Estelle Pietrzyk : En réparant cet entretien, je découvre, mais je lis, que vous avez été formé à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts et que vous avez suivi, comme beaucoup d’étudiants architectes qui se formaient aux Beaux-Arts, c’était la tradition à ce moment-là, par deux personnalités du monde de l’architecture différentes, je pense à Roger-Henri Expert et à Eugène Beaudouin, qui a une petite histoire avec Strasbourg, puisqu’il a été l’architecte de la cité Rotterdam. Je voulais savoir ce que vous conservez de cette période ? À quoi ressemble l’enseignement, ce que vous en tirez ? Ça vous forme ou ça vous déforme ?
Adrien Fainsilber : C’est ce que j’allais dire, ça m’a beaucoup déformé, j’ai mis plusieurs années à oublier ce que j’avais appris, en voyageant. C’est à partir de ce moment-là, je crois, que j’ai eu une formation d’autodidacte, parce que je me suis formé moi-même au contact des architectes comme Alvar Aalto, Louis Kahn …
Estelle Pietrzyk : Parce que cet enseignement était encore très, très classique ? Vous dessiniez, mais vous ne construisiez pas, c’est ça ? On apprenait à faire du papier peint, pour avoir la formule un petit peu …
Adrien Fainsilber : C’est Frank Lloyd Wright, qui avait visité notre exposition de projet, et qui avait dit : « Je n’imaginais pas que dans une école d’architecture on apprenne à faire des papiers peints », c’était son expression à lui.
Estelle Pietrzyk : C’était très théorique en fait …
Adrien Fainsilber : C’était du dessin … Les Prix de Rome, c’étaient des trucs complètement irréels, sans site, sans rien, sans contraintes …
Estelle Pietrzyk : Une architecture déconnectée en fait …
Adrien Fainsilber : Oui …
Estelle Pietrzyk : Est-ce qu’à ce moment-là vous vous côtoyiez néanmoins les étudiants en art ? J’ai lu, vous me contredirez, que votre maman avait une sensibilité artistique, elle travaillait à l’atelier de Bourdelle ?
Adrien Fainsilber : C’est bien ça, oui.
Estelle Pietrzyk : Vous-même, vous aviez une attirance aussi pour l’art ? Est-ce que vous regardiez plutôt les minimalismes ou le dernier Picasso à ce moment-là ? Qu’est-ce qui vous intéressait ?
Adrien Fainsilber : C’était la peinture, mais surtout l’architecture. Ma mère a fait ça, mais on ne voit plus maintenant, les deux tableaux qui sont derrière.
Estelle Pietrzyk : Ah, c’est de la peinture aussi, ce n’était pas seulement des …
Adrien Fainsilber : Oui.
Estelle Pietrzyk : Vous avez quand même grandi dans cette sensibilité-là.
Adrien Fainsilber : Absolument.
Estelle Pietrzyk : Vous disiez que votre formation, vous la faites vous-même en voyageant.
Adrien Fainsilber : C’est ça.
Estelle Pietrzyk : Vous partez, je sais, au Danemark, il y a eu un épisode …
Adrien Fainsilber : Au Danemark, où j’avais eu une bourse d’études.
Estelle Pietrzyk : Qu’est-ce que vous faites au Danemark, vous êtes en stage …
Adrien Fainsilber : Je suis à l’École des Beaux-Arts de Copenhague. C’était intéressant au Danemark, parce que c’était l’antithèse de l’enseignement des Beaux-Arts, on apprenait à faire des choses, petites, bien maîtrisées, dans le détail. Les architectes au Danemark sont formés pour faire des maisons individuelles, ce qu’ils faisaient très bien. Donc, ça m’a aidé à me remettre en question aussi.
Estelle Pietrzyk : Il y a également un épisode américain, vous partez dans la région de Boston, me semble-t-il.
Adrien Fainsilber : C’est ça. Vous savez tout.
Estelle Pietrzyk : Pas tout, j’aimerais bien avoir d’autres informations. Comment c’est cette Amérique ? On est au tout début des années 60 ?
Adrien Fainsilber : Oui.
Estelle Pietrzyk : Là, vous changez de paysage par rapport à ...
Adrien Fainsilber : Absolument !
Estelle Pietrzyk : Qu’est-ce que ça vous apporte cet épisode américain ?
Adrien Fainsilber : J’ai travaillé, pas très longtemps, chez un architecte-paysagiste, et, ça, c’est une nouvelle discipline pour moi, parce qu’on n’apprenait pas … Maintenant, il y a les paysagistes en France, mais il n’y en avait pas à l’époque. Il n’y avait pas d’enseignement du paysage et Sasaki faisait de grands projets avec sa (manque un mot ou un nom), donc c’est extrêmement intéressant. C’était une autre approche, c’est ça qui est intéressant, quand on va au Danemark ou en Amérique, on a une autre perception des choses.
Estelle Pietrzyk : Cela va être formateur dans le sens où cette vision globale, le Danemark avec des choses plus individuelles et les États-Unis avec une vision paysagère aussi des choses, font que vous faites partie de cette catégorie d’architectes urbanistes où une des catégories n’est pas sacrifiée pour l’autre. Je dirais que vous avez souvent une vision très générale des choses. Du reste, parmi vos premières missions il y a la question du Schéma directeur de la région Île-de-France, c’est un énorme projet, ça.
Adrien Fainsilber : Ce que je voulais vous dire, c’est que, là aussi, j’ai pris une autre dimension en faisant de l’urbanisme l’Institut d’aménagement urbaniste de la région parisienne, où se mettaient en place les villes nouvelles.
Estelle Pietrzyk : Et ça, effectivement, c’est en plus une vision très prospective et structurante. On travaille pour longtemps après. Je ne suis pas loin de penser que c’est important pour votre dessin.
Adrien Fainsilber : Gagner le concours quand j’étais à l’Institut, j’ai gagné le concours pour l’aménagement de la plaine de Villetaneuse de Montmagny, qui malheureusement ne s’est pas réalisé.
Estelle Pietrzyk : Là, il fallait imaginer une ville universitaire.
Adrien Fainsilber : C’était une ville universitaire.
Estelle Pietrzyk : Si on reprend des rapports d’échelle : Pour Villetaneuse, il y avait l’université, 42 000 m2 et les logements 39 000 m2, puis dans les différents programmes que vous traitez, que ce soit dans le milieu hospitalier où la Cité des Sciences et de l’industrie, on arrive à 165 000 m2, je voulais vous dire, mais le Musée d’art moderne, c’est petit pour vous.
Adrien Fainsilber : Il n’y a pas de petits projets.
Estelle Pietrzyk : Il n’y a pas de petits projets, mais revenir à une échelle très différente …
Adrien Fainsilber : Il y a un changement d’échelle. Le projet de Villetaneuse, c’était un plan d’urbanisme, on ne faisait pas de détails des constructions.
Estelle Pietrzyk : Avec toute l’importance que vous mettez sur ce que j’appelle les places, les vides, les espaces non remplis. Ça, c’est votre lecture d’urbaniste, qui interfère forcément sur l’architecte après.
Adrien Fainsilber : Tout à fait.
Estelle Pietrzyk : Si je reprends la chronologie des choses, en 1986, vous recevez le Prix national d’architecture, mais Strasbourg, vous dites qu’il n’y a pas de petits projets, mais qu’est-ce qui vous retient dans ce projet ? Qu’est-ce qui fait que vous avez envie de concourir et de le faire ?
Adrien Fainsilber : Le programme m’intéressait beaucoup, puis surtout le site. La première fois où je suis arrivé sur le site, j’ai été émerveillé par l’endroit, la proximité immédiate de la Petite France. Le musée était le prolongement de la Petite France, avant que l’École nationale d’administration ne s’installe dans la Commanderie Saint-Jean, et tout a été verrouillé. C’était la Commanderie de Saint-Jean qui formait le lien avec la Petite France, les cours étaient toute ouvertes alors que cela ne l’est plus maintenant [4].
Estelle Pietrzyk : À ce moment-là, vous aviez déjà travaillé sur un musée, le Musée des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand [5], comment - à grands traits – s’était déroulé ce projet, on en a parlé avant que cet enregistrement ne soit en route ? Travailler pour un musée, pour vous c’était une première expérience, Clermont, avec des collections … ?
Adrien Fainsilber : Avant, il y avait La Villette, mais c’était un peu particulier.
Estelle Pietrzyk : Oui, c’était hors échelle … Le fait de travailler clairement pour un programme artistique aussi, comment s’était passée cette expérience de Clermont ?
Adrien Fainsilber : C’était très intéressant parce que c’était la réhabilitation d’une ancienne prison, qui avait été un ancien couvent. Il fallait définir des espaces, et c’était très intéressant comme projet [6].
Estelle Pietrzyk : Le fait d’accueillir, de devenir le bâtiment qui accueille des œuvres d’art, qui est non seulement l’écrin, mais le lieu de transmission aussi, c’est quelque chose qui vous intéressait aussi dans cette mission ? Vous parlez souvent des missions des bâtiments, un musée à des missions très particulières, c’est normal, comme un hôpital, comme une station d’épuration, que vous avez traitée par ailleurs, mais là, c’était une donnée qui manifestement avait dû quand même vous vous retenir pour que vous reveniez sur ce programme strasbourgeois, qui dure combien de temps, si on met tout, bout à bout ? On inaugure en 1998.
Adrien Fainsilber : Oui, il y a 20 ans. Le projet s’est fait, je ne sais plus en quelle année, pendant les années 90 [7].
Estelle Pietrzyk : Une route que vous qualifiez de chaotique, aisée ou normale pour un projet comme celui-ci ?
Adrien Fainsilber : Normal, mais il y a eu beaucoup d’allers et retours avec la ville, avec le Roland Recht, qui s’est beaucoup impliqué dans le projet, dès le début, mais je n’étais pas tout à fait d’accord sur la muséographie, parce qu’ils mettaient le spectateur dans une seringue, pour suivre un itinéraire bien défini. Moi, j’avais imaginé que les œuvres étaient un peu libres dans l’espace. Vous connaissez le musée de Lens ?
Estelle Pietrzyk : Le Louvre Lens, oui.
Adrien Fainsilber : Qui est magnifique. On se balade à l’intérieur des œuvres de l’une à l’autre, on peut revenir en arrière, repartir dans une autre direction, et ça, c’est intéressant. Tandis que là, je trouve la muséographie trop contraignante, l’itinéraire trop contraignant.
Estelle Pietrzyk : Dans les éléments qui font débat, il y a la question de ce grand espace qu’on a pu appeler rue, qu’on a plu appeler nef, je ne sais pas comment vous vous y référez vous-même …
Adrien Fainsilber : La nef.
Estelle Pietrzyk : … qui me renvoie ce qu’on disait tout à l’heure sur la nécessité de créer des vides, voire des espaces que vous qualifiez même d’inutiles, c’est audacieux comme formule. Expliquez-nous un petit peu comment, pour vous, c’était indispensable, c’était un axe, c’était la colonne vertébrale en fait.
Adrien Fainsilber : C’était la colonne vertébrale, c’était aussi la mise en évidence de la logique du parcours, parce que la nef, elle distribue finalement tous les éléments et on évite comme ça le côté labyrinthique de beaucoup de musées.
Estelle Pietrzyk : Et ça, c’était pour vous l’élément clé, c’est-à-dire ne pas être perdu dans un dédale.
Adrien Fainsilber : Oui.
Estelle Pietrzyk : D’accord. Effectivement, on peut retrouver, que ce soit la bibliothèque l’Alcazar [8], je pense, à Marseille, par exemple, ces grands espaces. Ici, on est quand même, si je ne dis pas de bêtises, à 24 mètres sous plafond ?
Adrien Fainsilber : 25 mètres sous plafond, 104 mètres de long.
Estelle Pietrzyk : Ça, ça reste un tour de force quand même dans ce projet.
Adrien Fainsilber : C’est bien que la ville m’est suivie dans ce sens, parce que c’était quand même une dépense assez importante.
Estelle Pietrzyk : Je voulais vous parler de ça. Le budget à l’époque, il est, si je ne me trompe pas, de 26 millions d’euros, 26 millions et demi, pour un équipement de cette ampleur, ce n’est pas énorme.
Adrien Fainsilber : C’était il y a 20 ans ou c’est actuel ?
Estelle Pietrzyk : C’était il y a 20 ans, ça fait même pas 2 000 euros le mètre carré, ce n’est pas le prix d’un musée, à l’heure actuelle, en construction. Qu’est-ce qui avait pesé le plus sur ce budget, c’est justement cette maîtrise d’œuvre, par exemple ou d’autres éléments, ingénierie, matériaux ?
Adrien Fainsilber : C’est un tout. D’abord on a dû construire le parking en dessous, qui sert de fondation au bâtiment, peut-être que ça, cela s’exclut des 26 millions d’euros.
Estelle Pietrzyk : Puis ce parti pris de verre et de lumière aussi.
Adrien Fainsilber : Alors, la nef c’est un élément important, parce que c’est un ouvrage d’art aussi. La technique mise en œuvre, qu’on a mise au point pour la Cité des Sciences de la Villette, et qui depuis s’est répandue dans le monde entier, où qu’on aille, j’ai été récemment à Naples, que dans l’aéroport il y a une structure qui ressemble à celle de la Villette. L’ingénieur avec lequel on a travaillé, Peter Rice, s’est pris au jeu de la transparence maximum avec le parc. Puis que pour la Villette, en un mot, c’est un bâtiment qui s’intégrait dans un ensemble de 50 hectares, et je cherchais des relations étroites entre le parc et le musée. C’est avec la même équipe d’ailleurs qu’on a créé la couverture de la cour.
Estelle Pietrzyk : C’est aussi, comment dire, vos expériences à l’étranger qui vous ont sensibilisé à la technologie. Très tôt, ça rentre en compte, ça rentre en jeu dans vos projets, la circulation des flux, les nouveaux matériaux … Là, pour le MAMCS, vous utilisez un matériau que je n’avais pas rencontré jusqu’alors, qui est le rébéton. Comment avez-vous connu ce matériau ?
Adrien Fainsilber : Je l’ai connu parce que ça a été mis en œuvre pour le Musée de Grenoble, qui est intéressant d’ailleurs.
Estelle Pietrzyk : Vous lui trouviez quelles qualités pour le retenir pour Strasbourg ?
Adrien Fainsilber : Je voulais une opposition entre le granit rose de Bretagne, qui fait référence au grès rose des Vosges, dans l’architecture strasbourgeois, entre les grands aplats blancs d’enduit, et grès rose des Vosges. J’ai retrouvé avec le granite, qui provenait de Bretagne, que Vasconi a utilisé aussi, mais, lui, il a fait venir je granit de Norvège, mais on a l’impression que c’est la même chose, non ?
Estelle Pietrzyk : Au-delà de ces matériaux, vous êtes attentif à, parce qu’au musée on trouve aussi un pavement gris, soigneusement choisi, il y a ce bois blond, ce bois clair, qu’on retrouve en plusieurs points, l’harmonie des matériaux, c’est quelque chose, pour vous, d’important.
Adrien Fainsilber : Oui, c’est essentiel. Et ça vieillit bien le granite rose.
Estelle Pietrzyk : Oui, ça vieillit bien. Vous disiez que pour le programme muséographique, il y a des choses que vous partagiez moins, qu’est-ce qui vous avez été spécifiquement demandé ? Par exemple, cette salle Gustave Doré, dont on parlait, elle faisait partie du programme ?
Adrien Fainsilber : Absolument
Estelle Pietrzyk : Comment envisagiez-vous cette chapelle dédiée à … ? Comment abordez-vous la commande ?
Adrien Fainsilber : Aucune salle ne pouvait contenir le Christ sortant du prétoire, par ses dimensions. Donc, il fallait faire une salle spécifique pour le Gustave Doré, en dehors du circuit normal pour la peinture de la période de l’art moderne.
Estelle Pietrzyk : Vous choisissez une salle avec une hauteur sous plafond bien au-delà du tableau, un éclairage spécifique, avec une grande baie qui ouvre aussi sur la ville. C’est vraiment Doré enfant du pays. Le musée, comment dire, regarde la ville autant que la ville le regarde.
Adrien Fainsilber : Le paysage a beaucoup d’importance pour moi dans le la conception. La vue sur les tours médiévales des ponts couverts, le barrage Vauban, chauffant et puis en fin de parcours, quand on découvre dans toute sa splendeur la cathédrale, quand on arrive en haut, ça, c’était des éléments déterminants dès le départ. D’ailleurs le musée aussi s’étage, par plusieurs terrasses, jusqu’aux rives du fleuve, et j’avais imaginé que ces terrasses servaient de support à des sculptures monumentales.
Estelle Pietrzyk : D’accord, donc il y avait un jardin de sculptures en extérieur.
Adrien Fainsilber : Qui faisait finalement le lien entre le musée et la ville. Ça, ça peut encore se faire.
Estelle Pietrzyk : Je ne sais pas si vous vous en souvenez, au moment j’ai pris mon poste, c’était en 2008 ou 2009, vous étiez venu tous les deux au musée, on avait fait quelques pars, le souvenir que j’ai, c’est que vous regardiez autant l’intérieur que l’extérieur, ce que vous venez de dire. Pour vous, la question des points de vue, ce que fait le musée, le bâtiment à la ville est aussi une chose déterminante.
Adrien Fainsilber : Oui. Vous voyez la fenêtre qui est créée juste en haut d’escalator, et qui permet d’encadrer la cathédrale aussi, je ne sais pas si ça existe encore, mais …
Estelle Pietrzyk : Bien sûr que cela existe encore.
Adrien Fainsilber : Parce que j’avais eu à faire à un conservateur, je ne sais plus lequel, qui voulait fermer cette ouverture.
Estelle Pietrzyk : Je voudrais maintenant vous poser des questions, qui peuvent appeler une réponse rapide, mais si vous voulez la développer, ne vous privez surtout pas de le faire. Après on fera un montage.
Adrien Fainsilber : D’accord. Et après vous coupez, etc.
Estelle Pietrzyk : Exactement. Quel est votre meilleur souvenir lié à la création de ce musée ?
Adrien Fainsilber : L’inauguration du musée. Catherine Trautmann, avait fait - vous y étiez non ? – un discours magnifique sur l’architecture [9].
Estelle Pietrzyk : Si je vous proposais de rêver le musée sans limites, qu’est-ce que vous lui feriez ? Vous y ajouteriez quoi, une extension, des fontaines, un jardin suspendu, ou des terrasses étagées avec des œuvres ? Qu’est-ce que vous pourrez ajouter de formidables ?
Adrien Fainsilber : Faire un jardin de sculptures sur les terrasses, qui s’étendent entre le musée et la rive du fleuve.
Estelle Pietrzyk : Faire un lien visuel, artistique, jusqu’à l’eau.
Adrien Fainsilber : Symboliquement créer justement le lien entre le musée et la ville.
Estelle Pietrzyk : Ça, c’est une question difficile …
Adrien Fainsilber : Vous me faites peur.
Estelle Pietrzyk : Non, non. Ce que je vais dire c’est que le rôle de l’architecture c’est d’apporter des réponses, mais les réponses, elles, sont plusieurs natures, elles peuvent être fonctionnelles, symboliques ou artistiques. Pour vous, c’est dans quel ordre ?
Adrien Fainsilber : Je dirais fonctionnel d’abord, et puis la relation entre, dans le cas de Strasbourg, le musée et le paysage urbain.
Estelle Pietrzyk : Selon vous, quels sont les aménagements urbains qui resteraient encore à déployer sur ce site-là ?
Adrien Fainsilber : J’avais proposé de faire une passerelle qui permettait d’aller directement du musée à la Petite France par l’eau.
Estelle Pietrzyk : La galerie moderne était à un moment située différemment ?
Adrien Fainsilber : Oui, sur l’eau, au concours.
Estelle Pietrzyk : Est-ce que parmi les musées, publics ou privés, réalisés ces dernières années il y en a un qui retient, ou plusieurs qui retiennent, votre attention ?
Adrien Fainsilber : Il y a le musée de la Fondation Beyeler, de Renzo Piano, puis peut-être le musée Louis Kahn [10] aussi à Fort Worth (Texas), aux États-Unis.
Estelle Pietrzyk : MAMCS, le musée d’art moderne à 20 ans, qu’est-ce que vous lui souhaitez aujourd’hui ? Et qu’est-ce que vous lui souhaitez pour les 20 prochaines années ?
Adrien Fainsilber : Un grand succès public. La fréquentation a augmenté, non ?
Estelle Pietrzyk : Absolument !
Adrien Fainsilber : ÇA dépend beaucoup du renouvellement des expositions temporaires, la fréquentation d’un musée, parce que les gens ne viennent pas revoir la collection historique.
Estelle Pietrzyk : Certains, certains …
Adrien Fainsilber : Oui, mais ce n’est pas la grande majorité. Les gens viennent pour les expositions temporaires et pour les conférences …
Estelle Pietrzyk : Donc, vous lui souhaitez plus de publics.
Adrien Fainsilber : Plus de publics, oui.