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Rabah Ouvgache

Traduction, sans doute imparfaite, des dits, en kabyle, de Rabah Ouvgache, cf. vidéo ci-dessous.

Je remercie par avance les lecteurs qui voudront bien me communiquer leur correction, observations et suggestions.

Je l’ai extirpée de mon être, je ne l’y accueillerai plus.

Certes, on peut commercer, on peut faire des choses, quant à la faire entrer en moi ou penser à elle, etc., pas question !

Elle s’éloigne de ma vue, l’oubli !

Je te dis, finie les balivernes, quand bien même elle serait chez moi, sorti de la maison, l’oubli, jusqu’à mon retour.

Je ne la voie que quand elle est sous les yeux.

Et ta mère ?

Mère, si elle vivait encore, je ne la respecterai pas vraiment.

Pourquoi ?

Je peux lui donner de petites choses, les choses importantes, je lui dis d’aller les mériter, de se débrouiller pour les avoir. Qu’a-t-elle d’exceptionnelle ? Elle enfante, elle m’a enfanté, qu’elle mérite a-t-elle eu de m’avoir enfanté ?

Pourquoi cela ne serait pas un privilège, âmi Rabah ?

Elle enfante, elle m’a enfanté. La femme enfante, elle a enfanté, elle m’a enfanté, c’est tombé sur moi, je ne lui doit rien.

Tu esquives, âmi Rabah.

Moi je m’occupe de mes affaires, pas de : elle est partie, elle est revenue, etc., elle veut quelque chose, je la lui donne, ou elle me la donne et je m’en vais, ou alors je la lui laisse et m’en vais.

Donc, toi, âmi Rabah, jamais tu ne noues d’idylle ?

Moi, je me fiche d’elle. Entre elle et moi, il n’y a qu’un marché.

Quel marché ?

Elle me donne une chose, je l’emmène et m’en vais, ou elle donne quelque chose que j’emporte et m’en vais.

Seulement ?

Oui, rien que ça, il n’y pas point de : je l’aime, je l’aimerai, etc.

Jeune, tu n’as pas aimé ?

En ce temps là mais je ne me suis guère attardé, je lui ai trouvé quelques maladies,…

Quelle maladie ?

L’amour est maladif. Je me suis soigné et depuis je n’aime plus, il ne reste plus que le marché. Le marché conclu, ni je la connais ni elle me connaît, à un autre jour, comme disent les Français, « à un de ces jours » (en français dans le dit), « khatra kh’ra », en arabe. Qu’elle ne s’imagine pas que je tournicote par là-bas. Elle s’éloigne et c’est l’oubli ! Il faut que je la revoie pour me la remémorer. Me prendre la tête avec une femme ? C’est comme ça que je m’occuperai de moi ?

Mais qu’est-ce que tu fais ?

Je m’achète du pain, un paquet de cigarettes, une boîte de chique, une bouteille d’eau, et moult autres choses.

Donc, toi, âmi Rabah, certaines préoccupations ne sont pas les tiennes ?

Moi, je ne suis pas concerné par : celle-là est bien, celle-ci n’est pas bien. Pour moi une fille est une fille, seul compte ce que nous avons à faire ensemble.

Qu’avez-vous à faire ensemble, par exemple, à quoi aspires-tu ?

Je peux par exemple lui donner de l’argent si elle n’en a pas, je peux lui donner un peu de pain si j’en achète, si j’ai de l’eau je lui en donne…

Mais, âmi Rabah, il fut un temps où tu as aimé une femme ?

Non, je n’ai jamais été amoureux d’une fille.

Jamais ?

Jamais ! Je te dis que moi je suis capable de lui donner de l’eau si elle a soif et que j’en ai. On fait ce que nous avons à faire et chacun va de son côté. Je peux si je ramène du pain lui en donner ou elle-même m’en donner. Elle peut me donner de l’argent ou moi lui en donner…

Donc, toi, l’amour ne t’atteint pas ?

Non, le marché, que le marché. Je commerce avec elle comme je le fais ailleurs.

Comme avec les jeunes ?

Oui, comme avec les jeunes, quoi d’exceptionnel ?

Et s’il est question de mariage, âmi Rabah ?

Jamais ! Je peux blaguer un peu mais rien de sérieux. Je peux même me marier, mais je n’entrerai pas dans mon être.

Tu ne la feras pas entrer ?

Non, uniquement dans les papiers, pas dans mon être. Et si elle s’enfuit, comment ferai-je ? Elle s’en va avec mon être et moi je deviens quoi ? Qu’elle aille jouer ailleurs ! Je peux la faire rentrer dans mes papiers, dans mon être elle n’y sera pas. Si elle s’en va, elle ne sera plus là, dans mon être non plus, ainsi elle ne me rendra pas malade si elle s’en va.

Je voudrais te poser une question, âmi Rabah, y-a-t-il aujourd’hui un mariage honnête ?

Un mariage d’honnête n’existe pas, il y a le mariage.

Qu’est-ce que ce mariage ?

Ils se rencontrent, ils font les papiers. Il n’y pas d’honnêteté ou de malhonnêteté.

Mais il a existé ?

De tous temps il y a eu de la triche. La triche a toujours existé.

Donc une femme, c’est 99 ?

Il y a toujours eu de la tricherie. Certains trichent, d’autres pas, les humains ne sont pas tous identiques. Moi, je fais partie des tricheurs. Je vole.

Toi, tu voles ?

Moi, oui, je suis un voleur.

Qu’est-ce que tu voles ?

Tout ce que je trouve. Moi, cent sous je peux te les voler.

Ah !

Je me fiche que cela soit peu, minime, etc. Cent sous, tu es distrait et je te les vole.

Pourquoi ne pas les gagner ou le demander ?

Pour moi l’important est que cela rentre, qu’on me les donnes ou que je les vole c’est pareil !

C’est pareil ?

C’est pareil, l’important est que je ne reste pas en panne. Ce que je vole ou ce qu’on me donne c’est la même chose. Moi, ce qui compte pour moi c’est d’avoir mon pain, qu’il soit honnête ou pas ça m’est bien égal. Moi, je mange le péché.

Tu manges ce qui est péché ?

Oui, je mange ce qui est péché.

Donc, âmi Rabah, il ne reste point de mariage honnête ?

Bien sûr que non, il n’y a pas de mariage honnête. Je te jure qu’il n’y en a point.

Âmi Rabah, tu te rappelles m’avoir dit que heureux est difficile ?

Le bonheur… La vie est à Dieu, tu peux vivre même sans être méchant, quant au bonheur, tu ne peux pas l’avoir sans méchanceté. Seuls les méchants sont heureux.


Comment ça, Âmi Rabah ?

Le bonheur est dans la méchanceté. On peut vivre sans méchanceté, mais si tu cherches le bonheur, il te faut être méchant.

Un dernier mot, Âmi Rabah ?

Si tu n’es pas méchant, tu n’y arriveras pas.

C’est quoi cette méchanceté, tuer les gens ?

Tu travailles là où il y a de l’argent. Pourquoi tuer, tu n’as pas besoin de t’en prendre aux autres. Il faut que tu sois un homme aimé autrement quoi que tu fasses les autres ne t’aideront pas, tu ouvres un commerce, ils ne viennent pas acheter chez toi, tu vas vendre sur les marchés, idem. Tu travailles chez un autre, il te spolie. Comment veux-tu fructifier l’argent si tu fais n’importe quoi ? Il faut être bien avec les autres afin qu’ils t’aident à accroître tes revenus. Bon, aller, que la paix soit avec toi.

Merci, Âmi Rabah !

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