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Entretien avec Adrien Fainsilber, par Estelle Pietrzyk, directrice du MAMCS

Transcription, par Taos Aït Si Slimane, de l’entretien, mené à Paris en avril 2018, par Estelle Pietrzyk [1], directrice du MAMCS [2], avec l’architecte Adrien Fainsilber. [3]

Les notes de fin de document ont été ajoutées par l’auteure de la transcription. Sur ce site, vous pouvez également consulter une autre transcription, où Adrien Fainsilber aborde le projet de la Cité des sciences et de la Géode

Vous pouvez m’adresser vos commentaires et vos suggestions de corrections à cette adresse : tinhinane[arobase]gmail[point]com

Estelle Pietrzyk : En réparant cet entretien, je découvre, mais je lis, que vous avez été formé à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts et que vous avez suivi, comme beaucoup d’étudiants architectes qui se formaient aux Beaux-Arts, c’était la tradition à ce moment-là, par deux personnalités du monde de l’architecture différentes, je pense à Roger-Henri Expert et à Eugène Beaudouin, qui a une petite histoire avec Strasbourg, puisqu’il a été l’architecte de la cité Rotterdam. Je voulais savoir ce que vous conservez de cette période ? À quoi ressemble l’enseignement, ce que vous en tirez ? Ça vous forme ou ça vous déforme ?

Adrien Fainsilber : C’est ce que j’allais dire, ça m’a beaucoup déformé, j’ai mis plusieurs années à oublier ce que j’avais appris, en voyageant. C’est à partir de ce moment-là, je crois, que j’ai eu une formation d’autodidacte, parce que je me suis formé moi-même au contact des architectes comme Alvar Aalto, Louis Kahn …

Estelle Pietrzyk : Parce que cet enseignement était encore très, très classique ? Vous dessiniez, mais vous ne construisiez pas, c’est ça ? On apprenait à faire du papier peint, pour avoir la formule un petit peu …

Adrien Fainsilber : C’est Frank Lloyd Wright, qui avait visité notre exposition de projet, et qui avait dit : « Je n’imaginais pas que dans une école d’architecture on apprenne à faire des papiers peints », c’était son expression à lui.

Estelle Pietrzyk : C’était très théorique en fait …

Adrien Fainsilber : C’était du dessin … Les Prix de Rome, c’étaient des trucs complètement irréels, sans site, sans rien, sans contraintes …

Estelle Pietrzyk : Une architecture déconnectée en fait …

Adrien Fainsilber : Oui …

Estelle Pietrzyk : Est-ce qu’à ce moment-là vous vous côtoyiez néanmoins les étudiants en art ? J’ai lu, vous me contredirez, que votre maman avait une sensibilité artistique, elle travaillait à l’atelier de Bourdelle ?

Adrien Fainsilber : C’est bien ça, oui.

Estelle Pietrzyk : Vous-même, vous aviez une attirance aussi pour l’art ? Est-ce que vous regardiez plutôt les minimalismes ou le dernier Picasso à ce moment-là ? Qu’est-ce qui vous intéressait ?

Adrien Fainsilber : C’était la peinture, mais surtout l’architecture. Ma mère a fait ça, mais on ne voit plus maintenant, les deux tableaux qui sont derrière.

Estelle Pietrzyk : Ah, c’est de la peinture aussi, ce n’était pas seulement des …

Adrien Fainsilber : Oui.

Estelle Pietrzyk : Vous avez quand même grandi dans cette sensibilité-là.

Adrien Fainsilber : Absolument.

Estelle Pietrzyk : Vous disiez que votre formation, vous la faites vous-même en voyageant.

Adrien Fainsilber : C’est ça.

Estelle Pietrzyk : Vous partez, je sais, au Danemark, il y a eu un épisode …

Adrien Fainsilber : Au Danemark, où j’avais eu une bourse d’études.

Estelle Pietrzyk : Qu’est-ce que vous faites au Danemark, vous êtes en stage …

Adrien Fainsilber : Je suis à l’École des Beaux-Arts de Copenhague. C’était intéressant au Danemark, parce que c’était l’antithèse de l’enseignement des Beaux-Arts, on apprenait à faire des choses, petites, bien maîtrisées, dans le détail. Les architectes au Danemark sont formés pour faire des maisons individuelles, ce qu’ils faisaient très bien. Donc, ça m’a aidé à me remettre en question aussi.

Estelle Pietrzyk : Il y a également un épisode américain, vous partez dans la région de Boston, me semble-t-il.

Adrien Fainsilber : C’est ça. Vous savez tout.

Estelle Pietrzyk : Pas tout, j’aimerais bien avoir d’autres informations. Comment c’est cette Amérique ? On est au tout début des années 60 ?

Adrien Fainsilber : Oui.

Estelle Pietrzyk : Là, vous changez de paysage par rapport à ...

Adrien Fainsilber : Absolument !

Estelle Pietrzyk : Qu’est-ce que ça vous apporte cet épisode américain ?

Adrien Fainsilber : J’ai travaillé, pas très longtemps, chez un architecte-paysagiste, et, ça, c’est une nouvelle discipline pour moi, parce qu’on n’apprenait pas … Maintenant, il y a les paysagistes en France, mais il n’y en avait pas à l’époque. Il n’y avait pas d’enseignement du paysage et Sasaki faisait de grands projets avec sa (manque un mot ou un nom), donc c’est extrêmement intéressant. C’était une autre approche, c’est ça qui est intéressant, quand on va au Danemark ou en Amérique, on a une autre perception des choses.

Estelle Pietrzyk : Cela va être formateur dans le sens où cette vision globale, le Danemark avec des choses plus individuelles et les États-Unis avec une vision paysagère aussi des choses, font que vous faites partie de cette catégorie d’architectes urbanistes où une des catégories n’est pas sacrifiée pour l’autre. Je dirais que vous avez souvent une vision très générale des choses. Du reste, parmi vos premières missions il y a la question du Schéma directeur de la région Île-de-France, c’est un énorme projet, ça.

Adrien Fainsilber : Ce que je voulais vous dire, c’est que, là aussi, j’ai pris une autre dimension en faisant de l’urbanisme l’Institut d’aménagement urbaniste de la région parisienne, où se mettaient en place les villes nouvelles.

Estelle Pietrzyk : Et ça, effectivement, c’est en plus une vision très prospective et structurante. On travaille pour longtemps après. Je ne suis pas loin de penser que c’est important pour votre dessin.

Adrien Fainsilber : Gagner le concours quand j’étais à l’Institut, j’ai gagné le concours pour l’aménagement de la plaine de Villetaneuse de Montmagny, qui malheureusement ne s’est pas réalisé.

Estelle Pietrzyk : Là, il fallait imaginer une ville universitaire.

Adrien Fainsilber : C’était une ville universitaire.

Estelle Pietrzyk : Si on reprend des rapports d’échelle : Pour Villetaneuse, il y avait l’université, 42 000 m2 et les logements 39 000 m2, puis dans les différents programmes que vous traitez, que ce soit dans le milieu hospitalier où la Cité des Sciences et de l’industrie, on arrive à 165 000 m2, je voulais vous dire, mais le Musée d’art moderne, c’est petit pour vous.

Adrien Fainsilber : Il n’y a pas de petits projets.

Estelle Pietrzyk : Il n’y a pas de petits projets, mais revenir à une échelle très différente …

Adrien Fainsilber : Il y a un changement d’échelle. Le projet de Villetaneuse, c’était un plan d’urbanisme, on ne faisait pas de détails des constructions.

Estelle Pietrzyk : Avec toute l’importance que vous mettez sur ce que j’appelle les places, les vides, les espaces non remplis. Ça, c’est votre lecture d’urbaniste, qui interfère forcément sur l’architecte après.

Adrien Fainsilber : Tout à fait.

Estelle Pietrzyk : Si je reprends la chronologie des choses, en 1986, vous recevez le Prix national d’architecture, mais Strasbourg, vous dites qu’il n’y a pas de petits projets, mais qu’est-ce qui vous retient dans ce projet ? Qu’est-ce qui fait que vous avez envie de concourir et de le faire ?

Adrien Fainsilber : Le programme m’intéressait beaucoup, puis surtout le site. La première fois où je suis arrivé sur le site, j’ai été émerveillé par l’endroit, la proximité immédiate de la Petite France. Le musée était le prolongement de la Petite France, avant que l’École nationale d’administration ne s’installe dans la Commanderie Saint-Jean, et tout a été verrouillé. C’était la Commanderie de Saint-Jean qui formait le lien avec la Petite France, les cours étaient toute ouvertes alors que cela ne l’est plus maintenant [4].

Estelle Pietrzyk : À ce moment-là, vous aviez déjà travaillé sur un musée, le Musée des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand [5], comment - à grands traits – s’était déroulé ce projet, on en a parlé avant que cet enregistrement ne soit en route ? Travailler pour un musée, pour vous c’était une première expérience, Clermont, avec des collections … ?

Adrien Fainsilber : Avant, il y avait La Villette, mais c’était un peu particulier.

Estelle Pietrzyk : Oui, c’était hors échelle … Le fait de travailler clairement pour un programme artistique aussi, comment s’était passée cette expérience de Clermont ?

Adrien Fainsilber : C’était très intéressant parce que c’était la réhabilitation d’une ancienne prison, qui avait été un ancien couvent. Il fallait définir des espaces, et c’était très intéressant comme projet [6].

Estelle Pietrzyk : Le fait d’accueillir, de devenir le bâtiment qui accueille des œuvres d’art, qui est non seulement l’écrin, mais le lieu de transmission aussi, c’est quelque chose qui vous intéressait aussi dans cette mission ? Vous parlez souvent des missions des bâtiments, un musée à des missions très particulières, c’est normal, comme un hôpital, comme une station d’épuration, que vous avez traitée par ailleurs, mais là, c’était une donnée qui manifestement avait dû quand même vous vous retenir pour que vous reveniez sur ce programme strasbourgeois, qui dure combien de temps, si on met tout, bout à bout ? On inaugure en 1998.

Adrien Fainsilber : Oui, il y a 20 ans. Le projet s’est fait, je ne sais plus en quelle année, pendant les années 90 [7].

Estelle Pietrzyk : Une route que vous qualifiez de chaotique, aisée ou normale pour un projet comme celui-ci ?

Adrien Fainsilber : Normal, mais il y a eu beaucoup d’allers et retours avec la ville, avec le Roland Recht, qui s’est beaucoup impliqué dans le projet, dès le début, mais je n’étais pas tout à fait d’accord sur la muséographie, parce qu’ils mettaient le spectateur dans une seringue, pour suivre un itinéraire bien défini. Moi, j’avais imaginé que les œuvres étaient un peu libres dans l’espace. Vous connaissez le musée de Lens ?

Estelle Pietrzyk : Le Louvre Lens, oui.

Adrien Fainsilber : Qui est magnifique. On se balade à l’intérieur des œuvres de l’une à l’autre, on peut revenir en arrière, repartir dans une autre direction, et ça, c’est intéressant. Tandis que là, je trouve la muséographie trop contraignante, l’itinéraire trop contraignant.

Estelle Pietrzyk : Dans les éléments qui font débat, il y a la question de ce grand espace qu’on a pu appeler rue, qu’on a plu appeler nef, je ne sais pas comment vous vous y référez vous-même …

Adrien Fainsilber : La nef.

Estelle Pietrzyk : … qui me renvoie ce qu’on disait tout à l’heure sur la nécessité de créer des vides, voire des espaces que vous qualifiez même d’inutiles, c’est audacieux comme formule. Expliquez-nous un petit peu comment, pour vous, c’était indispensable, c’était un axe, c’était la colonne vertébrale en fait.

Adrien Fainsilber : C’était la colonne vertébrale, c’était aussi la mise en évidence de la logique du parcours, parce que la nef, elle distribue finalement tous les éléments et on évite comme ça le côté labyrinthique de beaucoup de musées.

Estelle Pietrzyk : Et ça, c’était pour vous l’élément clé, c’est-à-dire ne pas être perdu dans un dédale.

Adrien Fainsilber : Oui.

Estelle Pietrzyk : D’accord. Effectivement, on peut retrouver, que ce soit la bibliothèque l’Alcazar [8], je pense, à Marseille, par exemple, ces grands espaces. Ici, on est quand même, si je ne dis pas de bêtises, à 24 mètres sous plafond ?

Adrien Fainsilber : 25 mètres sous plafond, 104 mètres de long.

Estelle Pietrzyk : Ça, ça reste un tour de force quand même dans ce projet.

Adrien Fainsilber : C’est bien que la ville m’est suivie dans ce sens, parce que c’était quand même une dépense assez importante.

Estelle Pietrzyk : Je voulais vous parler de ça. Le budget à l’époque, il est, si je ne me trompe pas, de 26 millions d’euros, 26 millions et demi, pour un équipement de cette ampleur, ce n’est pas énorme.

Adrien Fainsilber : C’était il y a 20 ans ou c’est actuel ?

Estelle Pietrzyk : C’était il y a 20 ans, ça fait même pas 2 000 euros le mètre carré, ce n’est pas le prix d’un musée, à l’heure actuelle, en construction. Qu’est-ce qui avait pesé le plus sur ce budget, c’est justement cette maîtrise d’œuvre, par exemple ou d’autres éléments, ingénierie, matériaux ?

Adrien Fainsilber : C’est un tout. D’abord on a dû construire le parking en dessous, qui sert de fondation au bâtiment, peut-être que ça, cela s’exclut des 26 millions d’euros.

Estelle Pietrzyk : Puis ce parti pris de verre et de lumière aussi.

Adrien Fainsilber : Alors, la nef c’est un élément important, parce que c’est un ouvrage d’art aussi. La technique mise en œuvre, qu’on a mise au point pour la Cité des Sciences de la Villette, et qui depuis s’est répandue dans le monde entier, où qu’on aille, j’ai été récemment à Naples, que dans l’aéroport il y a une structure qui ressemble à celle de la Villette. L’ingénieur avec lequel on a travaillé, Peter Rice, s’est pris au jeu de la transparence maximum avec le parc. Puis que pour la Villette, en un mot, c’est un bâtiment qui s’intégrait dans un ensemble de 50 hectares, et je cherchais des relations étroites entre le parc et le musée. C’est avec la même équipe d’ailleurs qu’on a créé la couverture de la cour.

Estelle Pietrzyk : C’est aussi, comment dire, vos expériences à l’étranger qui vous ont sensibilisé à la technologie. Très tôt, ça rentre en compte, ça rentre en jeu dans vos projets, la circulation des flux, les nouveaux matériaux … Là, pour le MAMCS, vous utilisez un matériau que je n’avais pas rencontré jusqu’alors, qui est le rébéton. Comment avez-vous connu ce matériau ?

Adrien Fainsilber : Je l’ai connu parce que ça a été mis en œuvre pour le Musée de Grenoble, qui est intéressant d’ailleurs.

Estelle Pietrzyk : Vous lui trouviez quelles qualités pour le retenir pour Strasbourg ?

Adrien Fainsilber : Je voulais une opposition entre le granit rose de Bretagne, qui fait référence au grès rose des Vosges, dans l’architecture strasbourgeois, entre les grands aplats blancs d’enduit, et grès rose des Vosges. J’ai retrouvé avec le granite, qui provenait de Bretagne, que Vasconi a utilisé aussi, mais, lui, il a fait venir je granit de Norvège, mais on a l’impression que c’est la même chose, non ?

Estelle Pietrzyk : Au-delà de ces matériaux, vous êtes attentif à, parce qu’au musée on trouve aussi un pavement gris, soigneusement choisi, il y a ce bois blond, ce bois clair, qu’on retrouve en plusieurs points, l’harmonie des matériaux, c’est quelque chose, pour vous, d’important.

Adrien Fainsilber : Oui, c’est essentiel. Et ça vieillit bien le granite rose.

Estelle Pietrzyk : Oui, ça vieillit bien. Vous disiez que pour le programme muséographique, il y a des choses que vous partagiez moins, qu’est-ce qui vous avez été spécifiquement demandé ? Par exemple, cette salle Gustave Doré, dont on parlait, elle faisait partie du programme ?

Adrien Fainsilber : Absolument

Estelle Pietrzyk : Comment envisagiez-vous cette chapelle dédiée à … ? Comment abordez-vous la commande ?

Adrien Fainsilber : Aucune salle ne pouvait contenir le Christ sortant du prétoire, par ses dimensions. Donc, il fallait faire une salle spécifique pour le Gustave Doré, en dehors du circuit normal pour la peinture de la période de l’art moderne.

Estelle Pietrzyk : Vous choisissez une salle avec une hauteur sous plafond bien au-delà du tableau, un éclairage spécifique, avec une grande baie qui ouvre aussi sur la ville. C’est vraiment Doré enfant du pays. Le musée, comment dire, regarde la ville autant que la ville le regarde.

Adrien Fainsilber : Le paysage a beaucoup d’importance pour moi dans le la conception. La vue sur les tours médiévales des ponts couverts, le barrage Vauban, chauffant et puis en fin de parcours, quand on découvre dans toute sa splendeur la cathédrale, quand on arrive en haut, ça, c’était des éléments déterminants dès le départ. D’ailleurs le musée aussi s’étage, par plusieurs terrasses, jusqu’aux rives du fleuve, et j’avais imaginé que ces terrasses servaient de support à des sculptures monumentales.

Estelle Pietrzyk : D’accord, donc il y avait un jardin de sculptures en extérieur.

Adrien Fainsilber : Qui faisait finalement le lien entre le musée et la ville. Ça, ça peut encore se faire.

Estelle Pietrzyk : Je ne sais pas si vous vous en souvenez, au moment j’ai pris mon poste, c’était en 2008 ou 2009, vous étiez venu tous les deux au musée, on avait fait quelques pars, le souvenir que j’ai, c’est que vous regardiez autant l’intérieur que l’extérieur, ce que vous venez de dire. Pour vous, la question des points de vue, ce que fait le musée, le bâtiment à la ville est aussi une chose déterminante.

Adrien Fainsilber : Oui. Vous voyez la fenêtre qui est créée juste en haut d’escalator, et qui permet d’encadrer la cathédrale aussi, je ne sais pas si ça existe encore, mais …

Estelle Pietrzyk : Bien sûr que cela existe encore.

Adrien Fainsilber : Parce que j’avais eu à faire à un conservateur, je ne sais plus lequel, qui voulait fermer cette ouverture.

Estelle Pietrzyk : Je voudrais maintenant vous poser des questions, qui peuvent appeler une réponse rapide, mais si vous voulez la développer, ne vous privez surtout pas de le faire. Après on fera un montage.

Adrien Fainsilber : D’accord. Et après vous coupez, etc.

Estelle Pietrzyk : Exactement. Quel est votre meilleur souvenir lié à la création de ce musée ?

Adrien Fainsilber : L’inauguration du musée. Catherine Trautmann, avait fait - vous y étiez non ? – un discours magnifique sur l’architecture [9].

Estelle Pietrzyk : Si je vous proposais de rêver le musée sans limites, qu’est-ce que vous lui feriez ? Vous y ajouteriez quoi, une extension, des fontaines, un jardin suspendu, ou des terrasses étagées avec des œuvres ? Qu’est-ce que vous pourrez ajouter de formidables ?

Adrien Fainsilber : Faire un jardin de sculptures sur les terrasses, qui s’étendent entre le musée et la rive du fleuve.

Estelle Pietrzyk : Faire un lien visuel, artistique, jusqu’à l’eau.

Adrien Fainsilber : Symboliquement créer justement le lien entre le musée et la ville.

Estelle Pietrzyk : Ça, c’est une question difficile …

Adrien Fainsilber : Vous me faites peur.

Estelle Pietrzyk : Non, non. Ce que je vais dire c’est que le rôle de l’architecture c’est d’apporter des réponses, mais les réponses, elles, sont plusieurs natures, elles peuvent être fonctionnelles, symboliques ou artistiques. Pour vous, c’est dans quel ordre ?

Adrien Fainsilber : Je dirais fonctionnel d’abord, et puis la relation entre, dans le cas de Strasbourg, le musée et le paysage urbain.

Estelle Pietrzyk : Selon vous, quels sont les aménagements urbains qui resteraient encore à déployer sur ce site-là ?

Adrien Fainsilber : J’avais proposé de faire une passerelle qui permettait d’aller directement du musée à la Petite France par l’eau.

Estelle Pietrzyk : La galerie moderne était à un moment située différemment ?

Adrien Fainsilber : Oui, sur l’eau, au concours.

Estelle Pietrzyk : Est-ce que parmi les musées, publics ou privés, réalisés ces dernières années il y en a un qui retient, ou plusieurs qui retiennent, votre attention ?

Adrien Fainsilber : Il y a le musée de la Fondation Beyeler, de Renzo Piano, puis peut-être le musée Louis Kahn [10] aussi à Fort Worth (Texas), aux États-Unis.

Estelle Pietrzyk : MAMCS, le musée d’art moderne à 20 ans, qu’est-ce que vous lui souhaitez aujourd’hui ? Et qu’est-ce que vous lui souhaitez pour les 20 prochaines années ?

Adrien Fainsilber : Un grand succès public. La fréquentation a augmenté, non ?

Estelle Pietrzyk : Absolument !

Adrien Fainsilber : ÇA dépend beaucoup du renouvellement des expositions temporaires, la fréquentation d’un musée, parce que les gens ne viennent pas revoir la collection historique.

Estelle Pietrzyk : Certains, certains …

Adrien Fainsilber : Oui, mais ce n’est pas la grande majorité. Les gens viennent pour les expositions temporaires et pour les conférences …

Estelle Pietrzyk : Donc, vous lui souhaitez plus de publics.

Adrien Fainsilber : Plus de publics, oui.

notes bas page

[1Estelle Pietrzyk, ancienne chargée de mission au musée Picasso, au cabinet des dessins du musée Rodin et à la création du musée Soulages à Rodez, assure, depuis mars 2008, la fonction de conservatrice responsable du MAMCS.

[2Le musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS) a été inauguré par Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture et ancien maire de Strasbourg, en décembre 1998. Il est construit, par l’architecte Adrien Fainsilber, sur la rive gauche de l’Ill, face au siège de la collectivité européenne d’Alsace et à proximité du barrage Vauban et du quartier pittoresque de la Petite France. La place Jean-Arp, sur laquelle s’ouvre le musée, accueille également sur sa partie nord l’École nationale d’administration, installée dans l’ancienne prison Sainte-Marguerite.

[3Adrien Fainsilber naît le 15 Juin 1932 à Le Nouvion-en-Thiérache, dans l’Aisne, et décède le 11 février 2023. Diplômé de l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris en 1960. Pendant ces études il a passé un an au Royal Academy de Copenhague. En 1961, il est parti aux États-Unis à Boston, où Il a travaillé dans l’agence de Shepley, Bulfinch Richardson & Abbott et chez l’architecte-paysagiste Hideo Sasaki. De retour en France, Adrien FAINSILBER est chargé d’études à l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne (I.A.U.R.P) et participe à la première mise en œuvre du Schéma Directeur de la région. Il fonde son agence en 1970, après avoir remporté le concours pour la ville universitaire à Villetaneuse. Son œuvre se situe surtout dans la sphère publique.
• Grand prix national de l’architecture en 1986.
• Chevalier de la Légion d’honneur (1987)
• Prix Auguste Perret (U.I.A.) en 1994
• Officier de l’ordre des Arts et des Lettres (1997)
• Membre de l’Académie d’architecture (1985)
Il s’est aussi investi dans l’enseignement de la discipline, à l’Institut d’urbanisme de Paris et l’École d’Architecture de Paris-Tolbiac.
Pour Adrien Fainsilber, le projet procède toujours d’une démarche globale où l’architecture et l’urbanisme sont étroitement associés. Dans ses réalisations, il a conjugué la grande et la petite échelle, le bâti et son paysage, l’esthétique et la technique, comme en témoigne ses réalisations avec l’ingénieur irlandais Peter Rice.
Réalisations
• 1970 Université Paris-Nord, Centre Littéraire et Juridique, Villetaneuse - 42 805 m2
• 1974 442 logements HLM / ILM - Cité Salvador Allende, Villetaneuse - 39 669 m2
• 1975 : Université de technologie de Compiègne - 17 000 m2 - 1975
• 1975 Centre Scientifique et Polytechnique de l’Université de Paris Nord, Villetaneuse - 41 000 m2
• 1975 Maison médicale, Magnanville – 230 m2
• 1977 CNRS LIMHP - Laboratoire des Interactions Moléculaires et des Hautes Pressions, Villetaneuse - 2 500 m2
• 1978 Foyer des Jeunes Travailleurs - 120 chambres, Saint-Quentin-en-Yvelines - 2 363 m2
• 1980 École maternelle Édouard Manet, Saint-Quentin-en-Yvelines - 1 066 m2
• 1980 274 logements HLM, Saint-Quentin-en-Yvelines
• 1981 Centre EDF / GDF, Paris La Défense - 33 000 m2
• 1981 Centre Hospitalier d’Évry - 37 156 m2
• 1983 72 logements PLA - ZAC du Canal, Évry - 6 732 m2
• 1985-1986 Cité des sciences et de l’industrie et La Géode, à Paris -165 000 m2.
• 1987 Centre d’Administration, CSI La Villette - 8 627 m2
• 1990 Lycée Philibert Delorme, L’Isle-d’Abeau - 13 000 m2
• 1991 Station d’Épuration de Valenton (Phase 1) du SIAAP - 18 000 m2
• 1991 Centre d’Accueil de Personnes Âgées - CHU Kremlin-Bicêtre - 15 377 m2
• 1992 Centre d’Affaires Pont de Bercy, Paris - 12 000 m2
• 1992 Bloc médico-chirurgical - Centre hospitalier de Vichy - 4 000 m2
• 1992 Musée des Beaux-Arts Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand - 6 698 m2
• 1994 Nouvel Hôtel de Ville de La Flèche - Restructuré : 959 m2 - Neuf : 1 825 m2
• 1994-96 Siège de l’UNEDIC, Paris - 17 524 m²
• 1995 129 logements à Bagneux - PC et PLA - 27 812 m2
• 1995 163 logements Étudiants, Montpellier - 9 793 m2
• 1996 63 appartements, Parc de l’Académie, Montpellier - 6 721 m2
• 1996 85 logements HLM, Îlot G La Faluche, Montpellier - 6 355 m2
• 1996 Usine d’Incinération des Ordures Ménagères à Rennes - 5 088 m2
• 1997 L’École Nationale d’Application des Cadres Territoriaux, Montpellier - 4 043 m2
• 1998 Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg - 14 000 m2. Ouvrage marquant avec sa grande nef vitrée et son revêtement de granit rose.
• 1996-1999 L’Institut Mutualiste Montsouris - Paris XIVe.
• 1998 Hôpital d’Enfants C.H.U Purpan de l’Université Paul-Sabatier à Toulouse - 23 200 m2 - 1998
• 2000 60 appartements, Les terrasses de Marianne, Montpellier - 6.000 m2
• 2001 Palais de justice d’Avignon - 11 000 m2
• 2001 Immeuble de bureaux, Altadis, Paris 75013 - 15 500 m2
• 2002 Bibliothèque municipale de l’Alcazar à Marseille - 21 000 m2.
• 2002 Étoile Richter, Place Ernest Granier, Montpellier - 12 700 m2 de bureaux
• 2003-2007 Hôpital Pédiatrique et Gynéco-Obstétrical de Lyon - 64 000 m2
• 2003 U.F.R. Médecine-Pharmacie à Besançon - 6 000 m2
• 2004 Extension de la Station d’Épuration de Valenton (SIAAP) - 30 876 m2
• Livraison prévue 2006 Hôtel du Département de l’Ain – Lauréat concours 2004 – 27 000 m2
• Livraison prévue 2007 Centre Hospitalier Simone Veil, Montmorency - Projet lauréat 2002 - aménagement : 19 000 m2 - Construction : 11 000 m2
• 2003-2007 Hôpital Femme-Mère-Enfant à Bron, HFME - 64 000 m2
• 2004-2007 Établissement pénitentiaire pour mineurs, 4 établissements : à Toulouse, Mantes-la-Jolie, Nantes et Marseille - 5 400 m2 par site

[4Source : Le splendide isolement du musée d’Art moderne de Strasbourg, Par Francois LAMARRE, Publié le 29 octobre 1998.
Depuis la désignation d’Adrien Fainsilber comme maître d’œuvre du musée, beaucoup d’eau a coulé sous le barrage Vauban et les ponts couverts de la Petite France. Dix années exactement ont passé. Le projet d’origine balayé, seul l’architecte est resté. Le bâtiment inauguré demain n’entretient qu’un lointain rapport avec le projet lauréat d’octobre 1988, multifonctionnel et étroitement imbriqué au quartier en devenir sur cette berge de l’Ill, à la pointe de la ville historique et en regard de l’hôtel du département de Claude Vasconi, son vis-à-vis. Il s’agissait de composer une séquence fluviale harmonieuse en fondant dans un même paysage les anciens monuments et les ouvrages contemporains qui se mirent dans les eaux de l’Ill.
Le musée aujourd’hui livré est un monument d’une indéniable dignité et de grande potentialité qui ne manque toutefois pas d’intriguer : un monument sans façade, profondément engravé dans un socle en balcon sur la rivière et qui tourne le dos au faubourg voisin et à ses nuisances routières. En vain le visiteur en cherchera la façade de représentation. Sur le boulevard, sa muraille aveugle concentre les locaux techniques en guise de bouclier et, de face, l’ouvrage se dérobe à toute perception frontale dans le glacis des terrasses de granit rose qui dissimule trois niveaux de parking : 1.000 places, le plus grand d’Alsace ...
Un lieu révélé
Pour finir, l’accès se trouve en pignon, derrière la chicane d’une avant-cour minérale. Le musée se livre alors en pleine lumière, dans toute la splendeur de son immense nef : grain tendre de la pierre Franca au sol, éclat mat des panneaux de résine aux murs, chaleur des cadres de frêne aux ouvertures ... Un espace long de 104 mètres, large de 10 et haut de 25, établi sous la lumière d’une verrière intégrale tel un cristal de roche pris dans sa gangue. Un rétablissement miraculeux qui fait oublier la visibilité réduite et les abords brouillés du musée.
Cette heureuse surprise n’est pourtant pas un effet calculé. Adrien Fainsilber évoque, mi nostalgique, l’ambition urbaine du projet d’origine qui s’inscrivait en transparence sur la chaussée dans l’axe d’un parcours tracé depuis la Petite France. Mais l’ENA qui a pris possession de l’ancienne prison en a interdit sa traversée et la logique marchande de la ZAC a bétonné l’environnement immédiat.
« Et ce n’est pas fini », susurre l’architecte, qui redoute d’autres obstacles sur la route du musée et attend toujours la passerelle piétonne promise sur l’Ill. Malmené dans sa dimension urbaine, l’équipement se retranche dans un splendide isolement.
Rivé sur le barrage Vauban et le panorama de la vieille ville, Adrien Fainsilber l’assume cependant, niant tout intérêt au faubourg. À défaut d’être traversante, sa nef invite à s’évader par le haut : « Le parcours du musée s’établit sur deux niveaux et l’étage est le niveau de référence du projet, précise l’architecte ; le visiteur y refait surface de plain-pied sur les terrasses, à même hauteur que le barrage Vauban, avec la vue sur la ville en face. De partout, il peut se situer par rapport à la ville et au sein du musée. » Et de rappeler que cette ouverture sur la ville était une commande explicite de Catherine Trautmann.
Un pari culturel de 250 millions
Tout à son sujet, l’architecte fait observer que « la cathédrale au loin est le plus beau tableau du musée ». Magistralement cadrée dans le haut volume de la salle Gustave-Doré, elle apparaît depuis l’étage en plusieurs points et en un long travelling à travers la verrière dont la technique du verre suspendu nous rappelle qu’Adrien Fainsilber en fut l’inventeur avec le bureau d’études RFR pour les serres de la Cité des sciences et de l’industrie, son projet phare. Fasciné par ce panorama révélé, le visiteur finit par penser que cette situation enclavée est un atout supplémentaire pour le musée et une chance pour le paysage de l’Ill et de la ville ainsi épargné. De l’ouvrage n’émerge que l’arête acérée de la verrière, son gigantisme concentré dans l’épaisseur du socle affublé des disgracieuses cheminées de ventilation du parking.
Plus introverti que spectaculaire, le nouvel espace muséal de Strasbourg se replie sur ses hautes salles en enfilade. Un lieu extrêmement généreux que la nouvelle équipe de conservation recrutée par Rodolphe Rapetti, directeur des musées de la ville, autour de Paul-Hervé Parsy, transfuge de la Fondation Cartier, va devoir faire vivre. Un pari culturel à la hauteur des 250 millions de francs investis dans l’édification de ce bel outil dénué de tout maniérisme.

[5Le musée d’art Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand est installé dans un ancien couvent d’ursulines, bâti au XVIIe siècle. Le musée a ouvert en 1992 sous le nom de musée des Beaux-Arts puis a été rebaptisé du nom d’un ancien maire de Clermont-Ferrand, Roger Quilliot. Il présente des collections de peintures, sculptures, arts décoratifs, de l’époque médiévale jusqu’au XXe siècle dont des chefs d’œuvres de Chassériau, Doré, Bartholdi, Fragonard … Le bâtiment du musée a été transformé par les architectes Claude Gaillard et Adrien Fainsilber. Les différentes salles s’articulent sur trois niveaux autour d’un atrium central surmonté d’une verrière conçue par l’ingénieur Peter Rice.

[6Quelques éléments factuels relatifs au projet
Le projet
Le plan initial inscrivait le musée dans un projet urbain global dont l’objectif était d’établir des liens étroits entre le musée et l’environnement urbain. Le site devait devenir le prolongement naturel du quartier historique de la Petite France. Investissant le territoire des anciens abattoirs, il était destiné à remodeler les jonctions vers le centre historique en s’appropriant la Commanderie de Saint-Jean qui fut finalement affectée à l’École nationale d’administration (l’ENA).
Mais le projet évolue et accorde la priorité au musée. La Direction des Musées de France souhaite apporter une touche finale à l’éclosion muséale que vivent différentes villes. Le projet strasbourgeois doit pouvoir se mesurer à des réalisations importantes et géographiquement proches comme la Fondation Beyeler de Renzo Piano (Bâle), le Vitra Museum de Frank O. Gehry (Weil am Rhein) ou encore la Staatsgalerie de James Stirling (Stuttgart). « L’idée première consistait à refermer un quadrilatère centré sur la rivière, le barrage Vauban et l’Hôtel du département formant les deux premiers côtés. Les relations avec l’eau, la lumière et la ville historique ont fortement marqué l’organisation du site et celle du musée. » (Fainsilber). Le musée recentre ainsi les perspectives sur l’eau et la ville historique en diversifiant les points de vue.
Les espaces intérieurs
Épine dorsale du parcours, une vaste nef centrale (104 x 10 x 25 m) permet l’accès aux différents espaces d’accueil et d’expositions du musée. Cette véritable « rue intérieure » est la pièce maîtresse de l’édifice, imaginée par Fainsilber dans un souci de transparence maximale. Elle est construite selon les principes du verre structurel déjà mis en œuvre pour la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette à Paris. La nef du MAMCS a cependant été assortie d’innovations liées aux exigences techniques locales. Celles-ci imposent en effet l’application de normes antisismiques pour la structure et l’utilisation de vitrage isolant
pour les façades en raison du climat rigoureux alsacien et de la climatisation intégrale du musée. Les salles d’exposition constituent la partie majeure et la plus visible du bâtiment. Elles dévoilent une collection d’œuvres datées de 1870 à nos jours, scindée en deux sections : au rez-de-chaussée l’art moderne et au 1er étage l’art contemporain. S’y ajoutent des espaces spécifiques, comme le Cabinet d’arts graphiques, l’auditorium et la Galerie Doré, en plus des salles consacrées aux expositions temporaires.
Quelques dates
1973 : Création du Musée d’Art moderne à l’Ancienne Douane
1987 : Le conseil municipal décide de la création du Musée d’Art moderne et contemporain sur le site des anciens abattoirs
1988 : Adrien Fainsilber remporte le concours international d’architecture organisé par la Ville de Strasbourg
1993 : Début du chantier du parking servant de fondations au musée
1998 : Inauguration du musée le 06 novembre.

[7Source : Libération Une naissance au forceps. Étapes de la construction du Mamcs, en germe depuis 1987. (Adrien Fainsilber) par Nicole GAUTHIER
Publié le 7 novembre 1998 à 16 h 01
Il aura fallu presque douze ans. Le musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, inauguré vendredi par la ministre de la Culture, Catherine Trautmann, dans la ville dont elle fut maire jusqu’en 1997, ouvre ses portes au public ce samedi après douze ans de doutes, de péripéties, et beaucoup d’interrogations. Le dernier musée d’art contemporain du XXe siècle - avec le centre d’Art contemporain de Toulouse, dont l’ouverture est prévue fin 1999 - est né dans la douleur.
« Nécessité géopolitique ». C’est en 1987 que Roland Recht, alors directeur des Musées de Strasbourg, convainc la municipalité, dirigée par le centriste Marcel Rudloff, de construire un musée d’art moderne et contemporain. « Nous avons des collections intéressantes montrées dans des conditions indignes », plaide le directeur. Le conseil municipal, qui compte dans ses rangs un fervent défenseur de l’art contemporain en la personne de Robert Grossmann (RPR), approuve. Mieux, il vote des moyens conséquents pour acquérir de nouvelles pièces et compléter les collections. « Un musée d’art moderne et contemporain à Strasbourg était une nécessité géopolitique. Dans le quart nord-est de la France, il n’y a rien. Au sud, il faut aller jusqu’à Lyon, et à l’ouest, jusqu’à Paris », note Roland Recht.
Le 19 octobre 1988, l’architecte Adrien Fainsilber remporte le concours international d’architecture. Six mois plus tard, la socialiste Catherine Trautmann remporte, à la surprise générale, les élections municipales. « Le musée d’art moderne sera le grand projet de ma mandature », annonce la nouvelle élue. Pourtant, les choses commencent à se gâter lors des discussions avec l’État, dont le montant de la participation financière (60 millions de francs sur un total de 233 millions) ne sera fixé qu’en 1991. La direction des Musées de France conteste le projet architectural ; l’équipe municipale en ressort persuadée que Jack Lang lui en veut personnellement ; le projet, un temps ébauché, de vaste complexe culturel avec Gaumont et Virgin, capote.
D’incompréhensions en retards, le projet s’enlise. Du coup, une partie du conseil municipal se met à douter : la ville est toute retournée par la réalisation de son autre projet chéri - la première ligne de tramway - est-il bien raisonnable de se lancer dans la construction d’un musée ? Les coûts de fonctionnement ne sont-ils pas exorbitants ? Les collections en valent-elles le coup ? Catherine Trautmann tient bon, mais le vent a tourné : « Strasbourg a peur de ce qui est moderne et contemporain », analyse Norbert Engel, adjoint au maire en charge de la culture. « Cette ville a une tradition culturelle profonde, riche, mais classique. Or il faut être Florence ou Vienne, et encore, pour ne pas se poser la question de la modernité », poursuit l’élu, qui en appelle à l’Histoire : « Pour les Alsaciens, la modernité a toujours pris la figure du dernier envahisseur venu. »
Strasbourg a pourtant eu ses audaces, quand, en 1923, la ville est la première de France à acquérir une œuvre cubiste - une Nature morte - signée Braque, sous l’impulsion du conservateur Hans Haug. Ou quand la société des Amis du musée offre, en 1959, à l’établissement la seule œuvre de Klimt (l’Accomplissement) longtemps conservée dans un musée de province (1). Mais elle a aussi ses conservatismes et fait recouvrir à la chaux des fresques de Hans Jean Arp, Sophie Taeuber-Arp et Théo Van Doesburg, peintes en 1926 dans une salle de spectacles de la ville. Elle les redécouvrira avec ravissement des années plus tard.
« Timidité vaincue ». Quoi qu’il en soit, la lenteur suscite l’impatience. Roland Recht, convaincu de ne pas avoir la confiance de la nouvelle équipe municipale, démissionne. « Un musée, il faut le mériter », lâche-t-il dans Libération le jour de son départ (1er octobre 1993). Recht ne sera pas remplacé pendant deux ans, ce qui ne contribue pas à faire avancer la cause du musée. Certains choix sont confirmés, notamment l’éventail des œuvres de 1870 (dont un ensemble du peintre et graveur Gustave Doré) à nos jours, alors que les musées d’art moderne commencent généralement leurs collections à la naissance du siècle : « Pour accompagner le visiteur avec ce qui lui est familier jusqu’à l’art contemporain », argue Norbert Engel. D’autres options sont revues et corrigées - l’élu tient notamment à muscler le service pédagogique en faveur des scolaires et des adolescents.
Rodolphe Rapetti - un spécialiste du XIXe - arrive en janvier 1995 à la direction des Musées de Strasbourg. Soyons justes : les travaux ont fini par commencer. Rapetti, qui pour avoir participé à l’accrochage du musée d’Orsay connaît les résistances inhérentes à ce genre de projet, jure que le pari est gagné : « On a vaincu la timidité par rapport à la modernité. »
En juillet 1998, Paul-Hervé Parsy est nommé conservateur en chef du Mamcs, quatre mois avant l’inauguration, ce qui évite de se poser trop de questions : « Tout est à faire. Il s’agit aujourd’hui de mettre en valeur une collection inconnue dont personne n’a pris la mesure. » Norbert Engel dit les choses un peu différemment : « Aujourd’hui, le musée est accepté. Mais, si demain nous devions le refaire, les difficultés seraient les mêmes. ».
(1) Henri de Cazals, in le catalogue de l’exposition l’Art moderne dans les musées de province, Paris, 1978.

[8Alcazar, bibliothèque municipale à vocation régionale(BMVR) remplace le 30 mars 2004, la bibliothèque Saint-Charles. Le projet des architectes Adrien Fainsilber et Didier Rogeon, élaboré en conformité avec la loi du 12 juillet 1985, dite loi MOP, décline ainsi sa « mission de base » : « Construire une grande bibliothèque dans le secteur protégé du centre historique de Marseille, c’est créer un événement architectural important ; un édifice facilement identifiable qui reflète la spécificité, la modernité et la haute technologie de son contenu. La lumière naturelle inonde la rue intérieure ; une verrière la couvre sur toute sa longueur ; des brise-soleil la protègent et diffusent la lumière de manière indirecte. »

[9

Allocution de Madame la Ministre, Catherine Trautmann, pour l’inauguration de musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg et le lancement, en région, de « l’invitation au musée » Strasbourg, le 6 novembre 1998

Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire de Strasbourg, Président de la CUS,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Président de la Commission Culture du Conseil Régional, représentant de Monsieur le Président du Conseil Régional,
Mesdames et Messieurs les maires et élus,
Monsieur le représentant de Monsieur le Préfet de région,
Madame la Directrice des musées de France,
Monsieur le Directeur Régional des affaires culturelles,
Monsieur le Président du Centre Georges Pompidou,

Monsieur RECHT, Madame LEHNI, Monsieur RAPETTI, Monsieur PARSY, et toute l’équipe d’obstétrique du Musée d’Art Moderne Contemporain,

Monsieur Adrien FAINSILBER,

Mesdames et Messieurs les Conservateurs Mesdames et Messieurs les artistes, vous qui êtes en premiers concernés en cette heure et en ce lieu,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis !

L’instant que nous vivons est pour moi d’une importance, d’une intensité toute particulière : il y a 12 ans de cela une jeune Conseillère Municipale d’opposition siégeait au jury d’un concours pour la construction d’un Musée d’Art Moderne et Contemporain à Strasbourg. Ce projet était initié par le maire d’alors aujourd’hui disparu, Marcel RUDLOFF. Cette Conseillère que je connais fort bien était convaincue, qu’il était d’une nécessité quasi vitale pour la ville, de se doter d’un outil de monstration de la contemporanéité dans son lien à la modernité.

Il me semblait alors que ne pas construire un tel musée c’était figer cette ville, ses habitants dans leur passé. C’était les priver d’une possibilité entre toutes, exemplaire, de se réapproprier une histoire, une capacité de projection dans l’avenir. Le musée est avant tout une formidable exploration du temps et de l’espace. En lui, tous deux s’abolissent pour se redéployer en des connivences et des complicités étranges. Là comme dans les correspondances Baudelairiennes couleurs et formes se répondent en une profonde et ténébreuse unité. Et les images nous poursuivent hors du musée, nous invitent à y revenir pour faire plus de lumière sur cette unité.

Ne pas avoir de familiarité à la création contemporaine, c’est en quelque sorte manquer véritablement son temps : c’est vivre en étranger ou en exilé sa condition d’homme au présent alors même que nous devons nous ouvrir sans cesse à l’autre.

S’ouvrir, (nous devrions dire s’éclater à de nouvelles formes), c’est affirmer notre condition d’homme en projet et en devenir. Homme de son temps qui a la compréhension d’une société ouverte et qui change. C’était la traduction de ce principe qui guidait alors mon choix pour cette grande nef lumineuse où nous nous trouvons, signe éclatant de l’ouverture. Et je vous suis reconnaissant, Cher Roland Ries, d’avoir tenu à ouvrir gratuitement ce musée durant les deux mois à venir. Vous contribuez ainsi, à en faire un « lieu commun exceptionnel ».

L’histoire propre de ce musée à Strasbourg, s’il se redouble d’une histoire particulière à cette région et à cette ville, pourrait être l’histoire de toute ville qui veut échapper à la tentation de ressasser indéfiniment sa gloire ou son opulence passée. On pourrait croire le musée tourné vers Je passé et soucieux d’arracher l’œuvre au profane pour le rendre à je ne sais quelle transcendance. Mais le musée n’est pas a priori, ou seulement, témoignage de la ville, de ses collections des peintres qui ont vécu ici.

Il n’a pas vocation de commémoration mais d’ouverture et d’audace. Le musée n’est pas tourné vers le passé mais s’enracine dans le présent. Il prétend forger aujourd’hui cette ville comme l’on forgé hier la cathédrale ou le Château des Rohan. Le musée imprime une marque. Ouvrir un musée au tournant du siècle est un acte d’affirmation, de confiance quant à la place que tient la culture dans une ville et dans nos consciences. Mais c’est aussi l’affirmation de la vitalité d’une ville, de la place qu’elle prétend occuper dans le concert des grandes villes internationales.

Ouvrir un musée c’est aussi dire aux artistes : vous êtes nos guides privilégiés dans un monde en mutation, vous êtes ces « bergers de l’être » dont parle le philosophe. « Pourquoi des musées en temps de crise ? » : pour que le musée nous apprenne à voir autrement la réalité et pour ceci il convient aussi que le musée se pense dans un rôle nouveau entre métaphore et métamorphose.

Ériger un musée est toujours un acte de volonté politique. Celle-là même qui m’amena à quelques houleuses discussions dans un bureau de la rue de Valois qui n’était pas encore le mien à l’époque, où l’État prétendait me signifier qu’il y avait d’autres urgences qu’un musée d’Art Moderne et Contemporain à Strasbourg. Ce même discours que j’ai si souvent entendu à propos de l’hémicycle européen ou du TGV Est. En vérité l’urgence et la nécessité ne semblaient jamais être du côté de la province ... C’est ce qu’il nous faut changer, c’est ce à quoi que je m’emploie comme Ministre.

Volonté politique à affirmer aussi dans cette ville même, au contact quotidien des populations. S’ils sont nombreux aujourd’hui à se féliciter de ce musée, ils étaient plus rares il y a quelques années et je rends grâce à l’Association des Amis des musées et à leur Président Monsieur MEYER d’avoir su être des alliés précieux dans la conquête de la légitimité de ce musée.

Le consensus comme l’oiseau de minerve prend son vol qu’à la nuit venue et la solitude souvent est grande, pour ceux qui préconisent de construire dans la confiance de l’avenir.
La résistance à la contemporanéité est peut-être plus forte encore ici qu’ailleurs dans cette région, dans cette ville. La contemporanéité était toujours le langage du dernier venu, de l’envahisseur, aussi la résistance à la contemporanéité a signifié un temps la résistance tout court. Il faut réapprendre à se laisser envahir par le présent comme on se livre au flot d’une mer caressante. Cette nouvelle culture s’épanouit aujourd’hui partout en France.

Avec le musée d’art moderne de Villeneuve-D’ascq, le CAPC de Bordeaux, le musée d’art moderne de Saint-Étienne, le musée d’art contemporain de Nice, le carré d’art de Nîmes, le musée de Grenoble et le musée du parc de la Tête d’Or à Lyon, aujourd’hui celui de Strasbourg, et bientôt l’Espace d’art moderne et contemporain de Toulouse-Midi-Pyrénées, pour ne citer que les principaux établissements, il existe un véritable réseau de collections patrimoniales du XXe siècle dans notre pays, pour dialoguer avec les lieux de la création actuelle que sont les centres d’art et les FRAC, et avec les grandes institutions étrangères.

Que Strasbourg, capitale européenne, ville par vocation ouverte, ne possédât pas, non loin de Karlsruhe, de Cologne, de Kassel ou de Bâle, un lieu symbolique de métissage, toujours en œuvre, qui caractérise la création artistique de ce siècle, eût été incompréhensible, inacceptable. C’est pourquoi la décision de réaliser ce grand musée, envisagée depuis les milieux des années 1960, préfigurée par l’ouverture du musée d’art moderne à l’Ancienne Douane en 1973, a finalement été prise.

C’est pourquoi l’État et les deux collectivités territoriales dont je salue ici un investissement qui jamais ne fit problème, ont suivi la ville de Strasbourg dans son effort. En dotation d’abord, et ce qui est plus important encore, l’État a très largement soutenu l’effort accompli par la Ville de Strasbourg pour doter ce musée d’une véritable collection, représentative des principaux courants qui ont marqué la création en France et en Europe depuis la fin du XIXe siècle, et des plus récents développements de l’art contemporain : la Direction des musées de France à travers le musée d’Orsay, le musée national d’art moderne au Centre Georges Pompidou, et le Fonds national d’art contemporain ont en effet consenti de très nombreux prêts et dépôts à cet établissement.

Par ailleurs, sa politique d’acquisition a été soutenue par le Ministère de la Culture dans le cadre tout d’abord, de 1987 à 1990, d’une convention avec la Ville de Strasbourg, puis par l’intermédiaire du Fonds régional d’acquisition pour les musées également abondé par la région Alsace, enfin grâce à des apports du Fonds du patrimoine pour l’acquisition des œuvres les plus prestigieuses comme les ensembles graphiques et peints de Gustave Doré.

L’État, enfin, à travers les services de la DRAC Alsace, participe également à la mission de diffusion culturelle de l’établissement. En effet, il a apporté son soutien au rayonnement de cette inauguration, en aidant notamment l’environnement appelé « salle des fêtes » commandé à Ettore SPALETTI, la publication d’un ouvrage sur les collections ainsi que les projets pédagogiques et culturels liés aux expositions.

À quarante-huit heures de la journée nationale de gratuité qui ouvrira l’opération nationale « L’invitation au musée », consacrée cette année à la mise en valeur des fonds photographiques, aussi riches que méconnus, conservés dans nos collections publiques, je me dois de souligner que le musée de Strasbourg est appelé à jouer dans ce domaine un rôle de premier plan. Il est en effet l’un des rares en France à s’être doté d’espaces spécifiques pour la présentation d’expositions photographiques. Sa collection, riche d’environ 4000 pièces, couvre pratiquement tout l’histoire de cette technique et de cet art.

De Charles David Winter à Joël Peter Witkin, l’accrochage organisé pour cette inauguration témoigne de la qualité et de la diversité de ce fonds, qui, à l’instar des collections de beaux-arts du musée, situe le patrimoine photographique régional dans une problématique historique et contemporaine beaucoup plus large.

Mais ce propos somme toute normal pour un Ministre, ne dit que ce qui a été fait. Il doit encore affirmer l’ambition du projet : être un formidable hommage aux artistes d’aujourd’hui et de demain. Si tout artiste commence par le pastiche cela signifie que le musée est le lieu de naissance de toute forme d’art. Le musée est une école pour les publics comme pour les artistes, un laboratoire de recherche. Si ce musée-ci a mis un accent aussi prononcé sur le service éducatif des musées c’est bien parce que-son existence surligne ces fonctions-là.

Mais le musée, lieu de formation, est tout aussi bien lieu de monstration et de plaisir. Lieu de découverte aussi : par exemple ce merveilleux « Rouge à lèvres n°11 » de Kupka qui contient en lui-même toute l’histoire de la peinture passée, présente et à venir. De même je constate avec plaisir la place importante consacrée au design parce qu’il est l’une des formes les plus vivantes de l’art de ce temps. C’est pourquoi je ne cesserai de demander aux musées nationaux d’ouvrir très largement leurs réserves aux grands musées de province.

Beaucoup a déjà été fait, il est possible de faire bien plus encore ... Et je demande aux conservateurs la plus grande audace, non seulement dans l’élitisme des formes qu’ils prétendent promouvoir mais encore dans une approche au public qui doit être non pas frileuse mais résolument déterminée : les 700 000 visiteurs du Guggenheim lors de l’exposition sur la moto ne donnent pas une recette, mais nous invitent à repenser notre rapport à l’art.

Et les collectionneurs qui consentent des dépôts aux musées jouent un rôle non négligeable dans notre juste perception d’un art en constant voyage entre privé et public, entre public et privé. Ils donnent l’exemple d’une passion privée qui enrichit la collectivité toute entière.

Mesdames et Messieurs, je voudrais exprimer les remerciements et les félicitations les plus chaleureuses à tous ceux·grâce auxquels cet établissement a vu le jour : la municipalité de Strasbourg, bien sûr, avec une pensée particulière pour Norbert ENGEL, adjoint à la culture et pour le service culturel de la ville qui a accompagné le projet des origines à son émergence, le Conseil régional d’Alsace et le Conseil général du Bas-Rhin qui ont soutenu l’opération, les services de l’État, c’est-à-dire la Direction des musées de France, et la Direction régionale des affaires culturelles qui ont été particulièrement attentives au déroulement de ce chantier, mais aussi le Centre Georges Pompidou, le musée d’Orsay et le Fonds national d’art contemporain pour leurs prêts très généreux.

Du côté des musées de la ville, à Roland RECHT qui a longtemps porté ce projet avec Nadine LEHNI, ancien conservateur du premier musée d’art moderne, affectée depuis à l’Inspection générale des musées, et à tous ceux réunis autour de Rodolphe RAPETTI, directeur des musées de Strasbourg, Paul Hervé PARSY, conservateur en chef du musée d’art moderne, Véronique·WIESINGER, conservateur adjoint, Marie-Jeanne GEYER, conservateur du cabinet d’art graphique, Sylvain MORAND, responsable des collections photographiques, et Maguy PFENNINGER, directrice du service éducatif.

De même je veux rendre hommage en votre nom à tous à toutes les entreprises, à toutes celles et ceux qui ont travaillé pour réaliser cet équipement culturel remarquable. Je suis convaincue de son succès public ; il contribuera à renforcer la dimension culturelle internationale de Strasbourg.

Enfin, à tout seigneur tout honneur il m’appartient de m’adresser à vous Adrien FAINSILBER, vous qui avez partagé avec nous tous les problèmes, toutes les angoisses, les retards, les incertitudes. Situation difficile de l’architecte : il n’est pas un conservateur et doit s’ordonner à leur programme. Il est un artiste, mais pas de ceux que son œuvre prétend servir. Le voilà en proie à une prise paradoxale, on reproche souvent à l’architecte un geste dont la brillance, la somptuosité sont telles qu’elles écrasent l’œuvre, les œuvres présentées. On lui demande alors de s’adonner à l’humilité d’une écriture qui ferait oublier le bâtiment pour ne donner plus que les œuvres à voir et à entendre.

Vous avez su relever ce défi avec un rare bonheur produisant un bâtiment qui comptera désormais parmi les sites remarquables de cette ville et de cette région et dont tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il est un outil de travail remarquable pour la monstration et la conservation des œuvres.

La nef dans laquelle nous sommes rassemblés en cet instant, épine dorsale lumineuse du bâtiment me semble à elle seule résumer les défis de notre époque : ouverture, convivialité, circulation, échange, espace, et partout la vue porte au-delà : vers les œuvres bien sûr, notre horizon proche, mais au-delà vers cette ville qui nous est si chère, classée patrimoine mondial UNESCO, vers la flèche de la cathédrale, les tours des ponts couverts.

La ville entre dans le musée et ne fait qu’un avec lui. Et cela suffit à notre bonheur !

[10Le musée d’art Kimbell (Kimbell Art Museum, ses bâtiments construits par l’architecte américain Louis Kahn abritent une collection d’Europe, d’Asie et d’œuvres précolombiennes.

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