Francis LETELLIER [...] 08 :49 : On va revenir sur l’un de vos dossiers, Monsieur le ministre, puisque vous étiez il y a une heure, un peu moins d’une heure, je crois, dans le bureau d’Emmanuel Macron, pour évoquer l’avenir du Palais de la découverte à Paris. Le musée des sciences est installé depuis 1937 dans une aile du Grand Palais, il attire des milliers de visiteurs, notamment pour son planétarium. Le Palais de la Découverte est fermé depuis 2020 pour rénovation. Il doit rouvrir normalement fin 2026, s’il n’y a pas de retard, vous allez nous le dire. Mais à cette occasion, il pourrait être transféré à la Cité des Sciences. Et les élus de Paris tiennent beaucoup à ce qu’il reste dans les murs du palais de la Découverte. Est-ce que cela sera las cas ?
Philippe BAPTISTE : Alors, le Palais de la Découverte, ce que je vais vous dire est vrai, parce qu’avant d’être politique, je suis un scientifique, et pour beaucoup de scientifiques, beaucoup de mes collègues, c’est un lieu emblématique, qui a souvent joué un rôle de vocation à un moment ou à un autre, qui les a « appelés », entre guillemets, à faire de la science. C’est le planétarium, c’est la salle avec le nombre Pi, c’est les expériences d’électrostatique où vos cheveux se dressent à l’intérieur d’une cage de Faraday, etc., etc. C’est des endroits absolument incroyables.
Francis LETELLIER : Alors, est-ce qu’il va rester au Palais de la Découverte ?
Philippe BAPTISTE : Les arbitrages seront rendus en leur temps, et je pense que le Président aura l’occasion de s’exprimer sur le sujet. Mais, moi, je pense…
Francis LETELLIER : En leur temps, c’est-à-dire dans combien de temps, parce que les élus de Paris sont très, très pressés, eux ?
Philippe BAPTISTE : Je crois que ce qui est fondamental aujourd’hui, ce qui me semble très, très important aujourd’hui, c’est qu’on est au Palais d’Antin, dans cet endroit absolument extraordinaire, on conserve une place, qui soit une place importante pour la science et pour expliquer la science, pour amener la science au plus grand nombre.
Francis LETELLIER : Je comprends …
Philippe BAPTISTE : Et ça, je suis assez confiant. Voilà. Effectivement, c’est… Maintenant, est-ce que les choses doivent rester statiques, ne peuvent pas évoluer ? Non, bien sûr que non. Enfin, les choses changent...
Francis LETELLIER : Est-ce qu’on pourrait imaginer une partie au Palais de la Découverte et une partie à la Cité des sciences ?
Philippe BAPTISTE : Vous savez, c’est déjà un peu le cas aujourd’hui. Il y a une complémentarité qui est très forte aujourd’hui entre les deux. Donc, savoir comment cela va s’organiser exactement ? Comment est-ce qu’on est capable d’avoir un parcours, qui soit un parcours que je vais qualifier de « fluide », entre guillemets, entre les différentes expositions du palais d’Antin ? C’est des questions qui sont des questions profondément légitimes. Moi, ce qui me semble être fondamental et important, ce que je défends avec ardeur, c’est la place des sciences et des technologies dans ce lieu emblématique. Vous savez, le Palais de la Découverte, c’est Jean Zay et Jean Perrin. Deux noms absolument extraordinaires. Jean Zay, un homme politique, qui est connu évidemment, Jean Perrin un très grand physicien, un des pères du CNRS… Enfin, bref …
Francis LETELLIER : Et vous n’avez pas répondu à ma question de savoir où il sera, ce Palais de la Découverte.
Philippe BAPTISTE : Non, non, non, je pense que le Palais de la Découverte sera en l’état ou sous une autre forme. Ce qui sera important c’est qu’à la fin, il y ait bien effectivement de la culture scientifique et technique qui reste au Grand Palais…
Francis LETELLIER : On le saura quand ? Il restera en partie au Grand Palais, c’est ce que j’entends, mais on le saura quand définitivement ?
Philippe BAPTISTE : Je pense qu’il faut se laisser quelques semaines pour, simplement quelque part, qu’on soit capable d’avoir une décision posée et des belles annonces.
Francis LETELLIER : Par le Président de la République, C’est le président de la République qui fera l’annonce ?
Philippe BAPTISTE : Je pense qu’il faut laisser cette décision au Président de la République.
Francis LETELLIER : Normalement, la fin 2026, ça sera dans les temps ?
Philippe BAPTISTE : Oui, je pense, je suis assez confiant là-dessus, oui.
Francis LETELLIER : Cela sera plutôt dans les temps. Ça devient un enjeu politique, vous le voyez bien, puisque je vous le disais, les élus de Paris disent qu’il faut que cela reste au Grand Palais, il y a un côté symbole.
Philippe BAPTISTE : Non, non, moi je ne sous-estime pas du tout cette dimension. Il y a effectivement un vrai symbole, parce que c’est un lieu emblématique de la culture scientifique. Alors, pourquoi c’est important ? Parce qu’au-delà du fait que c’est le cas, que cela a été le cas pendant très longtemps, qu’il y a Jean Zay, Jean Perrin, je l’ai dit, la communauté scientifique y est très attachée, l’Académie des sciences, des Technologies aussi, tout cela c’est vrai, mais au-delà de ça, c’est fondamental d’avoir des lieux comme ça, parce que c’est des lieux qui donnent envie aux jeunes de faire de la science et des technologies. Évidemment, la muséographie doit évoluer, cela ne doit pas être la même demain que celle qu’il y avait il y a 30 ans ou 40 ans quand on était petit. Évidemment, il faut qu’elle évolue, mais avoir des lieux comme ça, des lieux où l’on porte la science et la technologie, il n’y en a pas beaucoup.
Francis LETELLIER : Il est emblématique et historique, comme le Grand Palais par exemple.
Philippe BAPTISTE : Évidemment et il n’y en a pas beaucoup. Il y a La Villette, évidemment, le Grand Palais, le Muséum de l’histoire naturelle, quelques sites aussi en dehors de Paris, mais assez peu en France. Donc, c’est vraiment un enjeu important, parce que vous savez l’avenir de notre économie, l’avenir de notre pays, il passe par la science, la technologie et l’industrie. C’est important de sensibiliser, d’avoir des jeunes qui ont envie de faire des sciences, et c’est un vrai problème.
Francis LETELLIER : Jeudi prochain, les futurs étudiants sauront normalement quelle université les accueillera. Cela sera la fin de ParcourSup, la plateforme qui fait tant parler et sur laquelle les bacheliers notamment doivent s’inscrire pour trouver une place. L’an dernier, à la fin du processus, 85000 jeunes s’étaient retrouvés sans affectation, est-ce qu’il y aura encore des jeunes qui se retrouveront sans affectation cette année ?
Philippe BAPTISTE : Permettez-moi déjà de vous dire qu’aujourd’hui, il y a déjà neuf lycéens sur 10 qui savent où ils vont aller, plus ou moins, à quelques détails près, ils attendent peut-être quelques choix, mais pour l’immense majorité des lycéens aujourd’hui, qui viennent d’avoir leurs résultats du bac, et qui ont la chance d’avoir le baccalauréat, ils savent déjà. Voilà. Jeudi, c’est la fin de la phase principale, à côté de ça, il y a toujours une phase complémentaire, puis au-delà de la phase complémentaire, on va avoir, on a déjà les recteurs dans chaque académie qui sont mobilisés pour aller chercher les lycéens qui n’ont pas d’affectation et leur trouver une solution.
Francis LETELLIER : L’année dernière, je vous l’avais dit, il y avait 85000 à l’issue, est-ce qu’on aura des solutions…
Philippe BAPTISTE : Absolument, très probablement, on aura des chiffres qui seront similaires.
Francis LETELLIER : Pourquoi ?
Philippe BAPTISTE : Qu’est-ce qui se passe ? derrière ces 85000, la plupart du temps, l’année dernière, ils ont tous été appelés par les recteurs, les différentes plateformes, etc. En fait, au début, vous avez 1 million de candidats, dedans ce million de candidats, on a un certain nombre de candidats qui partent faire autre chose. Soit ils partent sur des formations qui sont hors ParcourSup soit ils décident de ne pas faire d’études après dans le supérieur, cela arrive, ils partent à l’étranger, ils ont un autre projet. Donc, de toute façon, on a toujours une partie des étudiants, effectivement, qui n’ont pas de propositions, mais qui souvent ne répondent pas aux sollicitations qu’on mène nous-mêmes.
Francis LETELLIER : Ce n’est pas le seul problème, Bérangère.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Le but de ParcourSup c’était de mieux, en tous cas bien orienter les étudiants...
Philippe BAPTISTE : Absolument !
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Or, aujourd’hui, un peu plus d’un tiers, de ceux qui entrent en licence ressortent trois ans plus tard avec le diplôme pour lequel ils étaient rentrés. La question est très simple, qu’est-ce qui ne marchent pas dans ce processus ?
Philippe BAPTISTE : La première chose qui ne marche pas, c’est votre statistique, parce que…
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Elle est fausse ? Elle n’est pas bonne ?
Philippe BAPTISTE : Non, je pense que présentée comme ça, elle est bonne. Mais en fait, ce qui est important, moi je me fiche de savoir je me fiche de savoir si un étudiant - je préfère qu’il fasse sa licence en trois ans, je ne vous le cache pas, C’est mieux pour tout le monde, ça nous coûte moins cher, etc.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : C’est le but …
Philippe BAPTISTE : Vous avez énormément de réorientation aujourd’hui. Vous avez énormément d’étudiants... tout à l’heure, je vous ai dit que sur ParcourSup, il y a 1 million de candidats. Sur le million de candidats sur ParcourSup, vous avez 200000 qui sont en réorientation. Vous vous rendez compte des proportions ? C’est gigantesque. Je reviens à votre question de départ …
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Ils ont été mal orientés au départ ? Ou est-ce la nature humaine d’un étudiant d’aller…
Philippe BAPTISTE : Ce n’est pas mal orienté, vous avez sans doute remarqué qu’aujourd’hui la génération qui se présente, justement, peut-être que ses choix sont un petit peu mal déterminés que les nôtres, et effectivement il y a beaucoup d’hésitations. Il y a beaucoup de tentatives, puis je reviens en arrière, ça n’a pas marché, je refais autre-chose. Donc, les statistiques qui sont intéressantes, plutôt que de regarder le taux de succès en trois ans, moi, je vous invite plutôt à regarder globalement, vous avez des étudiants qui rentrent, combien il y en a qui sortent diplômés ? et là, les chiffres n’ont rien à voir, ils sont bien plus élevés. Ils sont de l’ordre de 65% à peu près, de 70 %. Je veux dire que c’est fondamentalement différent. Après…
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Et cela vous semble efficace, efficient ?
Philippe BAPTISTE : Après, je vais vous dire autre chose. Ce que je vous ai dit qui est tout à fait correct, bien sûr. À côté de ça, on a un autre problème. C’est qu’aujourd’hui, on a un baccalauréat, qui est distribué avec une certaine bienveillance, qui est donné avec générosité...
Francis LETELLIER : Facilement ? C’est ce que je vous entends dire, non ?
Philippe BAPTISTE : Effectivement, on a des taux qui sont extrêmement élevés.
Francis LETELLIER : Ça vous paraît bizarre, ça ?
Philippe BAPTISTE : Ce n’est pas que ça me paraisse bizarre, c’est qu’à la fin, on a aussi des statistiques qui nous montrent par exemples que les bacheliers professionnels qu’on envoi en licence, et quelque part vous savez que quand vous avez un bac, vous avez une garantie de poursuite d’études, cela veut dire quelque part, si vous le demandez, voilà … Donc l’endroit où …
Francis LETELLIER : Ce que j’entends dans vos propos, c’est qu’on donne le bac trop facilement.
Philippe BAPTISTE : Évidement, évidement. Évidement que c’est un sujet.
Francis LETELLIER : C’est un sujet, que l’on donne le bac trop facilement ? Qu’il y ait plus de 80% de réussite ?
Philippe BAPTISTE : Le sujet, ce n’est pas seulement d’avoir le bac trop facilement, le sujet c’est quoi ? C’est qu’on envoie aujourd’hui des étudiants, je prenais l’exemple des bacheliers professionnels, qui vont en licence, le taux de réussite d’un bac professionnel qu’on envoie il est de l’ordre de 5%.
Francis LETELLIER : Donc, cela veut dire que la sélection n’a pas été faite au moment du bac ?
Philippe BAPTISTE : 5%, cela veut dire qu’il y a quelque chose de dysfonctionnel fondamentalement dans le système.
Francis LETELLIER : Et, c’est le bac qui est facile ?
Philippe BAPTISTE : C’est probablement cette question-là. Ou, en tous cas, moi, c’est pour ça que je plaide très fondamentalement, et le premier ministre n’avait pas dit autre chose, il faut mettre, pour des étudiants comme cela, qui arrivent dans une licence et qui ont un bagage probablement un peu faible ou pas adapté à la licence, il faut faire une année de propédeutique, c’est-à-dire une année de cours de musculation pendant un an.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Vous avez annoncé aussi de vouloir faire le tri dans les formations, notamment celles proposées par l’enseignement privé. Est-ce qu’il y a des abus ? Est-ce qu’il y en a plus dans certaines formations ? Et pour vous, qui est-ce qui en profite ?
Philippe BAPTISTE : Oui, il y a des abus. Oui, il y a des abus, je le dis très clairement.
Francis LETELLIER : Des formations privées ?
Philippe BAPTISTE : Oui, bien sûr. Le nombre des formations privées a explosé, avec en particulier l’apprentissage.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : C’est 40 %, c’est ça, des formations proposés dans ParcourSup ?
Philippe BAPTISTE : Non, non. Ce que je peux vous dire aujourd’hui, le chiffre que je peux vous donner, c’est que vous avez un quart des étudiants, aujourd’hui globalement, qui sont dans des Écoles privées, sous statuts très divers. Cela peut être du privé lucratif, non lucratif… Donc, c’est très significatif. En fait, le nombre des formations a explosé avec l’apprentissage.
Francis LETELLIER : Donc, il y en a qui en profite, comme disait Stéphanie.
Philippe BAPTISTE : Oui. Je vais vous donner des exemples, on n’en a, parce que ces étudiants perdus, au bout de trois mois, il faut les récupérer à la petite cuillère – pardon – dans les rectorats et les remettre dans des universités ou des IUT, ou des BTS en cours d’année. C’est quoi ? Ce sont des formations qui vous disent : « Venez chez moi, ça ne va rien vous coûter, vous aurez même un peu d’argent, parce que je fais en apprentissage » Le jeune vient dans la formation, au bout de trois mois, on lui dit qu’on n’a pas trouvé d’entreprise qui fait de l’apprentissage, mais vous pouvez rester chez nous, ça coûte 10000 par an ». Je vais être clair aussi, il n’y a pas de groupe spécifiquement, je vous vois venir…
Francis LETELLIER : Parce que vous entendez dire Galileo, peut-être ?
Philippe BAPTISTE : Non. Justement je suis en train de vous dire, non. La question n’est pas là. Aujourd’hui, il y a des abus. Il faut qu’on soit capable de le réguler. Mais, l’immense majorité des formations, qu’elles soient privées lucratives ou non lucratives, sont d’excellent niveau. Le but du jeu, ce n’est pas de fermer ou de réduire l’enseignement supérieur privé, mais de réguler le système. Donc, quelque part de labelliser. Un label de qualité sur toutes les formations qui sont sur ParcourSup. C’est ça, le projet de loi.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Est-ce qu’il n’y a pas un problème sur l’apprentissage ? Parce que depuis 2017, le pays a beaucoup développé l’apprentissage et il semble que c’est dans ce secteur-là qu’il y a beaucoup d’abus. Est-ce que vous estimez qu’il faut revoir la Loi ? Ou revoir en tous cas les conditions des apprentis ?
Philippe BAPTISTE : Évidemment, l’apprentissage, comme il y avait beaucoup d’argent et que c’est un formidable succès...
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Est-ce qu’il y en a trop ?
Philippe BAPTISTE : Je n’irais pas là-dessus, je vous dirais simplement qu’aujourd’hui, c’est un formidable succès. Aujourd’hui, c’est plébiscité par les entreprises et par les jeunes.
Francis LETELLIER : Et par les Écoles privées, c’est ce que vous avez dit.
Philippe BAPTISTE : Et de temps en temps, par les Écoles privées. Tout ça me va bien, sauf quand il y a des abus.
Francis LETELLIER : De l’argent qui rentre.
Philippe BAPTISTE : Et des abus il y en a de temps en temps, eh bien…
Francis LETELLIER : Quand vous dites « de temps en temps », c’est marginal ou c’est un système organisé ?
Philippe BAPTISTE : Non, non, c’est marginal. Je pense que c’est marginal, je n’ai pas de preuves que ce soit un système organisé. S’il y en a, évidemment on sera très attentifs. Je pense que c’est marginal, il faut être vigilant. C’est l’intérêt de tout le monde : Écoles privées comme les grandes Universités, comme les ministères, comme évidemment les parents et les élèves, de réguler le Système.
Hugo au Perchoir, « streamer » politique et parlementaire sur Twitch, intervient également lors de l’émission, en relayant les questions de sa communauté : Justement il y a une question de Tenko (orthographe incertaine) qui monte dans le tchat pour vous : « est-ce que l’objectif du bac est de fournir un niveau minimum d’études au plus grand nombre ou de sélectionner des élèves adaptés à l’enseignement supérieur classique ? Si oui, que préconisez-vous de faire avec les autres, donc ceux qui n’ont pas le bac ?
Philippe BAPTISTE : Ça demande d’avoir un regard un peu… Historiquement, le baccalauréat c’est quoi ? C’est le premier diplôme de l’enseignement supérieur. Vous rentrez, vous avez votre baccalauréat, derrière, c’est une condition suffisante pour rentrer à l’université ou avoir une place quelque part dans une formation du supérieur. Ce concept-là, il date d’il y a très, très longtemps. Le monde dans lequel on vit aujourd’hui a radicalement changé. On a 800000 bacheliers par an, c’est absolument gigantesque. Donc, on voit bien que derrière, les questions ne sont pas les mêmes. Il n’est pas du tout question, là, de changer quoi que ce soit dans le système. Mais, une question qu’on peut légitimement se poser, je ne pense pas que ce soit dans le contexte politique que l’on connaît aujourd’hui qu’on puisse se la poser avec sérénité, une fois que j’ai posé toutes ces précautions, je vais m’exprimer à titre personnel. Je pense qu’effectivement, la question de « Est-ce que le baccalauréat ne doit pas devenir un jour ou l’autre, non pas un premier diplôme qui garantit l’enseignement supérieur mais simplement une forme de certificat qui garantit que vous avez eu un stock de formation …
Francis LETELLIER : C’est une sélection avant l’Université, quoi…
Philippe BAPTISTE : Oui, comme l’équivalent d’un brevet pour le collège quelque part. ça, c’est un sujet, qui a un moment où un autre, forcément on devra se poser la question. Encore une fois, je ne la pose pas maintenant, elle ne sera pas posée maintenant.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Les députés du socle commun, votre famille politique, Charles SITZENSTUHL et Thomas CAZENAVE, propose de supprimer les crédits d’impôts sur les frais de scolarité, dont bénéficiaient certains parents au moment d’inscrire leur enfant à l’université ou dans de grandes Écoles, est-ce que vous allez suivre leur avis ?
Philippe BAPTISTE : À titre personnel, encore une fois, je trouve que c’est une bonne idée.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Pourquoi ?
Philippe BAPTISTE : Parce qu’aujourd’hui, ce crédit d’impôt, quand vous êtes boursiers, vous ne payez pas de frais. Les familles sont exonérées des frais. Quand vous gagnez beaucoup d’argent, ou suffisamment d’argent, vous bénéficiez de cette niche fiscale, donc quelque part, elle correspond peu ou prou aux frais d’inscription à l’université, vous ne payez pas les frais d’université. Quand vous êtes entre les deux, là, vous les payez. Je ne suis pas sûr que ce soit quelque chose de socialement acceptable.
Francis LETELLIER : Ce n’est pas un cercle vertueux, quoi…
Philippe BAPTISTE : En tous cas, c’est difficile à expliquer.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Autre piste d’économie, il a été proposé par ces mêmes députés, de restreindre les APL pour les réserver au foyer de classes modestes ou des classes moyennes…
Francis LETELLIER : Pour les étudiants.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Oui, pour les étudiants, est-ce que là encore vous êtes favorable à cette idée-là ?
Philippe BAPTISTE : Moi, je trouve que c’est aussi des pistes qui mériteraient d’être examinées. Est-ce qu’il faut les examiner maintenant ? Est-ce qu’il faut les examiner plus tard...
Francis LETELLIER : Pour eux, c’est maintenant, puisqu’il faut faire 40 milliards d’économies.
Philippe BAPTISTE : Oui, ça ne m’a pas échappé çà.
Francis LETELLIER : Donc, est-ce que c’est maintenant qu’il faut…
Philippe BAPTISTE : Je ne peux pas vous répondre à cette question-là, en tous cas, il me semble que c’est une question qui mérite d’être examinée.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Les APL restent un sujet inflammable, on se souviens de la polémique sur les 5 euros…
Philippe BAPTISTE : Oui, oui, je me rappelle parfaitement de cette polémique effectivement à 5 euros. Moi, je n’ai pas d’annonce à faire là.
Francis LETELLIER : Ce que vous dites en gros, c’est que ce n’est pas le moment de rouvrir le dossier des APL.
Philippe BAPTISTE : Non, je n’ai pas dit ça, moi.
Francis LETELLIER : C’est ce que j’avais cru comprendre.
Philippe BAPTISTE : Non, j’ai juste dit que c’était un sujet qui méritait d’être observé, d’être regardé.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Donc, c’est une piste d’économies possibles, les APL rentrent dans les pistes d’économies possibles..
Philippe BAPTISTE : Bah… Il faut regarder.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Question sur les étudiants étrangers. Vous dites, contrairement à Bruno Retailleau, que la France ne doit pas fermer ses portes aux étudiants étrangers…
Philippe BAPTISTE : Eh ben, non !
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Est-ce qu’il faut tous les accueillir ?
Philippe BAPTISTE : Non, ce n’est pas ça que je dis non plus. Mais il me semble qu’aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour dire qu’on veut refaire de la France un champion industriel, technologique et d’innovation. Je n’ai entendu personne dire le contraire de ça. Pour faire ça, moi j’ai besoin de former des techniciens, des ingénieurs et des docteurs en sciences. Excusez-moi, je vais être bêtement utilitariste. Si je me contente du vivier français et européens, je suis incapable de remplir ces formations. Incapables ! Les doctorants, aujourd’hui, dans les labos de science, 50 % d’entre eux sont extra-communautaires. Et dans les Écoles d’ingénieurs, c’est 10%, dans les Écoles de commerces, c’est 20%, etc. étrangers. On a cruellement besoin de talents qui viennent de partout dans le monde pour…
Francis LETELLIER : Mais si on ne peut pas tous les accueillir, comment vous faites la sélection ? C’est ce que Bérangère vous demandait : est-ce qu’il faut tous les accueillir ? Vous dites : bien sûr.
Philippe BAPTISTE : Cette sélection aujourd’hui, elle est à la main des universités, des écoles, qui doivent faire leur choix.
Francis LETELLIER : Par nationalité ? Par…
Philippe BAPTISTE : Non, elles font … chacun aujourd’hui est libre de faire…
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Ça dépend des parcours des étudiants en question…
Philippe BAPTISTE : Moi, je pense qu’il faut qu’on réfléchisse à accueillir, à affirmer d’abord de manière plus claire, qu’il y a des secteurs où on a besoin cruel, comme je viens de le dire ici, d’étudiants, et que là-dessus, il faut qu’on ouvre grand les portes, on en a juste affreusement besoin.
Francis LETELLIER : Donnez-nous juste un exemple, quel pays ? Quel secteur ?
Philippe BAPTISTE : Je ne sais pas moi, aujourd’hui, les étudiants qui viennent de Tunisie ou du Maroc, en ingénierie, sont excellents.
Francis LETELLIER : Donc, il faut des étudiants tunisiens en France ?
Philippe BAPTISTE : Mais, évidemment ! Vous en avez besoin. Si on veut parler d’autres polémiques, on veut construire des centrales nucléaires, les ingénieurs sont où pour les construire ? On ne les a pas, il nous en manque. On en a cruellement besoin. On n’a pas assez de gens aujourd’hui en France qui se destinent vers les grandes disciplines scientifiques, par exemple. Donc, on en a cruellement besoin. Donc, il faut choisir nos disciplines, il faut choisir les étudiants qui sont au top. Aujourd’hui, il faut avoir en tête que les étudiants qu’on accueille en licence par exemple à l’université, qui sont des étudiants internationaux réussissent mieux que les Français, ils ne sont pas du tout mauvais, ils réussissent plutôt mieux. Je pense qu’on peut aller plus loin. Puis, on a un troisième sujet, toujours à propos de cette question-là, il y a trop d’étudiants internationaux qui sont précaires.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : C’est ça, les chiffres de l’AFAG, le syndicat étudiant, c’est 60 % de précaires. Est-ce qu’il faut leur ouvrir les droits sociaux ?
Francis LETELLIER : Les aides sociales.
Philippe BAPTISTE : Je pense que ce n’est pas comme ça qu’il faut raisonner. La question aujourd’hui, quand on accueille des étudiants internationaux, il faut être certain qu’ils sont capables de vivre en France pour leurs études.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : On ne va pas les aider ?
Philippe BAPTISTE : Il y a des bourses déjà qui existent. Des bourses du quai d’Orsay, par exemple, qui permettent de récompenser les meilleurs étudiants, ça existe déjà. Il y a aussi des bourses des gouvernements étrangers pour leurs étudiants qui viennent en France, etc. Puis, Il y a des gens qui viennent parce qu’ils ont les ressources familiales pour le faire. Tout me va, et je suis prêt à réfléchir à voir comment on fait plus, comment on accueille plus d’étudiants, etc.
Francis LETELLIER : Vous pourrez donner des bourses à ces étudiants étrangers.
Philippe BAPTISTE : Oui, par contre, je ne veux plus qu’on accueille des étudiants internationaux qui sont dans la précarité ou la très grande précarité. Pourquoi ?
Francis LETELLIER : Mais, ils peuvent être précaires et bons, comment les aider ?
Philippe BAPTISTE : Bien sûr, ceux-là, ils peuvent avoir une bourse, évidemment, il faut être ouvert sur ces questions-là, mais on a aussi aujourd’hui, des étudiants qui arrivent, il y a un système, ils doivent démontrer qu’ils ont un certain niveau sur leur compte au moment où ils doivent obtenir leur autorisation à s’inscrire en France. Mais ce système ne suffit pas, il faut le revoir, il faut aller plus loin.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : On n’exige pas cela des étudiants français, on est d’accord ?
Philippe BAPTISTE : Non. Ni des communautaires.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Ça ne vous pose pas de problème ?
Philippe BAPTISTE : C’est simplement que quelque part il y a un droit, qui est pour tous les étudiants communautaires, de France et de toute l’Europe, et qui peut être différents sur d’autres. Il y a des droits qui sont différents selon votre origine, ça fait partie des…
Francis LETELLIER : Est-ce que dans le contexte actuel...
Philippe BAPTISTE : Ayez en tête aussi que derrière il y a qui contribue, à travers l’impôt, au coût de la scolarité.
Francis LETELLIER : Est-ce que dans le contexte actuel, les étudiants algériens seront toujours les bienvenus en France ?
Philippe BAPTISTE : Je pense que dans ce contexte, cette question dépasse un tout petit peu les conditions de l’accueil…
Francis LETELLIER : Elle peut avoir des conséquences sur les visas...
Philippe BAPTISTE : Bien sûr, elle peut avoir des conséquences, mais en tous cas, du simple point de vue de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, aujourd’hui on a effectivement des étudiants algériens.
Francis LETELLIER : Et ils sont les bienvenus en France ?
Philippe BAPTISTE : Actuellement, ils sont toujours les bienvenus en France.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : On a parlé des étudiants, on va parler des chercheurs. Après les attaques sur le recherche de Donald Trump, après les coupes dans les crédits des universités américaines, le Gouvernement avait lancé un plan d’accueil des chercheurs américains. Emmanuel Macron avait même dit : « L’Europe doit être un refuge » Pouvez-vous nous dire combien de chercheurs américains ont été accueillis en France et où ?
Philippe BAPTISTE : En fait, vous vous rendez compte que c’était il y a deux mois …
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Début mai
Philippe BAPTISTE : C’est ça, trois mois, deux mois et demi, vous ne déménagez pas de Californie à Marseille, en lâchant votre job, en deux mois et demi. Ça, c’est bien clair. Aujourd’hui, on est dans un moment où on est en train de conduire les candidatures.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Est-ce qu’il y a de la demande ? Est-ce que vous avez beaucoup de demandes ou pas ?
Philippe BAPTISTE : Ah, oui ! Prenez l’exemple de Marseille, c’est plus de 1000 ou 1500 candidatures qui sont arrivées pour l’Université de Marseille.
Francis LETELLIER : 1500 candidatures pour combien seront retenues ?
Philippe BAPTISTE : Ça va dépendre, cela se fait en deux temps. D’abord, l’Université d’Aix-Marseille qui va sélectionner les candidats qui les intéressent, là-dessus, ils viendront nous proposer les dossiers, et on les cofinancera à hauteur de 50 %. Tout va prendre quelques mois, et c’est bien normal, vous vous rendez bien compte que si vous expatriez en Australie, à l’autre bout du monde, vous ne faites pas ça en un claquement de doigts.
Francis LETELLIER : Certains le font, ils ont parfois des surprises.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Emmanuel Macron avait promis à cette occasion 100 millions d’euros. Est-ce qu’ils ont été débloqués ? Et, à quoi servent-ils ?
Philippe BAPTISTE : Ils servent exactement à ce que je dis, c’est-à-dire qu’aujourd’hui quand le président d’Aix-Marseille Université vient avec sa dizaine, sa quinzaine ou sa vingtaine de candidatures de chercheurs avec son environnement, eh bien on les examinera et on les cofinancera à hauteur de 50%
Francis LETELLIER : Il n’y a qu’Aix-Marseille ?
Philippe BAPTISTE : Non, mais c’est l’exemple d’Aix Marseille. On pourrait parler de Centrale, de PSL... Aujourd’hui, je n’ai pas le chiffre en tête, on a une vingtaine ou une trentaine d’établissements qui sont motivés sur ces questions-là. Je ne suis pas inquiet sur le fait que cela va fonctionner ou pas, c’est sûr que cela va fonctionner, on a beaucoup de candidatures, c’est une vraie opportunité, c’est de l’argent en plus, il faut quand même le dire, c’est de l’argent qui vient en plus du budget que l’on a habituellement pour l’enseignement supérieur et de la recherche. Et au-delà de ça, il y a 500 000 euros qui viennent du niveau européen pour compléter ce dispositif.
Hugo au Perchoir, « streamer » politique et parlementaire sur Twitch, intervient également lors de l’émission, en relayant les questions de sa communauté : Monsieur le ministre, il y a une question dans le tchat, qui vient de Stéphane, c’est plutôt un témoignage, qui dit : « j’ai beaucoup de jeunes collègues et encore plus de CV qui débarquent des facs du Maghreb et la question que je me pose, est-ce qu’on ne pillerait pas les cerveaux de ces pays-là ? Études payées par leurs pays mais ils font de la richesse en France. Est-ce que vous comprenez ça ?
Philippe BAPTISTE : Je comprends parfaitement cette question. Elle est légitime. Dans le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur, la circulation des cerveaux est indispensable. On ne fait pas de la recherche juste entre Français, ou juste entre la France et l’Allemagne parce qu’on se ressemble assez pour avoir des échanges qui sont... Ce n’est pas vrai. La recherche est internationale. Donc, oui, effectivement, on a des étudiants qui viennent des pays du Sud et qui viennent massivement en France, et qui souvent repartent, très majoritairement repartent. On a des étudiants chinois, américain, qui viennent et qui repartent... Nous-mêmes, nous avons des étudiants et des chercheurs qui partent aux États-Unis et qui reviennent. Et ça, c’est normal. À la fin, quand on regarde le bilan de tout ça, c’est plutôt un bilan qui est favorable pour la France, je pense qu’il faut l’assumer clairement. La circulation des cerveaux, c’est bon pour la recherche.
Francis LETELLIER : Vous parliez d’argent tout de suite, on parle beaucoup de budget, juste une question de Rémi là-dessus, 40 milliards à trouver.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Pour la préparation du budget, dont on sait qu’il va être très difficile, est-ce que vous avez obtenu des garanties de François Bayrou sur le fait que la recherche et l’université ne seraient pas victimes de coupes budgétaires claires ?
Philippe BAPTISTE : Je pense déjà que si François Bayrou a des garanties à donner, c’est à lui de les donner, ce n’est pas moi qui vais faire des annonces à sa place, évidemment. Ce que je veux dire, c’est que nous avons des annonces devant nous, une loi de programmation de la recherche. Aujourd’hui, il y a quatre lois de programmation, qui sont : la défense, l’intérieur, la justice et la recherche. Pourquoi cette loi de programmation de la recherche ? La France investit 2,5 % de son PIB sur les dépenses de recherche, aussi bien la recherche publique que la recherche privée. C’est dramatiquement bas, dramatiquement bas. On est en position de décrochage. On reste une grande puissance scientifique, du fait de notre histoire, mais c’est très, très bas. L’Allemagne est à 3%, elle vise 3,5% Israël doit être à 5 ou 6%, la Suisse, pareil…
Francis LETELLIER : Donc, s’il doit y avoir des économies, ce n’est pas là-dessus qu’il faut les faire ?
Philippe BAPTISTE : Pourquoi je vous dis ça ? Ce n’est pas simplement pour défendre le budget du CNRS ou de tel laboratoire, etc., c’est parce que derrière la recherche, il y a l’innovation et l’industrie.
Francis LETELLIER : Donc, ce n’est pas le moment de faire de rogner sur ce budget-là ?
Philippe BAPTISTE : Eh non, bien sûr que non.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Et pas d’économie sur l’université non plus ?
Philippe BAPTISTE : Je reviendrai après. De toute façon je ne suis pas en train d’annoncer un budgétaires quelconque. Fondamentalement, cette question de la recherche, je pense que c’est un sujet dont on ne parle pas assez, on parle de beaucoup de choses dans l’hémicycle évidemment, et ça, je pense que c’est un sujet de fond, qui défini l’avenir de notre pays dans les dix-vingt ans qui viennent. Et si on veut penser à l’avenir de nos enfants, je vous donne un conseil : pensez à la recherche, pensez à l’innovation, parce que c’est l’industrie de demain.
Francis LETELLIER : Et ne faites pas d’économie là-dessus. C’est ce que Élisabeth Born à dit, c’est votre ministre de tutelle.
Philippe BAPTISTE : C’est vrai ? Vous voyez, on est tous d’accord.
Francis LETELLIER : Oui, elle a dit ça.
Philippe BAPTISTE : Mais bien sûr, je pense que c’est fondamental de garder une vraie ambition, absolument.
Francis LETELLIER : Il faut de l’argent.
Philippe BAPTISTE : La question est : est-ce qu’on veut une France innovante, une France d’industrie et de recherche ou est-ce qu’on veut simplement se contenter, c’est très bien aussi, d’une France des châteaux de la Loire ? J’adore les châteaux de la Loire, mais ça ne peut pas être que ça.
Francis LETELLIER : Ces derniers jours, des tensions sont apparues entre différentes tendances au sein du gouvernement. La tribune de Bruno Retailleau, votre collègue ministre de l’Intérieur, président des Républicains (LR), contre les subventionnements de l’éolien et du solaire, a notamment fait réagir dans les rangs macronistes.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : On vous a vu très en colère en réaction à cette tribune, pourquoi ?
Philippe BAPTISTE : Je ne suis pas très en colère, simplement, ce qui est fondamental, c’est que, si on revient sur les faits, aujourd’hui, une part de notre énergie est électrique. Demain, cette part va augmenter. Pourquoi ? Parce qu’on a tous envie de réduire notre dépendance aux hydrocarbures, pour les raisons que l’on connait tous : dépendance géostratégique, les coûts, l’instabilité, le CO2… On a envie de réduire tout ça. Donc, la part de l’électricité va augmenter. En passant à 30 % aujourd’hui des dépenses globales d’électricité, peut-être qu’à long terme, ou à moyen terme, elle sera à 50%. C’est un effort considérable. Est-ce qu’on peut couvrir ça simplement avec du nucléaire ? La réponse est simplement : non ! On n’en n’est pas capable aujourd’hui. On n’est pas capable aujourd’hui de construire suffisamment vite...
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Même avec la relance du nucléaire qui est prévue ?
Philippe BAPTISTE : Non, bien sûr que non, même en intégrant la relance du nucléaire, où déjà on mit à fond les manettes sur le sujet, et moi je suis le premier à le défendre ça. Je n’ai aucun problème avec le nucléaire, vraiment ausun.
Francis LETELLIER : Comment vous qualifiez la position de Bruno Retailleau ? C’est idéologique ? C’est dogmatique ?
Philippe BAPTISTE : Juste pour aller au bout. Une fois que vous avez fait ça, que vous avez fait le constat qu’on fait le maximum sur le nucléaire, si vous voulez quand même arriver à accroître en électrique, eh bien, ce n’est même pas une position d’être écolo ou pas écolo, le seul moyen que l’on a aujourd’hui, c’est d’utiliser en particulier l’éolien. Donc, c’est très pragmatique…
Francis LETELLIER : D’accord, quant à Bruno Retailleau, si vous êtes pragmatiques, c’est un idéologue, lui ?
Philippe BAPTISTE : Je pense qu’il a voulu répondre à un moment ou un autre, effectivement, à des sollicitations d’une partie de son électorat, probablement, sur le sujet. Ben, voilà !
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Est-ce que ça pose une question in fine, d’ailleurs certains la posent, Emanuel Macron a dit : « On a demandé aux ministres de s’occuper de leurs dossiers à eux », est-ce que vous considérez, comme Laurent Saint-Martin, par exemple … Est-ce que ça vous gêne finalement qu’il reste au Gouvernement ?
Philippe BAPTISTE : Non, moi, je crois fondamentalement à la parole du Président de la République. Je crois qu’effectivement, il faut qu’on reste focus sur nos dossiers. Moi, je me permets de m’exprimer sur le sujet, parce que derrière, il y a de la science, de la technologie, et il y a simplement quelque part un rappel à la réalité techniques des faits.
Francis LETELLIER : Un rappel de la réalité technique à destination de Bruno Retailleau.
Philippe BAPTISTE : Une réalité bêtement techniques faits, c’est qu’on a besoin évidemment du nucléaire, mais on a besoin de toutes les autres énergies.
Bérangère BONTE, journaliste à France Info : Est-ce que votre désaccord va poser un problème à un moment ?
Philippe BAPTISTE : Je pense que tout ça, est derrière nous aujourd’hui.
Francis LETELLIER : Déjà ? Cela fait que trois jours ce n’était pas la peine d’en parler…
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Sur un autre sujet, la loi contre l’antisémitisme à l’université été adoptée le 04 juillet, est-ce qu’il y a beaucoup de cas avérés ? Vous les avez quantifiées ?
Philippe BAPTISTE : Oui, on a une cinquantaine de cas avérés à l’université qui remontent. Moi, je suis très vigilant sur le dernier mot que j’ai prononcé, « qui remontent », parce que c’est malheureusement c’est le somment de l’iceberg qui dépasse et qu’à côté de ça, quand on interroge des jeunes, qui sont juifs à l’université, ils nous expliquent à une écrasante majorité, qu’à un moment ou un autre, ils ont été mal à l’aise ou ils ont subi des remarques, ou des faits antisémites. Donc, les cas avérés, c’est un élément, mais ça ne suffit pas. Il faut être totalement intransigeant sur cette question-là. L’antisémitisme n’a pas sa place à l’université, et la loi qui a été adoptée, elle donne les moyens au président de l’université de lutter efficacement pour des sanctions contre ce délit.
Rémi CLÉMENT, journaliste politique au magazine Challenges : Pourquoi une nouvelle loi ? Il y a eu beaucoup de lois adoptées ces dernières années, contre le racisme, l’antisémitisme, pourquoi il a fallu cette nouvelle loi ?
Philippe BAPTISTE : La mesure de plus, parce qu’aujourd’hui, on a constaté que les mesures disciplinaires arrivaient beaucoup trop tard, et elles n’étaient souvent pas prises de manière très efficace.
Francis LETELLIER : Est-ce qu’à l’inverse elles ne peuvent pas être trop arbitraires ? Trop rapides ?
Philippe BAPTISTE : Non. Je crois que ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui.
Francis LETELLIER : Est-ce qu’elles – les sanctions – pourraient ne pas devenir trop rapides et trop arbitraires ? Il n’y a pas de risques ?
Philippe BAPTISTE : Non, parce que derrière, il va y avoir un juge administratif qui va être en charge de présider cette commission. C’est une garantie extrêmement forte. Puis, à côté de ça, vous avez des procédures d’appel. Donc, tout ça, est quand même très, très encadré. Je n’ai aucun doute là-dessus. Je pense qu’o ne peut pas attendre des années pour prendre une sanction disciplinaire dans un établissement, ça n’a aucun sens.
Francis LETELLIER : Qu’est-ce que vous visez précisément, au-delà de la violence, bien entendu ? Stéphanie, notamment sur ce sujet.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : On entend des craintes du côté de La France insoumise (LFI), qui a déposé un recours au Conseil constitutionnel, en estimant que cette nouvelle loi pourrait restreindre la liberté d’expression des étudiants, leur mobilisation, notamment en soutien à la Palestine. Est-ce qu’il n’y a pas un risque là ?
Philippe BAPTISTE : Non. D’abord, c’est une commission disciplinaire qui applique quelque part les règlements intérieurs et qui applique le droit, elle est présidée par un juge administratif. Il y a des instances d’appel. Tout ça, est parfaitement encadré. Enfin, je m’en remets évidemment à la sagesse du Conseil.
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Sur un autre sujet, vous étiez au conseil national de défense, à propos de ce rapport sur l’entrisme des Frères musulmans dans le pays. Est-ce qu’il y a de l’entrisme des Frères musulmans à l’université française ?
Philippe BAPTISTE : À l’université, nous avons… À la fois, il faut être hyper vigilant et vérifier que ce qui s’y passe est conforme au droit, est conforme à la loi, et être systématiquement extrêmement ferme, quand on a des débordements, ou qu’il y a des choses qui ne sont pas… Ça, c’est clair. Après, oui, on a des universités qui sont très politisées, ou plutôt des départements d’universités, de petits morceaux d’universités qui sont à la fois très visibles, parce que c’est souvent des Instituts d’études politiques…
Francis LETELLIER : Mais, politisé, ce n’est pas un délit…
Philippe BAPTISTE : Non. Ils sont très politisés, parfois, ils vont très, très loin, il y en a même qui sont militants, parfois il y a de l’agressivité, et parfois ça dérape jusqu’à des blocages qui peuvent être un peu violents…
Stéphanie DEPIERRE, journaliste LCP : Mais, est-ce que c’est de l’entrisme ??
Philippe BAPTISTE : Il y a une histoire autour de ça…
Francis LETELLIER : Il n’y a rien de nouveau là-dessus.
Philippe BAPTISTE : Il n’y a rien de nouveau là-dessus, ça nous ramène Khmers rouges… Il y a toute cette histoire qui est là. D’ailleurs, c’est les mêmes universités, et c’est les mêmes départements, ça n’a pas changé. À côté, il y a des gens effectivement, qui sont très sensibilisés aux questions des diversités, en particulier, à la manière dont les diversités sont ressenties par les communautés religieuses, en particulier la communauté musulmane. Bon, maintenant est-ce que derrière tout ça, il y a un amalgame qui est fait par certains en parlant d’islamo-gauchisme ? Ce terme-là n’existe pas en terme universitaire, il n’est même pas défini. Donc, cette notion n’existe pas. J’ai envie de dire autant oui, il y a des abus, il faut être vigilant, autant, se dire qu’il y a un mouvement qui est conçu pour prendre le pouvoir au sein des universités, un mouvement islamo-gauchiste, qui serait là en train d’essayer de prendre le pouvoir au sein de telle ou telle université, non, je ne crois pas que cela soit la réalité. On est très vigilant, ce que je veux, c’est…
Francis LETELLIER : Quand on dit islamo-gauchiste, comme disait Stéphanie, cela ramène aux Frères musulmans. Il n’y en a pas, ça n’existe pas au sein de l’université ?
Philippe BAPTISTE : En tous cas, pas de manière structurée et visible. On peut évidemment avoir des cas, je n’ai aucun doute là-dessus, et je pense que pour ces cas-là, il faut être extrêmement ferme. Mais à côté de ça, moi, mon travail c’est aussi avoir une vraie liberté d’expression au sein de l’Université française.
[à suivre]