Fabrique de sens
 
Accueil > A l’appui > 1937, PdC, Exposition artistique montrant l’influence de la science sur les arts

1937, PdC, Exposition artistique montrant l’influence de la science sur les arts

EXPOSITION INTERNATIONALE PARIS 1937

Le Palais de la Découverte

Exposition artistique montrant l’influence de la science sur les arts

Cette Exposition artistique, dont l’organisation et la réalisation seront dues à MM. Léveillé, le dévoué collaborateur de M. J eau Perrin ; Florisoone, attaché au Musée du Louvre, et Lassaigne, critique d’art, est moins la démonstration de l’in­fluence de la Science sur les Arts que la preuve de certaines « coïncidences » fort curieuses. Il est, en effet, indéniable qu’il y a une atmosphère d’époque, qui se traduit, selon les tempéraments, par des recherches scientifiques, plastiques et philosophiques qui ont souvent entre elles d’étranges analogies. Ce sont ces analogies entre les Sciences et les Arts nue cette originale Exposition a voulu souli­gner. Elle embrasse la période artistique la plus caractéristique, qui s’étend de la Renaissance au XIXe siècle, en poussant une pointe jusque dans le Moyen-Âge.

Elle se divise en trois parties, correspondant chacune à une salle.

La première partie traite de l’influence de la Science sur l’Art du Moyen Âge, de la Renaissance et des Grands Siècles. Cette influence est expliquée à l’aide de photographies agrandies de tableaux de maîtres.

On peut diviser cette partie en trois catégories :

A. Influence de la Règle d’or et de la géométrie.

À la place d’honneur trône la reproduction d’un portrait de Luca Paccioli, qui codifia la règle d’or, cette loi naturelle, instinctive, qui consiste à « partager une longueur en deux parties inégales, telles que le rapport entre la plus petite et la plus grande soit égal au rapport entre cette dernière et la somme des deux ». Cette règle primordiale, tous les grands artistes s’y conformèrent depuis le Moyen Âge. Et l’on surprendra beaucoup de gens quand on dire qu’elle est encore respectée de nos jours jusque dans le format du papier-ministre et même dans la dimension des boîtes d’allumettes.

Pour expliquer la recherche de cette règle, on n’a pas pensé mieux faire que d’exposer la reproduction du célèbre tableau de Raphaël : « La dispute du Saint-Sacrement », qui, précisément, est basé sur une composition géométrique de cercles vus en perspective et sur différents plans, dont l’hostie forme rigoureusement le centre.

L’influence de la géométrie est indiquée par une grande photographie de la cathédrale de Milan sur laquelle on a souligné qu’elle est faite d’une succession de triangles et de cercles, comme une véritable épure ; par une reproduction d’une des rosaces de la cathédrale de Chartres, intégrale figure géométrique ; par la fameuse Cène de Léonard de Vinci, dont la composition est formée de plusieurs triangles dont la tête du Christ est le sommet.

B. Influence de la perspective.

Cette influence est nettement visible dans le Portrait de Saint-Jérôme d’Albert Dürer, qui est à lui seul un véritable problème de perspective, dont le point de fuite se trouve à l’extérieur du tableau, ainsi qu’il sera démontré de façon tangible ; dans la reproduction de la porte centrale du théâtre du Palladio, à Vicence, qui est un extraordinaire trompe-l’œil.

C. Influence de la géographie et de l’astronomie.

Les grandes découvertes, que ce soit celle de l’Amérique ou celle de divers instruments d’astronomie qui firent avancer considérablement l’étude du ciel, bouleversèrent littéralement le monde sensible des artistes. Ils y entrevirent la fin des théories qui avaient bercé leur jeunesse et le proche avènement de nouveaux mondes, plutôt devinés qu’entrevus. On pourra s’en rendre compte dans la reproduction de questions de détails symboliques de la fameuse Tentation de Saint-Antoine, de Jérôme Bosch où les poissons volants, les larves bizarres, les apparitions saugrenues, jusqu’aux fêlures qu’on remarque dans la stèle représentant de bas-reliefs de scène de l’Ancien Testament, ont les plus grandes chances de vouloir représenter tout un monde qui s’effondre et toutes les possibilités de mondes nouveaux, jusque et y compris les inventions qu’on ne soupçonnait pas encore comme celle des bateaux à vapeur et des avions.

On retrouve tous ces étranges détails dans les scènes violentes et sanguinaires de Margot l’Enragée, de Pierre Breughel, qui symbolisent peut-être l’entrée d’une civilisation nouvelle dans l’ancien monde, et leurs terribles heurts.

La reproduction de certaines gravures de Callot indique, par l’insistance que l’artiste a montrée à dessiner des multitudes de personnages si petits, que l’on dirait un grouillement d’atomes, qu’elles ont été directement influencées par l’invention du microscope.

Cette singulière influence scientifique, on pourra encore la voir dans les reproductions du Paradis, du Tintoret, dont le mouvement giratoire de l’ensemble évoque le système de Copernic ; de l’Assomption, du Gréco, où la Vierge et l’ Ange ne forment qu’un seul et même personnage présenté à deux moments successifs, dans un mouvement qui s’élève en forme de vrille, de Dieu créant le monde, de Michel-Ange, où l’on retrouve cet étrange mouvement combiné - ellipse et vrille - certainement inspiré du mouvement dynamique.

La seconde partie est réservée à l’influence de la science anatomique, car il est indéniable que la révélation de l’anatomie, que les peintres du Moyen Âge et même de la Renaissance n’exécutaient µas d’après des modèles nus, a tout à fait bouleversé l’art.

Cette influence est expliquée par deux panneaux de photographies représentant les systèmes anatomiques et les proportions humaines à trois époques différentes, d’après Albert Dürer, Léonard de Vinci et Jean Bernard et par la démonstration de la hantise anatomique chez les peintres, par les reproductions de La leçon d’anatomie, de Rembrandt ; de L’Opération de Gervex ; du Professeur Gasset en train d’opérer, par Jean Vuillard ; et d’Une femme sans tête de Max Ernest.

La troisième partie est plus proche de nous. Elle n’en est pas moins aussi intéressante que les deux autres, puisqu’elle traite de l’influence, au XIXe siècle, de l’optique et de la chimie industrielle sur la peinture. C’est dire qu’elle expose tout le problème de l’impressionnisme, basé, on le sait, sur les fameuses théories de Chevreul ; qu’elle évoque le côté mathématique du cubisme, et qu’elle décèle l’influence de l’art sur la photographie, et récipro­quement, ainsi que celle de la mécanique sur l’Art - l’art de Léger, par exemple - et jusque sur le meuble et le bibelot.

Les théories de Chevreul sont expliquées à l’aide de panneaux qui donnent toutes les combinaisons de couleurs, de disques tournants, formant les cou­leurs fondamentales, et même à l’aide de disques spéciaux, de verre transparent et coloré, qui tournent de façon à se combiner, montrant ainsi toutes les variations et les mélanges des couleurs.

Quelques tableaux de choix marquent l’évolution de l’impressionnisme : d’abord de Delacroix, Cézanne et Monticelli, qui en furent les précurseurs ; ensuite des toiles de Claude Monnet, de Pissaro et de Sisley nous font connaître le pur impression­nisme : enfin, le postimpressionnisme, dont le pointillisme est l’aboutissant, est évoqué par des peintures de Seurat, de Signac et de Van Gogh.

Un panneau est réservé aux toiles cubistes, choisies particulièrement parmi celles où apparaît la hantise de leurs auteurs pour la représentation de la quatrième dimension.

Des photographies prises par le peintre Degas voisineront avec la reproduction d’un tableau impressionniste, et des épreuves d’un photographe de l’époque qui a voulu singer l’atmosphère de l’impressionnisme. On verra ainsi ce que la photographie est redevable à l’Art.

De Mannerat, on verra également les photogra­phies si originales d’objets usuels pris sous des angles inhabituels, à côté de reproductions pictu­rales de sujets semblables, ce qui expliquera ce que l’art doit à la photographie.

Enfin, une vitrine réunira les objets et bibelots dont la forme a été directement influencée par la découverte du moment.

Ces trois salles d’une exposition si intéressante, si pleine d’enseignements et qui révélera sous un jour nouveau les merveilles du Palais de la Découverte, se trouveront au premier étage du Grand Palais, dans les salles en corniche au-dessus de la vaste enceinte de ce Palais, qui servent de passage de communication entre l’entrée principale de l’avenue Alexandre-III et l’entrée du Palais de la Découverte, avenue Victor-Emmanuel-III.

Publication Imprimerie nationale : J. 1559-37

Un message, un commentaire ?

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.



Haut de pageMentions légalesContactRédactionSPIP