Vingt années d’activités du Palais de la Découverte
André Léveillé
Paris le 19 septembre 1957
Après 20 années d’existence, de multiples essais et de constantes observations, il a été possible de tirer des conclusions sur les avantages de l’organisation de base et des multiples améliorations qui y ont été apportées. L’idée première qui consistait en principe à mettre la science à la portée de tous, a été accueillie, non seulement avec intérêt, comme on l’espérait, mais on peut dire, avec enthousiasme. Les résultats concluants des six premiers mois d’expérience en 1937, avaient permis de recueillir en France et à l’Étranger l’approbation des milieux scientifiques les plus sévères, des professeurs des Lycées et des Écoles. L’intérêt suscité dans le grand public, les vœux émis par les plus importants congrès qui s’étaient tenus à Paris en 1937, et enfin l’attrait exercé sur tous les jeunes, aboutirent à la transformation du Palais de la Découverte en un Établissement d’État définitif.
En vérité, il y avait deux causes principales à ce succès, la première, c’est le crédit, la confiance accordés de plus en plus à la Science et la curiosité qu’elle éveille chez les hommes de toute culture. Ensuite, c’est qu’une forme nouvelle de présentation avait été trouvée : montrer la Science active, par la répétition, à une échelle parfois spectaculaire et toujours rigoureuse, des expériences fondamentales qui sont à la base du progrès humain, auxquelles s’ajoutaient les montages et les commentaires sur les récents travaux des savants. C’était une rupture totale avec les modes de présentations des Musées techniques, qui en général, quoique nous ayons regret à le dire, ne sont souvent que des nécropoles, contenant d’incomparables trésors, mais laissant la plupart des visiteurs indifférents ou déçus.
Dans les années qui suivirent, et même pendant la période de guerre, les formes de présentations du Palais de la Découverte, améliorées et développées ont abouti aux conclusions : qu’un souci artistique était favorable à une présentation scientifique, à condition que celle-ci gardât toute sa rigueur ; que la couleur générale contribuait à mettre le visiteur dans un certain état de réceptivité, et que la variété de ces couleurs évitait une sorte d’engourdissement et diminuait sa fatigue ; que les images éveillaient sa curiosité, retenaient son attention et pouvaient, avec des textes judicieux et courts, le conduire à mieux comprendre le but des expériences, dont l’intérêt était encore accru par le fait qu’elles étaient réalisées par des démonstrateurs fournissant des commentaires, appropriés au niveau de culture des visiteurs.
On a pu remarquer qu’il y avait 3 grandes catégories de visiteurs ; la première, celle des gens qui se promènent, sans culture préparatoire et dont il faut néanmoins retenir l’attention, afin d’éveiller le désir de connaître.
La deuxième, les visiteurs ayant reçu une bonne éducation moyenne et qui ont gardé une curiosité intellectuelle, qu’elle soit littéraire, artistique ou scientifique et toujours désireux d’augmenter leurs connaissances.
Et enfin, la troisième et la plus importante, celle des étudiants, élèves ou groupes scolaires. Pour cette dernière catégorie, une organisation spéciale a été réalisée.
Les étudiants et élèves des écoles sont admis gratuitement en groupes, sous la direction de leurs Professeurs, et ils trouvent ainsi un complément d’enseignement vivant, sous une forme attractive qui les délasse de la salle de cours, et complète l’enseignement normal qui leur est donné chaque jour.
Le Palais de la Découverte comportait, dès l’origine, six sections : Mathématiques, Astronomie, Physique, Chimie, Biologie, Sciences Médicales. Chacune d’elles a un Comité Scientifique qui permit d’établir les programmes avec le concours de nombreux savants. En 1950 une section d’Histoire des Sciences fut ajoutée. Elle comprend les départements : Langage - Écriture, Histoire du Nombre, Histoire de l’Atome, Histoire de la Lumière, Histoire de la Cellule, Histoire des Systèmes de l’Univers. Enfin le Palais de la Découverte est en train d’achever les travaux d’installation d’un département d’Énergie Nucléaire. Il a obtenu le concours puissant du Commissariat à l’Énergie Atomique et la participation du Canada, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’U.R.S.S. On y trouve, non seulement, les maquettes des différents types de réacteurs, mais aussi des exemples des applications de cette nouvelle énergie dans les domaines scientifique, industriel, biologique et médical. Comme dans les autres sections du Palais de la Découverte des expériences de laboratoire seront réalisées sous les yeux du public par des démonstrateurs qualifiés.
Au Palais de la Découverte, il n’y a pas substitution d’enseignement, il y a complément. Les visiteurs ont à leur disposition 400 expériences en état de marche, mais cette organisation a été perfectionnée par l’établissement de programmes qui permettent, à la demande des Professeurs et sur préavis, de faire des montages spéciaux d’expériences en concordance avec leurs cours, et répondant aux programmes du brevet, brevet supérieur et baccalauréats.
Le public et les élèves ont également à leur service une salle de cinéma où sont projetés des films scientifiques. Chaque semaine, d’Octobre à Juillet, des professeurs éminents font des conférences d’une très haute tenue scientifique, tout en s’efforçant de les rendre accessibles à une large audience.
Enfin, depuis 1952 un magnifique Planétarium a été ouvert au public. L’acoustique est la meilleure, dit-on, de tous les Planétariums existant au monde. Des programmes très variés sont établis chaque mois. Des séances spéciales en langue anglaise sont organisées sur demande.
Une autre activité du Palais de la Découverte est consacrée à l’organisation d’Expositions temporaires qui ont toujours de très grands retentissements. Elles ont l’avantage de faire connaître, soit une grande découverte, soit l’œuvre et la vie de grands savants français ou étrangers et la conséquence de leurs travaux, qui ont parfois pris un caractère de révolution économique et sociale. Ces expositions ont l’avantage, outre leur utilité scientifique, de susciter un intérêt nouveau et d’augmenter la curiosité des visiteurs qui savent qu’elles ne doivent durer qu’un temps limité.
Si le Palais de la Découverte est une création française, il tient, dans ses programmes et ses présentations, à être toujours animé d’un esprit international et à rendre un équitable hommage aux Savants, quelles que soient leur origine, leur race et leur culture.
Là ne se limitent pas encore les activités de cet Établissement. Il organise aussi des expositions à l’étranger. Une exposition qui est le résumé d’un Musée scientifique, avec textes et expériences, a déjà voyagé à l’étranger : Belgique, Luxembourg, Yougoslavie, Brésil, Égypte, Grèce, Israël. Elle repartira en Turquie, Tchécoslovaquie, Pologne, etc. Partout le succès a été considérable. Il est certain qu’après avoir accueilli cette exposition, les villes ont modifié leurs Musées et en ont même créé, organise aussi des expositions à l’étranger.
On a beaucoup parlé des moyens audiovisuels qui utilisent les enregistrements sonores, les projections, le cinéma sous ses différentes formes. Il est incontestable que ces méthodes complémentaires ont donné de bons résultats, quoiqu’il ait été fait quelques réserves, mais ces instruments, qui sont d’ailleurs utilisés au Palais de la Découverte, ne peuvent pas à. eux seuls donner des résultats aussi excellents que les moyens muséographiques dont il a été parlé.
Quels ont été les résultats sur les 3 catégories de visiteurs ? Il est impossible d’en faire la longue énumération, mais on peut affirmer, avec preuve à l’appui, que des vocations se sont révélées au Palais de la Découverte, parmi les personnes que leur origine et leur éducation ’première ne semblaient pas destiner à la science.
En ce qui concerne leurs élèves, les Professeurs ont fait des déclarations précises : « des classes, dans lesquelles les élèves paraissaient tout à fait médiocres, après quelques visites au Palais de la Découverte, montaient à la verticale » :
Visites scolaires en 1955 : 1. 586 groupes représentant 42. 403 élèves
Visites scolaires en 1956 : 1. 661 groupes représentant 45.009 élèves
S’il est juste et nécessaire de mettre en valeur les résultat indiscutables obtenus dans les milieux scolaires, il ne faut pas négliger ceux qui ont été obtenus auprès des adultes organisés en groupes et même auprès du grand public. Un sociologue avait qualifié le Palais de la Découverte de « fait social » et ce jugement était bien exact si l’on tient compte de l’immense intérêt suscité par le Palais de la Découverte auprès des travailleurs des cadres et même des milieux ouvriers.
On a noté tout particulièrement les visites des Officiers Supérieurs de l’École Supérieure de Guerre, pour lesquels des conférences spéciales ont été faites par d’éminents Professeurs de la Sorbonne.
Des Comités de direction, des bureaux d’ingénieurs et de maîtrise ont profité largement de cette forme de diffusion de la Science, et pour ces groupements, des programmes spéciaux d’un niveau très élevé ont été établis. Certaines usines organisent chaque année des visites d’ouvriers au Palais de la Découverte. Ainsi son organisation générale répond bien à l’éducation des adultes.
À la suite des magnifiques résultats que le Palais de la Découverte avait obtenus, la Direction avait pensé, dès 1949, qu’il serait opportun d’organiser, dans le monde entier, un grand mouvement afin que les Musées jouent le rôle éminent qu’on pouvait attendre d’eux pour développer l’Éducation, dispenser la Science et répandre la Culture. Il fallut des années d’efforts pour que l’Unesco décide enfin, en novembre 1954, à Montevideo, de prendre en charge ce qui fut appelé la Campagne Internationale des Musées.
Le projet fut accueilli avec une grande faveur, cinquante-trois États donnèrent leur adhésion. Toutes les informations et documents reçus à ce jour ont permis d’établir un rapport qui démontre que la semaine internationale des manifestations entre le 6 et le 13 octobre 1956 a été un succès dépassant tous les espoirs les plus optimistes. Ainsi la cause dont le Palais de la Découverte fut l’un des plus ardents défenseurs est en voie d’étendre ses bienfaits dans le monde entier.
Fait à Paris, le 19 septembre 1957
André Léveillé