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Afrique, hier, aujourd’hui et demain (ne font qu’un)
dimanche 9 janvier 2011
Un poème de Malika Bélida, auteur également de la nouvelle Alexandre le Grand
De mes richesses, ils se sont emparésAucun remord pour tous mes mortsPas de sentiment lorsqu’il s’agit d’or.Les vampires sont revenus assoiffés,Heureux de me voir piétinée !Face à l’indifférence des pouvoirs,Face au manquement à leurs devoirs,Mon sang ils ne cessent de boire.Vils spoliateurs de l’Occident,Que je sois à terre, ont attendu patiemmentAucune voix ne s’est élevée pour crierAu génocide, maintes fois répété.Hier, meurtrie par l’esclavage massifAujourd’hui, par les gouvernements passifsQui regardent mes orphelins mourirOu de par le monde errerPour un meilleur destin s’offrir.En coulisses, ils se frottaient les mains« Cette terre sera enfin à nous, demain ! »Leur leitmotiv ont ensuite assénéÉvidemment, ils ignoraient ce qui s’était passé !Tenace, quand j’ai la tête osé releverImperturbables, un autre virus m’ont injectéPlus de deux cent millions de vies atteintesLes lumières de l’Orient étaient éteintes.Les médias feignaient ignorer mes Shoahs.Avidement, sur l’Ukraine se sont penchésEt seules importaient les milices d’El QaïdaLes réfugiés du Darfour n’étaient que NoirsLes Français massacraient en Côte-d’IvoireJe ne pouvais arrêter les tueries entre Hutus et TutsisTous n’avaient cure de mon continent dévastéHumiliée, violée, ruinée, je devais rembourser le FMI.Hagarde, j’ai assisté à la disparitionDe ces ethnies qui faisaient ma fiertéQuelques diasporas survivent disséminéesDeux ou trois générations suffirontÀ balayer les branches de ces troncsQui m’appartenaient jadis, il ne resteraSur la toile du peintre que le canevasDe ce qui fut autrefois AfricaEngourdie par l’indifférenceJe me laisse dériver à l’agoniePuis, s’évanouit la nostalgieQuand résonne le djli n’goni [1]Accordé à la voix du musicienCette musique dans le lointainEst porteuse d’espérancePrometteuse d’abondanceSur la toile se reconstitue le puzzleToucouleurs, Malinkés, Bambaras, PeulsSenoufos, Dogons, Sarakollés, KoukouyousDiawaras, Khassonkés, Mandingues et BantousDe Haïti à Salvador do BahiaDe Tunis à AntananarivoDu Mont-Pelé au KilimandjaroIls reconstruisent en chœur [2], guidésPar mes prêtres vaudous, les mosquéesLes églises et les temples au son des djembésPlus d’orphelins zombies dans les ghettosLes Lions du Cameroun veillent sur SowetoDisparus mes dictateurs francs-maçons [3]Voués à l’autel de la destructionTous mes enfants, hier ennemis,Se donnent la main aujourd’huiLucie [4] berce tendrement mes bébésJe leur offre mon sein, quelques-uns tètent le mafé,D’autres, préfèrent le yassa ou le gombo [5]Mon ventre par les larmes de mon peuple abreuvéProcure de luxuriantes moissonsEt grâce à la magie des grigrisLes sauterelles se sont enfuiesLe peintre enfin pose son pinceauEst achevé l’impressionnant tableauMes cornes s’étendent démesuréesJusqu’à embrasser cette nouvelle humanité.
[1] Le n’goni est un instrument à cordes pincées d’Afrique de l’Ouest. C’est un terme désignant plusieurs instruments similaires qui sont soit des luths, soit des harpes-luths. (Wikipédia)
[2] En chœur : allusion au chant sacré
[3] Allusion au club de football de Yaoundé
[4] Lucie : Le berceau de l’humanité est localisé, jusqu’à présent à l’ouest de l’Afrique après la découverte de l’australopithèque Lucie
[5] Sauces africaines