Laurence Toulorge : Pour préparer cette table ronde, nous avons contacté plusieurs libraires, confrontés à des univers différents. Ils partagent le même souci, le même questionnement : comment toucher un lectorat autre que scolaire, universitaire... Bien que désireux de participer, ces personnes n’ont pas pu se libérer aujourd’hui.
Florence Casaromani : Nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui deux invités : Marie-Geneviève Vandesande, directrice des Presses de Sciences Po, et responsable de la librairie du même nom, et Quentin Schoëvaërt en charge du domaine sciences et sciences humaines de la librairie Atout-Livre dans le XIIe arrondissement de Paris. Je vais laisser la parole à nos deux invités, pour qu’ils nous expliquent quel a été leur cursus, quelles sont leurs fonctions actuelles, comment ils travaillent, etc. en rappelant que nous voudrions cerner l’offre éditoriale en sciences et techniques, tenter de comprendre la fragilité du secteur, évoquer les moyens de promotion du livre de science et technique. Nous disposons d’environ une heure et demie, vous pourrez poser vos questions au fur et à mesure qu’elles vous viennent à l’esprit.
Marie-Geneviève Vandesande : Bonjour. Je suis Marie-Geneviève Vandesande, je travaille dans le livre depuis de nombreuses années. J’ai démarré à l’export pour des universités étrangères de langue anglaise. Mon rôle, très intimidant car j’estimais que je n’avais pas de formation adéquate, consistait à sélectionner des nouveautés pour des universités comme Columbia, Princeton, Brimstone, Virginia en Australie, l’Université du Cap en Afrique du sud. C’est là que j’ai appris à travailler dans le livre. Ensuite, j’ai fait une longue carrière à la Fnac, principalement à la direction du livre, où j’ai créé, avec une petite équipe de 5 personnes, la base de données Fnac. Puis, je me suis beaucoup intéressée à tout ce qui était échanges de données électroniques, arrivée d’Electre Biblio, formation des libraires. Ensuite j’ai été chef produit dans des domaines différents : multimédia, jeunesse, dictionnaire, parascolaire, etc. Puis j’ai été responsable marchandising, je me suis surtout occupée d’implantation de librairies, de signalétique, de mobilier et d’opérations commerciales. Depuis 3 ans, je suis directrice des Presses de Sciences Po et de la librairie des sciences politiques, donc éditeur de 25 à 30 livres par an et directrice d’une librairie de 32 m2, une toute petite librairie en face de Sciences Po, qui accueille 7 000 étudiants.
Quentin Schoëvaërt : Bonjour. Je suis Quentin Schoëvaërt, libraire chez Atout-Livre, responsable du rayon sciences humaines, philo et histoire. En deux mots : j’ai fait des études de philo et d’histoire. Pour financer ma thèse de doctorat j’ai travaillé à l’éducation nationale et là, c’est clair, j’ai décidé de ne pas y rester. Je me suis retrouvé en librairie un peu par hasard. Il y a une différence notable entre nos deux librairies. Atout-Livre est une libraire indépendante, généraliste -tous les secteurs sont représentés- de 350 m2. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, mais 350 m2, dans les libraires indépendantes, c’est important comme surface, probablement dans les 5 premières à Paris. Je ne compte pas évidemment les grandes surfaces, la Fnac, Virgin, ou les librairies d’éditeurs, la Librairie de Paris, qui appartient à Gallimard... C’est essentiellement différent. Marie-Geneviève Vandesande aura l’occasion de vous le dire plus avant, la librairie de Sciences Po est en contact avec un public étudiant. Nous librairie de quartier dans le XIIe arrondissement, côté Vincennes, la partie la plus excentrée, nous n’avons pas de facs à proximité. Atout-Livre est une libraire de quartier plutôt résidentiel depuis 30 ans, qui avait un rayon sciences humaines et science plutôt pauvre en termes de références, de chiffres d’affaires et d’éditeurs représentés. J’ai été embauché, il y a 4 ans, justement pour remonter un rayon sciences humaines digne de ce nom, avec un pari économique. Il s’agissait, sans investir beaucoup d’argent, de monter ce fonds dont nous n’étions pas sûrs qu’il marche. L’idée de départ était qu’un nombre assez important de clients venaient acheter des romans, des essais d’actualité, ou des livres de cuisine qui sont souvent des achats d’impulsion, et pour les sujets plus pointus, en science, en philo, ou en histoire, ils se tournaient vers les librairies de centre-ville. Donc, notre idée était d’offrir à ces clients là, dans leur quartier, un fonds important et intéressant. C’est la tâche à laquelle je me suis attelé depuis trois ans et demi.
Florence Casaromani : Justement, pouvez-vous nous dire un peu plus sur l’organisation des rayons ? Comment mettez-vous vos livres en valeur ? Comment vous classez finalement ? Quelle est la différenciation entre les sciences humaines, les sciences dures, les zones frontières, etc. ?
Quentin Schoëvaërt : C’est évidemment la grande question du libraire. Une question assez quotidienne, puisque on a beau faire des divisions, des subdivisions, des sophistications dans les rayonnages, il y a toujours des livres qui sont inclassables, ou tellement entre deux domaines qu’ils sont difficile à classer. En librairie, on a un questionnement différent de celui des bibliothèques. On ne se pose pas la question sur ce que c’est que le livre. Finalement, il y a des livres qui vont se retrouver, par exemple, en histoire, alors que fondamentalement un universitaire va vous dire : « Oui, mais ça, ce n’est pas de l’histoire mais de la sociologie », or nous allons le classer en histoire, parce qu’on sait que ce livre aura une meilleure visibilité et plus de chance d’être acheté, dans le rayon histoire qu’en sociologie. Ça suppose une souplesse d’esprit de ne pas catégoriser les livres par rapport à ce qu’ils sont par nature. Il y a pas mal d’empirisme là-dedans. Si un livre ne fonctionne pas dans tel rayon, si on estime que c’est un livre vraiment important et singulier, on va lui donner une deuxième chance dans un autre rayon plutôt que de le retourner à l’éditeur. Il arrive que ça ne marche pas, mais de temps en temps le fait d’avoir déplacé un livre, reclassé, mis dans un autre environnement, tout d’un coup ça marche. En librairie, en tout cas dans la nôtre, nous avons cette souplesse-là. Bien sûr, il faut trouver l’équilibre et le nombre de divisions optimum : si vous subdivisez trop, vous éparpillez les livres. Si vous faites de très grandes généralités, vous regroupez des livres qui ont peu de choses en commun et vous décrédibilisez le rayon. En sciences humaines, et en science particulièrement, on a un public exigeant, qui supportera mal de voir un livre sérieux et crédible à côté d’un livre d’un certain type de collection, ou, par exemple, de mauvaise vulgarisation... Donc, il faut faire très attention à la crédibilité d’un rayon. C’est très important. Quelqu’un qui est de la partie regarde le rayon, en diagonale, regarde les titres, les éditeurs et se dit : « Ah tiens, dans cette librairie, il y a quelqu’un qui tient le rayon, il s’y connaît, je suis susceptible, en fouillant un peu, de trouver des choses intéressantes. » cela suppose d’affiner un peu. Alors, qu’est-ce que j’ai fait de nouveau ? Par exemple, j’ai créé un rayon environnement. C’est un rayon difficile à faire vivre parce que c’est un peu le rayon fourre-tout. On y retrouve des questions environnementales, des questions d’éthique, des choses qui sont à la frontière de la géographie, de l’économie, beaucoup de choses de sciences... C’est un rayon qui pour le moment vivote, qui n’existe que depuis 1 an et demi, qui est expérimental. Là, c’était plutôt une volonté éditoriale de manifester un intérêt pour un sujet et de viser un public peut-être plus concerné. Pour faire une cartographie rapide, grosso modo, les grandes partitions, ce sont : « Actualité politique », tout ce qui concerne les livres à vie rapide, ou plus exactement à mort rapide, donc des livres qui collent vraiment à l’actualité et qui s’ils ne marchent pas au bout de 15 jours ne marcheront jamais. Exemple, « Cecilia Sarkozy est partie aux Etats-Unis », aux éditions Michel Laffont - je dis Michel Laffont au hasard - sort un livre. Soit tout à coup il y a une télévision, RTL, machin qui en parle, donc le livre va se vendre. Soit on en parle pas et c’est terminé, c’est enterré. Donc, c’est un rayon qui ne prend pas une grande place. Pour nous ce n’est pas un vrai rayon mais plutôt un bout de table où les livres circulent très, très vite. Ça ne demande pas un énorme travail mis-à-part d’avoir du nez sur la quantité, de savoir ce qui va marcher ou ne pas marcher, mais ce n’est pas un travail de fond vraiment important. Puis, on a un rayon « Histoire », là, ce n’est pas très difficile, c’est un fonds avec des références évidentes, où se mêlent des choses très universitaires, de grands classiques de l’historiographie, Michelet... et puis des choses plus contemporaines. Moi, j’ai classé par grandes périodes, d’autres ont un classement alphabétique. Il n’y a pas de loi, d’une librairie à l’autre, vous verrez des choses très différentes. Puis un rayon de généralités en histoire qui sont des choses plus faciles, qui sont peut-être des choses plus faciles, presque à la frontière de l’actualité et de l’histoire. Rayon « Philo » évidemment, rayon « Sociologie », rayon « psycha-psycho » qui ne comprend que psychologie et psychiatrie sachant qu’il existe par ailleurs, en « Vie pratique », un rayon développement personnel qui est à la limite du management, de la psychologie, je ne sais comment la qualifier sans être négatif, -psychologie de cuisine j’allais dire-, psychologie pratique, voilà, excusez-moi. Nous, il y a beaucoup de psychanalystes du quartier qui viennent, s’ils voient à côté des œuvres de Freud, « Comment divorcer en 5 jours », « Réussir sur un divan », « Développement personnel », etc. ce n’est pas possible. Donc, là il faut quand même affiner. En informatique, on a un micro rayon qui s’est mis en place assez récemment, qui n’est pas dans la partie science mais qui est un sous rayon de la partie « Entreprise ». En informatique, on n’a que des ouvrages assez généralistes, on n’a pas vraiment de public pour ça. Pour ce qui concerne les sciences, moi, je n’ai pas vraiment envie de diviser. J’ai rassemblé les sciences dures, c’est-à-dire mathématique, physique, biologie, astronomie... Évidemment, comme j’ai une formation philosophique il y a des choses qui sont, pour moi, un peu un crève-cœur, par exemple tout ce qui est de l’épistémologie, les livres de Popper, j’ai toujours une hésitation est-ce que je les mets en philo ou en science ? Ça c’est toujours la question. Au début je les mettais en philo, peut-être pour des raisons sentimentales, c’était une erreur. Je les mets en science et ça marche mieux. Peut-être que pour la Fnac c’est assez différent, vous qui y avez travaillé ?
Marie-Geneviève Vandesande : Il y a différentes Fnac. Je vais peut-être parler d’abord de Sciences Po. Je dois dire que la librairie des sciences politiques est très petite, et, vous l’avez évoqué tout à l’heure, elle est très spécialisée puisque nous sommes en face d’un établissement d’enseignement, ce qui ne facilite pas toujours, et forcément la vie de la libraire. Entre prescription, achat et découverte d’essais. Comment faire lire des étudiants ? C’est une grande question. La librairie est minuscule. Pour vous donner un ordre de grandeur, je crois que nous avons une douzaine de panneaux, 5 tables et 3 vitrines d’1 mètre. La vitrine n’existait pas il y a 3 ans. On suspendait les livres par des bouts de raphia à tel point que quand je suis arrivée je n’avais pas compris que c’était une librairie. Nous sommes très spécialisés : « Droit », « Sciences sociales », « Sciences politiques ». Nous avons un secteur « Droit » qui est classé par éditeurs, collections. On a trouvé que le classement le plus efficace c’était celui-là, puisque c’était un secteur extrêmement prescrit et où les étudiants se repèrent rapidement. Et je vais corroborer ce que vous disiez, en librairie, le meilleur classement c’est celui du client. Donc, un classement doit être pratique, pas hyper fragmenté, comme vous l’avez indiqué, et il peut évoluer. C’est-à-dire qu’un classement qui était vrai il y a 5 ans, -j’exagère, un classement qui était valable il y a 6 mois- n’est pas forcément le bon classement. Quelques mois après on voit des demandes qui émergent. Vous avez parlé de l’environnement. Je crois qu’il a là quelque chose d’intéressant. Pour revenir à la Fnac, où était classé l’environnement, il y a quelques années ? J’ai vu les livres qui concernaient l’écologie et l’environnement classés dans les rayons « Vie pratique », « Tourisme-Loisir » - dont le nom a changé au fil du temps-, partir en « Economie », faire un vague détour par les « Sciences humaines ». Maintenant ils sont classés, d’après ce que j’ai pu voir en tant qu’éditeur, –éditeur malheureux parfois-, en « Géostratégie », qui est passé du côté de la gouvernance mondiale, de la stratégie etc. Pour un éditeur ça a énormément d’importance de savoir où son livre arrive. Pour revenir à la libraire des sciences politiques, quand je suis arrivée, je trouvais très intimidant d’arriver dans une librairie spécialisée, de bien savoir comment c’était classé, de comprendre ce qu’on devait avoir, ce qu’on ne devait pas avoir. Qu’est-ce qui faisait qu’un livre était autorisé à figurer dans le fonds de la librairie par rapport à la Fnac, où on pouvait tout avoir ? Puis, quand on a très peu d’étagères, de tables, comment s’organiser pour que les clients puissent circuler et trouver ce qu’ils cherchent ? 32 m2 en face de 7 000 étudiants, on aimerait qu’ils rentrent tous mais ça pose quand même des questions d’organisation. Donc, on a choisi l’efficacité, éditeurs/collections, puisque c’est prescrit, les éditeurs et les étudiants connaissant les collections et les enseignants aussi, - ils sont parfois eux-mêmes auteurs-, ils regardent de très près ce que nous avons. Comment on organise le fonds ? En fonction des demandes d’étudiants, mais aussi de plus en plus, en travaillant avec les enseignants et en essayant de connaître leurs listes pour avoir le bon fonds, pour le bon semestre. On a un panneau « Droit », puis un certain nombre de panneaux de « Relations internationales » qui sont classés, comme souvent, des ouvrages généraux et ensuite les grosses zones continentales, ou aires géographiques. On a un panneau sur l’« Europe », puisque Sciences Po a un enseignement européen très développé depuis longtemps et un centre de ressources européen. Quand un client arrive dans une librairie, face a un panneau qui est classé par ordre alphabétique, il est important qu’il puisse repérer assez rapidement, comme vous l’évoquiez, quelques ouvrages phares qui lui montrent qu’il y a quelqu’un qui s’y connaît vraiment. En tout cas, qu’il puisse percevoir rapidement la cohérence dans la constitution ou l’organisation du fonds. Ça, c’est assez important, cela conditionne d’ailleurs parfois le choix d’être par ordre alphabétique, ou par classement thématique. Donc on souffre un peu en histoire, puisque l’enseignement en histoire, à Sciences Po, concerne essentiellement le XIXe, et surtout histoire contemporaine, et du fait qu’il y a une dominante science politique assez forte. On a du mal à articuler ce qui est histoire contemporaine et sciences politiques puisque les ouvrages, selon qu’ils émanent des historiens, ou des politistes ne sont pas de même type. Ensuite, dans l’ordre des panneaux, qui correspond à la configuration de la libraire, nous avons de la philosophie, de la philosophie des sciences. Aujourd’hui on a un déficit pour ce qui concerne la science, mais l’arrivée de Bruno Latour, comme directeur scientifique de Sciences Po, va certainement modifier la qualité de nos fonds. J’en ai discuté ce matin, avant de venir vous rencontrer, avec les bibliothécaires de Sciences Po qui s’occupent des acquisitions, ils commencent déjà à travailler avec Bruno Latour pour actualiser et penser à des fonds sur la partie innovation, histoire des sciences, etc. Donc, je pense que ce déficit scientifique devrait être compensé rapidement, et nous devrions le voir se matérialiser aussi à la librairie. Puis, on a l’« Économie », « Communication-media », un très petit fonds. Il existe une école de journalisme, depuis 3 ans. La proximité joue en notre défaveur dans ce cas-là. L’école est un peu éloignée de la librairie, on a un très petit fonds. On ne sait pas vraiment s’il y a une prescription dans l’école de journalismes. Puis, il y a un gros fonds de la « Documentation française », qui est très utilisé par les étudiants de Sciences Po. Puis on a des tables, avec des nouveautés dans les différents domaines, sociologie, philosophie, relations internationales. On a à l’entrée, ça c’est notre effort, une table avec une sélection d’essais, puisqu’on vend très peu, quasiment pas de livres du style « Cécilia est partie aux États-Unis ». On a d’ailleurs essayé, pour voir si ça marche, non, non ! Pour la « La femme fatale », on a eu 3 ventes. Cela vous donne une idée. Soit il n’y a pas de demande, soit ce n’est pas acheté chez nous. On a une table d’essais où qu’on essaye de faire découvrir aux étudiants. Je pense que là aussi c’est une évolution profonde. Les étudiants nous apparaissent aujourd’hui, très utilitaristes. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’enquête de Livres Hebdo qui reflétait la lecture des étudiants. Chez nous, les étudiants viennent chercher essentiellement des ouvrages prescrits. Ils achètent des ouvrages dont ils sont susceptibles de se resservir, et de se resservir souvent. Nous publions, par exemple, des ouvrages dans une collection « dite » académique : les étudiants n’achètent jamais ces ouvrages. Ils les lisent à la bibliothèque. En même temps, ils achètent pas mal de manuels. Le prix moyen de notre librairie est assez élevé du fait de l’achat des manuels.
Question 1 : Je faisais juste un constat. On pourrait supposer que les étudiants de Sciences Po sont moins utilitaristes que d’autres, on se rend compte qu’ils fonctionnent comme les autres étudiants. On leur donne une liste de documents, ils ne vont pas au-delà. C’est-à-dire avoir une connaissance plus encyclopédique. C’est un petit peu décevant, mais c’est juste une parenthèse.
Quentin Schoëvaërt : L’indicateur de l’enquête de Livres Hebdo de la semaine dernière est corroboré. Une des représentantes de Interforum qui passe chez nous était libraire aux Puf, place de la Sorbonne, une librairie étudiante et historique s’il en est à Paris, qui est devenue maintenant un magasin de vêtements, comme chacun le sait. Elle a effectivement vu le déclin, indépendamment des raisons internes, économiques etc., d’année en année, puisqu’elle est restée très longtemps. Un exemple au hasard, L’être et le néant, le classique des classiques de Sartre, la fac de philo est à côté, elle en vendait 50 par an en 1975, en format Poche prescrits ou pas, baissaient d’année en année. C’est vrai que pour nous en librairie, le seul moyen de lutter contre ça, une des façons en tout cas de permettre à ces ouvrages de fond d’exister, ce n’est pas seulement de les avoir en rayon mais de les ressortir régulièrement en faisant des tables thématiques, transversales, par exemple, à l’occasion d’une invitation d’auteur, etc. Ce qui reste vrai en bibliothèque aussi, c’est des pratiques communes de nos métiers. Pour ce fonds-là, c’est difficile, mais c’est encore plus difficile pour les sciences. Nous, librairie de quartier, on a quelques vieux érudits scientifiques qui sont très contents de venir farfouiller là-dedans, mais avoir des textes de Giordono Bruno, ou de Copernic, sur les sphères célestes, c’est très bien, néanmoins c’est un fonds qui nécessite beaucoup, beaucoup d’efforts pour le faire tourner. Moi, je n’ai pas de formation scientifique, j’ai fait un peu d’épistémologie en fac de philo évidemment, mais une des façons, c’est encore une fois empirique, qui permettait d’augmenter le chiffre d’affaire tout bêtement, pour parler très clairement du rayon science, c’était de multiplier les essais avec des éditeurs nouveaux. Moi, quand je suis arrivé je me suis attelé à travailler, vous verrez l’éditrice demain, avec Dunod, par exemple, avec qui on travaille par commande parce que jusque-là on estimait qu’on n’avait pas la clientèle, que les livres sont chers etc., etc. Moi, un de mes axes de travail ça a été ça. Prendre rendez-vous avec un certain nombre d’éditeurs qui n’étaient pas représentés dans la librairie et essayer de voir dans leur catalogue ce qui est le plus accessible ... donc de faire rentrer des ouvrages mais pas à n’importe quelles conditions, c’est-à-dire travailler en amont avec les éditeurs pour avoir des conditions, en un mot qu’économiquement cela soit possible. De fait, en science j’ai eu de très bonnes surprises notamment avec Dunod. Tout ne marche pas du premier coup mais il y a vraiment des titres, parfois même très chers, qui d’un coup trouvent un public, sont demandés.
Question 2 : J’ai une question pour vous, monsieur. En bibliothèque, surtout en bibliothèque universitaire, on se préoccupe beaucoup du niveau intellectuel des livres que l’on met en rayon. Quel est le niveau des livres que vous prenez ? Prenez-vous tous les niveaux ? Vous fixez-vous des restrictions ?
Quentin Schoëvaërt : Pour les sciences, je n’ai pas de restrictions. Par bonheur, l’offre éditoriale est assez vaste. On pourra faire, si ça vous intéresse une cartographie, en tout cas pour ce qui est représenté dans notre librairie, entre les Petites pommes et Belin, l’éventail est très large, avec des ouvrages très techniques, très pointus, universitaires, des livres de vulgarisations… C’est nous qui trions ce qui nous semble être de la bonne vulgarisation. Ça, c’est un peu arbitraire, mais c’est un choix. Pour les sciences, j’essaie de garder un large éventail sachant qu’on n’a pas un public très vaste, je ne veux rebuter personne pour l’accès aux sciences. Pour les choses les plus pédagogiques en termes de sciences, ils sont reclassés en rayon qui s’adresse plus particulièrement aux adolescents, ou aux enseignants, qui un rayon de pédagogie, science junior, etc. Là, c’est pareil, en fonction du public, on voit où ça a le plus de chance de fonctionner. Pour répondre complètement à votre question, dans d’autres domaines, en sciences humaines, il y a des choses que je m’interdis. Le curseur n’est pas en termes de niveau intellectuel, on reste une librairie généraliste, on a un public très vaste, j’essaie d’avoir sur à peu près tous les sujets, mais ce n’est pas toujours possible, en tout cas sur un maximum de sujets, des ouvrages accessibles et c’est à moi de voir dans chaque domaine ce qui me semble le plus pertinent. Je m’interdis, et c’est vraiment une politique éditoriale de la librairie, en termes de contenus, notamment en histoire et en politique, ce dont je ne me sens pas de justifier la présence. Je prends un exemple, on en parlait tout à l’heure en aparté, quand un client me demande pourquoi on n’a pas les ouvrages de Faurisson, là la réponse est très claire, c’est interdit par la loi, c’est très bien mais tous les livres ne sont pas dans ce cas-là, donc là, c’est un travail d’attention qu’on porte, nous libraires, en amont quand on travaille avec les représentants des maisons d’édition. Il ne faut pas faire l’autiste évidement, mais il faut savoir décrypter parce qu’il y a des éditeurs qui ont une ligne très claire d’autres n’ont pas cette honnêteté-là. Des fois, on se retrouve avec des ouvrages qui nous ont été vendus pour autre chose, on est vraiment très surpris. Pour le coup c’est notre responsabilité pour ce genre de choses. Ce problème-là se pose en politique, en histoire, en sciences humaines. En science, il peut y avoir des choses un peu farfelues, de type « astro », des pseudosciences, mais c’est plus facile à décrypter.
Question 3 : Juste pour compléter, comment vous signalez, aux clients, le niveau de maths, par exemple ? C’est un niveau licence ? Un niveau lycée ?
Quentin Schoëvaërt : Alors, pour les maths évidement… Nous, on a très, très peu d’ouvrages à vocation universitaire que j’appellerais techniques, de type concours, etc. On a quelques ouvrages chez Ellipse, par exemple, uniquement sur un sujet comme Darwin et l’évolution, qui indépendamment du programme spécifique de l’agrég de biologie, ou je ne sais pas quoi, peut intéresser plus généralement. On n’a pas de fonds au sens scolaire. Donc, moi, je n’ai pas ce problème-là, puisqu’on n’a pas ces ouvrages. De toute façon, un amateur de mathématique saura, mieux que moi, se débrouiller tout seul. Moi, j’ai plus à apprendre, et j’apprends énormément des clients, les très bons clients sont des gens qui me permettent d’avoir un bon fonds. Certains me disent : « Vous devriez avoir ça. » ; « Pourquoi vous n’avez ça »... Ou sur certains sujets, « Vous avez ça et ça, il me semble que ça, c’est plus pertinent pour telles et telles raisons »... Finalement en affinant, petit à petit, et en suivant les conseils des éditeurs en amont, il y a des éditeurs dont on sait ce qu’ils font, ils ont une ligne éditoriale très, très claire, on fait progresser le fonds. En science il y a Belin, Dunod, Odile Jacob, chacun avec des partis pris très, très différents d’ailleurs, mais ça on l’apprend, en travaillant avec les représentants, assez vite à savoir quel public ça vise, quel niveau ça vise, si ça vise des érudits, des gens de la partie, ou des ouvrages de présentation etc. Puis autant que faire se peut, quand les livres arrivent en librairie, je prends le temps de regarder les sommaires, si c’est des ouvrages collectifs, voir qui a participé,… Grosso modo on a une cartographie des acteurs de la science contemporaine, quand bien même on n’est pas compétent en science, ce qui est mon cas.
Marie-Geneviève Vandesande : La question me rappelle celle qu’on pose aussi pour la jeunesse : Comment sait-on que c’est pour 2 ans, 4 ans, 6 ans, 8 ans ? On a la même question pour les universitaires. Nous, aux Presses de Sciences Po, c’est exactement la même chose quand on présente nos ouvrages, on essaye d’être le plus précis possible. En effet, on peut avoir un ouvrage sur un sujet donné et on essaye d’indiquer s’il s’adresse au grand public. Exemple, la même quatrième de couverture ne tient pas compte du niveau, elle dit la même chose sur un sujet mais en fait l’un s’adresse au grand public, l’autre aux étudiants et l’autre à des chercheurs. Nous, on essaye de l’indiquer sur la quatrième de couverture, sur la documentation qu’on envoi, mais je pense que ce que vous décriviez très bien, le privilège de la relation du libraire, c’est que c’est une relation à trois : l’éditeur via le représentant qui nous informe, et on finit par très bien connaître les maisons d’édition, cette cartographie dont vous parliez, qui publie quoi ? Quel est le profil ? Etc. ça, c’est déjà une indication extrêmement forte mais on a la chance d’avoir le client et on voit très bien qui achète ces livres, ce qu’ils en pensent. La chance, j’ai essayé de questionné la responsable de la librairie et des bibliothécaires, ce matin, en leur disant comment ils voyaient leurs métiers, l’un par rapport à l’autre, la libraire disait : Moi, – c’est aussi par rapport à cette question de censure, qu’est-ce qui est sérieux ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Qu’elle est la légitimité d’avoir tel livre dans son étagère ? J’ai pour vocation d’être ouvert et je ne suis pas contrainte par une organisation de savoir. Elle disait ça même à la librairie de Sciences Po. On est face à un client qui fait une demande et notre vocation n’est pas d’être censeur, ce n’est pas le métier d’être censeur, hormis ce qui est interdit, comme vous l’évoquiez, mais de répondre à différents types de demandes, de ne jamais sous-estimer son client, qui est souvent plus intelligent qu’on ne le croit, et qui sait ce qui lui convient beaucoup plus qu’on ne le croit, et d’être dans un dialogue permanent. Ce n’est en tout cas pas notre rôle, à nous, de censurer. Et sur la question justement des livres d’actualité que j’évoquais, est-ce qu’on doit avoir à Sciences Po, le Yasmina Reza, dans la bibliothèque, ou la « Femme fatale » ? pour prendre ces exemples, leur réponse est ? Bien sûr on ne peut pas tout acheter, mais on doit l’acheter aussi, je crois qu’on peut, car ça reflète un état de la société. Donc, il considère que ce n’est pas déshonorant d’avoir cette offre.
Question 4 : Pour revenir sur des éditeurs un peu borderline, avec des sujets qui sont aussi un peu limite. Contrairement à vous, on est quand même prescripteurs, on doit essayer de trouver des livres qui correspondent aux lecteurs qui sont aussi un petit peu limites, on se retrouve confronté à une liste d’éditeurs qui sont, par exemple, Rey Daniel ( ?), Souffle d’or, etc. On est confronté à ce genre de contenus et il n’y a que ces éditeurs-là qui proposent ce genre de thématiques, que faire ? Nous, on limite énormément mais il y a une demande énorme.
Quentin Schoëvaërt : Sincèrement, ce qui nous sépare dans nos métiers, c’est que vous, vous avez une responsabilité. Un libraire peut être irresponsable s’il en a envie. Il est libre d’être irresponsable. Moi, je préfère ne pas l’être. C’est arbitraire. Je ne vais pas jeter la pierre à un collègue qui est dans une librairie et qui ne s’interdira pas les commandes de Faurisson. Je caricature, parce que c’est un cas qui m’est arrivé la semaine dernière, donc je l’ai en tête, et je prends, là, un élément extrême mais sans aller jusque-là, parce que c’est une question de loi qui est tranchée, …
Marie-Geneviève Vandesande : La question est là, entre ésotérisme et science.
Question 4’ : Oui. On émet une question de valeur par rapport à ça, mais moi, on m’a demandé, plusieurs fois, des bouquins sur les groupes sanguins et les régimes par rapport aux groupes sanguins etc. Moi, je ne suis pas spécialiste, je n’ai pas du tout de référence par rapport à ça. Comment donner une réponse qui satisfasse le lecteur tout en n’étant pas dans une espèce de donnée qui soit, vous voyez ce que je veux dire ? Ce n’est pas évident. C’est comme la médecine chinoise. C’est tous les jours qu’on nous demande quelque chose sur la médecine chinoise. C’est très bien, mais bon…
Laurence Toulorge : Doit-on comprendre que votre politique documentaire ne vous donne pas des réponses, justement, là-dessus ?
Question 4’’ : Non.
Laurence Toulorge : D’accord. Vous n’en avez pas. Moi, j’avais une question, à mon avis, plutôt destinée à la librairie de Sciences Po, quelle est la part des éditions de langues étrangères, sachant que vous avez un public universitaire ? Est-ce qu’elle est très représentative, ou pas ? Par exemple, dans nos établissements, grandes bibliothèques tel que la médiathèque de la Cité des sciences, mais aussi la BPI, la BNF, la part de la littérature anglophone est relativement restreinte.
Marie-Geneviève Vandesande : Je crains de vous décevoir également. C’est assez amusant, puisqu’on en a parlé la semaine dernière. La librairie des sciences politiques, comme les Presses sont des SARL, donc nous avons aussi les mêmes contraintes budgétaires, même si nous bénéficions d’une subvention. Nous avons des contraintes d’équilibre et de rentabilité. Et jusqu’à présent, compte tenu de la taille de la librairie, nous ne commercialisons quasiment pas d’ouvrages en langue anglaise, sauf commande précise. Nous avons discuté, avec le directeur de la bibliothèque, la semaine dernière pour regarder comment on devrait repenser les choses. J’ai été le voir pour lui demander qu’elle était la part des ouvrages anglophones dans ses collections et ce qu’il savait de la consultation de ces ouvrages en langue anglaise. Il m’a avoué son dépit, ces ouvrages sortent peu. Donc, c’est un sujet qui reste, pour nous, d’avenir, si j’ose dire. Mais je pense que ça devrait changer rapidement, pour une raison importante. Jusqu’à présent, on disait que Sciences Po était l’établissement d’enseignement supérieur le plus internationalisé, 30% des étudiants sont des étudiants étrangers, cette proportion devrait augmenter pour atteindre peut-être celle qu’on trouve dans des établissements anglais où il peut y avoir jusqu’à 60% d’étudiants étrangers. Jusqu’à présent, pour intégrer un cursus à Sciences Po, l’étudiant devait maîtriser la langue française en arrivant et les cours étaient dispensés en français. Cette barrière, entre guillemets, vient de tomber. En créant les chaires Moyen-Orient – Méditerranée, ou le centre Asie, qui vient d’ouvrir au Havre, il semblait, dans le cade de l’internationalisation de l’enseignement supérieur, de plus en plus difficile de maintenir, ou d’obliger à maîtriser la langue française en arrivant. Donc, un certain nombre de cours vont être dispensés directement en anglais. Donc, la part d’ouvrages anglophones, la culture anglophone et la lecture en langue anglaise devraient fortement augmenter à Sciences Po y compris chez les étudiants francophones.
Taos Aït Si Slimane : J’ai une question pour vous, Marie-Geneviève Vandesande. Bruno Latour, lors d’un colloque sur le livre, à Sciences Po, disait que ses étudiants lisent de moins en moins mais que nous aurions tort, nous les professionnels quel que soit le lieu de notre activité, de ne pas tenir compte de leurs autres pratiques notamment celles sur le Net. Il semble ne pas négliger d’autres formes de lecture. Ils ne lisent peut-être pas d’ouvrages, de livres « physiques » mais ils lisent en ligne, ne serait-ce que des fragments, ce qui, par ailleurs, soulève d’autres problèmes. Il avait par ailleurs pointé autre chose, j’aimerais savoir si cela se retrouve chez vous, c’est qu’en général les enseignants préconisaient leur propre production, leurs livres. Est-ce que les préconisations des enseignants de Sciences Po confirment ou pas cette observation ? C’est le cas dans de nombreuses universités, qu’en est-il à Sciences Po ?
Marie-Geneviève Vandesande : Écoutez, je suis un peu gêné pour vous répondre. Nous sommes coéditeur, avec Dalloz, d’une collection qui s’appelle Amphi. Quand je suis arrivée à Sciences Po, c’était très intimidant, pour moi, de savoir comment on devait envisager, imaginer les nouveaux projets de livres avec Dalloz, et la première question que me posait Dalloz était : où enseigne l’auteur ? Dans combien d’établissement ? En fait cela sous-tend le pouvoir de prescription. Je crois qu’il ne peut pas y avoir de livres universitaires sans prescription universitaire. Je crois que tous les éditeurs universitaires se désolent effectivement de, je ne dirais pas de l’absence de prescriptions, il y a des prescriptions fortes, à la différence des études dans les universités anglo-américaines, il y a un déficit, en tout cas en France, de prescription de lectures obligatoires. Les étudiants ont des bibliographies mais il n’y a pas de prescriptions comme l’entendent les Anglo-américains. On ne peut pas venir en cours sans avoir lu le texte parce que le cours démarre là-dessus. De ce point de vue-là, je pense que nous sommes très en retard. Qu’ils soient auteurs, ou pas, il y a un déficit de prescription, en France, et d’encouragement à la lecture. C’est vrai qu’aujourd’hui, du fait des pratiques numériques, on est dans une période de transition, où il faut observer ce qui se passe, observer, y participer. J’attends avec impatience, Bruno Latour vient d’arriver, de voir comment on va travailler sur le numérique avec lui, avec les étudiants. Je trouve cela très intéressant. Nous-mêmes nous sommes engagés dans des plates-formes pour les revues, comme Cairn, mais nous réfléchissons beaucoup sur l’usage du livre numérique, notamment sur : est-ce que le livre va rester entier ? Est-ce qu’on va vendre des textes ? Des chapitres ? Qu’est-ce que cela signifie pour nous ? Est-ce qu’une revue est une revue une fois qu’elle est désossée et vendue par article ? Par rapport à la question initiale que vous posiez, par rapport à la lecture des étudiants, j’ai entendu, ce matin sur France Inter, que dans la région lyonnaise, l’université de Lyon venait de mettre en place un logiciel qui permet de détecter dans les copies des étudiants la compilation internet. Je savais déjà que ça existait, on en parle, à Sciences Po, depuis 2 ans. Je pense qu’il y a une vraie question aujourd’hui sur la place de l’écrit dans l’acquisition des savoirs. Comment doit-on penser le livre ? À quoi sert le livre ? Quels sont les livres que l’on lit de façon séquentielle ? On compile aujourd’hui mais qui lit des livres en entier, dans les milieux scientifiques ? Je pense que c’est de vraies questions et on est tout en train de tâtonner, d’essayer d’avancer sur ces sujets. Je pense qu’en même temps on a beaucoup de chance. Le livre n’a pas changé depuis 500 ans, on a la chance de vivre cette époque. Il n’a pas changé en tout cas dans son support papier, ou très peu. C’est un objet quand même parfait, on n’avait pas besoin d’ouvrir 3 écrans pour ouvrir 3 livres en même temps, on pouvait feuiller un livre, voir son sommaire… c’est pour ça qu’il y a eu dès le départ autant d’affinités entre le livre et l’informatique. Le livre était très, très en avance dans son maniement. La lecture du livre, par sa manière est quelque chose d’impressionnant.
Quentin Schoëvaërt : Pour compléter ce que vous venez de dire, moi, j’ai des étudiants de fac qui arrivent avec justement des bibliographies -ils ne sont pas forcément en première année, quelquefois ils sont en licence- où les auteurs sont classés par ordre alphabétique, distribués par les professeurs, dont les ¾ des livres sont épuisés depuis 20 ans. Donc les profs donnent des bibliographies comme ça, dans les bibliothèques ils y sont peut-être. Moi, autant que faire se peut, si je suis compétent dans la matière, j’essaye de les orienter mais ce qui m’a vraiment, vraiment surpris c’est le fait qu’ils soient complètement perdus, c’est-à-dire qu’à partir d’une bibliographie savoir repérer les ouvrages essentiels, arriver à équilibrer leurs lectures et s’ils ont plusieurs thèmes à traiter savoir identifier les textes indispensables à lire… Il y a un père qui disait que sa fille était en licence de psychologie et qu’elle n’avait jamais lu en entier un livre de Freud. Elle a lu des petits bouts par-ci, d’autres par-là, des polycopiés etc. Moi, je trouve ça ahurissant, mais je suis bien obligé de le constater. Du coup pour ce qui concerne les sciences humaines et toutes sortes d’essais, ça nous pose un vrai problème au moment de l’achat d’ouvrages. Moi, je suis à chaque fois dans l’hésitation. Quand j’ai quand un ouvrage qui sort, m’est présenté par un éditeur, qui est très dense et très complet, je me dis à qui vais-je vendre ça ? Quand je trouve que c’est un ouvrage important, qui a sa nécessité, je fini toujours par craquer et le prendre quand même et j’essaye de le vendre et par bonheur quelquefois ça marche mais ce n’est pas facile. Donc, nous en tant que libraire on a cette hésitation parce que nous on se retrouve devant des contraintes économiques et qu’on ne travaille pas que pour la gloire de la science, mais moi il m’est arrivé souvent de penser à mes clients et de me dire à qui je vais vendre ça ? En même temps ça me rend triste, je me dis cet ouvrage est important je ne devrais pas avoir à me poser cette question-là, mais je suis obligé de faire le constat que pour le public étudiant c’est vraiment difficile. J’ai tout de même l’impression que les plus éclectiques, pour la clientèle d’Atout-Livre, on en a quelques-uns, c’est les étudiants de Sciences Po et ceux des classes prépas lettres, des Khâgnes qui effectivement vont au-delà des prescriptions. Ils essayent de faire des rapports de lectures plus loin que la liste obligatoire. Ils suivent éventuellement les conseils des libraires sur des lectures possibles, essayent de voir en histoire ce qui existe… Je suis bien obligé de faire un constat pessimiste, mais pour les étudiants ce n’est pas facile. Autre constat que je fais, pour les étudiants de facs de sciences en math etc., je n’ai pas fait ce cursus-là, je ne sais pas comment ça se passe, mais j’ai l’impression que les profs ne font pas l’effort de leur fournir des bibliographies d’ordre général, sur l’histoire des sciences, par exemple. J’ai l’impression que c’est un cursus très technique, utilitariste. Ça ne m’est jamais arrivé d’avoir un étudiant en licence de physique, par exemple, ou de math me demander un livre sur Newton, le texte de Newton qu’on a en libraire. Ça sera plutôt un vieil érudit qui va s’intéresser au texte de Newton mais pas un étudiant en physique. Je trouve ça dommage, mais je le constate.
Question 5 : Ce n’est pas une question mais un témoignage, entre guillemets. Moi, je suis bibliothécaire, dans un établissement universitaire, j’ai demandé, le 4 septembre, aux professeurs de me donner leur bibliographie, personne ne m’a répondu. Ils sont 120. Et dans la plupart des cursus scientifiques, l’histoire des sciences est très peu présentée, les chercheurs en histoire des sciences sont très, très rares. Moi, on m’a dit que les professeurs en histoire des sciences sont en train de mourir. Ils sont tous à la retraite ou quasiment.
Marie-Geneviève Vandesande : Sur la lecture des étudiants, nous avons beaucoup de difficultés. En tout cas, on est très loin du mythe des années 70 avec des étudiants se jetant sur des tables d’essais dès leur sortie. On s’est rendu compte qu’on avait beaucoup de mal à les attirer au-delà des lectures pragmatiques. Ce que nous avons trouvé, ou imaginé aujourd’hui pour ouvrir une fenêtre sur la lecture, c’est non pas de faire plus de sélections sur les essais mais de faire 1 à 3 fois par an une petite opération thématique avec de la fiction. C’est-à-dire de rappeler que la lecture c’est d’abord de lire pour soi, pour le plaisir. A chaque fois, nous choisissons un thème, cette fois, avant l’été, les libraires avaient choisi –ils sont trois-, l’utopie, comme thème, pour l’opération précédente ils avaient choisi les destinations, politique et fiction pour rappeler, d’une façon un petit peu plaisante et qui fasse rêver, que la lecture c’est d’abord une affaire personnelle.
Florence Casaromani : Je voulais vous faire préciser quel était votre public. Peut-être que pour vous, Marie-Geneviève Vandesande, c’est un public captif ; non ? Pour la libraire Atout-Livre vous avez parlé des étudiants, des vieux érudits, et qui d’autre vous achète des livres de science ? Vous pourriez peut-être aussi dire un mot du secteur jeunesse.
Quentin Schoëvaërt : Pour le secteur jeunesse, je ne suis pas bien placé pour en parler. Pour ce que m’a dit ma collègue Catherine qui s’occupe du rayon, je crois qu’il y a un certain nombre de professeurs, ou d’enseignants qui sont demandeurs des ouvrages de science dans l’optique de préparer un cours, ou faire travailler un exposé avec des élèves etc. Pour ce qui est du rayon science proprement dit, c’est assez hétéroclite. Je peux difficilement dégager un lecteur type. Ce que je constate c’est qu’il y a quand même des gens qui viennent par le biais de la littérature notamment des amateurs de science-fiction. Il y a quelques éditeurs qui ont compris ça et qui font eux-mêmes autour de science et science-fiction. C’est deux univers qui sont en tout cas cohérents. Il y a des passerelles. Il y a vraiment des gens qui peuvent venir dans le rayon science par la science-fiction. Il y a également un autre biais, il y a beaucoup de gens qui viennent dans le rayon science en espérant y trouver des ouvrages sérieux suite à des ouvrages de type « The Da Vinci Code » Suite à son immense succès, on a eu plein de gens qui venaient dans le rayon science espérant trouver un analogue scientifique. Là, c’est un peu compliqué évidemment. Sinon c’est assez hétéroclite. Enfin pour les clients que je connais personnellement, je parle des vieux érudits ou de ceux qui sont de la partie. Pour avoir un ordre d’idée, le rayon essai par rapport au chiffre d’affaire moyen, à la librairie, correspond à peu près à 15% et le rayon science dans le rayon essai, ça fait 1% du total de la librairie. Je vous laisse juges. Quand je parle science, je ne prends pas en compte l’environnement et le secteur jeunesse. En tout cas je n’essaye pas pour le moment de développer plus le rayon science. J’essaye de maintenir un fonds qui tourne un peu, mais ce n’est pas très facile.
Laurence Toulorge : Pour préciser, par rapport à ce public d’amateurs, pas simplement de vieux érudits, il y a un certain nombre de livres qui sortent depuis ces derniers mois, je pense à, « Pourquoi les pingouins n’ont pas froid aux pieds ? », « Pourquoi les vaches ne peuvent pas descendre un escalier ? » et autres questions stupides etc. Est-ce que ça, c’est des livres qui intéressent déjà un public parce que c’est très accrocheur comme démarche, c’est presque marketing finalement, est-ce que ça, ça fait venir des gens vers les rayons sciences ? Est-ce, au contraire, ça va rebuter un public déjà amateur de sciences ? Est-ce, ça marche ? Est-ce ce n’est pas un peu « digest » aussi, comme littérature ?
Quentin Schoëvaërt : Vous dîtes, « Pourquoi les vaches ne peuvent pas descendre un escalier ? », d’accord, très bien. Pour les « les vaches qui descendent l’escalier », et « les pingouins », figurez-vous que ça marche très bien. Dans ce domaine de publications assez récentes, il y a de tout. C’est des livres qui sont avant tout fortement médiatisés, donc qui ont un suivi media assez important, notamment pour les éditions du Seuil, « Pourquoi les pingouins n’ont pas froid aux pieds ? » mais objectivement, elle est bien faite et elle touche un public très vaste. Les gens qui ne connaissent rien aux sciences vont trouver que c’est une façon très amusante de s’y retrouver, c’est également le type de livre qu’une fille va offrir à son père qui est prof de physique parce que ça passe comme clin d’œil. Je n’ai pas la culture scientifique pour juger le contenu, on sait que ce n’est pas farfelu mais humoristique. Il y a également les livres de chez Dunod, dans la collection mathématique. Effectivement, en science il peut exister des best-sellers, ce n’est pas complètement perdu. Le livre de Jared Diamond, « L’Effondrement » chez Gallimard, c’est un best-seller incroyable. Par contre, ce qui est vrai, c’est que les best-sellers, tous les livres qui vont fonctionner en librairie, je n’ai pas de contre-exemple, sont tous des livres qui ont été accompagnés ou suivis d’un plan media important. Soit parce que la personnalité de l’auteur, par exemple le scientifique qui fait les plateaux télé, est une personnalité soit parce que sur une publication particulière l’éditeur met le paquet. Là, il y a une prescription extérieure, médiatique importante dans le domaine des essais en général et des sciences en particulier. Moi, je n’ai pas la télévision mais je sais qu’il existe des émissions de science et je sais que les fidèles de ces émissions vont en librairies pour feuilleter ces livres, voir les acheter après en avoir entendu parler dans les émissions. Nous, effectivement on se fait à la libraire, une revue de presse, Livre Hebdo nous aide évidemment puisqu’il a une page consacrée à ça, avec les émissions consacrées aux sciences Mais, chacun dans son rayon sait ce qui est vraiment qui est prescripteur, quel public ça touche. Pour moi, en histoire, philo etc. ça sera plus France culture évidemment. Par contre, pour ce qui est des sciences, ça sera plutôt les émissions de science grand public qui vont permettre à un livre qui a du mal à se lancer de fonctionner.
Marie-Geneviève Vandesande : Vous avez pose la question de savoir si c’était scientifiquement gadgétisé, en fait j’aimerais poser la question par les enfants. J’ai l’impression qu’en France on repose la question de la culture scientifique. Quelle place fait-on aujourd’hui dans l’enseignement, ou dans l’éveil des enfants à la culture scientifique. J’ai l’impression, c’est plus la mère qui parle que la professionnelle du livre, qu’on perçoit la science comme moyen de sélection et de réussite professionnelle et sociale, il vaut mieux un bac S qu’un bac L etc. mais rarement comme une curiosité et une façon de comprendre le monde dans lequel nous vivons. Les enfants ne sont pas tellement formés à la curiosité scientifique. De ce point de vue-là, je pense qu’un certain nombre de livre un peu gadget sont des outils vraiment formidables. Je me souviens d’un livre qui expliquait, du temps où mes enfants étaient petits, comment le dentifrice signal fait des rayons rouges, c’est formidable ! comment marche un ascenseur, pourquoi le savon enlève les taches, ou lave, c’est intéressant à comprendre quand on est petit. Je trouve que c’est une curiosité mais c’est bien pour les grand aussi, c’est là que je voulais en venir, c’est bien moins intimidant. On dit toujours que la librairie, ou la bibliothèque, ou le livre c’est intimidant, loin de moi en tout cas du mépris pour des ouvrages qui permettent d’entrer, des livres même gadgets qui permettent de comprendre comment ça marche.
Question 6 : J’aurais une petite question pour vous madame, parce que vous êtes dans une situation pas très courante finalement. Vous êtes dans un établissement qui a à la fois une librairie et une bibliothèque. Je voudrais savoir quels sont les rapports professionnels qui existent entre les deux bibliothèques si vous en avez, si vous travaillez en complémentarité, si vous avez des réflexions communes, comment vous vous organisez au quotidien.
Marie-Geneviève Vandesande : Effectivement, à Science Po, nous avons non seulement la particularité d’avoir une bibliothèque, la librairie et la maison d’édition mais nous avons aussi les chercheurs, les enseignants et les étudiants. Donc, on a une chaîne complète qui est en tout cas très stimulante, même si nous n’avons hélas pas toujours le temps, les synergies sont toujours souhaitées mais pas toujours faciles à organiser. Comment nous travaillons ensemble ? Nous avons pas mal de rapport qui se sont construits, moi je suis là depuis 3 ans, petit à petit. Aujourd’hui comment fonctionnent les bibliothécaires et la librairie, qui ont la chance d’être dans le même bâtiment puisque, pour tout vous dire, la librairie est la sortie de secours de la bibliothèque. Réellement, ce n’est pas une métaphore. En fait, les bibliothécaires travaillent évidemment beaucoup sur Livre-Hebdo, pour préparer leurs acquisitions, mais elles ont aussi institué un rendez-vous mensuel avec les libraires. Ils se voient beaucoup, font un tour de la librairie et des tables, ensemble, pour voir s’il y a des livres intéressants qu’ils regardent, les usages des clients etc. Ce que les bibliothécaires m’ont dit, ce qu’elles apprécient de pouvoir feuilleter, jauger de nouvelles collections, de nouveaux éditeurs, ce qui est plus difficile à faire par la simple lecture de Livre-Hebdo, de sentir et de voir émerger de nouvelles demandes relayées par les libraires qui font par des demandes de tel ou tel ouvrage, ou savoir également si un livre est prescrit, puisque vous avez évoqué la question de la prescription, ça ne marche pas toujours effectivement de la façon dont on aimerait. Donc c’est un dialogue qui se construit au fur et à mesure avec les bibliothécaires. Ça leur permet aussi de connaître les demandes des étudiants et de se dire, ça on l’a pris en un exemplaire, on devrait peut-être le prendre en plusieurs exemplaires. Je dirais que la libraire est un peu la madame plus, en quelque sorte. Entre la librairie est la maison d’édition, je fais un peu le lien, puisque je vais dans les deux. Je dirais qu’en tant éditeur le libraire me nourrit, me fait découvrir des ouvrages intéressant, la concurrence, me donne un feedback sur nos propres ouvrages. Donc, c’est une collaboration vraiment intéressante.On organise aussi nos propres rencontres, on se partage les tâches, parce qu’aller tenir une table de vente ça peut être très lourd, parce qu’on est une toute petite structure aussi bien pour la librairie que pour les Presses, donc on se répartit le travail. On a très rarement des signatures parce que les étudiants de Sciences Po, du fait des conférences etc., sont extrêmement gâtés et pas très demandeurs, et entre la bibliothèque et la maison d’édition, le directeur de la bibliothèque fait partie du comité éditorial, nous échangeons régulièrement, au moins une fois par mois, et nous essayons là aussi de nous rencontrer 1 à 2 fois par an avec les bibliothécaires pour discuter de nos métiers respectifs, sur les tables rondes… Par exemple, nous nous sommes rendus compte que les bibliothécaires étaient très demandeurs de : Comment on travaille dans une maison d’édition ? Qui fait quoi ? Etre préparateur de copies, assistant d’édition, c’est quoi ? Quel est le métier ? Comment on gère le rapport avec l’auteur ? Comment on conçoit une maquette ? Et, nous, nous sommes assez demandeurs de : Comment fonctionne une bibliothèque ? Qu’est-ce qu’ils savent des demandes ? Qu’est-ce qu’ils savent des livres qui sortent ? Qu’est-ce qu’ils savent des étudiants ? Certes on ne se voit pas assez mais on essaye, on rêve, depuis 3 ans, de créer ensemble un événement autour du livre, on n’a pas pour l’instant trouvé le temps de le faire.
Question 7 : J’ai une question, un peu en marge, par rapport à la librairie générale. Est-ce que vous vendez des livres CD, des CD tout seul maintenant, parce que nous, moi je suis en bibliothèque municipale, à Saint-Nazaire, on sent à nouveau une demande sur ce type de produits, en particulier les entretiens, les conférences, le best-seller c’est Michel Onfray, le 12 CD, le premier l’université populaire marche très, très bien. Françoise Dolto, les émissions qu’elle avait faite sur France Inter, ça marche bien, Hubert Rives, ça marche bien aussi. Donc, je voudrais savoir si vous en vendez, s’il y a une demande parce que ça peut également être un biais.
Quentin Schoëvaërt : Tout à fait, on travaille avec ces produits. On a la chance d’avoir un rayon CD, on travaille avec des labels indépendants, Harmonia mundi, Naive, Nocturne, principalement un fonds musiques classiques, musique du monde, jazz, et intégré dans cet espace, puisqu’il y a l’espace et le meuble qui convient, un rayon de livres lus, là ce n’est pas un livre avec un CD, mais vraiment un support audio de textes classiques lus, avec des choses de bonnes qualités aussi bien dans l’éclectismes des textes proposés que dans l’interprétation. Il y a un vrai travail éditorial sur le type de lecture et le choix de comédiens. Effectivement, c’est un rayon qui tourne bien, il y a une demande. Ça, c’est une première chose. Effectivement, nous, on se demande s’il faut regrouper tout ou dispatcher dans les rayons. Tout ce qui concerne les essais, Onfray, dont vous parliez, Dolto, ou même les textes de Bergson, Mendés France, chez Frémeaux & Associés, qui sont à Vincennes, pas très loin de chez nous, je les récupère et les intègre dans le rayon proprement dit. C’est-à-dire que les CD Dolto, par exemple, je le mets dans le rayon « Psy » avec les livres de Dolto en rayon parce qu’on s’est rendu compte qu’ils étaient plus vendus là que dans la zone CD. Géographiquement ce n’est pas le même endroit. J’aurais dû commencer par-là, il y a trois, quand on rentrait dans la librairie, il y avait la littérature étrangère et/ou traduite à gauche, la littérature française à droite, puis on avançait, c’est une librairie assez profonde, il y avait l’espace essais qui venait après la littérature française, dans la partie centrale il y avait des polards, les BD et la jeunesse tout à fait au fond. On a fait des travaux, on a restructuré la librairie de manière à agrandir certains rayons, redéployé d’autres pour des raisons de cohérences, puis par choix éditorial, on a mis les essais devant. Quand le client rentre, il y a 4 grandes vitrines, à droite toujours la littérature française et à gauche directement les essais, l’actualité. Donc, il y a deux univers en rentrant plutôt qu’un. Les disques étant plutôt au fond vers les rayons « Jeunesse » où il y a beaucoup de CD. Comme géographiquement les CD étaient trop loin, on a rapatrié les disques Frémeaux qui correspondaient aux essais dans les rayons essais. Je confirme, il y a effectivement une grosse demande et ça fonctionne bien. En littérature, pour le coup, il y a de plus en plus d’offres et des choses vraiment intéressantes.
Laurence Toulorge : Désolée, j’ai une « mauvaise nouvelle », la table ronde touche à sa fin. On était vraiment, je pense, tous passionnés par l’expérience dont vous rendez compte aujourd’hui. On a vu finalement qu’on avait des préoccupations très converge antes, c’est-à-dire la difficulté à faire lire le public étudiant, la difficulté à présenter nos collections par disciplines, par domaines, on s’aperçoit finalement que nos collègues libraires ont un peu plus de souplesse puisqu’ils peuvent répondre directement aux clients, le classement du client est le meilleur alors que le classement du bibliothécaire l’emporte souvent sur celui du lecteur dans nos établissements. Mais on a vu aussi dans les derniers échanges qu’il y avait des possibilités d’avancer notamment, je dirais, avec des pratiques de proximité, qu’on peut monter des projets ensemble, on a vu qu’on pouvait mettre en place des passerelles entre librairies et bibliothèques notamment dans des projets de proximité, je pense que ça peut-être une conclusion pleine d’espoir pour, on va dire, notre envie de promouvoir la culture scientifique et technique dont on a vu qu’elle était multiple, on n’est pas forcément obligé de la sérier ni par discipline, ni par niveau, ni par publics. Je pense qu’on va remercier nos invités pour leur générosité, leur chaleur et la passion dont ils ont fait preuve en venant nous parler de leurs pratiques professionnelles aujourd’hui.
Taos Aït Si Slimane : Avons que nous nous séparions, pourriez-vous, surtout vous qui avait un très bon site Internet contrairement à beaucoup de libraire et d’éditeurs, donner les coordonnées de votre site, nous n’avons pas eu l’occasion d’en parler, ainsi que vous Madame, pour Sciences Po, si vous avez un site de votre librairie, merci ?
Quentin Schoëvaërt : Je ne la connais pas par cœur évidemment, c’est .
Marie-Geneviève Vandesande : Notre librairie n’a pas de site propre, c’est un corner du site des Presses de Sciences Po.
Taos Aït Si Slimane : Merci. Nous allons transcrire cette table ronde, en gardant au maximum la spontanéité de la parole directe, et la diffuser, après votre relecture et accord bien sûr. Pour les questions, nous n’indiquerons pas les noms. Nous souhaitons démarrer une série d’interviews des professionnels de la chaîne des médias que nous avons baptisée, pour l’instant, « Paroles d’acteurs ». Ce dialogue direct et cette façon vivante de présenter les choses manque à la profession et pourrait, nous l’espérons, constituer un liant. Nous allons suggérer que ce matériau soit mis à la disposition des professionnels et amateurs sur le portail professionnel de la médiathèque de la Cité, mais en attendant nous le ferons circuler, si nous avons votre accord, via les outils du Web2, Blog, Wiki et bien sûr par E-mail pour les personnes présentes.