Fabrique de sens
 
Accueil > Oreille attentive > Transcriptions d’émissions de France Culture > Théorie de la reconnaissance avec Axel Honneth

Théorie de la reconnaissance avec Axel Honneth

« La suite dans les idées », émission du 2 janvier 2010, « Théorie de la reconnaissance » avec Axel Honneth, philosophe et sociologue, professeur à l’université J.W Goethe (où il a succédé à Jürgen Habermas), directeur de l’Institut pour la recherche sociale.

Une transcription réalisée par Maryse Legrand, psychologue clinicienne.

Merci de me signaler toute erreur ou coquille relevée lors de la lecture de ce document, en écrivant à maryselegrand@orange.fr. Voir aussi www.institut-espere.com

Présentation de l’émission sur le site de France Culture : Contribuer à alimenter le débat public par les travaux les plus récents des sciences humaines et sociales : tel est l’objectif de « La suite dans les idées ». Chaque samedi, La suite dans les idées rebondit sur l’actualité des débats intellectuels et invite un chercheur à présenter ses réflexions ou ses travaux.

L’équipe :

 Production : Sylvain Bourmeau

 Réalisation : Jean-Christophe Francis

 Attachée de production : Anne-Catherine Lochard

Sylvain Bourmeau : « La suite dans les idées », Sylvain Bourmeau, 1000 vœux tout d’abord pour cette nouvelle année 2010. Une suite dans les idées qui commence avec un invité exceptionnel aujourd’hui, Axel Honneth, qui est philosophe et sociologue allemand, professeur à l’Université de Francfort et directeur de l’Institut für Sozialforschung, l’Institut de recherche sociale de Francfort, célébrissime institut, lieu historique de la tradition critique dont nous parlions il y a quelques semaines ici, avec Franck Fischbach. Axel Honneth qui a remplacé à la tête de cet Institut celui qui fut son directeur de recherche, Jürgen Habermas, Institut où ont travaillé avant lui Walter Benjamin, Horkheimer ou encore Adorno, par exemple. J’ai profité de la présence à Lyon, il y a quelques semaines, d’Axel Honneth, venu dialoguer à l’invitation de la Villa Gillet de l’Université Lyon 2 avec Luc Boltanski, pour lui poser quelques questions sur son travail théorique et en particulier sur cette théorie de la reconnaissance qu’il a bâtie pour revigorer en quelque sorte, la tradition critique de Francfort. Axel Honneth, bonjour, vous êtes professeur, je le disais à l’Université de Francfort. Vous dirigez ce haut-lieu de la théorie critique qu’est l’Institut de recherche sociale mais je voudrais justement, pour commencer cet entretien, vous demander dans quel état, selon vous, se trouve aujourd’hui la théorie critique ? Quel diagnostic faites-vous ? Est-ce qu’elle est, cette théorie critique, dans une bonne période ?

Axel Honneth [1] : Elle pourrait traverser de meilleurs moments en fait. La première chose qu’il convient de remarquer c’est qu’il faut désormais parler des théories critiques au pluriel. Il y a eu un temps, au début du XXème siècle où il n’y avait qu’une forme de théorie critique, qui venait du marxisme et de l’hégélianisme de gauche et qui était parvenue à proposer un nouveau modèle de pensée critique. Aujourd’hui, ce que nous appelons la critique de la société prend des formes totalement différentes. Il y a des formes de critique comme celles d’un Michael Wächter ou bien Charles Taylor, des formes plus radicales, venues du poststructuralisme, en France notamment. L’univers des modèles de la critique est immense et la théorie critique n’est donc que l’une des traditions critiques. Dans la situation actuelle, avec une telle crise profonde du capitalisme, elle devrait être dans une meilleure position, notamment par rapport à la jeune génération qui ne s’intéresse peut-être pas à la théorie critique mais a besoin d’une critique de ce type de société. Mais, en fait, dans ces cercles d’étudiants et surtout, parmi ceux qui n’ont pas de lien avec l’univers académique, son influence n’est pas très forte. Cela tient à la forte dépolitisation que nous connaissons, au moins en Allemagne. La théorie critique n’y a pas grande influence sur le débat public.

Sylvain Bourmeau : Alors, à partir de cette tradition critique, Axel Honneth, et notamment à partir de Jürgen Habermas, vous avez développé votre propre théorie, ce que vous appelez la théorie de la reconnaissance. Est-ce que vous la pensez comme l’une des multiples théories critiques dont vous parliez précisément à l’instant ?

Axel Honneth : Bien sûr, je pense que c’est l’une des approches possibles de la critique aujourd’hui. Ce dont je suis parti c’est de l’idée de s’intéresser aux motivations de la critique pratique et ces motivations, je les ai trouvées davantage dans les sentiments d’injustice et dans les sentiments de n’être pas respecté et de n’être pas reconnu. C’était le point de départ. L’idée qu’on ne doit pas penser à la contestation ou à la critique sociale en termes de motivation utilitaire, maximisation de sa situation ou de ses ressources financières mais en termes de reconnaissance et de manque de respect. Et, après avoir réalisé cela, je suis retourné à Hegel, qui est donc à la source de mon travail critique personnel. C’était déjà une manière de m’inscrire dans la tradition de la théorie critique puisque Hegel y a toujours joué un rôle important. Mais je suis revenu au jeune Hegel chez lequel il y a l’idée que les sociétés s’établissent à travers les luttes pour la reconnaissance, entre des groupes en lutte pour le respect de leur propre conscience. C’est l’idée originale de Hegel que j’ai développée pour forger un concept de société qui me permet de montrer que notre société, comme toutes les sociétés, est organisée autour de ce que j’appelle des sphères de reconnaissance, ce qui signifie qu’elles incluent leurs membres en établissant des sphères dans lesquelles les membres ont la possibilité d’accéder à une reconnaissance mutuelle. Ça ne veut pas dire nécessairement une reconnaissance symétrique ou égale. Par exemple, dans les sociétés esclavagistes on n’avait pas de reconnaissance symétrique mais le mécanisme d’inclusion des gens reste une sphère de reconnaissance. Dans les sociétés modernes ou pour nos types de sociétés, j’ai distingué trois sphères différentes. Une sphère totalement nouvelle lorsqu’on regarde les choses dans une perspective historique est la sphère de l’amour : la vie privée dans laquelle les gens sont autorisés à se reconnaître en fonction de leurs besoins spécifiques. C’est nouveau car dans les sociétés antérieures cette sphère n’était pas libre d’autres contraintes, d’autres intérêts. Une autre sphère que j’essaie d’identifier est celle du marché qui est une rupture historique, l’établissement d’une sphère de reconnaissance mutuelle. Je devrais plutôt d’abord évoquer la sphère du respect légal car le marché n’en constitue qu’une partie. Cette sphère est établie par le droit moderne et elle permet à chacun de se reconnaître mutuellement comme une personne autonome et cette sphère est en conflit permanent pour savoir qui est inclus dans le système des droits égaux, qui est exclu, comment devons-nous exactement comprendre le sens des droits subjectifs, positifs ou égaux. La troisième sphère que j’essaie de distinguer de celle du respect légal est donc celle du marché que j’évoquais à l’instant. Une sphère dans laquelle les gens sont supposés se reconnaître mutuellement pour leurs capacités respectives. Et de là, j’essaie d’identifier les conflits de notre époque que je décris comme des conflits pour la reconnaissance.

Sylvain Bourmeau : Vous avez mentionné Axel Honnet, votre retour à Hegel mais de façon classique aussi pour la théorie critique, vous utilisez la philosophie, certes, mais également les sciences sociales et vous avez été très influencé aussi par quelqu’un comme Georges Herbert Mead pour bâtir votre théorie, est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi ?

Axel Honneth : Oui, j’ai rapproché différentes traditions, différentes sources théoriques. Georges Herbert Mead a été très influent pour moi car il fut celui, dans la tradition américaine du pragmatisme, qui a montré que nous ne pouvons développer une conscience de soi qu’à la condition d’une reconnaissance mutuelle. Ce qui veut dire que c’est seulement dans le miroir de l’autre que nous pouvons réaliser notre propre conscience et notre propre identité. Le développement humain dépend de ces formes de reconnaisse mutuelle. Et Georges Herbert Mead essaie d’identifier différentes sphères dans sa propre société dans lesquelles différentes formes de reconnaissance sont à l’œuvre, ce qui le conduit ainsi à distinguer l’estime de soi du respect de soi, ce qui est très important pour moi. L’idée forte derrière cela, c’est que sans ces formes de reconnaissance de soi personne n’est en mesure de participer de manière libre et sans contrainte à la formation politique d’une société. Il faut donc certaines conditions sociales, l’établissement de certaines formes de respect mutuel pour que les gens puissent intervenir dans le public sans crainte, sans douleur et sans contrainte. C’est l’idée normative au centre de cette théorie. C’est assez proche d’Adorno dans la tradition de Francfort, qui a souvent dit que la liberté c’est d’être sans anxiété en public. De ce point de vue, je crois que j’essaie d’élaborer sur cette idée de la tradition de Francfort, j’essaie de la développer avec d’autres instruments et d’autres moyens. C’est aussi se départir d’Habermas qui restreint trop son modèle à un certain niveau seulement de ces formes de relation : le niveau du respect de soi qui peut découler de formes de communication. Alors que je pense qu’il existe d’autres niveaux de reconnaissance dont les gens ont besoin pour être vraiment libres en public. Et Habermas a tendance à exclure ces autres dimensions.

Sylvain Bourmeau : Alors Axel Honneth, on se demande en vous lisant si il reste au fond quelque chose du marxisme dans le travail.

Axel Honneth : C’est toujours une question clé, on me la pose souvent. Ça dépend un peu de quel Marx on parle. Chez le jeune Marx vous avez d’assez nombreuses motivations pour la reconnaissance et, certains tentent de le montrer clairement. C’est le Marx avant qu’il développe sa critique de l’économie politique. Le jeune Marx chez lequel on trouve l’idée que la seule forme justifiée de production des sociétés humaines serait une sorte de coopération dans le cadre de laquelle on reconnaitrait l’autre de différentes manières c’est-à-dire en le prenant au sérieux comme consommateur, en le prenant au sérieux comme coopérateur etc. Il y a donc clairement ces motivations pour la reconnaissance dans ses premiers travaux et ensuite c’est intéressant de voir comment ses intuitions sur la reconnaissance mutuelle jouent un rôle dans sa critique de l’économie politique. Cela joue un rôle mais pas toujours très clair. L’idée principale consiste à dire que sont problématiques les formes d’organisation économico-politiques qui interdisent ces formes de reconnaissance mutuelle. C’est une critique du Marx plus tardif. De ce point de vue, il y a un élément de marxisme dans mon travail. L’autre raison c’est qu’il y a l’intuition que le capitalisme sans régulations se développe dans une direction qui fragilise profondément ces conditions de reconnaissance mutuelle. En ce sens, il y a une relation et même si elle n’est pas très forte et que je ne peux pas me définir comme un marxiste orthodoxe, mais il y a bien des éléments de marxisme dans mon travail.

Sylvain Bourmeau : L’une des critiques qui vous a été adressée, qui vous est adressée assez régulièrement Axel Honneth, c’est que votre travail fait partie au fond, de cette montée en puissance d’une politique identitaire et du coup, qu’il a tendance à négliger la question de la redistribution. À ce propos vous avez eu, et peut-être vous avez encore, un long débat critique avec la philosophe américaine Nancy Fraser.

Axel Honneth : C’est une question très importante. Ce serait un désastre si la critique sociale sous-estimait la question des ressources matérielles, celle des inégalités de distribution des biens matériels. C’est la facette la plus obscène de nos sociétés et cela s’aggrave, en plus. En Allemagne par exemple, le fossé entre les très riches et les très pauvres s’est creusé et la situation économique des classes populaires est moins bonne qu’il y a vingt ans. Il faut prendre cela très au sérieux et le placer au centre de tout type de théorie critique. Ma manière de les prendre en compte diffère des manières habituelles qui raisonnent en termes de redistribution. J’essaie de me demander ce que signifie toute cette idée de redistribution. Elle signifie que nous avons des critères légitimes qui permettent cette redistribution, cela signifie prendre aux riches pour donner aux pauvres ou aux classes moyennes. La question est alors toujours, celle des principes normatifs auxquels on se réfère pour ce qu’on propose comme instrument(s ?) ou moyen(s ?) de redistribution et là encore, je pense que ça s’enracine dans certains principes de reconnaissance établis dans les sociétés modernes. La manière de défendre la redistribution passe par une référence à la sphère du respect légal en disant que pour faire appel à certains droits, il est nécessaire de disposer de certaines ressources matérielles. C’est la stratégie de défense des droits sociaux qui est à la base de nos États-providences en France, en Allemagne ou en Angleterre, sans doute moins aux Etats-Unis mais nous, dans nos pays d’Europe nous avons des droits sociaux forts mais ces droits sociaux sont un élément de cette sphère légale de la reconnaissance. C’est le produit d’un élargissement du respect légal pour y inclure un aspect matériel et en ce sens, rendre le respect légal plus égal. L’autre manière de soutenir l’idée d’une redistribution serait de dire que certaines capacités ou certaines réalisations qui sont présentées dans notre système productif sont simplement sous-estimées par les idéologies qui fonctionnent dans nos sociétés, par exemple il y a certains types de travail qui sont totalement sous-estimées dans leurs potentialités productives et là encore, on voit que l’idée de redistribution s’enracine dans une autre forme de reconnaissance, la reconnaissance de l’accomplissement des individus ou de groupes sociaux. En ce sens, la redistribution n’est que la surface d’autres principes normatifs qui sont enracinés dans les principes de reconnaissance donc en ce sens, j’attaque ceux qui insistent sur la différence entre reconnaissance et redistribution. Ils commettent une grave erreur de catégorie parce qu’ils ne voient pas que la redistribution est une autre forme de la juste reconnaissance des autres.

Sylvain Bourmeau : Axel Honneth on a évoqué cette critique à propos de la redistribution mais il y a une autre critique qu’on entend à propos de votre travail de plus en plus, c’est l’idée qu’au fond, porter trop d’attention à la reconnaissance ou au respect a pour conséquence le désir, pour de plus en plus de gens, de se présenter comme des victimes, d’où, ce à quoi on assiste parfois, c’est-à-dire une véritable concurrence des victimes. Que répondez-vous à cette critique ?

Axel Honneth : C’est une question compliquée. Je ne pense pas que ce soit lié de manière directe à l’idée de reconnaissance. Cela dépend un peu des luttes, de ce que sont les objets légitimes de la reconnaissance. La question est donc : « Est-ce que le simple fait d’être victime est un objet légitime de forme spécifique de reconnaissance ? » Je sais que ces questions font l’objet de luttes, on ne peut pas l’éviter mais il ne faut pas leur donner trop de place. C’est une nouvelle culture qui s’est développée et qu’il faut, comme sociologue, tenter d’expliquer. Comme il est possible que tant de gens essaient d’obtenir le statut de victime pour obtenir une certaine reconnaissance ou un certain respect social, cela me semble davantage la signature d’une société qui n’est plus capable de donner suffisamment d’autres formes de reconnaissance sociale à ses membres. C’est déjà le signe d’une certaine pathologie. Le fait que tant de gens tentent d’accéder aux média pour se présenter comme victimes par exemple. C’est le signe d’une pathologie qui résulte du fait que de plus en plus de gens sont exclus des formes plus établies de reconnaissance sociale que ce soit au travail, par rapport à son statut légal ou dans sa famille. Il y a une disparition des formes établies de reconnaissance pour beaucoup de gens. Cette quête du statut de victime prend donc la forme d’une sorte de compensation : en étant une victime on est reconnu. Je le prends donc pour le signe d’un changement de nos sociétés et de nos cultures.

Sylvain Bourmeau : Je crois que votre dernier programme de recherche Axel Honneth, c’est d’essayer de comprendre les transformations récentes du capitalisme ? Vous avez récemment proposé ce programme de recherche à l’Institut que vous dirigez à Francfort. De quoi s’agit-il exactement ?

Axel Honneth : Oui, c’est une idée que j’ai proposée pour un nouveau programme pour l’Institut de recherche sociale. Pour le dire très rapidement, il s’agit de dire que nous sommes dans une nouvelle étape du développement du capitalisme. Le virage néolibéral qui a transformé le capitalisme lui-même, le capitalisme a développé des idées qui étaient déjà enracinées dans nos sociétés, par exemple l’idée de liberté et de réalisation de soi. Mais ces idées ont été développées de telle manière qu’elles fonctionnent désormais contre leur contenu normatif. Au lieu de libérer les personnes en leur permettant d’accéder à cette réalisation de soi, de nouvelles motivations ont été créées qui imposent de nouvelles dérégulations, de nouvelles formes de flexibilisation du travail. Il y a donc un paradoxe normatif dans cette récente phase du capitalisme. Toutes ces notions normatives, de la liberté, du respect à la réalisation de soi, sont proposées quasi idéologiquement par le système lui-même mais elles fonctionnent comme un mécanisme d’accroissement des forces productives comme l’idéologie de cette phase capitaliste nouvelle. C’est assez proche des analyses de Luc Boltanski je crois, qui ne travaille pas avec des notions comme l’idéologie mais c’est l’idée que certaines notions normatives produisent en fait l’inverse de ce qu’elles sont supposées produire.

Sylvain Bourmeau : Merci beaucoup Axel Honneth, d’avoir répondu à mes questions pour « La suite dans les idées ». On trouve toutes les références bibliographiques de vos livres traduits en français, publiés aux éditions Gallimard, aux éditions de La découverte, notamment sur la page de La suite dans les idées.


Des livres signalés sur le site de l’émission

 Axel Honneth, « La lutte pour la reconnaissance », Éd. du Cerf, 16 février 2000.

4e de couverture : La philosophie sociale moderne, depuis Machiavel et Hobbes, présuppose un rapport d’hostilité entre des individus désireux de s’assurer une place au soleil ou plus simplement de garantir les conditions de leur survie. La société ne serait rien d’autre qu’une collection d’individus. La fonction de l’État, dans ce contexte, consiste à neutraliser leur antagonisme. La morale se trouve ainsi instrumentalisée.

Le jeune Hegel se démarque de cette tradition en cherchant à comprendre les conflits humains dans la perspective d’une demande de reconnaissance. Il met ainsi en lumière la dimension morale inhérente à tout affrontement et reconstruit l’évolution sociale selon une succession de luttes réelles ou symboliques, dans lesquelles l’individu ne cherche pas tant à supprimer ou à abaisser son adversaire qu’à être reconnu par lui dans son individualité. L’amour, le droit, la solidarité offrent les cadres successifs où s’inscrit, à mesure que s’enrichissent les rapports humains, ce lien de reconnaissance.

La psychologie sociale moderne permet de reprendre cette approche pour l’enraciner dans les mécanismes de formation de la personnalité humaine (les travaux de G. H. Mead et de D. Winnicott en particulier). En distinguant trois formes de mépris - l’atteinte physique, l’atteinte juridique et l’atteinte à la dignité de l’individu -, correspondant aux stades de développement du rapport de reconnaissance, Axel Honneth se dote d’un outillage conceptuel qui lui permet d’articuler une véritable « grammaire morale des conflits sociaux », fondée sur une théorie intégrée de l’homme et de la société. Ce faisant, il nous met aussi entre les mains un précieux instrument critique.

 Axel Honneth, « Les pathologies de la liberté : une réactualisation de la philosophie du droit de Hegel », Éd. La Découverte, 25 septembre 2008.

4e de couverture : À certains égards, une grande partie de la philosophie politique de la seconde moitié du XXe siècle a vu un « retour à Kant », notamment sous l’impulsion de Jürgen Habermas et de John Rawls, qui conduit à des conceptions très formelles des problèmes de philosophie politique.

Réagissant à cette tendance dominante, Axel Honneth montre qu’il est non seulement possible mais aussi souhaitable de réintroduire la pensée politique de Hegel au sein des débats qui animent la théorie politique et sociale contemporaine. À ses yeux, elle permet une contextualisation sociale des principes de justice et d’offrir un cadre institutionnel aux principes abstraits du droit moderne et de la morale.

Dans ce livre, le philosophe Axel Honneth propose une interprétation radicalement nouvelle des Principes de la philosophie du droit, la principale oeuvre de philosophie politique écrite par Hegel. Cette réactualisation permet de déterminer le rôle et de délimiter la place du droit dans le fonctionnement social. Mais surtout, dans un contexte d’individualisation croissante des sociétés contemporaines, elle permet de reconnaître pleinement le principe de l’individualisme moderne, mais aussi d’en identifier et d’en corriger les dérives pathologiques.

 Axel Honneth, « La société du mépris : vers une nouvelle théorie critique », Éd. La Découverte, 28 août 2008

4e de couverture : Les individus ont souvent - et à raison - le sentiment de vivre dans une société du mépris. Ils perçoivent que l’accroissement des possibilités de réalisation de soi conquises au cours du XXe siècle donne lieu aujourd’hui à une récupération de ces idéaux par le néolibéralisme. N’est-ce pas là un paradoxe ? Comment expliquer que les progrès des décennies passées soient à ce point détournés pour légitimer une nouvelle étape de l’expansion capitaliste ? Comment, à l’inverse, concevoir une théorie critique de la société lorsque les exigences d’émancipation dont elle se réclame se muent en idéologie ?

Autant de questions abordées ici par Axel Honneth, à la lumière d’une pensée profondément originale. Inscrit dans le sillage de la philosophie sociale de l’École de Francfort dont il est un des représentants contemporains majeurs, il s’emploie surtout à mettre au jour les « pathologies sociales » du temps présent, qu’il analyse comme des évolutions affectant les conditions fondamentales d’une vie sociale réussie. Cette démarche s’inscrit au plus près de l’expérience sociale des sujets sociaux soumis au mépris et s’articule avec force à une morale de la reconnaissance.

Ce livre traduit un effort rigoureux pour concevoir une nouvelle théorie critique de la société offrant des perspectives précieuses pour affronter certains enjeux politiques et sociaux majeurs du XXIe siècle.

notes bas page

[1Axel Honneth s’exprime en anglais. Il s’agit ici d’une traduction simultanée



Haut de pageMentions légalesContactRédactionSPIP