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Construire une offre éditoriale en science, par Roland Schaer

Table ronde : Mise en valeur de fonds scientifique :

Concevoir une exposition</a / construire une offre éditoriale en science

Introduction par Taos Taos AÏT SI SLIMANE : Le partage des connaissances et des savoirs scientifiques et techniques, leur transmission, leur apprentissage même, sont pris aujourd’hui dans trois dynamiques qui nous amènent, nous professionnels de la médiation, à analyser et peut-être repenser nos activités :

 l’avènement de la société de la connaissance et ses outils numériques


 le rapport de la société avec ce champ (science et technique) culturel (de l’espoir, voire de la foi, en un progrès sans cesse grandissant, de l’admiration de la figure du savant à sa désacralisation et aux questionnements de mieux en mieux éclairés des chercheurs et de la gouvernance de la recherche technoscientifique ... à une nouvelle redistribution de ce que traditionnellement on appelait les disciplines scientifiques à la transdisciplinarité etc.)

 la LOLF et ses indicateurs, le taux de fréquentations de nos établissements et l’accueil fait par les publics à nos offres …

Pour contribuer à cette réflexion, nous accueillons aujourd’hui, Maud GOUY et Roland SCHAER, tous deux professionnels de la Cité des sciences, pour cette table ronde intitulée « Mise en valeur de fonds scientifique : Concevoir une exposition / Construire une offre éditoriale en science. »

Maud GOUY est commissaire d’exposition à la direction des expositions de la CSI. Avant d’intégrer cette direction, en 1996, elle a travaillé au centre Georges Pompidou (CCI) et au Musée des arts et métiers. À la Cité des sciences, elle a travaillé, en muséographie pour enfants, sur deux « Boites à malices » en 1996, et sur l’exposition « Électricité : qu’y a-t-il derrière la prise ? », destinée aux adolescents et qui est restée à l’affiche de 1998 à 2005. Maud GOUY a ensuite participé à la conception/production de l’exposition temporaire « Désir d’apprendre », en 2000. Une exposition qui mettait en évidence des questions et des enjeux fondamentaux dans les processus d’apprentissage : Quelles sont les modalités de chacun pour apprendre ? Le rôle des émotions dans l’apprentissage, les stratégies pour apprendre… En 2002, elle a été chef de projet pour l’exposition temporaire et itinérante, « Jeux sur Je ». Cette exposition utilisait le jeu de société pour montrer les atouts, les compétences qu’ils développent et les interactions multiples qui se dessinent, entre visiteurs, au moment du jeu. Maud GOUYa également été chef de projet, en 2005, pour l’exposition « Grossology » renommée à la Cité des sciences « Crad’expo ». Elle s’est notamment chargée de l’accueil et de la transcription de l’exposition à un public français. Aujourd’hui, Maud GOUY accompagne les premiers pas de « Zizi sexuel l’expo ! », dont elle a été chef de projet. Une exposition de 800 m2 qui a ouvert ses portes au public le 16 octobre 2007 et qui fera l’objet d’une itinérance en France comme à l’étranger. Nous signalons enfin que Maud GOUY participe à une réflexion théorique sur la place des adolescents dans les musées et centres de science.

Roland SCHAER, quant à lui est agrégé de philosophie. Il a dirigé le service culturel du musée d’Orsay à Paris entre 1985 et 1994. Après l’École normale supérieure et une agrégation de philosophie (1971), il a enseigné, pendant plusieurs années, la philosophie, au lycée, classes préparatoires aux grandes écoles et université de Rouen. Il a également enseigné à l’École du Louvre où il a assuré un cours sur les musées. En 1982, il est nommé directeur de l’Institut français de la Haye (Pays-Bas), puis en 1985, chef du service culturel du musée d’Orsay. En 1994, il a été directeur du développement culturel à la Bibliothèque nationale de France. A la BNF, il a été commissaire des expositions [« Tous les savoirs du monde » en 1996, et « Utopie : la quête de la société idéale en occident » en 2000. Il est aujourd’hui directeur de sciences et société à la Cité des sciences et de l’industrie. Il est également l’auteur de « L’Invention des musées », 1993 et réédité en 2007, aux éditions Gallimard, Coll. Découverte.

Depuis 2001, Roland SCHAER dirige la direction sciences et société qui rassemble le département du Collège qui propose une programmation de conférences, séminaires, rencontres, débats, colloques etc., que l’on retrouve en ligne

 ; le département cinéma qui a une programmation de films scientifiques, le département
Sciences actualité qui traite l’actualité en ligne et sous forme d’expo-magazine également diffusée en DVD, et le service des éditions.

Laurence TOULORGE : Nous sommes partis de vos attentes pour construire le programme de la formation. Parmi les questions que nous nous posons : comment faire venir les publics vers les ressources scientifiques et techniques ? Comment nous assurer, nous professionnels pas forcément scientifiques de formation, que les ressources que nous proposons sont les meilleures sur le fond et dans la forme (la question de la validation) ? Une fois nos choix fixés, comment les valoriser ? Comment passer d’une logique d’offre à une logique de réponses aux attentes (recueillir les attentes) ? Quelle médiation aujourd’hui ?

Roland SCHAER, nous éclairera sur les partis pris éditoriaux de sa direction. Il nous donnera sa définition de la médiation et de la vulgarisation. Et compte tenu de sa formation universitaire et de son expérience professionnelle, il nous éclairera sur le mouvement qui anime les frontières scientifiques. Comme sa direction travaille avec vaste communauté de scientifiques de toutes les disciplines il nous donnera quelques astuces pour trouver le « bon conteur », l’acteur qui permet de rendre accessible au plus grand nombre les savoirs scientifiques.

Maud GOUY quant à elle, va nous dire pourquoi la sexualité, à la Cité des sciences. Pourquoi est-elle sur Explora plutôt qu’à la Cité des enfants ? Pourquoi pas une exposition sexualité à destination des adultes ? Elle nous dira comment elle a travaillé avec les enfants, leurs parents, les enseignants, les chercheurs, l’auteur de l’ouvrage sur lequel elle s’est appuyée. Elle nous dira également ce qu’est pour elle la vulgarisation, la médiation. « Zizi sexuel » étant un sujet « sensible » elle nous racontera comment un tel dossier peut être instruit dans un établissement comme le nôtre avec une forte tutelle des pouvoirs publics et des tensions potentielles de l’opinion public. Enfin elle nous éclairera sur les modes de médiations complémentaires mis en place avec le département de l’action culturelle et la mise en valeur à la médiathèque.

Taos AÏT SI SLIMANE : Roland SCHAER nous a averti qu’il ne pouvait malheureusement pas rester avec nous jusqu’au bout de cette rencontre : nous lui donnons la parole en premier. N’hésitez pas à l’interrompre si vous souhaitez engager le débat ou pour demander des éclaircissements et ou compléments d’informations. Cette rencontre est enregistrée pour une transcription, elle sera diffusée après relecture de nos deux invités.

Intervention de Roland SCHAER

Roland SCHAER : Je propose de répondre aux différentes questions, à travers trois entrées. D’abord, une présentation de ce que nous faisons dans la direction sciences et société, les conditions de création de cette offre, dont la cohérence mérite d’être questionnée, et son développement depuis 5 ans qu’existe la direction. Pourquoi sciences et société ? Qu’est-ce qu’il y a derrière ?

J’essayerai ensuite de revenir sur la question de la vulgarisation, des rapports entre sciences et société, du rapport de nos concitoyens aux savoirs scientifiques et de la manière dont aujourd’hui on peut essayer de répondre à certaines attentes que ce soit dans un musée ou dans une bibliothèque.

Puis, puisque la question de l’encyclopédie, des frontières et de la structuration du champ scientifique a été soulevée, je ferai quelques remarques sur ce point.

D’abord sur la présentation de la direction sciences et société. Elle regroupe, de manière un peu hétérogène, 4 entités, 4 offres :


 Un département chargé de développer un programme de conférences et de débats, programme qui existait avant dans l’histoire de la Cité mais qui s’est renforcé en volume et en visibilité. Ce programme est devenu une offre à part entière de la Cité des sciences, et nous l’avons étiqueté, Collège de la Cité, pour lui donner une visibilité, comme souvent on fait à la Cité des sciences, en créant une institution dans l’institution… Vous savez, la Cité des sciences est une sorte de holding de PME et on a créé une start-up.


 Deuxièmement, le cinéma, un département qui se charge de programmer, et pour une petite partie de produire des films de science ou des films qui mettent en œuvre des technologies innovantes du point de vue de la projection cinématographique : films en reliefs, 3D, etc.


 Troisièmement, un département, formé d’une équipe de journalistes, qui traite de l’actualité scientifique. C’est une offre qui doit être réactive, rapide, et qui essaye d’apporter à travers les outils du journalisme écrit, audiovisuel, multimédia, des réponses ou des éclairages sur l’actualité, de la part des scientifiques, et avec les scientifiques. Il s’agit de sujets qui peuvent être liés à l’actualité de la recherche - un Prix Nobel, un article important publié dans un journal scientifique - mais aussi sur d’autres éléments d’actualité, sur lesquels les scientifiques ont une contribution à apporter. Cette équipe de journalistes éditorialise et met en forme, pour un public de non spécialistes, l’information qui peut alimenter la connaissance. Et souvent, puisque ce sont des sujets autour desquels il y a des controverses, alimenter et instruire le débat.


 Puis, quatrième entité, le service des éditions. C’est une activité peu importante en volume à la Cité. Mais il y a malgré tout, en bonne partie en coédition avec des éditeurs professionnels, une activité éditoriale qu’on pourrait dire « dérivée » des autres offres de la Cité. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais si vous avez des questions je vous en parlerai.

Un mot sur les raisons d’être historiques de ces offres-là, qui je crois, pourraient être des offres de médiathèques. Au-delà d’une offre documentaire au sens strict, ces offres pourraient se définir comme des offres d’accompagnement, de traitement de l’actualité, de débat public, de conférences, de rencontres avec les scientifiques, auteurs de livres ou pas d’ailleurs. Des offres qui pourraient donc être portées par des bibliothèques ou des médiathèques, dans le champ des sciences, disons dans le champ du partage du travail des scientifiques. Historiquement, c’est assez simple. Vers la fin des années 1990, la direction de la Cité a tiré les conséquences de deux choses& :

 La multiplication des controverses qui mettaient en jeu des dimensions technoscientifiques importantes - Tchernobyl, la vache folle, le sang contaminé, les OGM, le réchauffement climatique, les questions bioéthiques, ... : on avait là toute une série de sujets à propos desquels le rapport science et société - d’où le nom de la direction - était remis en cause par des controverses et des débats parfois durs, soulevés par la mise en œuvre d’un certain nombre d’applications de la recherche. La direction de la Cité à ce moment-là, s’est dit : « Il faut que cet établissement soit une plateforme où des débats puissent avoir lieu, où les citoyens puissent rencontrer les scientifiques, et où surtout, ce qu’on appelle en termes juridiques l’instruction du débat, c’est-à-dire l’appropriation des éléments de connaissances nécessaires pour débattre de manière éclairée, puisse être menée avec un public très large. » C’était ça, l’idée de départ, et c’est toujours l’idée que la Cité se donne : même si elle le faisait dans certaines expositions, ou incidemment dans certaines circonstances, il fallait que ça se fasse de manière formalisée, officielle, visible, à travers une offre à part entière. D’où une direction de science et société avec une part importante donnée aux conférences et aux débats.

 La deuxième réflexion qui était venue à ce moment-là, à la direction de la Cité, c’était le succès de l’« Université de tous les savoirs ». Je ne sais pas si vous vous souvenez, en l’an 2000, la mission chargée du millénaire avait créé un rendez-vous quotidien de conférences scientifiques qui à l’époque avaient lieu au Conservatoire des arts et métiers, du 1er janvier au 31 décembre. Ça avait été organisé par un philosophe, Yves Michaux, avec le soutien très fort du le ministre de la culture de l’époque, Jean-Jacques Aillagon. Ça avait été un succès foudroyant. Le 1er janvier, il faisait froid, François Jacob faisait la conférence d’ouverture sur la question, « Qu’est-ce que la vie ? ». La Cité avait tiré les conclusions de ce succès, en considérant qu’il devait exister un public qui attendait beaucoup de la transmission, par les chercheurs, de l’état de la recherche dans leurs domaines. Je dis transmission « par des chercheurs », parce que je crois que c’est assez important. Même quand il s’agit d’une conférence ex cathedra, « top-down » comme on dit, c’est très différent d’un cours. Surtout, c’est très différent de l’image que l’école retransmet de la science. Un chercheur qui explique ce qu’il fait, qui explique où il en est, va faire un peu l’inverse du prof de science, en particulier du prof de mathématiques et de physiques qui présente la science comme une accumulation de vérités sur lesquelles les élèves qui savent vont réussir et les élèves qui ne savent pas vont rater. Un chercheur passe son temps à dire qu’il ne comprend rien à son sujet, qu’il ne trouve pas, que plus il en sait plus le champ des incertitudes s’élargit, qu’il bricole ... Autrement dit, il donne une image du vrai travail du scientifique très différente de celle de l’enseignant. L’enseignant a besoin - pour des raisons qui tiennent à l’utilisation des disciplines scientifiques dans la sélection scolaire, de donner une représentation de la science comme une accumulation continue de vérités, comme la construction d’une espèce d’édifice de la vérité, comme on le disait à la fin du XIXe. Le chercheur donne une image qui, je crois, est beaucoup plus audible pour les citoyens de notre époque : on bricole, on tâtonne, parfois on trouve des trucs formidables, mais chaque fois qu’on a trouvé un truc formidable, l’étendue des problèmes, l’étendue des questions s’élargit encore plus, et l’étendue du champ de l’incertitude s’élargit encore plus qu’avant. Et, je crois, que le rapport avec les chercheurs c’est ça. Par exemple, quand nous accueillons dans nos conférences - je parle là encore de conférences « magistrales » dans leur forme - des lycéens et des étudiants, souvent, ils se disent : « ce n’est pas du tout le cours avec notre prof, mais la rencontre avec quelqu’un qui a les mains dans le cambouis, qui tente des trucs, qui nous raconte qu’il ne sait pas grand-chose, qui fait des hypothèses et qui parfois nous fait comprendre quelque chose qui nous fait complètement penser autrement. ». Donc, je crois que ça a été très important que les orateurs, fussent-ils des conférenciers, soient positionnés comme des chercheurs à qui on demande l’état des lieux dans leur domaine, et à qui on demande - ce qui est une autre paire de manches - de s’adresser à un public de non spécialistes et de leur adresser un discours qui soit, de ce point de vue-là, audible.

Donc, c’était ça les origines de cette offre. D’abord le fait qu’il y a des controverses et par conséquent qu’il faut sans doute instituer un autre rapport à la science, qui nécessite qu’on ait des plates-formes de rencontres et de débats. Surtout - c’est je crois le plus important - dans ces controverses viennent se mêler de manière à peu près inextricable, à côté des considérations proprement scientifiques, des considérations économiques, éthiques et politiques, qui leur sont inextricablement mêlées. Quand on prend la vache folle, le sang contaminé, les déchets radioactifs, vous voyez bien que c’est un mélange complexe dans lequel il y a des éléments scientifiques, des éléments technologiques mais qui sont intimement liés à toute une série d’autres ingrédients, d’autres composants, d’autres considérations. Et très souvent, quand on leur demande d’intervenir là-dessus, les scientifiques disent : « Moi, je peux vous dire ça, parce que c’est ce que je sais, mais les questions que vous posez sont des questions éthiques ou politiques, ce n’est pas de mon ressort en tant que spécialiste scientifique. J’ai une contribution, j’ai un apport, à vous de décider. » Donc, c’est une mise en scène, une mise en place du rapport entre le scientifique et le citoyen qui s’organise petit à petit. De ce fait, nous sommes souvent amenés à monter des débats où, à côté de scientifiques « durs », il y a des philosophes, des politiques, des juristes, des économistes, des consommateurs ou des industriels, qui font valoir leur point de vue, ce qui rend le sujet complexe.

Voilà, tel était le point de départ de ces offres, ce qui nous a conduits à développer un programme. Derrière le terme de Collège, il y a aujourd’hui environ 70 à 80 conférences dans l’année. Chaque saison, de septembre à juin, 3 conférences par semaines ouvrables, puis de temps en temps, des débats ou des tables-rondes. Petit-à-petit, nous ajoutons à cette offre, une dimension qui monte en charge très progressivement, car elle est problématique : c’est la capacité d’une institution comme la nôtre à être opérateur de débats publics. Je m’explique. Aujourd’hui, vous l’avez peut-être constaté sur plusieurs exemples, lorsque le politique se trouve placé dans une situation d’avoir à décider, à édicter une loi, une régulation, une interdiction, une orientation, on sent qu’il y a une attente, très forte, de débat public. Mais de débat public structuré, formalisé, qui garantisse un certain nombre de principes déontologiques : que les points de vue de toutes les parties prenantes puissent être entendus, écoutés, qu’il y ait équité entre le temps ou l’espace donné à chacun pour exprimer son point de vue, que le débat puisse être partagé par des non spécialistes, bref toute une série de conditions qui légitiment le débat. Le débat public ce n’est pas simplement mettre une table, des chaises, puis dire à des gens allez-y, parlez, puis on se retrouve à la sortie. Des protocoles de débats publics ont été développés, davantage dans les pays d’Europe du Nord que dans les pays d’Europe du Sud ; voyez en particulier ce qui s’est développé à l’initiative du « Danish Board of Technology », qui est l’office parlementaire danois chargé de préparer les décisions du parlement sur des questions ayant des enjeux scientifiques et technologiques importants. Ils ont créé toute une panoplie méthodologique de débats, conférences de consensus, conférences de citoyens, ateliers prospectifs, « scénarios workshops », etc. Notre ambition est qu’en apprenant ces techniques et ces méthodes, la Cité puisse se proposer comme opérateur de débat public. C’est une ingénierie qui demande une expérience, une technique, une pratique, des échecs, des réussites, qui fassent qu’on apprenne petit à petit à fabriquer du débat public structuré. C’est une chose assez difficile. Il existe un organisme en France, qui s’appelle la Commission nationale du débat public, la CNDP, qui relève du ministère de l’écologie. Au départ c’était un organisme chargé d’organiser des consultations de riverains, lorsqu’un aménagement, ou un équipement posait des problèmes d’environnement. C’était une manière d’aller au-delà de ce qu’on appelle les enquêtes d’utilité publique. Par exemple, lorsqu’on a construit des autoroutes, des lignes des hautes tensions, des lignes pour les TVG, il s’est agi de prendre en compte l’opinion des gens qui habitent tout autour, qui ont des choses à dire, de susciter l’expression des différentes parties prenantes, de mettre sur le tapis les conflits d’intérêts, de manière plus organisée, plus structurée. Cette Commission nationale de débat public a donc acquis une expertise en la matière et a développé des techniques de débats, ou plutôt de consultation ; en effet, l’une des questions qui surgit, c’est : « Est-ce qu’il s’agit de consulter, ou d’accorder une place dans la décision à ceux qu’on consulte ? » Vieux débat, sur lequel je ne reviens pas, c’est une des questions qui nous est constamment posée. Voilà donc une dimension de notre offre qui se développe petit-à-petit et sur laquelle on a fait quelques expériences intéressantes, assez riches, que je qualifierais d’ingénierie de débat public formalisé.

Alors, voilà comment s’est montée cette offre. Actuellement, une réflexion s’est instaurée avec la médiathèque, autour de l’articulation entre deux blocs : d’une part le débat public, les controverses, les rencontres avec des scientifiques, l’actualité scientifique, et d’autre part l’offre de ressources documentaires qui permet d’approfondir, pourraient former un ensemble d’offres qui trouverait son sens dans la conjoncture et dans ce qu’attendent nos publics et nos concitoyens.

Un mot au sujet du département « Sciences actualité » qui existe depuis les origines de la Cité. C’est un département qui traite de l’actualité scientifique depuis 86, qui appartenait à la médiathèque jusqu’à il n’y a peu. Trois fois par an, « Sciences actualité » fait un dossier. Vous avez peut-être vu l’expo-dossier du trimestre en cours, qui s’appelle « Quand l’Afrique s’éveillera ». « Où en est-on de l’utilisation de la recherche, et de l’innovation technologique en Afrique », dans des pays dont tout le monde dit, tout le monde sait, qu’ils ont du mal à se saisir de l’innovation et de la recherche pour l’adapter à leurs propres besoins et à leur propre développement : c’est la question à laquelle on a essayé de répondre. On en prépare une sur le suicide. Pour vous donner une idée des thèmes, on en a fait sur le cannabis, la maladie d’Alzheimer, les séismes peu après le tsunami, la disparition des grands singes, etc. Ce sont des thèmes qui sont mis en avant par une certaine actualité et sur lesquels le dossier cherche à donner un contenu, à répondre à la question : « Qu’est-ce que les scientifiques ont à dire là-dessus ? » Et ces dossiers, qui sont des expositions documentaires, on les compacte sur des DVD qui contiennent les vidéos, les audio, les quizz et les panneaux. Bref, c’est pour vous ! (Voilà, fin du spot publicitaire).

Question 1 : Malheureusement inaudible.

Roland SCHAER : Votre question porte sur l’itinérance possible de ces expositions. Plutôt que de faire itinérer l’exposition, nous avons édité, sous forme de support DVD, tous les contenus qui sont numérisés (fichiers audio, vidéos, panneaux qui sont des fichiers PDF). Ce DVD est vendu et à partir de là, avec deux bornes informatiques et des supports de panneaux, on peut la reconstituer et l’adapter au lieu dont on dispose. C’est une manière de faire itinérer, non pas un objet développé physiquement mais toute la matière numérisée sur une « galette ».

Je vais maintenant en venir à la question de la vulgarisation. Je vais maintenant en venir à la question de la vulgarisation. À propos des rapports sciences et société, j’ai vu dans le programme que Marie-Pierre TALLEC avait déjà fait un exposé sur la vulgarisation. Je vais essayer de ne pas dire le contraire.

Taos AÏT SI SLIMANE : Pourquoi pas, il est important de montrer aussi la diversité des discours, quand il y en a.

Roland SCHAER : Je crois d’abord qu’on hérite - cet héritage est en crise - d’une situation dans laquelle la vulgarisation était vécue comme le partage, pour les non spécialistes, les « non-savants », de la marche triomphale de la science. C’est l’héritage positiviste, scientiste de la fin du XIXe siècle. C’est un héritage qui a produit l’éducation populaire. Voyez par exemple Camille Flammarion, - je ne vais pas rentrer dans l’historique de la chose. Cet héritage reste d’une certaine façon assez vivant. Une de ses incarnations est le Palais de la découverte. Le Palais de la découverte a été créé par des physiciens, par Perrin, et c’était vraiment l’idée d’une science sur laquelle se fondent à la fois l’amélioration de la connaissance humaine, mais aussi l’amélioration du confort de notre existence, la marche vers la liberté et le bonheur des hommes, à travers une lutte contre les ignorances et les superstitions. Tels étaient les différents volets de la tradition positiviste et scientiste, c’est-à-dire à la fois l’idée de progrès et l’idée de mettre en pièce les croyances et les superstitions. Cette idée reste vivace et je crois qu’elle conserve une certaine force dans le prestige qu’ont certains domaines de la connaissance, des domaines de la connaissance en particulier fondamentaux. Par exemple, et c’est pour ça que je citais Camille Flammarion tout à l’heure, il y a aujourd’hui des tribus d’astronomes amateurs qui forment des communautés très vivantes. C’est assez formidable de voir ça, car il y a véritablement là des amateurs de science au sens d’amateurs experts. Dans un domaine comme l’astronomie il y a aussi un rapport à la découverte, à la recherche, qui est très fort : chaque fois qu’on fait à la Cité quelque chose sur l’arrivée d’une sonde sur Mars, ou sur une planète plus lointaine du système solaire, chaque fois que l’on fait quelque chose sur les exo planètes, les découvertes actuelles, l’enrichissement des connaissances du système solaire, qui va très vite, chaque fois on a des centaines d’amateurs d’astronomie qui viennent rencontrer les chercheurs, et c’est complètement passionnant.

En même temps, il faut bien reconnaître qu’il y a une crise de ce rapport à la science, qui était un rapport fondamentalement de confiance, pour ne pas dire de foi. C’est-à-dire un rapport que j’ai tendance à considérer aujourd’hui comme un rapport un peu religieux : une croyance, issue du XVIIe siècle, et qui a duré jusqu’au XXe siècle à peu près, qui admettait qu’il y avait un lien mécanique, un lien quasiment automatique entre le progrès de la connaissance, le développement de ses applications, le développement du bonheur et le développement de la vertu. C’est Condorcet qui dit ça, dans un texte de 1793. Il dit : « Au fond, le progrès c’est quoi ? Ce n’est pas seulement le progrès du savoir, ou le progrès technique, c’est une loi de l’histoire qui fait que marchent ensemble le développement des Lumières, le développement de la vertu, les développements du bonheur. » Cette conjonction-là, qui a fonctionné beaucoup dans les pays occidentaux jusqu’à une période récente, je pense qu’elle a volé en éclats dans les désastres du XXe siècle.

Voilà une recherche qui était fondamentale, l’équivalence de la matière et de l’énergie : qui eût dit lorsqu’Einstein commence à écrire E = mc2, que ça allait tuer, 30 ans plus tard, des millions d’humains ? Voilà une recherche fondamentale, une découverte, une manière de penser autrement la matière, qui a remué la communauté des physiciens jusque dans ses tréfonds, au début du XXe siècle. Puis très vite, les applications sont mises en œuvre et on se rend compte que ce formidable progrès de la connaissance, qui produit une formidable augmentation de nos capacités de développement et de production, peut aussi produire une augmentation de nos capacités de destruction. Autrement dit, il y a tout d’un coup cette idée, je crois très forte, que les relations de la connaissance avec le progrès dans ses autres dimensions n’est pas mécanique. Les choses ne vont plus de soi, et du coup, s’ouvre une crise de confiance à l’égard de la science et des applications technologiques. Une nouvelle question surgit, autrement plus dure, plus redoutable, qui est : « Dans ce cas là, si ça peut aller vers le pire comme vers le meilleur, qui est responsable ? Et comment on fait pour organiser la responsabilité ? » Vous connaissez peut-être ce livre formidable de Hans Jonas, publié dans les années 1970, Le principe de responsabilité. C’est le livre qui pose cette question. S’il est vrai que le développement du savoir et de l’innovation technologique peut aller vers le pire comme vers le meilleur, qu’en est-il alors du champ de la responsabilité ? Comment fait-on ? Qu’est-ce que c’est que l’exercice de la responsabilité ? Comment le construire ? Je crois que nous sommes confrontés à ce problème-là, et qu’il est devenu crucial. Il y a eu Hiroshima, ensuite Tchernobyl, il y a eu l’amiante, il y a eu le sang contaminé, il y a eu et il y a toujours les OGM, il y a les déchets radioactifs, etc. La question de la responsabilité se situe à deux niveaux : une dimension de protection de l’avenir de la planète, de l’avenir de l’environnement, de l’avenir de l’espace livré aux générations à venir, qui est une première chose, puis une dimension éthique. Cette dernière a pris toute son ampleur lorsqu’on a compris qu’on pouvait fabriquer du vivant. C’est une formule un peu sommaire, il faudrait la préciser, mais on est à peu près capable de fabriquer du vivant ; les choses se sont encore compliquées quand on a vu qu’on pouvait cloner, c’est-à-dire fabriquer des mammifères sans passer par la reproduction sexuée. Une observation sur le clonage tout le monde y a vu ce qui à mon avis est totalement secondaire, l’idée qu’on pouvait répliquer quelqu’un. Ce n’est pas du tout le sujet. Les jumeaux existent depuis longtemps et on sait très bien que ce ne sont pas des répliques. Le clone de quelqu’un est beaucoup plus éloigné de celui dont il est cloné, que le vrai jumeau de quelqu’un, puisqu’il ne va pas se développer dans le même environnement. Par contre, ce que l’on a moins vu, c’est qu’on est arrivé à reproduire des mammifères sans passer par la reproduction sexuée. On fait un transfert de noyau et l’embryogénèse part. On a trouvé peu de scientifiques qui nous expliquent ça. Ils ne savent pas grand-chose là-dessus. Qu’est-ce qui fait que lorsqu’on fait un transfert nucléaire d’une cellule adulte dans un ovocyte et en mettant un noyau d’une cellule adulte, qu’est-ce qui fait que l’embryogenèse se déclenche ? Donc, des problèmes bioéthiques sérieux nous tombent dessus.

En fait, j’ai tendance à dire aujourd’hui qu’il y a deux raisons de dynamiser cet échange entre les citoyens profanes, disons, et les scientifiques ; deux raisons fondamentales : la première c’est qu’on ne pense pas assez avec la science. Et là je le dis même de tous mes petits camarades philosophes, il y a peu de philosophes qui sont capables de penser avec la science. Il y a beaucoup de philosophes qui pensent sur la science, qui disent les choses sur la science, mais c’est du concept de la science qu’ils parlent, pas de la science. Et penser avec la science est devenu un enjeu vraiment important. Je prends un exemple. Aujourd’hui, la question des frontières entre l’homme et l’animal se pose dans des conditions très nouvelles, sous l’effet de recherches scientifiques multiples, avec des difficultés conceptuelles considérables. Depuis Darwin, on sait, même si parfois on se bagarre un peu là-dessus, mais on pense et on a raison, que l’espèce humaine est une espèce parmi les autres, cousines des autres, avec des ancêtres communs de tous les autres et que les primates c’est notre famille. On dit ça. Et puis voilà que les gens qui font du génie génétique transfèrent des gènes d’une espèce à l’autre, autrement dit tirent des conséquences pratiques du darwinisme et du néodarwinisme. Ce dernier a renforcé l’hypothèse de Darwin en disant : non seulement nous partageons une évolution et des ancêtres communs, mais nous partageons le matériel génétique, puisqu’un organisme c’est fait avec les mêmes outils, avec les mêmes briques et ça fonctionne selon les mêmes règles, qu’on soit un homme, un chien, un renard, ou une fougère. Donc, tout d’un coup, on a ouvert cette boîte de Pandore et toute notre représentation de l’espèce humaine comme une espèce ayant un statut à part par rapport au reste de la nature, tout notre dispositif de représentations qui structure la coupure entre nature et culture, toutes ces catégories-là, il faut les remettre en chantier. Il faut les remettre en chantier y compris sur la question de la responsabilité, dont je parlais tout à l’heure. « Qu’est-ce que ça veut dire qu’une espèce aurait des responsabilités particulières par rapport aux autres sur la planète ? Comment ça marche ? D’où ça vient ? Qu’est-ce que c’est cette histoire ? » Je vous laisse avec ce problème. Mais on est obligé de s’y attaquer. Et on s’y attaque parce que l’état actuel de la connaissance et de la recherche nous confronte à ça.

Voilà donc, première idée, il est nécessaire de penser avec la science, pour penser mieux. Et deuxième idée, nous avons besoin de faire appel aux contributions des scientifiques, dans ces controverses et dans ces débats dont on parlait tout à l’heure, qu’il s’agisse de la responsabilité à l’égard des générations futures, à l’égard de la planète, ou des problèmes bioéthiques : pour qu’on sache de quoi on parle quand on dit OGM, procréation médicalement assistée, clonage, etc. Qu’on sache un peu de quoi on parle pour que la discussion sur ce qu’il faut faire, ce qu’il faut éventuellement interdire, ou sur les priorités de la recherche, etc. puissent être partagées le plus largement possible. Par exemple, parmi les parlementaires, en particulier à l’Office parlementaire des choix scientifiques techniques, qui a la responsabilité de préparer la loi, il y a des gens qui travaillent énormément pour comprendre de quoi ils parlent. Je dois dire que je suis assez admiratif. Ils lisent, écoutent, auditionnent, se renseignent, acquièrent une vraie compétence, en particulier auprès des chercheurs, pour pouvoir énoncer des choses qui ne soient pas trop stupides lorsqu’ils ont à faire une loi. Si on dit& il faut qu’on partage cette délibération publique sur des choix bioéthiques, ou sur des régulations en matière de protection de l’environnement etc., alors il faut s’y coller.

Je crois que c’est la deuxième raison pour laquelle on a besoin de livrer au public, dans un langage qui soit accessible aux non spécialistes - ce qui est particulièrement difficile - l’ensemble de ces données pour que la conscience citoyenne s’enrichisse et qu’on réponde à ces besoins. Je faisais tout à l’heure un éloge des parlementaires, on doit le faire aussi au sujet de nombreuses ONG, de nombreuses associations, environnementalistes ou autres, dans lesquelles il y a de vrais experts. Des vrais experts qui se sont approprié des connaissances réelles, pour être à même de discuter au niveau où il faut. Il y a là une espèce de partage de l’expertise au-delà du cercle des chercheurs qui se développe. Et c’est un peu dans ce mouvement-là, que nous essayons de nous inscrire. Tout ce travail procède de l’idée que les opinions, sur des sujets comme ceux-là, doivent se construire, patiemment, avec ceux qui ont les mains dans le cambouis, et qu’il serait absurde de les traiter par sondage.

Taos AÏT SI SLIMANE : De quoi s’agit-il là, vulgarisation ? Médiation ? Où d’autres choses ?

Roland SCHAER : Oui, c’est sans doute être un opérateur à la croisée de ces différents modes opératoires. J’attire votre attention sur une chose : les scientifiques, ce n’est pas une communauté, mais des micros communautés et le scientifique qui est très pointu sur un sujet, va être nul sur un autre et va devenir un profane y compris sur un sujet qui est traité à l’étage en-dessous, la porte d’à côté. Nous sommes tous à la fois experts et ignares. On a des compétences dans un certain secteur, et la médiation c’est peut-être d’essayer de rendre plus perméables les frontières entre ces différents domaines d’expertise, comme le vôtre, la bibliothéconomie. Les scientifiques de bonne foi le reconnaissent. Ils ne se prennent pas pour des savants omniscients. C’est un petit peu comme ça que je verrais notre métier.

Taos AÏT SI SLIMANE : Vous avez parlé d’accessibilité, vous avez cité les activités du Collège que l’on retrouve également en ligne, de même que Sciences actualité, mais vous n’avez pas parlé de votre offre en édition, comment faites-vous vos choix ? Comment vous assurez-vous que les thèmes, leur traitement sur la forme et le fond, en tant que livres, soient accessibles à un large public ?

Roland SCHAER : C’est un vrai sujet, assez compliqué. On s’appuie pour l’essentiel, vous l’avez dit, sur deux moyens d’action :

D’une part, le programme de conférences « en ligne ». Nous recevons aujourd’hui 250 personnes, dans la salle, en moyenne par conférence. On s’est dit qu’il fallait, en s’appuyant sur ces contenus, déclencher des mécanismes de rayonnement, de diffusion plus large. Pour leur restitution sur Internet, les conférences sont enregistrées en vidéo, et on a une petite postproduction. Celle-ci permet de découper les conférences en sous-parties pour pouvoir rentrer dans la conférence sans forcément la visionner du début à la fin, et deuxièmement pour intégrer les documents qu’apportent les conférenciers. Vous savez qu’en science aujourd’hui, les 9/10e des conférenciers viennent avec des documents qui peuvent aller du PowerPoint qui résume ou synthétise le propos qu’eux-mêmes commentent, jusqu’à des vidéos, des bouts d’animations, des photos etc. Donc, on les réintègre dans le fichier qui vient sur Internet. La personne qui regarde la conférence sur Internet a sur une fenêtre le visage du conférencier qui parle et sur une autre fenêtre les documents qu’il a projetés au cours de sa conférence. Cela fait des objets qui ne sont évidemment pas très satisfaisants, ce n’est pas de la télévision professionnelle, ce sont des produits dérivés ; reste qu’actuellement, nous avons 400 conférences en ligne sous cette forme-là, et 6 000 heures de consultation par mois. C’est-à-dire que pour nous, la consultation sur Internet multiplie par 4 ou 5, l’auditoire de la conférence physique. Donc, chaque conférence a un auditoire de 250 personnes en moyenne plus un bon millier en ligne, en moyenne. Ça, c’est la première chose. C’est un peu insatisfaisant et je dois dire que lorsqu’on regarde ces objets, on se dit qu’un jour peut-être, on en viendra à inverser les priorités, à considérer que la consultation sur Internet est l’objectif premier, et du coup à fabriquer, avec les mêmes personnes, les mêmes scientifiques, avec leurs documents, des objets de vulgarisation scientifiques édités spécialement pour Internet. Ils ne dureraient pas une heure, mais peut-être 6 mn ou 12 mn, et le rapport entre ce qui est rendu visible par l’image, par la vidéo, par l’infographie, par l’animation et ce qui est dit par le conférencier serait mieux articulé ; il y a là une piste d’édition en ligne, un vrai travail éditorial, correspondant à des pratiques de consultation sur Internet, qui, j’en suis sûr, a un avenir.

Deuxième moyen de rayonnement, les livres. Nous choisissons les thèmes et les conférenciers qui nous ont parus être les plus aptes à l’édition écrite. C’est une collection de poche que nous coéditons avec les éditions Le Pommier, la « Collection le Collège » ; il y a une trentaine de titres parus. On pioche dans nos conférences, en général après coup, rarement avant. Ce sont des livres de poche de 50 000, 100 000 ou 150 000 signes. Parfois ce sont des livres collectifs, réalisés à partir des cycles très multidisciplinaires, dont le thème a remporté un vrai succès, et là on demande à plusieurs auteurs d’intervenir. Notre coéditrice, Le Pommier, connaît bien le marché du livre de science, puisqu’elle s’est spécialisée dans le livre de vulgarisation, le livre de science pour non spécialistes, hors édition universitaire. Elle nous aide dans le choix des thèmes et dans le choix des auteurs. De fait, entre la conférence et le livre il y a un gap considérable. L’auteur est obligé de beaucoup réécrire et l’éditeur de beaucoup travailler sur le manuscrit de l’auteur pour en faire un objet publiable sous la forme d’un livre. Ce n’est pas simplement la transcription d’une conférence, ou rarement.

Troisième question que vous avez posée au début, celle des frontières entre les sciences. Je voudrais simplement attirer votre attention sur deux choses. Quand on a réfléchi à la réorganisation des expositions permanentes de la Cité des sciences - ce qu’on appelait dans le temps des îlots permanents, comme Sons, Étoiles et galaxies, etc. – nous nous sommes demandés si aujourd’hui, contrairement à ce qui se passait dans les années 70-80, devant cette espèce de foisonnement de la recherche, le visiteur n’a pas besoin de quelque chose qui soit plus structuré, plus organisé et dans lequel il trouve plus de repères. C’était une hypothèse. Je ne dis pas que c’est la solution idéale, je vous rends seulement compte de notre réflexion. Le président de l’époque nous avait invités à réfléchir à une organisation qui, à côté des expositions temporaires appelées à aborder de multiples sujets, propose, dans les parties « permanentes » de grands repères. Partant d’un certain nombre de remarques faites par le philosophe Michel Serres, j’avais observé qu’il y aurait une manière de présenter une approche globale et structurée de la connaissance à travers 3 « Grands récits » : un grand récit qui porterait sur l’univers et la matière, puisqu’au fond, assez récemment, les sciences de l’univers, l’astrophysique etc., se sont réorganisées autour de l’hypothèse du Big-bang, c’est-à-dire autour de l’idée que l’univers a une histoire, qui date d’il y a 13,8 milliards d’années, et que même la matière a une histoire qu’on peut vous décrire. Deuxième récit, lié à la théorie de l’évolution, c’est l’aventure du vivant ; et troisième grand récit, plus classique, c’est celui des cultures. En fait ce sont des poupées russes.

Maud GOUY : Je croyais que c’était Récit de la culture.

Roland SCHAER : Je ne sais pas, je crois préférable de parler des cultures. La décision a été prise de faire le grand récit de l’univers. Le premier volet de cette proposition a été retenu, l’exposition va ouvrir en février. Et pour le moment les décisions ne sont pas prises sur la suite. En même temps c’est une décision terrible à prendre, parce que les expositions « permanentes » durent 15 ans, 20 ans. Structurer une offre pour 15-20 ans, c’est difficile, il faut être assez sûr de ce qu’on propose, le risque d’obsolescence est grand…

Question 2 : Vous disiez tout à l’heure que vous aviez le projet d’avoir des partenariats entre la médiathèque et votre service, est-ce que vous pourriez préciser votre propos ? J’ai peut-être mal compris

Roland SCHAER : …

Taos AÏT SI SLIMANE : La question est bonne, non ?

Roland SCHAER : Oui, elle est bonne, mais je vous propose, si vous en avez l’occasion, de poser aussi cette question à la directrice de la médiathèque. Vous l’avez déjà fait ? Cette question procède autant d’une volonté de donner encore plus de visibilité et d’importance dans l’offre de la Cité aux offres sciences et société, que d’une autre question qui se pose par ailleurs qui est : comment refonder l’offre de la médiathèque ? Et à un moment donné, avec la directrice de la médiathèque, on s’est dit : mais au fond peut-être qu’on se pose la même question par deux entrées différentes. Vous savez que depuis l’ouverture de la Cité, les expositions - on hésite d’ailleurs à garder le terme – sont placées sous l’appellation Explora. Hypothèse : que la Cité des sciences ait deux offres, l’une qui s’appelle Explora et l’autre qui s’appellerait Agora. Vous voyez ce que je veux dire ?

Taos AÏT SI SLIMANE : Souhaitez-vous qu’on le cuisine là-dessus, Explora nous savons ce que c’est, où c’est, mais qu’est-ce que, pour lui, l’Agora ?

Roland SCHAER : À ce stade, ce ne sont que des réflexions.

Taos AÏT SI SLIMANE : Bien, si vous n’avez pas de questions, si vous estimez que Monsieur Roland SCHAER a été clair et a répondu à nos questions, il ne nous reste plus qu’à le remercier, il nous avait effectivement annoncé qu’il ne pouvait malheureusement pas assister à la totalité de cette table-ronde.

Roland SCHAER : J’espère que ça répondait à certaines de vos attentes. Est-ce que j’étais à des années lumières de vos préoccupations ?

Question 3 : Je trouvais, justement que ça rejoignait vraiment les grands problèmes qui se posent actuellement et sur lesquels il faut qu’on réfléchisse en tant que bibliothécaires. Dans notre offre on doit tenir compte justement des débats vraiment actuels. Le fait que vous énonciez justement les différents débats qui sont essentiels dans la société, le rapport entre la société et la science, tout ça, est vraiment très important pour nous d’en tenir compte.

Taos AÏT SI SLIMANE : Pour les autres, estimez-vous que Monsieur Roland SCHAER a répondu à vos questions, attentes, commande de départ ? Oui. Très bien, merci infiniment Monsieur Roland SCHAER d’avoir bien voulu répondre à notre invitation. Nous vous libérons et continuons cette rencontre avec Maud GOUY. Merci Beaucoup.

Question 4 : Si, ça nous pose des questions mais …

Taos AÏT SI SLIMANE : Moi, j’ai des questions et des commentaires mais il doit vraiment nous quitter, c’était convenu.

Roland SCHAER : Bonne continuation.



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