Exposition générale internationale de 1937
Rapport présenté par André LÉVEILLÉ, Secrétaire de la section de Coopération intellectuelle
À Monsieur Aimè Berthod, Commissaire Général
Le 17 mai 1933
Monsieur le Commissaire Général,
Vous avez bien voulu me faire l’honneur de me demander un rapport sur la réalisation pratique et la présentation de la première section de l’Exposition de 1937, dite Section de Coopération Intellectuelle.
Malgré le très court délai que vous m’avez fixé, j’ai essayé de préciser les grandes lignes qui doivent, à mon sens, être la base d’un programme.
Dans cet exposé, vous constaterez des oublis, vous découvrirez sans doute un peu de confusion, et vous remarquerez parfois un manque de méthode et de logique que je suis le premier à déplorer.
Néanmoins, je vous apporte un ensemble d’idées qui pourront, je l’espère, être d’une certaine utilité.
Je tiens, avant tout, à remercier M. Locquin, commissaire général adjoint ; M. Sainte-Laguë, délégué général de la C.T.I. ; M. Henri Bonnet, directeur de l’Institut international de Coopération intellectuelle ; M. Henri Verne, directeur des Musées nationaux. Leurs suggestions et leurs conseils m’ont permis de réaliser ce premier travail.
Dans une certaine mesure, j’ai tenu compte du classement établi par la Commission présidée par M. François Carnot.
Cependant, un autre mode de classification pourrait être envisagé par la suite en ce qui concerne la Coopération intellectuelle.
Il serait assez curieux d’y voir trois grands groupes des manifestations de la pensée :
- A Formation … Enseignement / Sciences sociales / Religions
- B Expression … Arts / Lettres / Sciences
- C Diffusion … Presse / Radiophonie et Cinéma / Musées
L’application et le développement pratique devenant la section 2 et même 3, dans certains cas.
J’y verrais quelque chose de plus haut, de plus noble dans la présentation.
Monsieur le Commissaire général, vous apprécierez.
Les personnalités que j’ai consultées se sont trouvées unanimes pour désirer des manifestations vivantes et non pas, sauf à quelques exceptions près, des présentations de tableaux, de graphiques et de statistiques.
Dans la première section, concernant les manifestations de la pensée, du classement de la F.A.C. je n’ai pas trouvé :
- 1 ° L’architecture non réalisée (c’est-à-dire les projets et maquettes ;
- 2 ° La peinture, gravure, dessins, aquarelles, etc. ;
- 3 ° La statuaire ;
qui sont bien, je crois, des expressions de la pensée.
Une difficulté a surgi. C’est l’incertitude (et, en ce qui me concerne, l’ignorance) des emplacements des palais et des locaux qui seront mis à la disposition de la Coopération intellectuelle. J’ai donc fait des suppositions et des projets arbitraires.
Je suis d’accord avec M. Locquin sur quelques emplacements pour les manifestations qui nous concernent.
Nous rêvons des palais, des manifestations et des fêtes de l’Art et de l’intelligence.
Nous voyons - au lieu de la Manutention militaire, deux palais - l’un le Musée Modèle, l’autre le Musée d’Art contemporain remplaçant le Luxembourg ? Nous imaginons que le Trocadéro modifié et aménagé est à notre disposition pour toutes les formes spectaculaires et les Congrès.
Nous pensons qu’à la place du Dépôt des Phares de l’avenue Wilson pourrait être édifiée une Maison grandiose, où serait présenté, expliqué, tout ce qui concerne l’Enseignement, et qui, par la suite, serait la Maison du Travail intellectuel.
Enfin, sur les rives de la Seine, près du pont d’léna, s’élèverait le Palais de la Presse et de la Publicité, quelque chose de mieux et de plus complet que le Palais des Informations de 1931.
Tout cela formant en quelque sorte « LA CITE DE LA PENSÉE HUMAINE ».
J’arrive, Monsieur le Commissaire général, aux diverses formes de présentation de la Coopération intellectuelle dans ces palais ... de rêve !
SCIENCES
Démontrer l’influence des découvertes scientifiques qui transforment les conditions d’existence des peuples et qui doivent participer à l’œuvre de civilisation et de rapprochement international.
Présenter les grandes inventions ou découvertes qui ont le plus modifié la vie économique et sociale et qui ont fait, ou auraient dû faire, progresser l’esprit hum a in.
Par une mise en scène habile on peut rendre intéressante pour tous une telle démonstration.
On se rend compte de ce que serait par exemple une présentation comme celle-ci :
« Influence du moteur sur les conditions d’existence de l’humanité. »
Les appareils scientifiques et mécaniques ne manqueraient pas d’intérêt, par eux-mêmes, mais leur emploi ingénieux sous forme d’attractions populaires, de bon goût, serait un moyen d’éducation et, par surcroît, une source de recettes considérable.
(À ce sujet, il y aurait lieu de faire plus tard une étude spéciale des moyens de faire savoir quelque chose aux autres.)
Que diriez-vous, Monsieur, d’un immense planétarium savamment combiné et aux mouvements multiples qui, certainement, attirerait et instruirait les grandes foules ?
Et d’un globe lumineux qui permettrait, par des jeux d’ombres, de montrer à quel point, par la rapidité des moyens de transports, la notion de distance s’est modifiée depuis 50 ans ?
Il est vraisemblable que l’Institut d’Optique ferait des merveilles et que des savants tels que MM. Borel, Fabry, Langevin et Perrin, pour ne citer que ceux-là, ne refuseraient pas leur concours.
Dans un même ordre d’idées, le public ne serait pas insensible au rappel de toutes les inventions qui ont successivement bouleversé le monde.
C’est Ader, en 1897, qui fait décoller un avion avec un moteur à vapeur.
C’est le fusil photographique de Marey en 1882.
Ce sont les dirigeables.
Ce sont les automobiles.
Pourquoi ne pas demander à la Mer, à l’Air, à la Montagne, à la Terre, et au Feu de nous fournir les moyens d’organiser, de réaliser des attractions sensationnelles ?
La mer. -C’est un vaste sous-sol en ciment avec des galeries, des plafonds en verre pour que les visiteurs aient la sensation d’être dans l’océan, ils y verraient autour et au-dessus d’eux toute la faune et toute la flore sous-marines, dans des décors appropriés (suivant les profondeurs et les latitudes). Au rez-de-chaussée, seraient présentées toutes les découvertes auxquelles la mer a donné lieu dans tous les domaines de la Science (Claude et Boucherot).
Au premier étage, un aménagement spécial ferait connaître toutes les œuvres littéraires, musicales, artistiques, inspirées par la mer, une salle de spectacle et de projection serait spécialement construite et une galerie réunirait les œuvres capitales des peintres de la Mer de tous les temps et de tous les pays.
Pour l’air. -Même réalisation dans un décor approprié, donnant les aspects multiples des ciels, avec projections des films du docteur Magnan sur le vol des oiseaux, et jusqu’aux mystères entrevus de la stratosphère.
Pour la montagne. - Sa constitution géologique, la marche de ses glaciers, ses richesses minérales, son énergie (chutes d’eau), sa faune, sa flore.
Les œuvres inspirées dans tous les domaines de l’Art.
Imaginez-vous ce que serait la réunion de quelques centaines d’œuvres de Turner, le plus grand peintre des ciels et de la montagne, et inconnu du grand public.
Enfin, la Terre et le Feu ne seraient certes pas inférieurs en résultats. Si je ne m’abuse, la réalisation d’un Palais des Éléments assurerait à lui seul un succès à l’Exposition.
Et si l’on montrait - si j’ose ainsi m’exprimer - un atome, grossi, chiffré, commenté ?
Ce millionième de millionième ... dont on ferait connaître les éléments, le mouvement, la puissance, pour en arriver à dire que le nombre d’atomes contenus dans 12 grammes de carbone est égal au nombre de grains de sable de 1/10 de mm 3 qui couvriraient la France entière d’une couche de 100 mètres d’épaisseur.
Dans les domaines de la chimie et de la microbiologie, mêmes possibilités d’un intérêt passionnant.
Imaginez, Monsieur, la vie des infiniment petits de l’air, de la terre, de la mer, qu’une mécanique rendrait visible à nos yeux !
Supposez que le cinéma permette de rendre sensible la loi de Mendel sur l’hybridation et la transmission des caractères ! ! !
On peut pour cela faire une partie musée (genre Conservatoire) et une partie présentation sous toutes formes.
Toutes les données les plus rigoureuses de la science, les anticipations, qu’il ne faut pas craindre, les comparaisons peuvent donner naissance à des attractions amusantes.
Mon excellent ami Sainte-Laguë et moi-même tiendrons à votre disposition des projets pour lesquels il ne nous manque que de l’argent.
Et je ne parle pas de l’électricité, ni de la houille blanche, ni des autres énergies dont les effets se font sentir jusqu’au fond des campagnes, ce que ne manquera pas de faire voir, à un certain degré, la section de vie ouvrière et paysanne.
Enfin, avec des moyens appropriés les progrès de la médecine et de la chirurgie seront vulgarisés et là encore probablement, sous la forme musée et sous la forme projections, cinémas, opérations filmées, etc., lutte contre les maladies contagieuses ...
Une autre forme serait à trouver pour rendre sensibles les apports de chacune des régions de France dans tous les champs d’activité intellectuelle.
Faire valoir que la Normandie, la Gascogne, la Flandre, etc., comptent parmi leurs enfants tel savant en rappelant ses travaux, tel artiste en présentant son œuvre.
Exemple : la Franche-Comté aurait Pasteur et Courbet.
Chacune des provinces de France trouverait à satisfaire un légitime orgueil.
Les Sciences sociales, en dehors des études qu’elles engendreront, peuvent donner lieu à l’établissement et à la comparaison des standards de vie à différentes époques, et divers pays.
Par ce procédé, il serait aisé de constater que la moyenne du Pays A est de X, et que la machine y est au service de l’homme, qu’il voyage, jouit du cinéma et profite d’un tel degré de confort et d’hygiène. Tandis que dans le pays B, la moyenne est de Z, et que le paysan tire lui-même avec sa femme une charrue grossière, qu’il ne voyage pas, ne lit pas, ne connaît ni l’électricité ni aucune machine ... et ne se soigne pas.
Dans cette même classe, il serait peut-être indiqué de présenter des types de clubs, de salles de réunions.
Faire également la place qu’elles méritent aux œuvres de l’Enfance, à la Puériculture, à la Sexologie.
Je ne serais pas ennemi de certaines démonstrations, d’une sorte de vulgarisation, d’adaptation, des idées du docteur Fauchet : « Pour être heureux », formes d’hygiène et d’alimentation qui rendent la vie plus agréable et les hommes d’humeur plus égale.
Pourquoi hésiterait-on à montrer ce que la guerre a coûté dans tous les pays qui y ont pris part ?
En contrepartie, chiffrer ce que l’argent employé pour tuer et détruire aurait permis de sauver d’existences, d’assurer la bonne marche d’œuvres sociales, de construire d’hôpitaux, de sanatoria, d’écoles, etc.
Exposer le problème des monnaies, dire par une image, que pour telle somme d’argent on avait un bœuf et que pour le même prix on n’en peut avoir que la dixième partie. Prouver que la machine sociale est faussée, et qu’il faut trouver un nouvel équilibre.
Frapper les masses en faisant comprendre ce que serait une autre guerre, exposer un type de bombe incendiaire en chiffrant les dégâts qu’elle peut causer, de même pour les gaz - une maquette de quelques quartiers de Paris, de Londres ou de Rome auprès de laquelle on placerait une de ces bombes en expliquant qu’en tant de minutes tel quartier et tant d’habitants seraient brûlés ou asphyxiés.
L’impossibilité de sortir des grandes villes en cas de guerre serait facile à démontrer. Ce sont là des manifestations capables de toucher le public et qui, à un certain degré, ressortissent aux sciences sociales.
M. Couchoud a proposé de réaliser la « Cité des sanctuaires ».
Vous conviendra-t-il de vous arrêter à l’étude des religions et des superstitions dans la vie moderne ?
Entrevoyez-vous la possibilité de construire de petits temples des religions totalement inconnues des Indes, de l’Afrique, etc., sorte de synthèse de la pensée religieuse ?
Dans cette cité, exposer les œuvres artistiques, peintures, musique, littérature religieuses.
Cela, en quelque sorte, en annexe aux organisations familiales et sociales.
Les littératures, pures et techniques auront à retenir toute notre attention afin de déterminer les grands courants de la pensée. Découvrir si leur marche est parallèle à celle des inventions scientifiques et aux modifications des conditions d’existence de l’humanité.
Marquer la participation de l’activité littéraire à l’œuvre de civilisation et de rapprochement ou de division des peuples comme dans le domaine scientifique.
À première vue, ces classes des « Lettres » doivent donner lieu à des rapports, des congrès, des conférences, et à un certain nombre de graphiques.
Les artistes auraient l’occasion, sur des sujets qui leur seraient donnés, de traduire, d’interpréter ces idées, sous forme de grandes décorations ou de fresques.
Mais il est un autre aspect bien plus propre à des manifestations actives. C’est la Presse.
Reprendre d’une part l’idée d’une sorte de Palais des Information beaucoup plus complet et plus étendu que celui de 1931, d’autre part s’inspirer de ce qui s’est fait à Cologne, à l’Exposition de la Presse.
La presse sous toutes ses formes - quotidienne, hebdomadaire, illustrée ou non - en faisant connaître tous les moyens de reportage et d’illustration par les procédés scientifiques les plus modernes.
Des mises en scène attrayantes attireraient les visiteurs.
N’est-ce point là aussi que trouverait place l’Encyclopédie moderne ? sorte de mise au point en 1937 des idées de l’humanité. Peut-être considérez-vous que le groupe de l’Enseignement est plus qualifié.
Vous en déciderez.
Une révision du calendrier dont on a parlé jadis ne serait-elle pas opportune à l’occasion d’une grande Exposition internationale ?
La Publicité, sous toutes ses formes, fixe, mobile, lumineuse, serait rattachée au Palais des Informations.
Dans ce domaine, il est évident que les idées les plus nouvelles seront proposées à votre choix.
Pour le groupe des Manifestations théâtrales, dramatiques, lyriques et musicales, danses, ballets, le champ d’action est immense et se prête par sa nature même à des programmes capables d’intéresser à la fois une élite et le grand public.
Tout d’abord, il y aura lieu d’étudier les salles de spectacles qui seront mises à la disposition de ces classes et, en ce sens, un effort particulier est à tenter.
Quel résultat heureux parmi d’autres, s’il était donné à l’Exposition de 1937 de laisser la salle de spectacles la plus parfaite de notre époque.
Tous les pays apportant leur concours et l’Institut international de Coopération intellectuelle, par ses relations régulières avec l’étranger, fournissant les plus précieuses indications.
Faire ressortir l’orientation nouvelle de ces formes de l’art - tel paraît devoir être l’un des buts principaux. Il ne semble pas qu’il y ait lieu de s’arrêter ici sur cette partie considérable de !’Exposition qui trouvera aisément toutes les compétences.
Toutefois, il ne faudrait pas omettre de faire une place importante aux participations exotiques, au théâtre en plein air, au théâtre populaire et au théâtre de marionnettes.
Enfin, c’est aussi dans ce groupement ou à la fois dans ce groupe et celui des Lettres que le folklore avec ses chants, ses danses et ses poésies trouvera la place qu’il mérite.
Les spectacles, les concerts, à eux seuls ne suffiraient pas à une présentation complète. Des ententes seront aisément réalisées avec d’autres classes pour le décor et les costumes qui auront à requérir l’attention et les soins d’organisateurs qualifiés.
Puisque nous nous sommes arrêtés au groupe de Manifestations spectaculaires, il est assez logique d’aborder ceux du Cinéma et de la Radiophonie.
Je ne crois pas commettre une erreur en détachant de ces classes le cinéma et la radiophonie éducatifs qui ont leur place dans le groupe de l’Éducation nationale et plus spécialement de l’Enseignement.
Pour le reste, deux formes de présentations me semblent devoir être retenues.
D’abord, ce que l’on pourrait appeler, comme l’a fait M. Lebrun, directeur du Centre national d’éducation pédagogique, « le Musée du Cinéma, de la Radiophonie et de la Télévision », c’est-à-dire tous les types d’appareils et de bandes depuis l’origine pour constater les progrès accomplis.
Ensuite les manifestations du cinéma : documentaire, scientifique, spectaculaire ; de la télévision ; et les mêmes manifestations radiophoniques et phonographiques : radio théâtre, radio musique.
Chercher à réaliser un type de salle parfaite comme pour le théâtre.
Enfin, vous jugerez s’il faut aborder la question des archives du cinéma, confondues souvent avec la cinémathèque.
La cinémathèque, qui comporte le classement et la garde des bandes positives, suggérera des organisations pratiques et ingénieuses pour la conservation dans les meilleures conditions et avec la moindre surface d’encombrement, des bandes positives pour le moment -du fil enregistreur dans un prochain avenir -l’étude du degré hygrométrique de l’air sera à préciser. Enfin, quantité de questions seront résolues par des techniciens.
Les archives du Cinéma ! C’est tout autre chose : c’est la conservation des négatifs, ceux-ci sont particulièrement inflammables et présentent les plus grands dangers.
Serez-vous partisan, Monsieur le Commissaire général, d’étudier cet aspect de la cinématographie ?
L’influence du cinéma sur l’intelligence, la sensibilité et la morale des grandes masses n’est pas douteuse.
Serait-il opportun pour ces raisons et pour répondre à des préoccupations d’ordre international d’étudier l’organisation d’un « Centre de production cinématographique ».
Là encore vous déciderez.
Je vous ai dit un mot tout à l’heure des manifestations cinématographiques, scientifiques. Je les vois plutôt dans le groupe des sciences où elles trouveront des commentateurs et conférenciers compétents et des spectateurs avertis et intéressés.
Ne pas oublier la littérature cinématographique. En ce qui concerne l’Éducation nationale, groupe d’une importance capitale, M. le ministre aura un rôle prépondérant dans cette partie de !’Exposition.
J’imagine que toutes les formes d’enseignement, depuis l’enseignement primaire jusqu’à l’enseignement supérieur et les laboratoires, seront représentées, ainsi que l’enseignement technique, artistique, postscolaire, etc.
Là encore, le Musée pédagogique sera en mesure de fournir une documentation incomparable.
Des types de salles de lecture, de bibliothèques, seront à étudier. La bibliothèque circulante en particulier.
Comme je l’ai exposé précédemment, toute la partie éducative du cinéma et de la radiophonie trouvera place dans ce groupe, avec les types d’appareils et l’explication des systèmes de prêts et de circulation des bandes.
Pourraient être aussi étudiés les projets de révision des manuels scolaires répondant à un esprit d’entente internationale.
La présentation et l’illustration de ces manuels trop souvent négligées devraient faire l’objet de soins spéciaux et j’y verrais l’utile collaboration des artistes.
À la faveur de l’Exposition, des échanges universitaires et scolaires sont à envisager.
Les travaux d’élèves ne manqueraient pas d’intérêt.
L’étude de l’orientation professionnelle et l’École unique seront à l’ordre du jour.
Des séries de Tests de Binet et autres avec les résultats obtenus frapperaient vivement les visiteurs de ces classes (résultats en Amérique, Ukraine, etc.).
Pour les laboratoires, toute une présentation spéciale et attrayante est possible.
Il ne serait peut-être pas mauvais d’exposer un laboratoire type répondant aux besoins ·moyens de certaines écoles - en indiquant le montant de la dépense - ce qui pourrait inciter des particuliers ou des industriels dans certaines régions à se grouper pour faire don d’un laboratoire, dans l’intérêt de leur industrie et de leurs enfants.
Dans l’ordre international, faire connaître les travaux sur la Bibliographie internationale des traductions, sur l’adoption universelle des caractères latins, sur la coordination des terminologies archivistiques et scientifiques, sur la classification décimale.
Ferez-vous une place à l’Esperanto ?
Je pose la question.
ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES
Monsieur le Commissaire général, comme je vous disais plus haut, il m’apparaît que les arts graphiques et plastiques sont l’une des formes d’expression les plus certaines de la pensée.
Je crois qu’aux origines, l’homme a commencé par fixer ses rêves, ses désirs par des formes plastiques et que ses premiers dieux ont été sculptés de ses mains.
Dans ces travaux, il y avait sans nul doute un effort intellectuel. Pour ma modeste part, je revendique pour la section de Coopération intellectuelle les classes architecture, peinture, sculpture.
Par architecture, j’entends l’architecture non réalisée (c’est-à-dire les projets, maquettes, films spéciaux).
Dans la peinture et la sculpture, tout ce qui n’est pas monumental, je veux dire qui ne participe pas, j’ose dire d’indépendance, sans lesquels l’art ne peut évoluer, ni prospérer.
Il semble indiqué, à présent, de parler Musées
Cette question intéresse les artistes au premier chef. De plus, elle est de toute importance pour la présentation des œuvres d’art, leur conservation et l’éducation du public.
Je crois, Monsieur le Commissaire général, qu’il est dans vos intentions, à la faveur de l’Exposition de 1937, de doter enfin la France de deux musées modèles.
Quai de Tokio, au lieu de la sinistre Manutention, deux palais seraient édifiés, séparés par une voie qui, partant de la Seine, aboutirait au Musée Galliéra.
L’un serait par la suite le Musée d’Art contemporain et remplacerait le Luxembourg et ses annexes, l’autre serait le Musée modèle pour la présentation moderne des collections depuis l’archéologie jusqu’aux objets de notre époque.
D’ailleurs, en ce qui concerne ces deux musées, il existe des projets très étudiés de MM. Henri Verne et Louis Hautecœur, appuyés sur les travaux de l’Office international des Musées, et je ne me permettrai pas la moindre réflexion à ce sujet. Je forme le vœu d’une mise au point définitive et d’une prompte réalisation.
C’est peut-être dans l’un de ces Musées que trouveraient place les services d’examen, de restauration et de conservation des œuvres d’art, dont de toute façon les travaux devraient être mis sous les yeux du public.
Dans le premier de ces musées, pendant l’Exposition, figureraient, si cette idée était adoptée, une sélection des plus magnifiques chefs-d’œuvre modernes du monde entier.
Dans le second, les projets, maquettes, études (dispositions, éclairage, placement) de tous les types des musées.
Là également seraient exposés les travaux effectués sur les influences des migrations humaines sur les arts, sur la marche des migrations par les traces artistiques qu’elles ont laissées.
Un parallèle serait à établir aussi pour voir dans quelle mesure les découvertes scientifiques ont transformé ou modifié ou influencé les œuvres d’art.
Dans un ordre d’idées très différent, que diriez-vous, Monsieur le Commissaire général, d’une histoire des jardins à travers les civilisations ? On trouverait là des spectacles amusants, et je ne crois pas que cela soit bien coûteux ni difficile, si vous décidez d’occuper des terrains à Issy-les-Moulineaux. J’ai des idées assez précises à ce sujet, mais qui seront à reprendre plus tard si besoin.
Je n’aurai garde d’oublier les Conférences et les Congrès qu’il faudra organiser avec soin et méthode en temps opportun. Chacun d’eux correspondra plus spécialement à un groupe et intéressera un public spécial.
Il est prématuré d’entrer dans des détails.
Néanmoins, ne croyez-vous pas, Monsieur le Commissaire général, qu’en ce qui concerne la section de Coopération intellectuelle, une série de grandes Semaines internationales aurait une immense portée ?
Une semaine serait réservée aux arts, une autre aux sciences, une troisième aux lettres, une quatrième au travail intellectuel en général, etc.
Une organisation de longue haleine permettrait de s’assurer la présence des hommes les plus éminents du monde entier dans chacune de ces formes de l’intellectualité et à la journée solennelle de clôture, la France entière viendrait en quelque sorte rendre hommage à tout ce qui fait la gloire la plus pure de l’humanité.
Et j’ose croire qu’une publicité bien organisée, et de bon aloi, ferait accourir toutes les provinces de France et l’étranger à Paris.
Je voudrais que chacun ait l’orgueil de dire plus tard à ses enfants : « J’ai assisté à Paris à cette inoubliable journée où le monde a salué la pensée humaine dans ses plus glorieux représentants ».
Il me semble que cela serait très beau - et un signe de temps meilleurs. Il nous serait alors permis d’espérer que tous les moyens de Coopération intellectuelle mis au service des œuvres de bonheur, ne serviraient plus à des œuvres de misère, de destruction et de mort.
Ce premier exposé est, dans certains cas, un peu obscur, dans d’autres il est empreint de sécheresse.
Tout cela nécessite des corrections et des ajustements.
Mais, Monsieur le Commissaire général, je n’ai voulu que vous exposer modestement mes idées, unes et que, mises au point, elles obtiennent un peu de succès.
27 mai 1933
P.-S. -Je crois qu’une aussi grandiose manifestation serait une occasion unique pour Messiers les architectes de prévoir dans leurs projets, et dans la mesure la plus large, la décoration des édifices par des sculptures, des fresques et des peintures.
Durant cette période de crise qui touche si durement les artistes, cette forme d’aide par le travail serait préférable à toutes les œuvres d’assistance.
André Léveillé,
14, square de l’Alboni (16°)