ce que j’appelle ici le relativisme, je dis bien tous les sens et pas simplement le cognitif, mais il peut y avoir un type de connaissance qui serait une connaissance non verbale, quelque chose qui sera de l’ordre de la posture corporelle. C’est vrai que moi je suis attentif à la corporalité, au fait que vous dites penser la mondialité moi je dirais penser la mondanité, le mondain, le mondain ce sont tous les sens ce n’est pas simplement le cognitif. Les sens de tous, c’est-à-dire en effet celui de la communauté. De ce point de vue, dans ces deux aspects, il y a quelque chose dans le sens commun qui pour moi sert de racine à toutes connaissances.
François Noudelmann : Bertrand Saint-Sernin, j’imagine quand même que cette approche relativiste ou bien cette idée qu’il faut partir du sens commun et abdiquer en quelque sorte une raison méthodique n’est pas de votre goût, n’est pas dans votre esprit ?
Bertrand Saint-Sernin : Je réagirais à ce que mes collègues viennent de dire de deux façons : d’une part, je crois tout à fait, comme Pascal Engel, que ce sont des problèmes qui nous viennent de Platon, de la tradition la plus ancienne. Et je pensais, en l’écoutant, à un texte tout à fait extraordinaire, qui se trouve dans le XIIème livre des Lois de Platon, où il se pose la question : « s’il y avait une connaissance parfaite, que serait-elle ? » et il dit : « ce serait l’intellect se mélangeant avec les sens au point de ne plus faire qu’un » Mais cet idéal est très difficile à atteindre, autrement dit, ce que l’histoire des sciences fait apparaître c’est que cet idéal d’unité entre la connaissance empirique et l’approche par construction de concepts de la réalité, cette approche de l’unité est cherchée mais en même temps elle n’est jamais atteinte, ce qui entraine à la fois l’historicité du savoir et à la fois cette notion de révolution scientifique. Alors, le problème est de savoir si le savoir est historique on est immédiatement conduit au relativisme. Je ne le crois pas. Je pense qu’avant la théorie des révolutions scientifiques de Kuhn il y a eu une théorie des révoltions scientifiques de Cournot. Cournot s’est posé le problème, il s’est dit : à quelles conditions peut-il y avoir historicité du savoir sans relativisme du savoir ? Et il dit que pour que cela soit réalisable il faudrait qu’une science nouvelle puisse assimiler les acquis des sciences précédentes, il donne un exemple, la dynamique classique, la science de Newton, assimile l’astronomie géométrique de l’Antiquité et de Copernic. Bien entendu, ces clefs qui nous permettent d’ouvrir des parties de l’univers, ces clefs, nous ne savons pas si nous arriveront à les énumérer complètement, donc il y a une ouverture et des lacunes qui subsistent.
François Noudelmann : Est-ce que derrière le mot de connaissance il n’y a pas peut-être une ambigüité sur les termes ? Peut-être que dans les approches, là, on mélange connaissance, croyances aussi, une forme de croyance pas forcément de superstition, certitudes, savoir, est-ce qu’on n’aurait pas intérêt à distinguer ces termes ? Pascal Engel ?
Pascal Engel : Il y a un usage du mot connaissance qui est à mon avis un peu abusif. En général on appelle connaissances des croyances qui sont vraies. Quand on parle de « société de la connaissance », on nous dit par exemple qu’il y a beaucoup d’informations qui circulent. Ces informations, c’est des croyances vraies. Platon définissait la connaissance, dans le Théétète, comme la croyance vraie justifiée. Donc, il y a toujours l’idée qu’il y a un fondement, quelque chose qui rend fiable nos croyances. Cette même dualité se retrouve aussi dans la notion de sens commun. Quand j’écoute Monsieur Maffesoli dire qu’il revendique le sens commun collectif, il me semble que, mais il va nous le dire, c’est la notion de sens commun au sens de croyances partagées au sein d’une société. Et c’est vrai qu’il y a une notion de sens commun qui signifie croyances ordinaires partagées mais le sens commun que revendiquent les philosophes du sens commun, qui pensent qu’il y a une connaissance de sens commun, c’est l’idée d’une croyance vraie, justifiée, fondée. Donc, si on laisse tomber l’élément de justification, c’est vrai que l’on peut appeler connaissance toutes sortes de choses qui n’en sont pas. Précisément, l’un des résultats classiques des discussions platoniciennes et ultérieures, c’est que si vous avez une croyance vraie par hasard, par exemple si vous ouvrez une encyclopédie et que vous tombez sur une proposition mathématique et puis que vous la répétez, peut-être qu’effectivement vous aurez une croyance vraie mais vous n’aurez pas nécessairement une connaissance. Il faudra que vous ayez acquis le savoir en question, que vous l’ayez validé d’une certaine façon. Cette validation évidemment, peut-être individuelle, elle peut être sociale. Si on laisse tomber cet aspect, alors effectivement on ne peut plus dire qu’il y a des connaissances.
François Noudelmann : D’accord, en même temps en vous écoutant, je pense aussi au nécessaire travail peut-être aussi d’un doute méthodique cartésien pour arriver à une certitude. Or, on lu aussi tous le texte de Wittgenstein, « De la certitude », où justement il conteste cette idée que l’on puisse arriver à des certitudes parce qu’il dit qu’en fait pour se poser des questions, pour douter, on se heurte…, déjà on a des certitudes, c’est-à-dire que les certitudes sont aux fondements et ne sont pas à l’arrivée d’une démarche méthodique, rationnelle, etc. Est-ce qu’on peut valider encore l’idée que l’on peut par une pratique de la raison arriver à des certitudes ? Ou bien est-ce que c’est une illusion, on travaille pour arriver par la connaissance à des certitudes ?
Pascal Engel : Il y a un mot que l’on n’a pas encore prononcé, c’est celui de vérité. « La connaissance, c’est la croyance vraie, justifiée », selon la définition traditionnelle. On peut effectivement entretenir l’idée qu’il y aurait des certitudes. La certitude est-ce que c’est la certitude subjective ? Habituellement c’est la certitude subjective. Mais il y aurait des certitudes qui seraient des croyances suffisamment enracinées pour qu’en quelque sorte elles prédéterminent toutes les questions que nous posons. C’est ce à quoi Wittgenstein pense. À ce moment-là, je ne dirais pas que c’est une connaissance, je dirais que c’est quelque chose comme une sorte de foi, Merleau-Ponty parlait de…
François Noudelmann : Une évidence ?
Pascal Engel : Merleau-Ponty parlait de foi perceptive, Alfred Schütz parlait d’une croyance ante, avant le savoir. À ce moment-là on a affaire véritablement plutôt à une croyance primitive. Chez Ortega y Gassent, il y a aussi la notion d’une creancia, beaucoup de phénoménologues défendent cette idée-là. Ce n’est pas du tout la même idée que celle que défendent les philosophes du sens commun et que défend Moore. Pour eux il y a des croyances qui sont des croyances vraies. Chez Wittgenstein, la question de savoir si j’ai deux mains ou si la terre est ronde, ce n’est pas une chose qui est vraie, c’est quelque chose que je crois.
Michel Maffesoli : Puisque vous citez Ortega y Gasset, il a une belle idée qui est celle du ratiovitalisme, aussi, c’est-à-dire finalement qu’il y a toujours ces deux bouts de la chaîne, la raison sensible. Et moi pour ma part l’interprétation que je vais donner du sens commun c’est bien celui-ci, dans le fond arriver à lier tant bien que mal ces deux éléments. Mais depuis tout à l’heure, d’ailleurs cela m’avait frappé quand j’avais vu le titre de votre émission, « Que peut-on connaître ? », moi, je dirais plutôt, c’est ce que j’essaye de dire depuis tout à l’heure, « comment peut-on connaître ? » De ce point de vue, si je reste dans le topos classique en sociologie, il y a l’explication et la compréhension : l’explication c’est ce qui met à plat, la compréhension, c’est ce qui prend toute chose. Dans le fond, pour moi la connaissance intègre aussi, comprend des choses qui sont de l’ordre de l’illusion, qui sont de l’ordre de la croyance absolue, qui sont de l’ordre même de ce qu’il est convenu d’appeler d’un point de vue scientifique de la fausseté. Là, des gens comme Feyerabend nous l’ont bein indiqué, en tout cas moi je suis attentif à cela, tout est bon. Après, il y a du travail à faire. Vous avez indiqué ce travail de la raison, il faut traiter ce qui arrive mais rien n’est étranger à la connaissance. Je reste dans cette perspective compréhensive qui est la mienne, phénoménologique, en effet la connaissance ce n’est pas simplement le simple savoir scientifique, c’est cum nascere, « naître avec », il y a un rapport de va et vient qui va être l’objet avec lequel je suis et que je ne domine pas dans sa totalité. Cela renvoi ben sûr au problème de la vérité mais moi je ne suis pas compétent pour en juger, au fond même chez les philosophes il y a cette conception de la vérité qui est celle de la rectitude, et la conception de la vérité qui va être dans le dévoilement. Vous avez bien compris que de mon point de vue, c’est plutôt dévoilement. C’est-à-dire qu’il y a d’abord là quelque chose avec lequel il faut que je me collecte. Et ce quelque chose cela va être en effet l’ordinaire, cela va être l’illusion, cela va être la croyance, cela va être toutes ces choses qui sont un peu sales à bien des égards mais qui pour moi va être le matériau à partir duquel je vais travailler.
François Noudelmann : Michel Maffesoli, vous rappelez cette ambigüité : « Que peut-on connaître ? » et « Qu’est-ce que connaître ? » et vous dites il vaut mieux penser « Comment connaître ? », c’est votre travail, mais est-ce que la connaissance ne dépend pas des objets auxquels elle s’intéresse ? On parle de connaissance mais est-ce qu’il n’y a pas des connaissances selon les objets ? Bertrand Saint-Sernin, vous évoquez dans votre livre, « Le rationnalisme qui vient », l’éclatement des connaissances, le fait qu’aujourd’hui on n’est plus que des épistémologies régionales, parce qu’il y a différents procédures de descriptions, de preuves, il y a plusieurs problèmes aussi qui font qui font qu’on ne peut plus parler de la connaissance, comme par exemple la distinction parfois entre science et technique, du coup est-ce qu’on est pas obligé de parler effectivement au pluriel de connaissances particulières et à chaque fois de relativiser en quelque sorte notre approche rationnelle des objets et des méthodes, selon les objets de différencier les connaissances par ce à quoi elles s’appliquent ?
Bertrand Saint-Sernin : Je crois que la notion de connaissance en science a quand même une signification claire, j’adhère tout à fait à ce que disaient mes collègues, c’est cette idée : est-ce qu’il est possible de reproduire des phénomènes naturels, par exemple ? La question qui se pose pour nous est : est-ce que nous avons un critère qui nous permette de dire nous avons reproduit fidèlement ou nous nous sommes représenter fidèlement un processus naturel ? Par exemple, est-ce que nous avons une connaissance des relations causales entre des phénomènes différents ? C’est important parce que ce que l’on appelle une croyance justifiée, c’est une croyance pour laquelle on peut lier les évidences empiriques par un lien intelligible, le desnos dont parle Platon dans le Ménon et les philosophes arabes ont appelé l’intellect âkl », qui est le mot que l’on utilise pour indiquer le lien avec lequel on entrave les jambes antérieurs d’un chameau, pour indiquer justement l’importance du lien. Alors, la vraie question c’est : il y a des régions du savoir dans lesquelles ce lien intelligible existe, d’autres dans lesquelles on suppose qu’on pourra le constituer, d’autres enfin, et à ce moment-là on a simplement une attitude je dirais positiviste, comme celle qu’on a par exemple pour la théorie analytique de la chaleur au début du XIXème siècle où Fourier dit : les causes de la des phénomènes de la conduction de la chaleur à travers les solides ne nous sont connus mais on peut en découvrir les lois empiriques. Autrement dit, je crois que ce n’est pas un choix je dirais entre des positions philosophiques incompatibles mais c’est suivant les domaines de l’univers, les régions du réel, nous sommes obligés d’avoir des attitudes différentes.
François Noudelmann : À lire le livre de Pascal Engel, on voit qu’il y a différents types de connaissances : il y a des connaissances empiriques, vous en citez quelques unes, Pascal Engel, par exemple : Genève est en Suisse, les chats ont des poils, ou Cécilia est revenue avec Nicolas. Ce sont des connaissances éphémères, on le sait bien, - vous ne saviez pas que deviendrait le couple quand vous avez écrit - et vous dites : quel est l’intérêt de ces savoirs pour s’interroger sur la nature du savoir ? On voit bien combien ces savoirs sont différents de ce que l’on appellerait des savoirs scientifiques. D’une certaine manière ces connaissances semblent de peu d’intérêt pour réfléchir sur la connaissance.
Pascal Engel : Au contraire, si, si elles sont tout à fait intéressantes. D’ailleurs, je ne dis pas du tout que le seul savoir est le savoir scientifique au contraire il me semble que c’est le savoir perceptif qui s’enracine.
François Noudelmann : Mais vous dites par exemple à propos du pragmatisme qui est un petit peu induit par ce type de connaissance que c’est une théorie plutôt de la croyance rationnelle, vous l’avez d’ailleurs évoquée précédemment, la croyance faillible, plutôt que de la connaissance.
Pascal Engel : Je dirais que parmi les gens qui croient en la connaissance, il y a en gros trois camps, il me semble. Il y a ceux qui, comme moi et je crois Bertrand Saint-Sernin, pensent qu’il y a de la connaissance, ce qui n’est pas incompatible en effet avec le fait qu’elle ait une histoire, non seulement Cournot mais Duhem, parmi les épistémologues français notamment ont défendu cette idée-là avec force. Il y a les sceptiques, à l’autre bout de la chaîne, de différentes sortes, qui sont plus ou moins radicaux, il y a des sceptiques parfaitement négatifs, il y a des sceptiques aimables,…
François Noudelmann : Par exemple, Michel Maffesoli, vous le rangez dans cette catégorie ?
Pascal Engel : Il y a des sceptiques aimables qui pensent qu’il faut composer avec les lois et les coutumes de son pays, que les choses vont bien. Je pense à une certaine sorte de philosophie sceptique que l’on trouve chez Monsieur Comte-Sponville ou bien Marcel Conche, le scepticisme sympathique au visage souriant. Puis, il y a des sceptiques plus agressifs, comme Bruno Latour que je cite dans une note. Je pense que dire : je m’intéresse au savoir et cela inclut la fausseté, l’illusion, comme vient de le dire Monsieur Maffesoli, c’est une espèce de contradiction dans les termes puisque cela revient à dire que l’on peut penser qu’on sait que P mais que P est faux, à ce moment-là, je ne sais plus très bien ce que veut dire la notion de connaissance. Il y a une région intermédiaire en effet qui correspond à ce que vous avez cité, la notion de croyance rationnelle. Il y a des philosophes qui pensent que dans l’ordre de la justification on ne peut jamais atteindre la justification complète, que le mieux que l’on puisse atteindre, c’est une sorte de substitue au savoir parfait dont parlait Monsieur Saint-Sernin, citant Platon, qui serait la croyance rationnelle. À ce moment-là, l’idée est que le mieux que l’on puisse obtenir, c’est une croyance très probable. C’est une idée qui est ancienne, ce sont les sceptiques académiques de l’école de Carnéade, dont parle Cicéron dans Les Académiques, qui font reposer le savoir sur la probabilité. Cournot est un représentant de cette tradition. Il y a une conception probabiliste du savoir. Cournot a évidemment a une conception objective de la probabilité et pas une conception subjective, comme beaucoup de philosophes contemporains, amis ile me semble que cette conception-là aussi pose de gros problèmes. Il y a donc ces trois camps, on les retrouve régulièrement, il y a des gens qui nous disent : on ne peut pas atteindre le savoir, contentons-nous d’une sorte pis-aller.
François Noudelmann : Michel Maffesoli, par rapport à ces trois camps vous avez l’impression d’appartenir ou bien de faire partie d’un quatrième camp ?
Michel Maffesoli : Moi, j’ai toujours du mal à être dans un camp tel qu’il soit. Je considère même que la bocalisation du savoir dans l’université est une contradiction dans les termes…
François Noudelmann : Est-ce que vous comparez dans une position malgré tout ?
Michel Maffesoli : Je ne me reconnais pas dans le scepticisme par exemple. Avant de répondre précisément à ce que vient de dire Monsieur Engel, le thème de la connaissance même, moi je suis frappé, je ne sais pas ce qu’il en est dans vos disciplines ou dans vos débats, mais employer le mot connaissance quand on se pique de faire de la science, c’est quelque chose qui n’est pas bien. La connaissance n’est pas mise en équivalence avec le savoir qui, lui, est scientifique. La connaissance intègre tout une série d’éléments qui justement sont pas trop humains, pas trop entachés dans le fond par ce qui est l’empirie. Moi, quand j’avais à l’époque écrit ce livre sur « La connaissance ordinaire » on m’avait dit : de toute façon c’est une contradiction dans les termes de parler de « connaissance ordinaire » et que le thème même de la connaissance n’est pas un thème à proprement parler scientifique. Vous voyez je fais cette petite nuance pour dire que de ce point de vue, pour moi, la connaissance intègre justement, c’est ça l’idée du sens commun, des éléments qu’en général le savoir scientifique a toujours traité avec sinon mépris du moins suspicion. Cela dit, moi je continue, mon problème ce n’est pas de dire que l’on est sceptique ou qu’il y a la possibilité d’une certitude, c’est de dire, j’insiste je l’ai dit tout à l’heure, quelles sont les modalités, les modes d’approche qui sont différents, j’insiste qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Après tout on peut imaginer, je ne sais pas si c’est aimable, que dans la république des lettres il puisse y avoir des angles d’approche qui soient différentes et que ces angles d’approche différents, c’est cela que j’ai dit tout à l’heure, le relativisme pour moi c’est la mise en relation, c’est la relativisation. Alors, à quoi cela aboutit ? Cela aboutit à éviter un danger qui est le danger du scientisme, le positivisme en étant une expression, cette grande conception paranoïaque que l’on peut avoir du savoir, paranoia, cette espèce de conception très surplombante. Baudelaire, dans une page amusante dit : « Dieu, le plus grand des paranoïaque », c’est-à-dire celui qui pense par en haut, qui dit ce que doit être le monde. À cela, moi, justement dans ce livre, j’avais opposé une pensée en retournant un peu le sens, « métanoïaque », c’est-à-dire une pensée d’accompagnement qui soit métanoïa, qui ne sait pas a priori ce que doivent être les choses mais qui dit ce qui est. Là, est-ce que c’est du scepticisme ? Ou est-ce que c’est une conception en mosaïque, non pas une vérité, je le dis, en tant que rectitude mais en tant que dévoilement de ce qui est.
[Extrait de la chanson de Bashung, Malaxe]
Entre tes doigts l’argile prend formeL’homme de demain sera hors normeUn peu de glaise avant la fournaisequi me durciraJe n’étais qu’une ébaucheau pied de la falaiseun extrait de roche sous l’éboulisdans ma cité lacustre, à broyer des fadaisesMalaxe, le cœur de l’automatemalaxe, malaxe, les omoplatesmalaxe, le thorax
François Noudelmann : Nous reprenons notre sujet sur la connaissance, j’aimerais vous pose, Bertrand Saint-Sernin, une question sur l’historicité de la connaissance. Est-ce que l’on peut parler de la connaissance sans se poser aussi la question de ce qui la produit, des motivations, des intérêts même ? Pourquoi le vouloir connaître ? Qu’est-ce que cela signifie vouloir connaître ? Je repense évidemment aussi aux textes, travaux de Foucault, sur « L’Archéologie du savoir », le fait qu’il n’y a jamais de savoirs purs mais qu’il y a aussi des techniques, une politiques des savoirs, donc une histoire. Donc, est-ce qu’on peut faire abstraction, d’ailleurs dans votre livre vous évoquez bien des enjeux politiques, à propos par exemple de la recherche qui a mené à la bombe atomique, etc. Donc, est-ce qu’on n’est pas obligé quand même d’intégrer une réflexion sur les méthodologies, sur l’épistémologie, à une politique ou a une histoire sociale et politique ?
Bertrand Saint-Sernin : Il y a deux phénomènes qui m’ont beaucoup frappé. Le premier, c’est le caractère très énigmatique de la naissance de la science moderne. Il y a une immense littérature mais en même temps on a du mal à comprendre pourquoi en quelques années se constitue un savoir qui reprend à la fois les mathématiques et la statique de la science grecque mais qui intègre un sens de l’expérience beaucoup plus profond et beaucoup plus exact et qui va au fond s’épanouir dans le système de la philosophie naturelle de Newton. Ça, c’est le premier point. Le deuxième point, c’est que dans les années 1940, on a encore l’idée que le savoir scientifique se caractérise par le fait que même s’il est produit par une pluralité de savants, il est intériorisable en principe par l’individu. Et puis, à la fois la fabrication de la bombe atomique, la fabrication industrielle des médicaments pendant la Seconde Guerre mondiale, sont constituées sur un mode d’organisation scientifique tout à fait différent, on dissocie la conduite générale des projets et leur exécution dans les différentes disciplines, mais on croît que c’est dû simplement à l’urgence de la guerre. Or, ce qui est caractéristique je crois de la rationalité actuelle, c’est qu’il y a la nécessité pour les spécialistes des différentes disciplines de communiquer ente eux et ils communiquent sur un mode de transposition de la vérité qui ressemble à une croyance rationnelle. Autrement dit, il n’y a pas une opposition entre la théorie au sens classique et ancien du terme et l’orthodoxa, l’opinion droite au sens de Platon, mais il y a une sorte de construction qui comporte se deux éléments. Et le vrai problème est comment s’assurer que ces constructions d’un nouveau type ont le même degré de fiabilité qu’en avait la rationalité classique ? Le critère le plus souvent employé, c’est le critère de la reproduction : est-ce qu’on est capable de reproduire synthétiquement, par rares, des processus naturels ou pas ? C’est très important par exemple en médecine. Les gens qui sont diabétiques utilisent une insuline qui est fabriquée à parti de levure génétiquement modifiée, le vrai problème est de savoir est-ce que cette levure fabrique une insuline humaine de bonne qualité ou pas. Dernier point qui est très important, et qui me permet de réagir à ce que Pascal Engel disait de Cournot, c’est : est-ce que nous sommes dans un univers où tout est déterminé ? Ou est-ce que nous sommes dans un univers à la fois en devenir et dans lequel le devenir comporte une part de contingences ? Ce que je crois.
François Noudelmann : La question de la contingence qui m’amène à poser une question à Pascal Engel à propos de votre livre et le courant que vous étudiez aussi qui est le contextualisme, c’est-à-dire aussi penser les modes de validation du savoir et leurs variations historiques, en même temps vous prenez distance par rapport à cette approche, est-ce que vous pourriez quelle est votre démarche ? Avec ce souci, j’aimerais qu’on vienne un petit peu aussi, malgré tout de penser des invariants en termes de connaissances. Pourquoi marquez-vous une distance par rapport à une approche contextualiste ?
Pascal Engel : C’est très important effectivement de prendre une distance par rapport à cette approche et de la définir. Il y a beaucoup de gens qui pensent que la notion de savoir est une notion strictement relative. Autrement dit, même s’ils acceptent qu’il y ait des vérités, les vérités en question sont relatives à une époque, à un temps, à un lieu, à un sujet. On peut prendre ces problèmes de différentes manières, on peut les prendre par le biais de l’histoire puis confronter des conceptions et des théories d’une époque à une autre et éventuellement arriver en effet comme des auteurs, comme Michel Foucault, à des formes de relativisme. Le contexualisme est quelque chose d’un petit peu différent du relativisme, c’est l’idée que tout savoir est dans un contexte, ce n’est pas nécessairement du relativisme parce que si l’on précise les éléments du contexte à ce moment-là les propositions qui sont sues sont vraies ou fausses relativement au contexte, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’elles sont vraies à une époque et puis vraies également dans une autre époque, ce que soutient le relativisme puisqu’il admet en quelque sorte qu’il pourrait y avoir plusieurs sortes de vérité. Je ne suis pas contextualiste, je pense au contraire qu’il y a un savoir qui est absolu, c’est-à-dire qui ne dépend pas d’une situation ou d’une autre, d’ailleurs ce savoir, si l’on se place du point de vue historique, c’est celui qui se transmet en dépit de crises et de révolutions, et de progression constante du savoir scientifique...
François Noudelmann : Par exemple, une proposition de savoir absolu, comme vous dites ?
Pascal Engel : Je peux vous donner des exemples, on peut examiner ces problèmes-là du point de vue en quelque sorte de l’expérience de pensée du philosophe, dans la tradition analytique dont je me recommande, en utilisant non pas l’investigation historique mais en utilisant simplement des exemples et des expériences de pensée, c’est une tradition qui est parfaitement contemporaine avec la philosophie et ses débuts...
François Noudelmann : Un exemple, s’il vous plaît.
Pascal Engel : Imaginez qu’une personne est dans un pays où il y a une dictature, elle apprend que le dictateur est mort par les journaux et pour éviter que la nouvelle de la mort du dictateur se répande les journaux publient ensuite un démenti. Cette personne a appris par témoignage du journal que le dictateur est mort, il est effectivement mort mais la plupart des autres personnes ont lu le démenti dans les journaux. Est-ce que la personne en question sait que le dictateur est mort ou non ? Si l’on se place du point de vue absolu, effectivement elle sait que le dictateur est mort puisqu’elle a lu la première édition des journaux, mais si l’on se place du point de vue de a collectivité et de la validation qui a été donnée par les journaux au moment du démenti, elle ne le sait pas puisqu’officiellement il y a... il y a des effets de contextualisation de ce genre. Moi, je dirais que dans ce genre de cas, quelques que soient les autres déterminants, la personne sait mais il y a effectivement des intuitions qui vont dans l’autre sens, qui est que presque toutes les autres personnes qui sont vos pairs au sein d’une communauté croient vraie une certaine proposition et ont des liens, c’est-à-dire des justifications pour ça, on a l’impression que le mot savoir change de sens.
François Noudelmann : Donc, la question est comment elle sait ?
Pascal Engel : Moi, je pense qu’il y a une relation causale entre celui qui sait, une relation de fiabilité et que cette relation peut se transmettre. Elle peut se transmettre de l’individu au collectif, elle peut se transmettre du collectif à l’individu, mais il y a cette relation. Ce que Bertrand Saint-Sernin
François Noudelmann : Elle est faillible ?
Pascal Engel : Elle est faillible, cela dépend, non. Si vous êtes effectivement un ce que l’on appelle un faillibiliste en théorie de la connaissance, si vous admettez qu’on puisse dire : « je sais que P mais je pourrai me tromper » ou bien « je sais que P mais je pourrai être démenti d’ici à une génération », à ce moment-là effectivement vous ne savez pas que P. Toute la théorie de la science de Karl Popper, par exemple, est basée sur l’idée que savoir cela signifie savoir à un certain moment en même temps être quasi sûr qu’on sera réfuté.
François Noudelmann : Donc, vous, vous pensez que l’on peut savoir définitivement ?
Pascal Engel : Moi, je pense que Popper est un sceptique. Moi, je pense qu’il y a des savoirs qui sont effectivement des savoirs définitifs même si effectivement la manière dont on interprète, dont on comprend nos croyances change. Nos savoirs perceptifs sont définitifs, je suis absolument sûr d’avoir devant moi un morceau de sky rouge,…
François Noudelmann : Oui, vous l’apprenez aux auditeurs mais ils ne sont pas forcés de vous croire, vous auriez pu inventer ce sky rouge…
Pascal Engel : Il y a un savoir par témoignage qui est l’essentiel du savoir. L’essentiel du savoir se passe par témoignage. Le témoignage est une transmission causale de savoirs. Il peut se perdre du savoir comme dans les petits jeux du téléphone dans le témoignage mais si le témoignage est fiable effectivement il transmet réellement du savoir.
François Noudelmann : Donc, il y a toute la question effectivement importante du témoignage. Michel Maffesoli, quand on est à une position relativiste, qui est celle qu’implique quand même malgré tout votre souci du poly-culturalisme, du pluralisme, etc., comment on peut malgré tout se fixer sur des invariants ? Dans votre livre sur « La connaissance ordinaire », vous défendez l’idée malgré tout d’invariances mais les invariances formistes. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que c’est que les invariances à partir de la forme ? Parce qu’on a des choses malgré tout peut-être pas définitives mais qui ne bougent pas, qui ne sont pas complètement dépendantes du contexte.
Michel Maffesoli : C’est vrai que cette idée de forme, moi j’y suis attentif. J’avais proposé de traduire la forme sociology de Georg Simmel par « formiste » plutôt que « formel », avec la dimension en français qu’a le mot formel, c’est-à-dire assez superficiel. Cette idée de forme c’est dans le fond le fait que oui on est quelque part et la forme est formante. C’est-à-dire qu’en réfléchissant à ce qu’est une société c’est l’environnement, le contexte bien évidement, qui va créer la manière que l’on a d’être ensemble, c’est cela : la forme est formante. C’est ce qui m’amène bien sûr à être, je n’aime pas le mot, très dubitatif on va dire sinon très sceptique quant aux vérités universelles, à la fois je peux reconnaître qu’il y a des invariants et des modalités de cet invariant. Voilà ma réponse. Je vais repérer des constantes anthropologiques, restons sur cette dimension qui est un peu la mienne, en même temps je vais voir comment il y a une modulation suivant le contexte, suivant la culture : « vérité en-deçà fausseté au-delà des Pyrénées ». C’est là que me font peur les positions trop surplombantes, vous l’avez compris, universalistes. C’est-à-dire que finalement les évidences intellectuelles ne nous permettent pas de voir ce qui est évident. Il me semble que c’est ce qui est en jeu contemporainement, parce que dans le fond bien sûr qu’il y avoir apparemment comme ça de manière logique des vérités générales mais Durkheim avait une très belle expression « le conformisme logique ». On a des modes d’attitudes et on voit bien comment même dans le milieu intellectuel, qui est sens é avoir l’esprit critique par excellence, eh bien : « j’ai pas vu », « j’ai pas lu », « j’ai entendu causé » et à partir de là on va se faire un jugement sur une œuvre, sur quelqu’un. C’est du conformisme logique qui montre bien que le contexte n’est tout de même négligeable. Ça, c’est le premier point. Le deuxième point, moi je maintiens, je suis surpris en vous entendant, et je suis heureusement surpris. Parce que je dois avouer que pour moi la connaissance était considérée comme étant un stade en-dessous de la science, alors que personnellement je considère que la connaissance justement est un des éléments constitutifs de l’approche qui va être une approche en effet où on va rassembler les morceaux où on va traiter, où il y a travail, du matériel, qui faille qu’un fait social va devenir, si je passe dans ma discipline, un fait sociologique, donc il y a un traitement. Mais le deuxième aspect, premièrement ce conformisme, deuxièmement, c’était souligné tout à l’heure d’une certaine manière par Monsieur de Saint-Sernin, on a oublié cette dimension, la libido sciendi, il y a un désir de connaissance. Oui, c’est vous qui indiquiez, pardon, le vouloir connaître, excusez-moi.
François Noudelmann : Oui.
Michel Maffesoli : Cette libido sciendi relativise dans le fond quelque chose qui serait absolu. La libido sciendi va être très déterminée au moment dans lequel on vit, dans lequel on va penser. Vous voyez, je maintiens cette position. Si je résume, par rapport à votre question, ce n’est pas contradictoire ce que j’essaye de dire. Je peux avoir un moule, un creuset, c’est cela pour moi la forme, des modalités de cette forme et ces modalités vont dépendre à la fois du contexte et bien sûr de la libido, le conformisme logique en étant une expression. C’est quand même tout de même frappant de voir que le dictateur soit mort ou pas, il va y avoir y avoir des opinions sur la manière dont ce dictateur est mort ou pas, et même des négations ou des dénégations. M’intéresse le processus, c’est pour cela que je dis modalités de négation ou de dénégation.
François Noudelmann : C’est-à-dire que la mort n’est jamais un fait en soi...
Michel Maffesoli : Non, la mort est importante…
François Noudelmann : Quelque soit l’interprétation de ce que signifie la mort...
Michel Maffesoli : On peut le momifier, le dictateur, on peut…
François Noudelmann : Je vois le sourcil de Pascal Engel se lever, très dubitatif... Bertrand Saint-Sernin, votre livre s’appelle « Le rationalisme qui vient ». Je crois qu’il faut quand même aussi dire que vous pensez une autre rationalité, une rationalité à venir, une rationalité que vous évoquez comme une rationalité d’une communauté qui partagerait ses connaissances, vous dites que c’est comme une sorte de pentecôte. Vous pensez une rationalité qui serait sur le mode des interactions, des coordinations, et vous manifestez l’espoir d’une renaissance en quelque sorte d’une rationalité mais qui ne serait plus exactement le même registre que la rationalité classique. Est-ce que vous pourriez cet espoir ou cette utopie ou ce dessein ?
Bertrand Saint-Sernin : La première chose que je constate, quand vous regardez les grandes revues scientifiques, par exemple Nature, vous voyez que les articles sont précédés d’une brève évocation d’un résumé fait par un auteur différent parce qu’on sait bien que parmi les lecteurs d’une grande revue scientifique seule une petite minorité pourra comprendre cet article dans tous les détails. Autrement dit, d’une part il faut qu’il y ait des gens qui dans chaque spécialité connaissent avec le plus de précision possible les phénomènes qui sont dans leurs champs d’investigation et d’un autre côté ils ont un autre devoir, celui de transposer au bénéfice des autres spécialistes des autres disciplines et du grand public les résultats auxquels ils ont abouti. Autrement dit, cette interaction dans la constitution du savoir, ce caractère collectif de la science est avéré. Il n’y a qu’à voir d’ailleurs le nombre d’articles cosignés qui augmentent de façon considérable. Le vrai problème est : est-ce que dans ces conditions la construction ou le résultat est nécessairement de moins bonne qualité que ce qui était fait par un individu ? Est-ce que l’équivalent de l’intuition et de la démonstration au sens classique du terme peuvent garder au fond leur même valeur ? Ce n’est pas du tout certain. Donc, il est nécessaire d’avoir une épistémologie je dirais plus scrupuleuse encore dans la mesure où les agents qui produisent la connaissance sont de plus en plus collectifs. Le rôle de l’individu ne diminue pas, il augmente au contraire, et ses fonctions se diversifient, puisqu’il doit à la fois œuvrer comme un savant classique dans son champ propre, s’occuper de transmettre de façon convenable son savoir d’une façon technique, et aussi s’appuyer dans ses recherches sur des expériences ou sur des résultats théoriques dont il sait qu’il ne serait pas capables de les refaire. Autrement dit, la notion de croyance est un élément constitutif de cette rationalité moderne. Et enfin, et c’est très important, les sociétés démocratiques surtout se préoccupent de savoir quelle est l’utilité du savoir scientifique pour elle dans le domaine de la santé, dans le domaine de l’accès à l’eau potable, aux soins médicaux, à l’énergie, etc. Donc, il y a un continuum entre la théorie et la pratique qui est en même temps très affirmé.
François Noudelmann : Bertrand Saint-Sernin, quand même, quand vous envisagez cette rationalité qui vient, vous manifestez l’espoir d’une renaissance dans les civilisations qui n’ont pas, dites vous, connu ce grand moment de rationalisme occidental, est-ce que vous n’êtes pas en quelque sorte vous-même dans la continuité d’un schéma peut-être, si je voulais provoquer un petit peu, je dirais progressiste, très occidental ? Cette idée que le chemin qui a été suivi, cet élan vers la rationalité par la connaissance doit être suivi un jour ou l’autre par d’autres civilisations.
Bertrand Saint-Sernin : Mon sentiment est le suivant : je crois que la science n’a eu d’importance, d’effets sur la puissance des États que depuis peut-être 150 ans. Vous pouviez avoir de grands États, très puissants qui ne cultivaient pas les sciences. Ce n’est plus possible aujourd’hui puisque l’accès aux biens élémentaires, la lutte contre les maladies, les épidémies, l’accès à l’eau potable, etc., dépendent du savoir scientifique. Or, ce savoir scientifique a toujours été concentré dans un nombre très restreint de lieux. Le nombre de nations qui ont eu des Prix Nobel s’élève à 30. 98% de la production scientifique actuelle est réalisée par une trentaine de pays. Or, il y a près de 200 pays. Donc, je crois que l’exclusion du savoir scientifique est un très grave problème pour le monde entier. Je n’ai pas du tout une position qui consisterait à me réjouir de cette concentration. Je crois que c’est un problème pour la communauté humaine dans son ensemble que de rétablir un certain nombre d’équilibre, de faire en sorte que des lieux de réceptivité de créativité soient répartis de manière plus homogène parce que profondément je crois qu’il y a une égalité des hommes quelque soit leur culture mais des conditions sociales et politiques créent des différences.
François Noudelmann : Un petit point assez précis sur un débat contemporain, vous dites que les neurosciences sont de peu d’intérêt ou d’éclairage sur la connaissance. Est-ce que vous pouvez…
Bertrand Saint-Sernin : Ah, non ! Je pense…
François Noudelmann : Ah, je vous ai lu !
Bertrand Saint-Sernin : Je pense qu’elles ne sont pas de peu d’intérêt mais je crois que le problème de l’interaction des esprits est un problème extrêmement important. D’ailleurs, Platon dans Le Banquet, je crois page 175, dit ; c’est bien dommage que dans le domaine de la connaissance cela ne circule pas si bien d’un être à un autre qu’entre deux coupes quand le liquide est à des nivaux inégaux. Non je crois que c’est extrêmement important mais je crois que nous ne sommes pas très, très bien armés. Par exemple, savoir comment un individu apprend à lire eh bien, on ne le sait pas d’une façon très exacte.
François Noudelmann : Pascal Engel, vous vous pensez que les neurosciences peuvent être d’un quelconque intérêt pour savoir ce que c’est que connaître ?
Pascal Engel : Oui, oui, je pense que c’est très important et très intéressant. Les processus de connaissance dépendent d’une fiabilité, cette fiabilité est liée aux conditions dont notre cerveau est constitué et dont il évolue.
François Noudelmann : Vous, ce qui vous intéresse, vous le dites dans votre livre, les questions de perception, les témoignages, quel est l’enjeu philosophique pour vous de travailler sur la connaissance à partir d’une approche analytique ?
Pascal Engel : Il me semble surtout que l’on a oublié quelque chose, en tout cas je ne voudrais pas que ce que l’on pourrait considérer comme mon absolutisme ou mon normativisme au sujet de la connaissance signifie que je suis aveugle au fait que la connaissance a de nombreuses sources, qu’elle est tout autant collective qu’elle est individuelle, qu’elle a des contextes, qu’elle est historique, et ainsi de suite. La seule chose que je voudrais simplement dire, c’est qu’on peut reconnaître tous ces faits sans pour autant jeter pardessus les moulins les notions les plus classiques de la théorie de la connaissance et de l’épistémologie. Il y en a une dont je parle dans mon livre dont il n’a pas été question jusqu’à présent, c’est la notion de connaissance a priori. Je pense qu’il existe des connaissances a priori, de ce point de vue-là je ne suis pas sûr d’être toujours d’accord avec Bertrand Saint-Sernin, cela ne signifie pas non plus que je suis un kantien puisque cela évoque ce genre de position et je ne crois pas non plus, et là je serai en désaccord avec Bertrand Saint-Sernin, que du fait de la collectivisation du savoir la croyance ait pris plus d’importance. Il me semble justement que la connaissance est toujours la connaissance, d’ailleurs le fait qu’il citait que seulement 30 pays aient réellement une recherche scientifique et que d’autres soient exclus de l’accès au savoir, montre bien qu’il y a une ligne de partage. Mais le fait de reconnaître ces lignes de partage n’implique absolument pas que les notions changent de sens, c’est-à-dire qu’on est obligé à la fois de reconnaître ce pluralisme des sources et les modalités de la connaissance et en même temps de garder les notions les plus classiques.
François Noudelmann : Michel Maffesoli, vous malgré tout, vous restez, même si le mot vous l’avez tenu à distance, un sceptique, un scepticisme méthodologique, votre référence, c’est intéressante, Nicolas de Cues, la « docte ignorance ». Est-ce que c’est un mot qui pourrait peut-être nous rassembler, cette idée de « docte ignorance » ? On sent bien que pour vous, c’est plutôt comprendre qui vous intéresse, prendre avec dans l’empathie, voire justification de l’analogie, etc., qu’est-ce que vous pouvez défendre malgré tout un enjeu de connaissance à partir de ce scepticisme de la « docte ignorance » ?
Michel Maffesoli : Moi, vraiment le terme sceptique ne me convient pas.
François Noudelmann : Ne vous convient plus alors, puisque…
Michel Maffesoli : Je l’ai employé ?
François Noudelmann : Oui, oui, scepticisme et méthodologie, …
Michel Maffesoli : Alors, mettons que c’était une légèreté, ce livre étant ancien. En tout cas ce n’est pas quelque chose dans laquelle je me reconnaitrai…
François Noudelmann : Les formes changent, …
Michel Maffesoli : Voilà. Par contre cette idée de « docte ignorance » me convient tout à fait. C’est-à-dire dans le fond le fait, ce que je dis depuis tout à l’heure, mise en relation des choses et il se trouve que par la formation qui est la mienne c’est plutôt d’un point de vue universitaire que je vais le faire, c’est ça l’idée d’avoir une perspective qui est docte, avec le fait, je pense qu’on arrive à la fin, il y a des choses simples, dans la connaissance soit on met l’accent sur ce qui est construit, c’est dans fond ce qu’est la science, soit on part du donné. Vous avez bien compris que pour moi c’est ça, cette « docte ignorance », il y a d’abord quelque chose et cette chose-là, qui est la vie empirique, qui est pour moi le sens commun tel que je l’ai définit, comment je vais le traiter, comment je vais en quelque sorte avoir une attitude qui n’est pas simplement rationaliste mais qui s’emploie à être rationnelle, essayer de voir quelle est la raison interne des phénomènes, du donné, sans de manière surplombante le construire.
François Noudelmann : Merci, je crois qu’on aura compris aussi que la philosophie participe de la connaissance.
Je voudrais terminer par une phrase de Pascal Engel, qui dit : « Écrire de la philosophie est comme connaître, toutes sortes de choses nous échappent quand nous y parvenons, et là justement de notre esprit au monde est souvent un peu le fruit du hasard. »
Merci, Messieurs, d’avoir accepté de vous rencontrer, c’est déjà je crois important.
Pour les auditeurs je crois aussi que les différents nous font penser. Je leur propose en tout cas, si cela les intéresse, d’aller voir dans vos livres, de comprendre au nom de quelles démarches vous argumentez ce que c’est que connaître. Pascal Engel, « Va savoir ! », chez Hermann. Michel Maffesoli est réédité avec une nouvelle préface « La connaissance ordinaire », chez Klincksieck, vous faites paraître par ailleurs « Le réenchantement du monde » à la Table ronde. Bertrand Saint-Sernin, « Le rationalisme qui vient », chez Gallimard.
[Générique et annonce de fin d’émission]
Livres signalés sur le site de l’émission
– « Va savoir ! : de la connaissance en général », Pascal Engel, Ed. Hermann, 2007
Note de l’éditeur : Le sceptique nous demande « Comment sais-tu que tu as deux mains ? Peut-être rêves-tu, ou es-tu trompé par quelque Malin Génie ? Peut-on même définir ce que c’est que la connaissance ? Va savoir ! » Lui rétorquer, comme le faisaient G.E. Moore et la tradition de la philosophie du sens commun : " Mais je sais bien que j’ai deux mains ! " semble à la fois une pétition de principe et une bien mauvaise réponse. Le mieux, depuis que nous avons perdu le souci de fonder nos croyances sur des raisons ultimes, serait, tout simplement, de ne pas se soucier des questions du sceptique. Ce que l’on sait dépend, nous dit-on, des circonstances, et toutes nos connaissances sont faillibles. N’y a-t-il pas plutôt des savoirs, dont l’histoire nous montre combien leurs modes de validations sont variés ? Ce livre entend refuser ce type de réponse contextualiste et relativiste. Il propose de revenir à la réponse de sens commun de Moore, à partir des reformulations contemporaines des raisonnements sceptiques issues de la philosophie analytique de la connaissance. Personne ne peut nous envoyer savoir quelque chose que nous ne pourrions pas savoir. De fait, nous savons, mais notre savoir n’est pas transparent : nous n’avons pas besoin de savoir que nous savons. Pour parvenir à cette réponse, il faut replacer la notion de connaissance, plutôt que celle de croyance justifiée ou rationnelle, au centre de l’épistémologie, et reformuler des questions traditionnelles comme celles de la nature de la perception, du témoignage, et de la connaissance a priori. On peut aussi reprendre le vieux projet d’une enquête sur la nature de la connaissance en général.
– « Précis de philosophie analytique », Pascal Engel (dir.), Ed. PUF, 2000.
Note de l’éditeur : La philosophie de tradition analytique, née à la fin du siècle dernier des critiques de l’idéalisme en Allemagne et en Grande-Bretagne, a connu des développements très variés au vingtième siècle, du réalisme à l’empirisme logique et à la philosophie linguistique.
Aujourd’hui elle semble avoir éclaté, aussi bien dans ses méthodes que dans ses doctrines, en de multiples tendances. Le but de cet ouvrage est de présenter cette diversité non seulement dans les domaines " classiques " comme la philosophie de la logique et du langage, la philosophie des mathématiques ou la théorie de la connaissance, mais aussi dans ceux où la contribution de la philosophie analytique est moins connue, en métaphysique, en philosophie de la religion, en philosophie de l’esprit, en éthique, en esthétique, en philosophie politique ou en histoire de la philosophie. Mais il s’agit aussi de révéler, à travers ces développements, la continuité d’une tradition et d’un style, qui incarne, au sein de l’espace pluriel de la philosophie contemporaine, l’une des figures du rationalisme.
– « Le réenchantement du monde : une éthique pour notre temps », Michel Maffesoli, Ed. Table ronde, 18 janvier 2007
A partir d’exemples concrets, l’auteur s’emploie à analyser le glissement d’une morale universelle, applicable à tous à de multiples éthiques propres à des groupes donnés dans la société actuelle.
– « Le temps des tribus : le déclin de l’individualisme dans les sociétés postmodernes », Michel Maffesoli, Ed. Table ronde, 25 octobre 2000
Les sociétés se transforment : émiettement du corps social, épuisement des institutions, effondrement des idéologies, transmutation des valeurs. Derrière la société de masse, se profilent désormais les nouvelles figures d’une société exubérante et polymorphe : nous sommes entrés dans l’ère des tribus.
– « Le rationalisme qui vient », Bertrand Saint-Sernin, Ed. Gallimard, 2007.
La connaissance scientifique, issue d’une réflexion commune entre des individus, est ensuite assimilée et enrichie par l’homme, et la science moderne qui s’est constituée au début du XVIIe siècle en est la représentation. L’élaboration des concepts, la difficulté entre les disciplines conduisent au constat d’inégalités entre les nations et incite l’auteur à s’interroger sur le rationalisme.
– « La raison », Bertrand Saint-Sernin, Ed. PUF - 2003
Propose une histoire de l’évolution de la notion de raison en philosophie de l’Antiquité à Whitehead.
Que sais-je ?, n° 680
– « Philosophie des sciences. I », Daniel Andler, Anne Fagot-Largeault, Bertrand Saint-Sernin, Ed. Gallimard - Collection : Folio Essais - 2002
Présentation de l’éditeur : La philosophie des sciences a connu au XXe siècle un essor marqué par deux grandes tendances. À l’analyse logique et sémantique des sciences entreprise par l’École de Vienne, dans les années 1920 et avec l’espoir d’en fonder l’unité et la validité, s’est opposée, à partir des années 1970, une approche descriptive, attentive aux ruptures historiques et aux spécificités disciplinaires. Aujourd’hui, poussée tant par l’évolution des sciences que par sa dynamique interne, la philosophie des sciences redécouvre les liens entre la vie scientifique et les autres activités humaines, mais également sa propre dépendance à l’égard des questions métaphysiques et ontologiques.
Restituer ce double retour, à la pratique et aux fondements, tel est le fil conducteur du premier tome.
– « Philosophie des sciences. II », Daniel Andler, Anne Fagot-Largeault, Bertrand Saint-Sernin, Ed. Gallimard - Collection : Folio Essais, 2002.
4ème de couverture : La philosophie des sciences est aujourd’hui portée essentiellement par la réflexion sur les disciplines particulières et non, comme à l’époque du Cercle de Vienne, par la quête d’une méthodologie générale. Sont apparues des philosophies de la relativité, de la mécanique quantique, de la chimie, de la biologie, de la médecine, de l’économie, etc. - autant d’épistémologies régionales dont l’horizon n’est plus l’unité de la science.
Or la marche du monde et l’action humaine rendent nécessaire l’articulation entre les diverses disciplines, au plan théorique comme pratique.
Telle est donc l’ambition du deuxième tome : penser à la fois l’unité de la nature et la pluralité des sciences.