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Guerre d’Algérie : les soldats du refus

Transcription, par Taos AÏT SI SLIMANE, du premier second épisode de « La série documentaire » : « Algérie, les ineffables mémoires », du 04 mai 2021

Édito sur le site de l’émission : LSD, La série documentaire, « Algérie, les ineffables mémoires » Épisode 2 : « Guerre d’Algérie : les soldats du refus » : À Sur les 1,2 millions d’appelés combien voulaient la faire cette guerre ?

« Il ne faut pas croire ! » Sur les 1,2 millions d’appelés combien voulaient la faire cette guerre ? Pourtant, ils y sont tous allés, par goût du romantisme et du voyage ou par conviction politique, ou encore au nom de cette idée que « le régiment » virilise et fait de vous un homme, un vrai, un dur. Ils sont pourtant près de 12 000 à avoir refusés, d’une manière ou d’une autre, de participer à cette guerre, soit 1% des appelés. Refusant de devenir les « dormeurs du val » d’une guerre qui n’était pas la leur, certains firent comme le Déserteur de Boris VIAN. Ils écrivirent des lettres à Monsieur le président René COTY et à son successeur De Gaulle, et ils finirent en prison, en métropole ou en Algérie dans les bagnes ou les « bats-d’Af » (bataillons d’Afrique). On les a appelés « les soldats du refus ». Alban LIECHTI et Jean CLAVEL les deux premiers d’entre eux n’ont pas attendu le « Manifeste des 121 » pour s’opposer à cette guerre coloniale. Lâchés par le PCF, ils se souviennent de la note. Plutôt salée.

Avec : Gérard MORDILLAT, écrivain, cinéaste ; Tramor QUEMENEUR, historien ; Alban LIECHTI, premier « soldat du refus » ; Jean CLAVEL, second « soldat du refus ».

Transcription du premier épisode de cette série, à retrouver ici : Guerre d’Algérie : mais qu’a donc fait papa dans cette galère ?

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Archive Ina Première conférence de presse du Général de GAULLE [1] « […] Je n’en préjuge pas, mais je suis sûr que les Algériens veulent et voudront que le sort de l’Algérie soit lié à celui de la France. Et je suis sûr que la France le voudra, elle aussi, […] »

Extrait du film : Cher Frangin de Gérard MORDILLAT, 1989 En 1959, j’avais dix ans. Comme tout le monde j’allais beaucoup au cinéma. Les grands pour s’embrasser dans le noir, moi pour voir les films, faute d’avoir quelqu’un à embrasser. Ce soir-là, c’était une première. Mon frère me sortait en semaine, un vendredi, pour voir le dernier film de Cary GRANT. Hélas, il sortait aussi sa fiancée. Tu étais vraiment obligée de l’emmener ?

Gérard MORDILLAT, écrivain, cinéaste : Moi, j’avais 10 ans pendant la Guerre d’Algérie. Mon frère avait été appelé en Algérie. Et, tous mes copains d’école avaient, qui un frère, un cousin, un voisin. Donc, c’était une chose quand même qui était très présente dans nos têtes, même si on vivait la guerre par procuration. On attendait le courrier, on se demandait ce qui se passait. Il y avait ce qu’on pouvait lire dans les journaux, entendre à la radio. Et puis, pour les parents, il y avait l’angoisse de voir le fils partir en Algérie, puisque pour beaucoup ça voulait dire aller se faire tuer en Algérie. Alors, il n’y avait peut-être pas une expression publique de cette inquiétude et de cette conscience, puisque qu’on s’adressait a priori aux politiques ou à ceux à qui on accorde la parole. Mais je crois que sur un plan populaire, moi, j’ai grandi et vécu dans le 20e arrondissement, entre Belleville et Ménilmontant, je veux dire c’était très fortement présent, et ça l’est encore aujourd’hui à travers des amis que j’ai. Alors, c’est vrai que c’était lointain, mais en même temps, c’était présent aussi. Dans la classe il y avait des enfants d’origine algérienne, qui on demandait pourquoi, qu’est-ce qui se faisait. Ils étaient comme nous, des copains d’école, quoi. Donc, il y avait ça. Mon vrai souvenir, réel, direct, c’est l’interrogation par rapport à nos copains d’école. Le petit Jacky Saïd, d’un seul coup, il y a des mots qui étaient apparus : crouille, fellaga, etc. Est-ce que le petit Jacky Saïd, c’est un crouille ? On en discutait, lui-même en discutait pour savoir s’il en était ou pas. C’est plutôt ça, d’un seul coup une sorte d’invasion de mots nouveaux, qui désignaient les uns et les autres de termes qu’on n’avait jamais entendus, et qui nous paraissaient d’une étrangeté absolue au regard de ce que l’on vivait.

Extrait du film : Cher Frangin de Gérard MORDILLAT, 1989 :

  • Qu’est-ce que tu fais là ? Tu es encore là ?
  • Écoute-moi bien Marius, je vais te dire quelque chose que tu es en âge de comprendre.
  • Quoi ?
  • Si tu ne comprends pas ça, tu ne comprendras jamais. Tu ne peux pas faire la guerre.
  • Tu ne veux pas tirer sur les crouilles ?
  • Ne dis jamais des choses comme ça. Allez, vient.

Tramor QUEMENEUR, historien : On est dans une société qui sort de la Seconde Guerre mondiale, qui a une force de la résistance, de la résistance armée, qui est présente, on est en à peine dix ans après. C’est ce culte-là aussi des résistants, des parachutistes en particulier aussi, qui ont contribué à libérer la France. Donc, il y a vraiment cette culture militaire très forte finalement, qui est portée aussi par des générations précédentes. Les grands-pères ont fait de la Première Guerre mondiale, les pères ont fait la Seconde Guerre mondiale. Donc, vient en quelque sorte naturellement, on pourrait dire, le tour du fils, c’est dans la normalité. Cela contribue et cela participe aussi du culte de la virilité, on pourrait : faire ses classes, le conseil de révision, … Tous ces éléments-là : on, est bon pour le service, on est bon pour les filles. Donc, on va faire son service militaire, on va revenir, on va trouver un travail, on va pouvoir fonder une famille. Donc, c’était la suite logique.

Extrait du film : Cher Frangin de Gérard MORDILLAT, 1989 :

  • Si t’as déserté, ils vont te fusiller, comme pépé
  • T’auras qu’à mettre ma photo à côté de la sienne.
  • Tu déconne toujours !
  • Les parents, ils sont là ?
  • Pourquoi ?
  • J’ai oublié quelque chose à la maison.
  • Qu’est-ce que tu as oublié ?
  • Ta bille porte-bonheur, tu la veux ?
  • Il n’y a jamais personne à cette heure-là.
  • Eh bien, ça tombe bien, tu vas m’accompagner à un taxi. Et surtout, tu ne dis rien aux parents, tant que je ne leur ai pas écrits. D’accord ?
  • D’accord.
  • Alain CHEVILLARD ?
  • … Oui.
  • Veillez nous suivre sans faire vilain.
  • Je peux d’abord dire au revoir à mon petit frère ?
  • D’accord, mais faites vite.

Gérard MORDILLAT, écrivain, cinéaste : Je crois qu’on refuse d’abord non pas pour des raisons politiques mais pour des raisons morales. C’est-à-dire avec plus tôt, pour parler dans ces termes-là, avec une conscience de classe plutôt qu’avec une conscience politique. Dire on refuse parce qu’on comprend qu’on veut envoyer la personne se battre contre finalement ses semblables. Semblables non seulement en tant qu’individus, mais ses semblables de classe, c’est-à-dire des gens qui eux aussi sont deux familles ouvrières ou de petite ou moyenne bourgeoisie, qui sont simplement des autres, qu’on désigne comme l’ennemi. L’invention de l’ennemi est un des points essentiels, je dirais, de la pensée stratégique. Il faut inventer l’ennemi, pour justifier l’injustifiable. Et je crois que c’est pour ça qu’on refuse.

[Annonce : « Algérie les ineffables mémoire : les soldats du refus », Alain LEWKOWICZ et Somany NA.]

 ? : Dans « Cher Frangin », film réalisé en 1989, Gérard MORDILLAT raconte le destin d’Alain, jeunes insoumis obligé de combattre dans une guerre qu’il refuse, et qu’il ne cesse de raconter à son petit frère. Tire-au-flanc pour les uns, Alain incarne tous ceux pour qui cette guerre n’était pas la leur. Dur plus de deux millions d’appelés, seul 1% d’entre eux ont dit non. Une poignée, tous militants communistes. Ils écrivirent des lettres à Messieurs COTY et de GAULLE, ils finirent en prison, en métropole ou en Algérie, dans les bagnes ou les « bats-d’Af » (bataillons d’Afrique). On les a appelés les soldats du refus. Refus sans aucun doute à l’origine de la publication, le 6 septembre 1960, du « Manifeste des 121 », mettant la question de l’insoumission au cœur de la Guerre d’Algérie.

Tramor QUEMENEUR, historien : Au cours des années 1955 et 56, la question des désobéissants s’est déjà posée. À l’automne 1955, on allait, à ce qu’on appelle les manifestations des rappelés, c’est-à-dire qu’on a des personnes qui sont maintenus sous les drapeaux, les soldats dont on prolonge le service militaire, de 18 à 24 mois, puis après cela sera 27 mois. Évidemment, ils l’acceptent mal. Et surtout, ce qui est encore plus mal accepté, c’est les rappels sous les drapeaux, parce que ce sont des jeunes gens qui ont terminé leur service militaire, qui ont repris la vie civile, qui pour une certaine partie d’entre eux ont retrouvé un travail, se sont fiancés, voire mariés, ont peut-être un enfant, et on leur dit, il faut retourner sous les drapeaux. Et là, en fait, on va trouver deux moments, à l’automne 1955 et au printemps 1956, où on a des mouvements de manifestations qui sont très forts. En particulier à l’automne 1955, on s’aperçoit que la question la désobéissance est déjà posée, même, par exemple, par Pierre COT, un ancien ministre de du Front populaire, par Marceau PIVERT, un socialiste aussi, qui va même poser la question de la désobéissance au sein de l’Assemblée nationale à ce moment-là. Aussi, on a des jeunes par exemple qui vont assister à une messe en l’église Saint Séverin, à Paris, dans le 5e arrondissement, et qui vont poser la question de leur participation dans la Guerre d’Algérie ; Ils ne veulent pas tirer, je cite leurs mots, sur leurs frères Musulmans.

Gérard MORDILLAT, écrivain, cinéaste : C’est vrai qu’il y a eu très peu de refus de partir. D’ailleurs, c’est toujours une question qu’on se pose dans toutes les guerres : Pourquoi y va-t-on ? Pourquoi sort-on de la tranchée ? Pourquoi se bat on ? Pourquoi, soudain nous mettons notre vie en danger ? Au nom de quoi ? De quelle chose ? Dans « Cher Frangin », c’est ça. Bien sûr, il refuse, mais aussi il se fait arrêter par la police et réexpédié directement en disciplinaire. Donc, on voit aussi comment l’État au fond reprend la main sur ceux qui s’opposent à ces décisions. Et comment à l’intérieur d’un fonctionnement d’une armée, on mobilise facilement, finalement, ceux qui y sont, en mettant en exergue les « exactions », entre guillemets, des autres. S’ils ont fait ça à tes copains, tu ne peux pas rester indifférent, donc tu dois te battre contre eux. Voilà, c’est ça, que je voulais montrer, comment on est pris dans un système, qui finalement, quelles que soient vos convictions, vous broie.

René COTY, juin 1955 : « Ceux qui nous font actuellement une guerre sournoise et sauvage, sont du même coup au plus mal aisément (manque un mot, incompris). Les exagérations, les outrances, la violence, l’abominable violence, ne peuvent que desservir les causes qu’elles prétendent défendre. »

Tramor QUEMENEUR, historien : Il n’y a aucun parti qui les soutient ? Les seuls, cela va être les anarchistes, certains anarchistes, la Fédération communiste libertaire, par exemple, en particulier, ou bien des trotskistes également, qui vont véritablement porter une un discours anticolonialiste. Mais, ils sont très minoritaires. Ils subissent la censure, sont complètement marginalisés, et même sous la coupe de poursuites judiciaires. Donc, au bout du compte, les jeunes qui ne veulent pas partir, se retrouvent complètement isolés. Ce qui se passe, c’est qu’ils partent quand même. On arrive finalement, à la moitié de l’année 1956, dans la population française, à 70% de la population qui pense que l’Algérie va être indépendante, et qui au bout du compte ne veut pas que les jeunes partent là-bas. Donc, la Guerre d’Algérie au bout du compte s’est fait contre la population française aussi.

« La France, après les bouleversements qui ont transformé la face du globe, peut être fière de la fidélité que lui témoignent, dans leur immense majorité, les populations des vastes espaces africains, où flotte un drapeau tricolore. »

Alban LIECHTI : La première lettre de refus à René COTY [2].

Monsieur le président,

Ma compagnie doit partir ces jours-ci en Afrique du Nord. J’ai toujours suivi les ordres qui m’ont été donnés. J’ai suivi avec attention l’instruction militaire. J’ai suivi volontairement le peloton. Je suis prêt à combattre quiconque s’attaquerait à ma patrie. Je veux être fidèle aux traditions françaises de lutte pour la liberté et la justice.

Florian écrivait dans une de ses nouvelles Camiré : « La guerre me fait horreur, j’admire, et chéris homme courageux qui, si l’on vient attaquer sa femme, ses enfants, sa patrie, s’arme aussitôt, s’expose à la mort pour le salut de ses frères. Cet homme-là n’est point un homme de guerre comme on l’appelle fort mal à propos, c’est un homme de paix et de justice, car il combat pour l’une et pour l’autre. »

La guerre que font nos gouvernants au peuple algérien n’est pas une guerre défensive.

Dans cette guerre, ce sont les Algériens qui défendent leurs femmes, leurs enfants, leur patrie, ce sont les Algériens qui combattent pour la paix la justice.

C’est l’amitié entre Français et Algériens que je veux défendre.

C’est aussi la Constitution française que je respecte puisqu’il est dit dans son préambule : « La République française n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple. » [3] C’est en 1956. Je suis née en 1935, j’avais donc 21 ans. On était convoqué à 21 ans à l’armée. À l’époque, ce n’était pas à 18 ans mais à 21 ans. Je n’ai pas décidé d’être le premier, mais ça s’est trouvé comme ça. Cela s’est trouvé que je voulais absolument refuser de combattre. Donc, j’ai été le premier. On a été une soixantaine, en tout et pour tout, qui avons refusé totalement de faire la Guerre d’Algérie.

Question : Comment ça s’est passé ? Vous avez été convoqué à vous rendre dans une caserne pour faire votre service militaire, vous y aller, qu’est-ce qui se passe après ? Vous dites : Non, je ne pars, je ne monte pas dans le train pour aller à Marseille, je ne monte pas dans le bateau ?

Alban LIECHTI : Oui, c’est ça. J’ai envoyé une première lettre à René COTY, comme ça, je me mettais un peu sous garantie. Par contre, à l’armée, on n’a pas le droit de passer par-dessus la tête de tous les gens qui sont au-dessus de nous, j’ai envoyé donc la lettre au Président, mais je l’ai donnée à mon capitaine, parce qu’il fallait aussi que je prévienne la base de l’armée. Ils m’ont tout de suite mis en taule, j’ai fait de la prison militaire à Versailles. Très peu, pas longtemps, juste avant de partir, puis après ils m’ont mis dans un train qui partait là-bas en Algérie. Je suis parti. On a mis deux jours à descendre à Marseille. On avait les boîtes de rations, on n’en avait pas assez, alors ça gueulait dans le train, parce qu’on disait qu’on mourait de faim. On est arrivé à Marseille pour être transférer en Algérie.

Jean CLAVEL : J’ai écrit au Président de la République, moi aussi, pour dire combien je trouvais le combat du peuple algérien était légitime, et qu’en conséquence je refusais effectivement de le combattre. Alors, j’avais pris mes précautions pour ne pas être arrêté de suite et emmené de force en Algérie. Donc, j’avais envoyé à mes camarades ma lettre en leur donnant comme instruction de la faire paraître dans L’Humanité, tel jour, de façon que le jour même de la parution, je demandais le rapport du commandant sur la base aérienne de Luxeuil-les-Bains, où j’étais, pour lui indiquer que … Ça ne l’a pas arrêté, j’ai été tout de suite arrêté, emprisonné, dans une prison à Luxeuil-les-Bains, dans une cellule isolée, durant quatre mois. Pendant ces quatre mois, on a essayé de me faire changer de position. On m’a indiqué dans un premier temps que j’étais inculpé pour avoir participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’armée. Au bout de chaque mois de prison à Luxeuil-les-Bains, les gendarmes m’ont dit que j’étais inculpé pour refus d’obéissance et que j’allais être traduit devant le tribunal militaire de Lyon. Parmi les soldats du refus, je suis un des premiers, après Alban à être passé au tribunal. Dans un premier temps, on m’a muté sur une base de l’armée de l’air à Aix-en-Provence. Ensuite on m’a muté cette fois à Metz. Visiblement, on souhaitait que je déserte, parce qu’un déserteur, il disparaît, on ne parle plus de lui, alors qu’un soldat du refus il fait l’objet effectivement d’actions de soutien et cela remue du monde. Moi, je n’avais pas l’intention de déserter. Je voulais justement protester et faire protester contre la Guerre d’Algérie.

Tramor QUEMENEUR, historien : On est sur 1% en fait de la totalité des appelés du contingent. Vraiment ce chiffre-là, 1%, 12 mille sur un million deux cent mille appelés. C’est vraiment une goutte d’eau. Mais ce que j’ai constaté, c’est qu’auparavant on disait qu’il y avait quelques centaines de personnes, peut-être même quelques dizaines de personnes, qui avaient refusé, on va dire, idéologiquement parlant, politiquement parlant, de participer à cette guerre. Au bout du compte, quand j’avais trouvé ce nombre de douze mille en totalité, je me suis dit que ce n’était pas aussi anodin que ça finalement, et qu’il y avait eu une tendance dans la mémoire de la Guerre d’Algérie à minorer les refus.

Alban LIECHTI : Alors, je suis arrivé en Algérie, et là-bas, ils envoyaient les jeunes, surtout ceux qui arrivaient, tout de suite dans les endroits vous ça se battait. Moi, j’ai été envoyé à Tizi Ouzou, en Kabylie, c’était quand même assez loin d’Alger. Et je suis arrivé dans un camp militaire, qu’ils avaient fabriqué, mais il n’y avait pas de prison. Comme moi, il fallait me foutre en prison, ils ont cherché partout dans le terrain, ils ont trouvé une espèce de cabanas à lapin, et ils m’ont fichu là, puisque …

Question : Vous étiez le seul.

Alban LIECHTI : J’étais le seul mais je parlais avec tous les gars, je disais ce que j’avais fait, pourquoi je l’avais fait, et je disais tout ce que je pensais de la Guerre d’Algérie.

Question : Vous Leur disiez quoi ?

Alban LIECHTI : Ben, qu’on n’avait rien à faire là, qu’on n’aurait jamais dû faire cette guerre en Algérie. D’autres part, on employait des méthodes comme la torture, qui sont interdites, et que nous on les employaient, donc j’étais contre tout ça. Il y avait beaucoup de rappelés. Et les rappelés, ils étaient vraiment très montés contre la guerre, et très remontés contre aussi tout ce qui se faisait. Donc, j’étais très bien vu de tous les gars, sauf des gradés. Ils m’avaient mis la boule à zéro. Ce qui m’embêtait le plus c’est que j’avais très difficilement le courrier. J’ai attendu de passer le tribunal militaire, mais en attendant j’avais 60 jours de prison à faire en armée normal. J’ai attendu de passer le tribunal militaire, mais en attendant j’avais 60 jours de prison à faire en armée normale, que j’ai commencé à faire Tizi Ouzou. Puis, après, ils m’ont ramené à Alger, pour le tribunal militaire. Au tribunal militaire, il y a cinq militaires qui jugent. Ils donnaient toujours le maximum de la peine. Le maximum, c’était deux ans de prison, parce qu’il n’y avait pas de guerre en Algérie, normalement on était en opération de maintien de l’ordre en temps de paix. Donc, ils ne pouvaient pas nous condamner. En temps de guerre, c’est la peine de mort, quand on refuse de combattre. Alors, j’ai eu les deux ans. Mais je les ai eus deux fois, puisque je suis sorti, ils m’ont renvoyé là-bas, j’ai refusé une deuxième fois, j’ai eu encore une fois deux ans.

Question : Là on revient au pénitencier d’Albertville. Vous êtes en prison à Albertville, vos parents vous écrivent et ?

Jean CLAVEL : Dans un premier temps, je leur envoie des lettres tout à fait anodines et assurances, tout va bien. Au bout de quatre mois, j’étais au cachot à Albertville, dans le noir absolu. Je couchais parterre, j’avais une boîte de cinq kilos, qui me servait de dînette, un bidon d’eau. Le matin l’eau était givrée parce qu’il n’y avait pas de chauffage, et à Albertville en hiver, il fait froid. Je devais avoir perdu 20 kg. J’ai dit, il faut faire réagir. J’ai écrit à mes parents, pour informer mon avocat des conditions dans lesquelles j’étais, de façon à ce qu’ils puissent intervenir et que la protestation puisse se développer. Ça a fait réagir, le commandant d’Albertville, qui m’a menacé. Les menaces c’était des années de prison, pour certains, c’était 12 balles dans la peau. Toujours est-il que je dépérissais considérablement, si bien qu’à la suite de cette lettre et des protestations qui se sont multipliées, on m’a changé de cellule. Là j’ai passé encore trois mois au secret, toujours isolé. Puis, au bout de trois mois, le commandant m’a fait ressortir, m’a emmené dans son bureau. Il était avec trois gendarmes et il m’a indiqué que, par décision ministérielle, j’étais muté à la section spéciale de muté la section spéciale de Timfouchi, département des Oasis. _ « Département des Oasis, ça doit être en Algérie, ça ? » Il me dit : « Oui » _ « Je refuse toujours » _ Oh, mais, c’est pour ça que les gendarmes sont là. Ils sont là pour vous emmener. »

Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie : « De plus en plus de nombreux Français sont poursuivis, emprisonnés, condamnés, pour s’être refusés à participer à cette guerre ou pour être venus en aide aux combattants algériens. […] Ni guerre de conquête, ni guerre de « défense nationale », ni guerre civile, la guerre d’Algérie est peu à peu devenue une action propre à l’armée et à une caste qui refusent de céder devant un soulèvement dont même le pouvoir civil, se rendant compte de l’effondrement général des empires coloniaux, semble prêt à reconnaître le sens. […] Faut-il rappeler que, quinze ans après la destruction de l’ordre hitlérien, le militarisme français, par suite des exigences d’une telle guerre, est parvenu à restaurer la torture et à en faire à nouveau comme une institution en Europe ? […] N’y a-t-il pas des cas où le refus de servir est un devoir sacré, où la « trahison » signifie le respect courageux du vrai ? […] »

Le manifeste des 121, 6 septembre 1960 [4]

Question : Dites-moi Tramor QUEMENEUR, qu’est-ce qu’ils vont devenir tous ces insoumis ?

Tramor QUEMENEUR : Les insoumis se sont déplacés, ils ont déménagé. Quelques-uns, on va dire même assez nombreux, ont continué à vivre, quasiment normalement, sans que cela ne se sache. Ça, c’est un premier cas de figure. D’autres, ont pris un peu en quelque sorte le maquis près de chez eux. Par exemple, on est au bout de la route, dans la ferme familiale, si les gendarmes arrivent, la personne va se cacher un petit peu dans le bois, et elle revient quand c’est tranquille. Ce qui s’est passé pour quelques-uns, c’est qu’ils sont partis aussi en exil, en particulier en Suisse. Ils ont commencé à s’installer, dans des conditions très, très précaires, parce que c’est compliqué de trouver du travail, … Ce sont des réfugiés en fait. Ils ont essayé, via des solidarité, grâce à des Suisses, de s’installer, de trouver du travail. Puis, petit-à-petit, ils se sont organisés. Ils ont créé, à partir de 1958, une organisation qui s’appelle « Jeunes résistance », et ils ont essayé deux à la fois de faire connaître un petit peu leur nom autour et aussi d’assurer des solidarités. Ils sont devenus des Français de l’étranger, en quelque sorte. Cela ne veut pas dire que c’était simple, j’insiste bien, parce qu’ils étaient vraiment, pour certains, dans des conditions extrêmement précaires. Cela a été très, très dur pour certains d’entre eux.

Question : Quand vous sortez de prison, il se passe quoi pour vous ? La guerre n’est pas terminée.

Alban LIECHTI : La guerre n’est pas terminée. Moi, il m’avait renvoyé faire mon service en France. Moi, je fais mon service normal. J’ai accepté de prendre le fusil, monter la garde. J’ai été dans le 11e bataillon de chasseurs alpins, j’ai fait tout ce qu’ils m’ont demandé de faire. Il n’y a pas de problème. J’étais en France, je n’étais pas en Algérie. En 1958, j’étais depuis un bon moment aux chasseurs alpins, et là ils m’ont renvoyé en Algérie, pour faire deux ans de prison supplémentaires. La deuxième fois, ils ont été plus (manque un mot, incompris) parce qu’ils envoyé directement dans un commando de chasse, ceux qui combattaient le plus en Algérie.

Jean CLAVEL : Les « bats-d’Af » (bataillons d’Afrique), dont vous avez certainement entendu parler, étaient basés avant-guerre et après-guerre à Tataouine, en Tunisie. À de la Tunisie, ils ont été transférés à Tindouf. Le problème est que moi, je n’avais pas de casier judiciaire, pas de condamnation pénale, si bien qu’on ne pouvait pas être affecter au bataillon d’Afrique, si on n’avait pas de condamnation pénale. Donc, ils avaient créé à côté, l’équivalent, cela s’appelait la section spéciale. C’était la même chose, c’était un bagne. On arrive, on vous faire la pelote. On vous tabasse, j’en passe et des meilleures.

Question : La pelote, c’est quoi ?

Jean CLAVEL : La pelote, c’est faire des exercices avec un sac-à-dos sans armatures, rempli de cailloux, avec un madrier. On couche au tombeau. On vous donne une pelle, vous faites un trou dans le sable, et vous vous coucher là, avec la moitié d’une toile de tente. Avec ce trou dans le sable, avec du vent, nous avons du sable plein les oreilles, plein les yeux, plein la bouche. L’ambiance était tendue, parce que deux jours avant, deux des détenus qui avaient essayé de s’échapper, quand ils ont été rattrapés, le capitaine a pris la mitraillette d’un soldat qui l’accompagnait, a tiré une rafale et a descendu les deux gars. J’ai appris quelques jours après que j’avais des camarades qui avaient été affectés là quelques jours avant, Voltaire DEVELAY, Paul LEFEBVRE, un gars du Pas-de-Calais, Lucien FONTENEL, un gars de Dordogne et Marc SAGNIER, un gars du Gars. Ils étaient en Algérie, et à l’occasion d’une première permission, il n’y en avait qu’une, ils avaient refusé d’y retourner. Ils avaient été arrêtés. On ne souhaitait pas tellement qu’ils aient beaucoup de français, que cela fasse du bruit. Dans la décision ministérielle, ils étaient affectés à Timfouchi, où là, théoriquement, on continuait notre service militaire. Pour ma part, je suis resté sept mois et demi à Timfouchi. Dans un premier temps je travailler à la carrière de pierre, je me suis blessé à un pied, le gars qui servait d’infirmier, il était boulanger dans le civil, il m’a opéré avec une lame de rasoir mécanique, si bien que cela s’est infecté et j’ai eu un début de gangrène. Là encore j’ai eu de la chance, il y a eu un petit avion de l’armée qui s’est arrêté à Timfouchi, parce que c’était aussi un dépôt d’essence. Ils avaient besoin d’essence, ils ont fait de l’essence, et le médecin a proposé de voir les malades s’il y en avait. Quand il m’a vu, ce médecin et le pilote m’emmènent avec eux à Tindouf. J’ai été opéré et correctement soigné et j’ai récupéré ma jambe assez rapidement.

Archive radiophonique : « Les libéraux lancent un appel afin que ne se creuse pas le procès de haine entre les jeunes français qui accomplissent en Algérie de pénibles obligations et ceux-là mêmes qui par une sorte d’abus de pouvoir croiraient pouvoir leur imposer leur optique du problème algérien. C’est Michel HONORIN qui vous parlait d’Alger Radiodiffusion télévision française.

Une dernière information concernant l’Algérie ?

Les organisateurs de la manifestation, dont l’Union nationale des étudiants de France a pris l’initiative, se réunissent aujourd’hui à Paris. Ils vont étudier les modalités de cette manifestation et choisir notamment la date à laquelle elle aura lieu. »

Tramor QUEMENEUR : Même s’il n’y a eu qu’1% qui a désobéi, la question s’est véritablement posée pour eux avec acuité. Ça a contribué à l’émergence, ou même l’éclatement on pourrait dire, du débat sur la désobéissance au cours de l’année 1960. Parce que là, on a les réseaux de soutien qui sont découverts à ce moment-là, on en parle dans la presse : France Observateur, en parle, l’Express en parle, tous les journaux en parlent, quitte à subir les foudres de la censure. Cela contribue finalement à ce que l’information autour de la désobéissance dans la Guerre d’Algérie circule. Le Parti socialiste unifié, qui se crée en 1960, la question de la désobéissance est dans son congrès fondateur. Au-delà même, évidemment, à l’automne c’est encore plus fort, puisqu’on à l’ouverture du procès du réseau Jeanson. Le réseau Jeanson, ce sont les porteurs de valises qui ont aidé le FLN, et qui étaient impliqués, on va dire, du côté des Algériens. Quelque part, ça donne une légitimité aussi à ce refus de participer à la guerre, et qui a touché un petit peu, véritablement, tous les appelés du contingent. Ce soubassement moral, plutôt qu’idéologique, qui était présent, qui trouve une légitimité là aussi.

Archive radiophonique : « Indiquons encore que des fonctionnaires la police se sont présentés aujourd’hui au domicile de certaines personnalités, qui avaient signé en juillet dernier une déclaration, je cite, sur « Le droit à l’insoumission dans la Guerre d’Algérie ». Il s’agissait pour la police d’établir avant toute chose, si les personnalités en question n’avaient pas été abusées et si l’on ne s’était pas servi de leurs noms. Parmi les signataires se trouvent : Messieurs André BRETON, Jean-Louis BORY, Claude ROY, Jean-Paul SARTRE, Madame Simone de BEAUVOIR et madame Simone SIGNORET.

Jean CLAVEL : Quand l’avion m’a rapatrié à Timfouchin, j’ai trouvé une ambiance totalement différence. Mes camarades avaient réussi à faire sortir une lettre informant de l’existence et des conditions de vie à Timfouchin. Cela avait fait beaucoup de bruit ici. Les députés communistes s’en sont emparés. Ils ont interpellé le gouvernement à l’Assemblée nationale au Sénat. Le Secours populaire avait sorti un numéro spécial de son journal, La Défense, si bien que cela a dû remuer en haut-lieu. J’ai appris après qu’ils avaient envoyé une commission d’enquête. Je ne craignais plus pour ma vie, parce qu’auparavant, à Timfouci, on savait le matin quand on se réveillait qu’on n’était pas sûr de pouvoir s’endormir le soir. Le capitaine, qui commandait le camp, se promenait avec le revolver dans une main et le nerf de bœuf dans l’autre. Et tous les jours, il fallait effectivement qu’il massacre quelqu’un. Après ces interventions, ils ont décidé d’évacuer les soldats communistes de Timfouchi. Et en ce qui me concerne, on m’a remis dans un avion et on m’a renvoyé à Colomb Béchar. À Colomb Béchar, quand je suis arrivé, j’ai été démobilisé, on m’a mis dans un avion qui m’a remis en France.

Question : En quelle année ?

Jean CLAVEL : Au début de l’année 1960.

Alban LIECHTI : À un moment, j’ai cru ne pas revenir, mais je suis parti en me disant au moins j’aurai lutté et voilà, je ne reviendrai pas et puis c’est tout …

Question : Pourquoi vous avez cru que vous alliez mourir ?

Alban LIECHTI : J’ai été menacé plusieurs fois de mort.

Question : par qui ?

Alban LIECHTI : J’ai un capitaine à Fort National, vraiment complètement barjo. Il avait bu le coup, il revenait d’avoir fait une opération, où il s’était un peu excité, il vient et me dit : « Oh, je vais vous descendre ! » Il vient avec le revolver vers moi, il voulait me descendre. Mais, il ne l’aurait pas fait, il était à moitié barjo. C’est vrai qu’on ne sait jamais, j’aurais pu être tué n’importe où, n’importe comment.

Alors, cela s’achève finalement juste avant les Accord d’Évian. Après, j’avais eu un fils, le premier coup, après on mis une fille en route. Ma fille est née le 20 février, juste avant les Accords d’Évian et du coup je suis revenu en France, puis j’étais en France après.

Question : Et vous avez vécu une vie normale, il n’y a pas eu de soucis particuliers, sauf que vous avez été déchu de vos droits civiques.

Alban LIECHTI : Oui, sauf ça. Sinon, j’ai vécu une vie normale. J’ai pu reprendre un travail. J’étais jardinier à la vielle de Paris, évidemment, ils ne m’ont pas repris à la ville de Paris, qui était une ville de droite à l’époque. C’est là que j’ai trouvé du boulot à Trappes.

Question : Vous avez reçu une réponse de René COTY à la lettre que vous lui avez envoyé ou jamais ?

Alban LIECHTI : Jamais, jamais, jamais une seule réponse de René COTY, puis de GAULLE après, parce que le deuxième à qui j’ai écrit, c’est de GAULLE, il ne m’a pas répondu non plus.

Question : On parle de vous dans la presse ou finalement on ne veut pas parler de ces insoumis que vous êtes ?

Alban LIECHTI : Finalement, on ne veut pas en parler. Finalement, il y a aussi qu’on a soutenu un peu Maurice AUDIN, etc., On a soutenu les communistes qui ont été tués pendant la Guerre d’Algérie, alors ça, cela ne leur a pas plu. On n’est pas aimé, quoi. Mais finalement, il n’y a rien cotre nous. J’ai eu peur pour mon fils. Mon deuxième fils travaille au Ministère de l’intérieur. Alors, j’ai dit : ils vont le foutre à la porte avec ce que j’ai fait moi, et tout, finalement il est resté au Ministère de l’intérieur. Donc, ils n’ont pas tenu compte de ma condamnation pour mon fils.

Question : Vous avez été déchue de vos droits ?

Jean CLAVEL : Oui. Dans le passé, un condamné à la prison est déchu des droits civiques, si bien qu’aux premiers élections, je n’ai pas pu voter. J’ai retrouvé mes héros civiques après l’amnistie. Il y a eu plusieurs amnisties, mais ils ont décrété une amnistie surtout en faveur des gens de l’OAS (Organisation de l’armée secrète). Donc officiellement amnistiées les condamnations à l’occasion des événements d’Algérie. On était dans ce cas, donc, j’ai été amnistié et j’ai retrouvé mes droits civiques, je crois, en 1961-62. Si bien que j’ai même été élu à Malakoff en 1965.

Question : Comment vous réagissez, quand vous apprenez que vous êtes amnistié au même titre que ceux de l’OAS, qui sont même amnistiés avant vous ?

Jean CLAVEL : Ce n’est pas avant nous. Il y a eu une décision d’amnistie, par l’Assemblée nationale, de libérer tous les gens de l’OAS et de les blanchir.

Question : Pourquoi il fallait blanchir l’OAS ?

Jean CLAVEL : Parce que c’étaient les alliés du pouvoir. C’est eux qui les ont amenés au pouvoir, et dans les rapports de force, c’étaient les alliés. C’était des alliés de la droite, des alliés des socialistes. Les dernières amnisties, parce qu’il y en a eu plusieurs, on a été plus loin que l’amnistie. Ils ont été amnistiés, indemnisés. Les généraux déchus de leur grade, ont été réintégrés dans leur grade. Ils ont retrouvé effectivement leurs titres, leurs pensions, et touchaient des rappels pour les soldes qu’ils n’avaient pas reçus quand ils étaient condamnés.

Question : Je n’ai pas compris pourquoi ils étaient des alliés de la droite et des socialistes.

Jean CLAVEL : Parce qu’à l’époque la Guerre d’Algérie a été menée par la droite et les socialistes. Seuls les communistes et des gens qui se sont dégagés du Parti socialiste sur la fin, qui ont créé le PSU, et quelques catholiques étaient opposés à la Guerre d’Algérie.

Question : Comment vous expliquez que le Parti communiste n’ait pas appelé à boycotter ou à s’opposer plus massivement à cette guerre, sachant que le Parti communiste était à l’époque pour l’auto-détermination des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Le parti communiste a toujours été anticolonialiste, comment cette histoire expliquer d’engagement du Parti communiste ?

Jean CLAVEL : Ce n’est pas un engagement. La preuve, nous étions engagés, nous manifestions, nous organisions,des pétitions, des protestations, mais on n’allait pas jusqu’au refus effectivement de faire son service militaire, parce que dans ce cas-là, le lendemain, c’était l’interdiction du Parti. Nous étions dans une époque, en 1956, dans des manifestations anti communistes où on a mis le feu au Comité central à Paris, on a essayé de brûler L’Humanité. C’était une période extrêmement tendue, où en était effectivement sur la balance. Quand Henri MARTIN, et la Jeunesse communiste ont décidé d’encourager quelques jeunes soldats à refuser de combattre en Algérie, c’était discrètement.

Gérard MORDILLAT, écrivain, cinéaste : Alors, bien sûr, maintenant on sait, on sait comment MITTERRAND a refusé toutes les grâces et a fait guillotiner à tour de bras. On sait que les socialistes dans ce cas-là on était en-dessous de tout. On sait, ce qu’on disait tout à l’heure, l’ambiguïté et l’indécision du Parti communiste, pour faire ça. On sait le côté absolutiste de la droite, qui voulait à tout prix que l’Algérie soit la France. Mais, encore une fois, même à droite il y avait quand même des gens qui ont été capables de dénoncer la torture et comment les choses se passaient. Sans doute pour des raisons peut-être quasiment théologiques, en tout cas pour une morale chrétienne, mais ils ont été capables de le faire, et ils ont été capables de finalement se mettre à part de ceux qui étaient leur milieu naturel. Ça aussi, c’est intéressant à montrer, parce que ces hommes et ces femmes ont vécu des contradictions, je crois très fortes, très violentes, de nature finalement assez semblable à celle d’Alain, dans « Cher frangin », d’une autre forme mais de nature assez semblable.

Alban LIECHTI : Finalement, ça m’a fait passer au travers de pas mal de trucs. Moi, par exemple, je n’ai pas fait une seule fois … Ils ont brûlé des villages, ils les ont entourés, ils ont violé les femmes, etc. Moi, je n’ai pas vu tout ça, alors, là, pas du tout ! Tout ça, cela m’a été évité, et ce n’est pas plus mal, parce que moi, je n’aurais pas supporté. Il y a des choses que je n’aurais pas supportées.

Question : Ça vous a changé, j’imagine, vous n’étiez plus le même qu’avant de partir ?

Jean CLAVEL : Ben, je dirais non, au contraire par rapport à tous les soldats qui ont été en Algérie, ils ont été traumatisés par ce qu’ils ont vu, voire ce qu’ils ont fait. Ils font des cauchemars, les anciens d’Algérie. Dans les hôpitaux psychiatriques, il y en a eu des quantités. Pour ma part, je n’ai pas eu à faire de cauchemars. Je suis rentré et j’ai dormi tranquille, contrairement à toute une série de braves gars du contingent, qui à leur retour n’ont pas pu dormir pendant des mois, et des années.

Question : Est-ce qu’il y a une spécificité à l’Algérie, au traumatisme de l’Algérie, parce qu’il irait au-delà des traumatismes de la Guerre d’Algérie ?

Gérard MORDILLAT, écrivain, cinéaste : Pour moi, la spécificité de la Guerre d’Algérie, c’est que ça a été une guerre de sécession, en réalité. C’est le Sud qui s’est séparé du Nord. Et on voit, si je prends ce terme, c’est juste moment parce que la comparaison avec les États-Unis me vient forcément à l’esprit, on voit comment cette guerre de sécession au XIXe siècle, en 1860, aux États-Unis, pèse encore aujourd’hui sur la politique contemporaine. Pour la Guerre d’Algérie, c’est la même chose. Je crois qu’il y a ça, parce que bien sûr en Algérie, il y avait les grands colons, la richesse, etc., mais il y avait aussi beaucoup de gens qui vivaient tout simplement, parce qu’ils étaient commerçants, ouvriers, etc., et qui étaient là depuis si longtemps qu’ils avaient l’impression que c’était leur pays. Et soudain, on les a expulsés de ça. Et, deuxièmement, et troisièmement, guerre honteuse et guerre perdue. Tout ça, c’est très difficile, parce que les Français ne supportent l’histoire qu’hagiographique. On ne veut que des histoires de victoire. On ne parle pas des défaites. Et si on parle des guerres, c’est pour montrer combien en a été victorieux, jamais comment on a été défaits. Or, la Guerre d’Algérie, qui a été sur le terrain gagnée par les militaires français, ils ont gagné, ils ont perdu politiquement. Et ça, cela a été une gifle terrible, parce que pour eux c’était justement la revanche de la Guerre d’Indochine, là aussi, la défaite avait été totale. Je crois que la spécificité de la Guerre d’Algérie, encore une fois, j’insiste sur le fait : guerre de sécession. Et les guerres de sécession, je crois qu’on met plusieurs siècles à s’en remettre.

Question : Votre histoire, comment est-ce qu’elle est cultivée ? Ou comment est-ce qu’elle émerge dans la mémoire collective, dans la version officielle de l’histoire ?

Alban LIECHTI : D’une part, le Parti communiste ne l’a jamais revendiquée officiellement. Personnellement, je pense qu’aujourd’hui on pourrait le faire, mais on ne l’a encore pas fait. En ce qui concerne les informations officielles, c’était le black-out. La Guerre d’Algérie, la torture, le fait de guerre, il a fallu attendre trente ans pour qu’on reconnaisse qu’il y a eu une guerre, 30 ans pour qu’on reconnaisse qu’il y a eu des tortures. Aujourd’hui, MACRON reconnaît que la colonisation a été un crime contre l’humanité. Aujourd’hui on en parle librement, c’est pourquoi vous êtes là. Autrement, j’ai vu quantité de journalistes, y compris de l’ORTF, qui sont venus m’interviewer et qui m’ont dit : « On est désolé mais ça ne passera pas. » Entre nous soit dit, aujourd’hui dire qu’on a refusé de se battre en Algérie, c’est quand même un problème, parce que l’essentiel des jeunes français de mon âge ont été en Algérie, qu’ils aient participé à des excès ou non, ils ont été en Algérie quand même. Beaucoup le regrettent mais pour d’autres, ils en sont fiers. C’étaient leurs vingt ans, ils étaient jeunes, ils crapahutaient, pour eux, ont est un contre-exemple.

Gérard MORDILLAT, écrivain, cinéaste : Finalement, ces 40 types qui ont eu le courage de refuser, c’est un courage exceptionnel. C’est eux qu’on devrait décorer, parce que ça dépasse justement tous les engagements, qui sont souvent des engagements de théâtre. Là, ce n’est un engagement de théâtre, c’est quelque chose où la vie est en jeu et pas seulement. Je dirais pas la vie au sens de la vie quotidienne, la vie intime, secrète, personnelle des individus, une chose qui ne s’effacera jamais.

Jean CLAVEL : L’engagement, c’est la nécessité de tenir. Dans la mesure où on est engagé et qu’on pense que c’est juste, il ne faut pas renoncer. Il faut résister.

Question : Jean CLAVEL, si je vous demande si vous avez fait la Guerre d’Algérie, vous me dites : oui, ou non ?

Jean CLAVEL : Ah, mais moi, je n’ai pas fait la Guerre d’Algérie. J’ai refusé de la faire.

Question : Vous allez mener votre guerre en tous cas.

Jean CLAVEL : J’ai mené une guerre contre la Guerre d’Algérie, sans fusil, sans bombes, mais par la protestation passive.

Alban LIECHTI : Je suis heureux parce que ça a servi à quelque chose et cela a montré que c’est toujours possible de s’opposer à quelque chose qu’on ne veut pas faire.

C’était « Algérie les ineffables mémoire : soldats du refus ». Merci à : Alban LIECHTI, Jean CLAVEL, Gérard MORDILLAT et Tramor QUEMENEUR. Merci également à Jean (nom incompris).

« Algérie les ineffables mémoire » : archives Ina : Hervé IVANO. Prise de sons : Dhofar GUERID et Jean-Louis DELONCLE. Mixage Bernard LANIEL. Réalisation : Somany NA. Coordination : Maryvonne ABOLIVIER et Perrine KERVRAN. Un documentaire d’Alain LEWKOWICZ, assisté d’Hélène FABRINI, pour « La Série documentaire ».

« LSD », c’est tout pour aujourd’hui. Bibliographie, liens ou pour nous écouter à la caserne, c’est sur la page de l’émission sur franceulture.fr. Et les pages, c’est : Maryvonne ABOLIVIER, Mathias MEGY et Annelise SIGNORET. [suite des annonces]

Filmographie, bibliographie et articles signalés sur le site de l’émission :

Films :

  • « Cher Frangin » de Gérard MORDILLAT, 1989
  • « Souvenir, souvenir » de Bastien DUBOIS, 2020
  • « La guerre sans nom » de Bertrand TAVERNIER et Patrick ROTMAN, 1992
  • « Avoir 20 ans dans les Aurès » de René VAUTIER, 1972
  • « La bataille d’Alger » de Gillo PONTECORVO, 1966
  • « Palestro, Algérie : Histoires d’une embuscade » de Rémi LAINÉ, 2011

Bibliographie

  • « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? » de Raphaëlle BRANCHE, 2020
  • « Le refus » d’Alban LIECHTI, Éditions Le temps des cerises, 2012
  • « Les voleurs de rêves, cent cinquante ans d’histoire d’une famille algérienne » de Bachir HADJADJ, 2007
  • « Nanterre en guerre d’Algérie », de Monique HERVO, 2012
  • « Algérie 1954-1962, lettre carnets et récits des Français et des Algériens dans la guerre » de Benjamin STORA et Tramor QUEMENEUR, 2010
  • « La Gangrène et l’Oubli : la mémoire de la guerre d’Algérie » de Benjamin STORA, 2005
  • « Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, 1926-1954 » de Benjamin STORA, 1986
  • « Les Clés retrouvées. Une enfance juive à Constantine », de Benjamin STORA, 2015

Bande dessinée

  • « Demain, demain » de Laurent MAFFRE, 2012
  • « Carnets d’Orient » de Jacques FERRANDEZ
  • « Là-bas » de TRONCHET et SIBRAN,
  • « Le chat du Rabin », de Joann SFAR

Liens

notes bas page

[1Première conférence de presse d’un président de la République, au palais de l’Élysée le 25 mars 1959

Ci-dessous transcription de la séquence en lien avec la situation en Algérie.

Question d’un journaliste, à 23 minutes de la conférence : Mon Général, cela fait exactement cinq mois, vous avez lancé l’offre de la paix des braves aux rebelles algériens, comment jugez-vous que la situation évolue en Algérie depuis lors ?

Réponse du Général de GAULLE : « Il y a 130 ans que durent les incertitudes algériennes. Et, depuis 4 ans, et plus, les combats et les attentats ne cessent pas. Nous vivons à une époque où sur la terre une colossale entreprise s’oppose partout à l’Occident. Tandis que l’Occident néglige souvent de se soutenir lui-même. Nous assistons au bouillonnement qui, à l’intérieur du monde musulman, oppose un pays arabe à des peuples étrangers, et même des États et fractions à d’autres États de même race et de même religion. Et même des tribuns à d’autres tribuns, qui comme eux, et pourtant contre eux, se disent les champions de l’unité. Dans ces conditions-là, je me demande si quelqu’un a jamais pu se figurer que la paix et la prospérité allaient venir tout à coup à l’Algérie, où qu’il suffirait de crier dans la fièvre obsidionale, un slogan contre d’autres slogans, pour que toutes les causes, intérieures et extérieures, de la guerre actuelle disparaissent comme par enchantement. Cela je ne le pense pas. Je l’ai dit, et je ne le dis jamais, mais je crois, et je le dis, que le destin de l’Algérie dépend d’une œuvre immense, qui durera, qui sera une œuvre d’une longue haleine. Et avant que les questions ne soient décidément tranchées, peut mettre en cause l’effort de toute une génération. Je crois, et je dis, que ce dont il s’agit, c’est que l’Algérie se révèle à elle-même, et qu’elle s’ouvre au monde tel qu’il est. Je crois et je dis, que cette œuvre-là, est inimaginable, sans la présence et l’action de la France. Je dis que la France a pris ses résolutions, qu’elle a un plan net et ferme ; qu’elle suit ce plan, et qu’il s’agit pour elle, avec les Algériens, d’obtenir la transformation de l’Algérie, de telle sorte que s’y révèle la personnalité nouvelle de ce pays. Pour cette transformation, qu’a-t-on fait ? Eh bien, depuis 8 mois, voici ce qu’on a fait : au point de vue politique, la voie est ouverte, pour la première fois, et pour toujours, au suffrage égal et universel de tous les Algériens, qui disposent ainsi du moyen, pour aujourd’hui et pour demain, d’exprimer leur volonté. Des mesures irréversibles ont créé un Collège unique pour toutes les femmes et tous les hommes, de toutes les catégories et de toutes les communautés. Et des mesures ont attribué aux Musulmans la proportion la plus forte, et de beaucoup, dans les élus de toutes les consultations. C’est sur cette base que s’est fait le référendum de septembre, qui a montré de manière éclatante, que la masse immense du peuple algérien, excusez-moi, me faisait confiance, pour lui donner la paix, la liberté et la dignité. Et ainsi faire en sorte que l’Algérie soit liée à la France. Des élections législatives ont eu lieu ? Le mois prochain, les communes algériennes éliront leurs conseillers municipaux. Un peu plus tard, seront élus les conseils généraux. Sans doute, dit-on, que la situation de la guerre influe plus ou moins sur l’objectivité de ces diverses consultations, il n’en est pas moins vrai qu’elles ont lieu, et que tous les Algériens savent qu’ils ont ainsi le moyen de disposer d’eux-mêmes à mesure de l’apaisement, que les représentations n’ont plus aucun rapport avec ce qu’elles étaient naguère. Bref, qu’une révolution a été faite en Algérie, si tant est qu’il n’ait jamais eu une.

Au point de vue du développement économique, et du salut social de l’Algérie, tout le monde a pu prendre connaissance du commencent de réalisation du plan industriel et agricole de Constantine. Et le premier ministre, pas plus tard qu’hier, en mettait, une fois de plus, en lumière les données, comme il arrive que quelquefois que la France et le progrès aient ensemble de la chance. Il se trouve que la mise en exploitation du pétrole et du gaz saharien, apportent justement, au moment voulu, les moyens du démarrage. Je dis aux Algériens : regardez, votre pays tel qu’il est, aujourd’hui matériellement, et je vous réponds que bientôt il sera très différent. Au point de vue de l’instruction, c’est par centaines de milliers que s’est accrue l’année dernière, que s’accroît cette année, et que s’accroîtra chacune des années prochaines, l’effectif des écolières et des écoliers algériens, si bien qu’avant dix ans, tous les enfants, et il y en a beaucoup, iront en classe. En même temps se développe un effort de formation de cadres administratifs, techniques, professionnels, militaires. Et pour combien faut-il compter les liens, les relations qui vont se multipliant entre la France tout entière et l’Algérie toute entière, et dans lesquelles l’armée, où, je le dis en passant, servent 110 000 Musulmans, joue un rôle capital ? Intellectuellement, socialement, moralement, l’Algérie est en pleine gestation. Il s’y forme une jeunesse, y compris ceux qui ont combattu dans les deux camps, qui voudra voir naître et grandir, une Algérie nouvelle, c’est-à-dire moderne et fraternelle.

Cette transformation, je le répète la France a commencé de l’accomplir avec les Algériens. C’est là, une œuvre magnifique, qui exige l’effort de tous les Algériens et l’effort des Français de France. En comparaison, les combats et les attentats acharnés paraissent chaque jour plus absurdes. Ils perdent toute justification possible. Ils ne conduisent à rien, qu’à la misère à la haine, à la mort.

Au fur et à mesure que l’Algérie nouvelle se dessinera, elle paraît, son destin politique paraîtra dans l’esprit et les suffrages de ses enfants. Je n’en préjuge pas, mais je suis sûr que les Algériens veulent et voudront que le sort de l’Algérie soit lié à celui de la France. Et je suis sûr que la France le voudra, elle aussi, parce que c’est conforme à la simple nature des choses, au bon sens et aux sentiments.

Voilà ce que je peux dire sur ce qui s’est passé en Algérie au cours des derniers mois, et qui, même si on l’aperçoit pas de Paris, tous les jours, en réalité est en train de se produire. »

35 :25 minutes Fin du segment de cette conférence de presse transcrite fidèlement ici.

[2Le 2 juillet 1956

Le citoyen et 2esapeur mineur Liechti Alban

à Monsieur le président de la République et chef des armées

[3suite de la lettre : Et plus loin : « Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires. »

C’est pour ces raisons que je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien, en lutte pour son indépendance.

En me refusant à participer à cette guerre injuste, j’entends contribuer à préserver la possibilité de rapports librement consentis, basés sur les intérêts réciproques et le respect des droits de nos deux peuples, et rapprocher le moment où la guerre fera enfin place à la négociation.

Veuillez croire, Monsieur le Président, à mes sentiments d’indéfectibles attachement o la République française et à la Constitution.

Alban Liechti

[4Mon commentaire : je vous recommande, de prendre connaissance de l’émission de la radio belge RTBF : « L’esprit d’insoumission », par Jean-Marc Turine, en date du 5 avril 1993, en 3 parties d’environ 50 mn chacune - consacrée au groupe de la rue Saint-Benoît, cercle parisien qui regroupait, autour du couple Marguerite DURAS - Robert ANTELME, des intellectuels qui, depuis la résistance jusqu’aux années soixante, a essayé d’intervenir dans la chose publique pour manifester leur opposition à ce que le cours des choses avait d’inacceptable à leurs yeux. La dernière émission évoque la Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie.

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