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Les collections de science et technique : points de vue des éditeurs

« Les collections de science et technique : points de vue des éditeurs », table ronde du mercredi 3 octobre 2007, animée par Florence Casaromani et Laurence Toulorge de la Médiathèque de la Cité des sciences, avec la participation de Martine Lemonnier, éditrice chez Dunod, et Nicolas Witkowski, éditeur au Seuil.

Cette table ronde a été coordonnée et transcrite par Taos Aït Si Slimane.

Attention il manque l’introduction de la table ronde et le début de l’intervention de Martine Lemonnier.

[...]

Martine Lemonnier : […] bicentenaire, puisqu’elle a été fondée en 1793. C’est une date très significative, puisqu’avant la Révolution, pour fonder une maison d’édition il fallait avoir un privilège du roi. Grâce à la Révolution, si je puis dire, ce privilège a disparu et de nombreuses maisons d’édition se sont créées à ce moment-là. A l’époque, c’était à la fois des éditeurs et des libraires. Dunod était un éditeur de mathématique et d’architecture, ensuite il a évolué vers l’ensemble des sciences. Il est devenu éditeur pur, il a arrêté d’être libraire. Donc, parmi les nombreuses maisons d’édition qui ont vu le jour pendant la Révolution française, c’est, à ma connaissance, l’une des très rares, je n’en connais pas d’autres d’ailleurs, c’est la seule que je connaisse qui soit encore en activité aujourd’hui.

Nicolas Witkowski : J’ignorais totalement que Dunod datait de la Révolution. On apprend des choses passionnantes. Ce n’est pas le cas du Seuil, qui est beaucoup plus jeune. Je remarque des coïncidences assez entre nos deux parcours. Le côté enseignement, puisque moi je viens d’arrêter d’enseigner la physique dans le secondaire, après l’avoir fait pendant 25 ans. J’ai longtemps été éditeur, de temps en temps, comme ça pour rire et puis là, je le suis devenu complètement. Je suis au Seuil depuis 15 ans maintenant, après une formation de physicien qui est très tôt rentrée en contradiction avec des goûts de littéraire. J’ai toujours souffert, je suis un refoulé complet, j’aurais dû faire des études littéraires, c’était mon rêve le plus fou, mais on m’a forcé, avec un père mathématicien, à faire des études scientifiques. Et bizarrement, je finis par faire de la littérature scientifique, comme quoi, vous voyez, tout se rejoint. Mais, c’est un peu, si je vous ai bien entendu, votre histoire. En tout cas cette formation scientifique qui se dirige vers l’édition et vers la littérature. Là, il y a quelque chose. Par exemple, moi, je me suis toujours demandé comment on pouvait se définir comme scientifique. Ça me paraît terrifiant de se définir comme scientifique. Je ne sais pas comment font ces gens-là. Personnellement, je n’en ai jamais rencontré de vrais scientifiques, à 100%, ça n’existe pas, de même les vrais littéraires. Les gens qui disent : « Oh là là ! moi, je ne connais rien aux maths, je suis un vrai littéraire », je suis effondré pour eux. Je leur dis : « Écoutez, vraiment, vous passez à côté de plaisirs extrêmes, quel dommage ! » Moi, comment dire, je trouve naturel d’incarner une sorte d’hybride complet, qui s’intéresse autant à la science qu’à la littérature et qui utilise la science comme matériau littéraire, mais comme un autre, ça pourrait être le théâtre, le cinéma, ça pourrait être quantité de choses. Donc, je crois que d’emblée, dès le départ, j’avais déjà abattu cette cloison, qui sépare la science du reste. C’est un peu dommage, parce qu’aujourd’hui, si j’ai bien compris, vous parlez de science en bibliothèque et d’édition scientifique, j’ai donc envie de désamorcer, dès le départ, en précisant que ce que je fais au Seuil, c’est un mélange de science et de littérature. Sinon, quelle est la spécialité du Seuil ? Nous avons deux collections scientifiques. Nous avons Science ouverte, qui est sur la brèche depuis près de 30 ans, et Points Sciences, qui est une collection de poche, que vous connaissez sans doute, qui reprend les titres de Science ouverte qui ont bien marché, mais pas seulement. Il nous arrive d’acheter, chez d’autres éditeurs, en tout cas ceux qui n’ont pas de collection de poche, chez Dunod, qui est d’ailleurs notre concurrent à un autre titre, on est un peu sur le même créneau. On ignore pourquoi, mais on n’a jamais pu vendre de médecine, chaque fois que l’on a essayé on s’est planté gravement. En revanche, tout ce qui touche à la science dure, que cela soit de la biologie, de la physique, des mathématiques - mais il faut qu’il y ait un côté dur, que ça soit de la génétique, par exemple, si c’est de la biologie - en physique, que ce soit des histoires de super cordes, des machins comme ça, en mathématiques, « La conjoncture de Poincaré », des trucs bien hard, quoi. Alors, ça, on est sûr que cela marche chez nous parce que le public nous identifie comme vendeur de sciences dures, c’est un peu votre cas –Dunod- aussi. Cela dit, on essaye là aussi de désamorcer les choses, de brouiller un peu cette image, avec tout une production qu’on appelle, au Seuil, la science légère, et qui connaît, c’est comme ça, c’est conjoncturel, un certain succès. Il se trouve qu’en ce moment, ça marche très bien, en particulier pour un de nos livres qui a été acheté en Angleterre, « Pourquoi les manchots n’ont pas froid aux pieds ? ». Il est en vente chez Auchan, à Carrefour et à Monoprix. En faisant mes courses, l’autre jour, je l’ai trouvé. Donc, vous voyez, on n’arrive même à faire déborder cette littérature-là dans les lieux où on ne la trouve jamais. Et c’est ça, évidemment, qui est amusant, intéressant. Parce que si c’est pour vendre de la science à des gens qui font de la science, ça, ce n’est pas notre métier. Nous, notre métier, c’est de vendre mieux que de la science, de la science bien comprise et racontée à des gens qui n’en entendent jamais parler, ou de la façon, je dirais, un peu biaisée, un peu faussée. Voilà, une brève présentation.

Laurence Toulorge : Est-ce que vous pouvez nous parler de la façon dont vous entendez passer la science de façon légère ? J’ai cru lire en consultant le Dictionnaire culturel des sciences que vous étiez en rupture avec le concept de vulgarisation scientifique, qui nourrit de vastes débats à la Cité des sciences depuis des années. Donc, est-ce que vous pouvez nous dire, justement, ce que ça recouvre, pour vous, cette histoire de vulgarisation scientifique ? Et, pourquoi vous y êtes en quelque sorte opposés ?

Nicolas Witkowski : Je le dirais très volontiers, c’est vraiment un plaisir de raconter ça. Je crois que pendant très longtemps, notre rapport à la science a été un rapport de soumission. Pendant tout le XIXe siècle, qui a été l’âge d’or de la vulgarisation scientifique, Jules Verne, Flammarion et compagnie, c’était merveilleux, on attendait tout du progrès scientifique et, jusqu’à une bonne moitié du XXe siècle, on s’en est remis aux vulgarisateurs pour comprendre quelque chose à la science. Il y avait en haut, quelque part dans les nuages, des gens très intelligents qui faisaient de la science, dans des endroits très fermés, je vous rappelle que les séances de l’Académie des sciences n’ont été ouvertes aux journalistes que vers la fin du XIXe siècle grâce à François Arago, un grand bonhomme, un grand démocrate. Auparavant, ça n’existait absolument pas. C’est-à-dire qu’on vit avec des espèces de petits dieux, là-haut, qui savent des choses, qui se confient à des vulgarisateurs, lesquels vulgarisateurs viennent nous dire : « Vous n’avez pas compris, je vais vous expliquer ». Et, ils peuvent expliquer n’importe quoi. Il y a eu des exemples merveilleux, vous avez peut-être encore dans vos bibliothèques, par exemple, un dénommée Marcel Bolle ( ?), qui a fait des centaines de livres de vulgarisation dans les années 20 et 40. Et avec Marcel Bol ( ?), vous avez un livre sur l’électromagnétisme et à côté un livre sur le poker. Si l’on vulgarise, on peut tout vulgariser... Ça peut être très, très large. C’est ce schéma-là qui me semble, moi, complètement obsolète aujourd’hui, tout simplement parce que notre attitude vis-à-vis de la science a changé. On n’est plus dans l’attitude tout le monde à genoux le Prix Nobel parle, ce n’est plus ça du tout, c’est une attitude de questionnement du Prix Nobel, à qui l’on dit : « Dites donc, vous, là, vous faites quoi ? Qui vous paye ? Vous avez trouvé quoi ? Pourquoi est-ce que vous venez d’avoir le Prix Nobel ?... ». Il n’y a plus la barrière qu’il y avait avant. Alors, est-ce que c’est un bien ? Est-ce que c’est un mal ? Je n’en sais rien, mais j’ai, par exemple, vu, à la télévision, il n’y a pas très longtemps, le président de l’Académie des sciences, Etienne-Emile Baulieu, que vous connaissez peut-être, questionné par un paysan du Larzac, que vous connaissez peut-être aussi, qui lui disait : « Mais enfin, monsieur, vous ne connaissez pas votre dossier. » Imaginez, au début du XXe siècle, le président de l’Académie des sciences pris à partie par un citoyen lambda, c’était inimaginable ! Aujourd’hui, ça l’est. Ça montre bien le chemin qui a été parcouru. Ça montre bien que l’on ne peut plus vulgariser comme avant. J’ai retrouvé une collection scientifique des années 30, qui s’appelle, « Les maîtres de la science », vous vous imaginez ? Moi, je n’irais pas acheter un bouquin des « Maîtres de la science », j’aurais trop peur. Donc, c’est cet état d’esprit qui a changé. Aujourd’hui, il y a une sorte de désacralisation du savoir scientifique, tant mieux. Il paraît même que l’on a le droit de rire avec la science. Ça, je peux vous le dire, parce que justement, nous, on vend des livres d’humour à propos de la science. Il n’y a absolument pas d’antinomie, on peut parfaitement être très sérieux et avec des grands sourires, de grands éclats de rire, je dirais même que c’est nécessaire, comment faire pour être sérieux tout le temps ? ce n’est pas possible, c’est trop ennuyeux. Ça, c’est une démarche qui est nouvelle dans le champ de la vulgarisation et qui est attendue par les gens. On pourrait dire, cette science légère, est-ce qu’il passe quelque chose à travers ? Parce que tout de même, la vulgarisation ça veut dire propager quelque chose de la science aux gens qui en ont besoin, pour être de bons démocrates. Eh bien, la réponse est oui. Et je reprends l’exemple de cette série anglaise, qui marche extrêmement bien, on a un livre qui a atteint 70 000 exemplaires, au bout de 5 mois de commercialisation, ce qui est rare dans ce domaine-là. Si on analyse bien les choses, on s’aperçoit que c’est mérité. Ce succès-là est mérité. Ce qui est très amusant, c’est que dès que ce livre a monté dans les charts, immédiatement tous les éditeurs ont proposé les mêmes, enfin, les mêmes en apparence. Vous avez, « Pourquoi les vaches descendent les escaliers ? », je ne sais pas si chez Dunod,... Ah ! J’essayerai de ne pas le critiquer, « Pourquoi la tartine tombe toujours du côté du beurre ? »...

Martine Lemonnier : On part de questions qui paraissent bêtes, « Pourquoi une bulle éclate-t-elle ? », « Pourquoi la fumée du barbecue se rabat-elle toujours du côté de la table ? », « Pourquoi quand quelque chose doit aller de travers, ça va forcément de travers ? », « Pourquoi la queue au supermarché quand on s’y met, elle arrête d’avancer ? », « Pourquoi le seul but du match est marqué au moment où on est allé boire un verre à la cuisine ? » etc. C’est la loi de Murphy et sur ce principe, -c’est tout à fait le principe que vous décrivez, non ?- à partir de questions bêtes, entre guillemets, et de choses très, très concrètes on peut faire des sciences, de vraies sciences, des sciences sérieuses, et des sciences qui apprennent vraiment quelque chose. Donc, ça, comme vous disiez, là je crois que vous n’allez pas me contredire, c’est une façon ludique et très bonne d’attirer finalement un public vers la science. Un public qui a peur de la science et qui s’imagine peut-être que les questions qu’il se pose sont bêtes. Oui, peut-être sont-elles des questions bêtes, mais les réponses sont, elles, parfois, extrêmement complexes. Donc, c’est des gens qui vont s’apercevoir que finalement ils aiment ça, ils aiment la science, tout simplement parce qu’on la leur propose d’une façon complètement inhabituelle et très ludique.

Nicolas Witkowski : Je disais que ça ressemble, mais que ce n’est pas le même principe. Je vais m’expliquer. Là, il y a un auteur à ce livre-là. Toutes les questions sont posées par un bonhomme et les réponses sont données par ce bonhomme. La particularité des livres qui nous viennent du New Scientist, puisque c’est une revue anglaise qui est à l’origine de ça, est que les questions sont posées par les lecteurs. Ce ne sont pas des spécialistes qui posent les questions parce qu’ils ont les réponses. Pourquoi est-ce qu’il pose ces questions, ce monsieur-là, c’est parce qu’il connaît les réponses. Il ne pose pas les autres questions. En revanche, demandez à un gamin, par exemple, ce qui le préoccupe, écoutez les questions qu’il pose, vous allez voir que, bien souvent, ça ne rentre pas dans le champ scientifique, ou alors difficilement. Il me vient quelques exemples à l’esprit : « Mon hamster est mort. Je l’ai enterré. Au bout de combien de temps est-ce qu’il ne restera plus que des os ? » Ça, c’est une question de gamin, une vraie question de gamin. Un spécialiste n’a rien à dire. Il va dire : « Attends, à quelle profondeur est-ce que tu as enterré ton hamster ? Quelle est l’humidité de la terre dans ta région ?... » C’est une question sans réponse, tous les adultes le savent. Un gamin, non. Lui, il pose la question. Autre genre de question, un peu plus classique : « Quand vous faites un café avec de la poudre, un café soluble, tapotez le bord de la tasse avec votre cuillère. Vous allez voir que tant que toute la poudre n’est pas mélangée, le son se met à grimper, pourquoi ? » Ça, c’est une question d’un physicien. C’est parce qu’il y a des bulles d’air qui disparaissent peu à peu etc., etc. Tout ça pour vous dire que toutes ces questions-là, ce n’est pas les spécialistes qui peuvent les poser. Et, autre particularité de ces livres-là, c’est qu’il y a plusieurs réponses. A vous de choisir la vôtre, celle que vous préférez. A une question, il n’y a pas une réponse. La croyance, bien ancrée, chez les scientifiques est qu’il y a la vérité et à côté il y a toute l’erreur, tout le champ de l’erreur, malheureusement ce n’est pas aussi simple. Il y a une question, il y a au moins 15 réponses différentes. Et ce qu’il y a d’intéressant dans cette rubrique du New Scientist, c’est que les lecteurs répondent et ils répondent par-dessus les réponses en disant : « Bon, Monsieur Machin à répondu ça, mais moi j’ai entendu dire que, donc, est-ce qu’il a entièrement raison ? » Et ça, c’est tout à fait passionnant. Encore un exemple pour que ça soit plus clair. Question d’un gamin : « Comment se fait-il que les pneus de voitures ont tous des dessins différents ? » Moi aussi, je me suis posé cette question-là. Vous achetez une Renault, elle a des pneus comme ça, vous prenez une autre marque de pneus, il y a des traits, des motifs dessinés dans l’autre sens, etc. Réponse du spécialiste : « C’est pour favoriser l’écoulement de l’eau quand il pleut. Les lois de l’hydraulique font qu’il faut telle épaisseur... ». Bon, merci les spécialistes. Réponse d’un type qui a passé toute sa vie chez Michelin, qui devait être chef d’atelier, ou un truc comme ça : « Je vais vous donner la vraie réponse. C’est pour des raisons de marketing. Il y a des modes chez les constructeurs de pneus, on nous demande de changer les dessins des pneus, on le fait. Ils sont tous exactement équivalents. Ils marchent aussi bien l’un que l’autre, mais il faut changer le motif alors on le fait, pour que le marketing soit content. » Où est la meilleure réponse ? Ce n’est pas celle du spécialiste. Et bien souvent le professeur d’université qui participe à cette rubrique se fait damer le pion par des gens qui n’ont pas de formation particulière mais qui ont passé toute leur vie sur un problème et qui le connaissent parfaitement bien. Vous voyez que là, ça a un petit côté révolutionnaire quand même parce qu’il y a de l’épistémologie, comme on dit, là-dedans, c’est-à-dire une réflexion sur la science qui est très profonde, et ce qui est très intéressant, c’est que le public, lui, ne s’y trompe pas. Il a tout de suite compris que c’était plus piquant, plus drôle, plus intéressant, à cause de cette multiplicité de niveaux. Là, on a un exemple de la science légère, oui mais attention cela ne se fait pas comme ça. New Scientist, ça fait à peu près 20 ans que cette rubrique marche. Il y a 20 ans de travail pour faire ces livres-là, des petits ajouts quotidiens, etc.

Question 1 : Hier, nous parlions de politique documentaire et de charte documentaire, une question qui intéresse beaucoup les bibliothèques en ce moment, à savoir ce que l’on met dans les rayons, ce qu’on décide d’acheter, de ne pas acheter. Je suppose que vous, en tant qu’éditeurs, vous avez un peu le même type de questions : qu’est-ce qu’on publie ? Qu’est-ce qu’on ne publie pas ? Quels sont vos critères pour accepter, ou pour refuser les ouvrages ? C’est une question un petit peu naïve, mais je me demande comment ça se passe.

Martine Lemonnier : Je dirais que si notre travail - peut-être qu’au Seuil, grande maison prestigieuse de vulgarisation, c’est différent, mais chez nous, Dunod - consistait uniquement à accepter, ou refuser des ouvrages ce serait extrêmement confortable. Notre travail consiste surtout à prendre notre bâton de pèlerin et à aller solliciter des auteurs, chercher des sujets, humer l’air du temps, faire de la veille éditoriale, savoir ce que sont les sujets à traiter dans les 6 mois qui viennent, dans l’année qui vient et de trouver le meilleur auteur pour ces sujets, un défi. Quand on a trouvé le meilleur auteur, ou un des meilleurs auteurs - le meilleur étant forcément au Seuil - il faut le faire écrire. On parlait tout à l’heure de l’imbrication de la science et de la littérature, du texte écrit, ou parlé même, je pense que les scientifiques les plus aptes à faire eux-mêmes de la vulgarisation sont ceux qui sont en même temps des conteurs. On en connaît quelques-uns, on les connaît bien, il y a Hubert Reeves, Jean-Pierre Luminet, il y a un certain nombre d’autres grands noms, Etienne-Emile Baulieu est un grand conteur... Sorti de ces grands conteurs scientifiques, si l’on n’arrive pas à les avoir pour écrire un ouvrage, on a évidemment beaucoup d’autres scientifiques de très grande valeur mais qui ne sont pas forcément de très bons communicateurs. La solution que l’on a trouvé chez Dunod, qui n’est pas très originale d’ailleurs, c’est de faire des équipes avec un scientifique et un journaliste scientifique. C’est-à-dire que le contenu est scientifiquement inattaquable, mais il est reformulé par le journaliste, qui est également un journaliste scientifique obligatoirement, pour que le texte soit plus fluide, plus avenant et plus proche d’une histoire que l’on raconte. Mais c’est un travail de prospection. Nos éditeurs sont des éditeurs de prospection. Ils vont, sur le terrain, solliciter des auteurs. Quant aux ouvrages spontanés que nous recevons, les propositions spontanées que nous recevons, en général, nous en refusons, hélas, à 95%.

Nicolas Witkowski : Là, je crois, pour ce qui est du travail d’éditeur, c’est un petit peu pareil. IL y a probablement des idées reçues. Il y a des inconnus qui se révèlent de merveilleuses plumes, et inversement, des gens très, très célèbres qui sont absolument lamentables à l’écrit. Je prends un exemple. C’est le grand Pierre-Gilles de Gennes, qui vient de nous quitter, qui était vraiment un des physiciens le plus merveilleux qu’on ait vus depuis très, très longtemps. Quand on essayait de le faire écrire, ça ne marchait pas. C’est très dommage. Il a fait un petit truc au Pommier, mais ça ne marchait pas. Ce n’était pas un homme de plume. Dans le milieu scientifique, c’est là que l’on voit quand même que la distinction scientifique –littéraire n’est pas entièrement absurde, il y en a pas beaucoup qui écrivent bien. Pour vous donner un exemple, il y a quelques années, j’avais fait, aux éditions de La Découverte, un état des sciences avec 200 participants, 200 signatures, ce qui m’a permis de faire des statistiques. Sur ces 200 articles, il y en a eu 20 auxquels j’ai très peu retouché, qui pouvaient pratiquement être publiés sans grandes modifications. Tous les autres, les 180 autres, ont été soit réécrits partiellement, soit entièrement refaits, de A à Z. Ce n’est pas une deuxième nature, pour un scientifique, que d’écrire. Quand il y en a, par hasard, pour qui c’est un seconde nature, vous avez cité deux exemples. Je prendrais l’exemple d’Hubert Reeves qui est quand même le plus connu. Il faut savoir que quand Hubert Reeves a écrit, « Patience dans l’azur », il l’a envoyé à tous les éditeurs de la place de Paris. Ils ont tous répondu, dans les 48h : « Je le veux, je le veux. » Il y en a un qui a dit : « Le chapitre 4, me semble un peu faible, puis vers la fin ça finit plutôt mal, il faudrait réécrire cette partie-là. » Il y en a un qui a fait son vrai travail d’éditeur, qui est un travail de critique d’abord, qui consiste à pointer les points faibles de l’œuvre pour faire retravailler l’auteur et essayer de faire quelque chose de vraiment satisfaisant, il se trouve que c’était l’éditeur du Seuil, mon ami Lévy-Leblond. Du coup, Reeves s’est dit : « Mais qui c’est ce type-là ? Tiens, il y a un éditeur ! Je vais me précipiter sur lui. » Et, il a fait affaire avec Lévy-Leblond. C’est pour vous montrer que même une très bonne plume, seule, ne suffit pas. Il faut qu’elle soit accompagnée, qu’il y ait un climat de confiance qui s’installe, et ça, je vais vous dire, ça tient presque de l’histoire d’amour entre l’auteur et l’éditeur. Parce qu’il y a des crises de jalousie, des passages difficiles, des moments merveilleux..., c’est pour ça que c’est un métier un peu étrange, le métier de l’édition. Ce n’est pas soumettre des contrats à tout le monde, parce qu’on peut faire de l’édition comme ça aussi. Là, je ne donnerais pas de noms, mais il est possible d’aller soumettre des contrats Urbi et orbi, sans demander : « Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Que faites-vous ? » Tout simplement parce que vous êtes au CNRS, vous êtes au Collège de France, vous êtes à l’Académie, schlack, signez-là, on se débrouillera après. Ça, c’est une façon de faire de l’édition, ce n’est évidemment pas la nôtre parce qu’on trouve plus intéressant de faire qu’il se passe une histoire entre l’auteur et l’éditeur. Il se trouve que chaque fois que ça s’est produit, le public a répondu favorablement. Donc, je suppose que là, aussi, il y a une espèce de genèse de l’œuvre qui assure sa réussite auprès du public. Le public ne se trompe pas sur la qualité d’un texte. J’aime à le croire en tout cas.

Laurence Toulorge : Oui, alors, justement, vous parliez du travail d’accompagnement de l’éditeur auprès de l’auteur, vous-même vous êtes auteur, qui vous accompagne d’un point de vue éditorial, quand vous écrivez ?

Nicolas Witkowski : Vous n’écrivez pas vous ? Non ? J’aurais pu vous laisser le micro. Là, écoutez là, il se trouve, d’ailleurs c’est un peu gênant, parce que je suis auteur, mais je suis auteur du Seuil, c’est un peu embêtant, c’est-à-dire que je m’édite moi-même. Donc, là, c’est un peu dommage, mais il y a quand même un travail de critique qui est fait, entre autres, par Jean-Marc Lévy-Leblond et par Monique Labrune, qui dirige notre secteur sciences humaines. Je ne me permettrais pas de passer mes textes s’ils n’avaient pas été soumis à ces critiques-là. D’une façon générale, j’aime bien me faire relire, alors ça dépend de quel livre, je ne vais pas le faire relire par n’importe qui, mais c’est très, très appréciable, ce genre de lecture et ça impose souvent des changements, des virages difficiles à prendre. Ce n’est pas facile d’accepter cette critique-là, mais c’est quand même tentant. Je vais même vous dire que sur certains textes, j’ai envie de le faire voir ailleurs, aller chez un autre éditeur, et de lui dire : « Vous, vous en pensez quoi ? Vous le prendriez, ou pas ? » Ça peut même être un jeu. Pour mon premier livre, il m’est arrivé de le montrer à 5 éditeurs différents et de jouer avec eux. Ils lui ont tous donné le même « à valoir », donc on ne peut pas discuter là-dessus, mais en revanche, je disais, chez Gallimard, par exemple : « Attention, le Seuil me publie à telle date. » Gallimard disait : « Ah ! bon, mais alors attendez, on peut peut-être avancer la date de la publication. » Il y a donc un jeu un peu pervers, un peu gamin, qui consiste à jouer avec les éditeurs comme ça. Ça m’est un peu passé, ça doit être l’âge, ça m’amuse moins, mais effectivement, comme je publie au Seuil, je n’ai pas vraiment d’éditeur, c’est vrai.

Question 2 : Juste une petite question, pour avoir une idée de la taille des structures de vos entreprises, avez-vous une idée du nombre de personnes qui travaillent chez vous, pour voir quel est le besoin en personnel de ce type d’entreprise ?

Martine Lemonnier : Chez Dunod, j’ai dit que nous faisions, dans mon secteur scientifique, à peu près 200 ouvrages par an. Il y a un autre secteur que nous appelons DGSH (droit, gestion, sciences humaines)- qui est un peu mal nommé puisque nous ne faisons pas de droit, nous avons été séparé, c’est un autre groupe maintenant qui a racheté le Dalloz, l’éditeur juridique - ils font le même nombre d’ouvrages que dans mon département. Pour 400 ouvrages, à peu près - on dit que Dunod publie un livre par jour, 365 livres par an - nous sommes un peu plus de 100 personnes. Évidemment dans les 100, on compte tout le monde, c’est-à-dire les représentants, le service commercial, le service marketing, les délégués pédagogiques, les fabricants, etc. Dans mon secteur, purement éditorial, nous sommes 17 personnes, ce n’est évidemment pas seulement pour la culture scientifique, il y a toute la production universitaire et professionnelle dont on ne parle pas aujourd’hui.

Nicolas Witkowski : Moi, je n’ai pas vraiment de chiffres. Je ne sais pas très bien combien il y a de personnes au Seuil. Mais comme il y a un département fabrication, il y a des représentants, le commercial, il y a le service de presse, il y a tout ça, ça fait beaucoup de monde, je ne sais pas, 900 c’est idiot comme chiffre ? C’est le genre de truc qui ne m’intéresse pas beaucoup. De plus on vient de se faire manger par un gros poisson, La Martinière, donc, on est au sein d’un groupe, c’est de plus en plus incompréhensible. Disons que pour ce qui est des sciences humaines, on est moins de 10 éditeurs, un pour la religion, un pour la psychanalyse, un pour l’histoire, etc. et en science on est 1,5, puisque Jean-Marc Lévy-Leblond n’est plus beaucoup là. Il est encore là, mais il n’est plus là tout le temps. Donc, ça fait un poste et demi pour faire, attention on ne fait pas 200 ouvrages, nous on doit sortir 8 Science ouverte, 9 les bonnes années, et pareil en Points Sciences. Vous voyez, ça fait beaucoup, beaucoup moins, mais attention, nous, on a un critère de rentabilité qui limite nécessairement ce genre de livres. D’abord, ça doit être des livres vraiment originaux, qui sortent du four. Ensuite, il faut en vendre au moins 4000 sous peine d’y être de sa poche. Donc, ça implique des critères assez sélectifs qui font que l’on ne peut pas faire n’importe quel livre. Il faut quand même une bonne certitude de vente.

Martine Lemonnier : Alors, effectivement, pour que les choses soient claires, les 200 ouvrages que nous publions ce ne sont pas 200 ouvrages de culture scientifique, ça serait trop beau. Sur les 200, c’est à peu près les mêmes quantités. C’est-à-dire une dizaine de titres dans la collection que vous avez là, Sciences vivantes, et une dizaine de titres dans une autre collection, qui s’appelle Quai des sciences, qui est de la culture, des sciences sérieuses, des ouvrages qui ont trait à des phénomènes de société comme la fin du pétrole, l’obésité, le réchauffement de la planète, les changements climatiques etc. Donc, c’est à peu près les mêmes proportions. Et j’ai une éditrice qui n’est pas entièrement dédiée d’ailleurs, vous, vous êtes 1,5, nous, je crois que l’on est à peu près ¾ d’éditeur et l’équivalent d’un assistant.

Florence Casaromani : Je voulais vous poser une question concernant vos collections de science. Comment faites-vous pour lancer une nouvelle collection, définir le périmètre, le public ? En fait comment ça se passe ? Comment vous faites ?

Nicolas Witkowski : La question du public, on ne se la pose pas parce qu’il y a eu moult enquêtes sur qui achète de la vulgarisation scientifique. Ces enquêtes ne disent rien, enfin, rien de vraiment cohérent et de raisonnable. On finit par se faire une image quand même. Je vous ai dit qu’on venait chez nous pour prendre de la science dure, par exemple. Donc, on sait qu’il y a un certain public, mais que ce soit des étudiants, des professeurs d’universités à la retraite, ou les citoyens lambda, on n’en sait rigoureusement rien, et d’une certaine façon, je crois que c’est une question qui ne pourra jamais être résolue. La question du public ne sera jamais résolue, de même que la question de nos auteurs. Nos auteurs ne viennent pas forcément du CNRS. Je me souviens avoir accueilli, par exemple, un monsieur très chic qui me dit : « Je travaille au CNP - a priori, on n’avait pas de raisons de faire affaire - mais quand je rentre chez moi le soir, je fais un seul truc, je lis de la philosophie des sciences. » Tiens, tout existe dans la nature ! Je lui ai dit : « Ah bon ? Faites voir, vous avez un manuscrit ? » Il avait fait une sorte d’introduction à la philosophie des sciences. Un tout petit livre, merveilleusement clair. Effectivement on avait fait affaire. Effectivement, si on avait voulu l’éditeur de science qui se dit : « Je voudrais aller faire une introduction à la philosophie des sciences », jamais on ne serait allé chercher cet auteur-là. Donc, moi, je crois beaucoup au hasard et à ce genre de coïncidence qui fait qu’après tout le meilleur auteur ce n’est pas celui sur lequel il y a l’étiquette machin et truc. Ça lui assure certes une notoriété scientifique mais ce n’est pas pour ça qu’il sait écrire, qu’il sait faire passer ses idées et qu’il est clair dans sa tête. Donc, là, je crois qu’il y a quelque chose d’important. Et, du côté des lecteurs, je crois que c’est un peu pareil. Moi, je n’ai jamais compris quels étaient les lecteurs de Points Sciences, ou de Science ouverte. Je sais qu’on peut leur proposer des livres très pointus, avec des équations, on les vend et qu’on peut leur proposer des livres très softs, on les vend aussi. Ce n’est probablement pas les mêmes, et encore je ne suis pas sûr, est-ce que les deux besoins ne doivent pas être remplis ? Je ne sais pas. Ce que je peux vous dire c’est que ce n’est probablement pas des étudiants, parce que ça, c’est facile à voir. Les livres qui sont prescrits par les professeurs, on voit de très fortes ventes au mois d’octobre, ou alors au début du deuxième semestre. Donc, ça, c’est facile de les repérer, mais il y en a très peu. Il est bien évident que les étudiants n’ayant pas d’argent, par définition, n’achètent pas de livres, quand ils ont un peu d’argent ils font autre chose que d’acheter des livres. Ils se procurent des polycopiés, des choses comme ça. On est très piraté sur ce créneau-là. Il se trouve que la culture scientifique, comme on dit, c’est-à-dire la réflexion sur la science, ça vient un peu plus tard dans la vie professionnelle d’un ingénieur, ou d’un chercheur. C’est des questions que l’on se pose un peu plus tard. Quand on est jeune, on n’a pas le temps de s’inquiéter de problèmes d’éthique et de choses comme ça. Tout ça, demande des réflexions un peu longues.

Martine Lemonnier : Concernant le lectorat de la culture scientifique, on peut faire des hypothèses. Effectivement, on ne sait pas du tout qui sont ces gens. Ce n’est pas toujours les mêmes, il y a un renouvellement. Il y a des changements. Il y a des fluctuations mais on peut faire l’hypothèse, en tout cas c’est celle que nous faisons chez Dunod, que ce sont des gens qui ont une culture générale de niveau bac à bac +2, que ce sont plutôt des lecteurs du Monde ou de Libé et, éventuellement la frange la plus pointue des lecteurs de La Recherche. En gros, c’est à peu près ça, le public que nous visons. Il y a une partie étudiante, chez nous, puisque nous voyons des ouvrages ressortir dans les listes bibliographiques, que nous récupérons auprès des enseignants, nous sommes également éditeur universitaire, donc nous avons beaucoup de contact avec des enseignants. Par ailleurs, on le voit sur les ventes, malheureusement ce ne sont pas des milliers d’exemplaires qui sont achetés, mais on voit des petits pics de vente qui ne peuvent être dus qu’à des recommandations des enseignants. Les enseignants nous parlent de nos livres. Quand nous participons à des expositions dans des universités, sur des campus, ces livres sont toujours très exposés, toujours très pris en main et très feuilletés. Donc, il y a une partie étudiante. Pour ce qui est des auteurs, effectivement il y a des auteurs, d’ailleurs c’est un autre ouvrage que je vous ai apporté, dans cette autre collections, Quai des sciences, il y a des auteurs qui sont, un peu comme celui dont vous parliez, des passionnés d’un sujet et qui ont une vie complètement séparée de cette passion. Cet auteur, dont je parle, est quelqu’un de spécialisé dans les outils préhistoriques, qui intervient énormément dans des bibliothèques d’ailleurs, auprès des enfants, dans les écoles, qui fait des conférences. Il est vraiment passionné, il arrive avec ses outils, il vous montre comment les hommes des cavernes faisaient du feu en frottant des morceaux de bois, etc. Cet homme est chirurgien à l’hôpital de Lisieux. Donc, on peut avoir des auteurs qui a priori ne sont absolument pas spécialistes au sens reconnu par l’establishment, par le CNRS, par l’Université, mais qui sont capables de faire passer une passion pour un sujet qu’ils étudient, eux, en autodidactes depuis des années.

Question 3 : Quel est le tirage moyen d’un livre scientifique ?

Nicolas Witkowski : On est bien d’accord, on parle d’essais sur la science ? Quand j’ai fait ce livre, qui est là, qui s’appelle Dictionnaire culturel des sciences, l’éditeur qui m’avait sollicité m’avait dit : « Je voudrais que vous fassiez un dictionnaire sur les sciences. » Après réflexion, je lui ai dit : « Écoutez, ça je ne peux pas, il y en a déjà plein et c’est très ennuyeux mais en revanche vous faire un dictionnaire sur la culture scientifique, ça, ça m’intéresse et ça n’a jamais été fait. » Il me demande de quoi il sera question. Je lui réponds qu’il y aura, par exemple, un article sur la beauté, par exemple, qu’est-ce que c’est que la beauté d’une théorie mathématique ? Il y aura un article Pierre Dac, un article Einstein,... Là, je le vois froncer les sourcils et il me dit : « Il n’y aura rien sur le TGV et la fusée Ariane ? » Je lui ai dit : « Non, il n’y aura rien sur le TGV et la fusée Ariane, ça, c’est de la technologie. Ça peut devenir intéressant mais il faudrait le traiter d’une façon particulière. » C’est pour dire que nous, on ne fait que des essais sur la science. Ça peut concerner une science particulière, ça peut être plus vaste mais c’est quand même un genre particulier. Bon, maintenant pour répondre à votre question, le tirage moyen, on a baissé récemment, je ne vous cache pas que la tendance dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres secteurs de l’édition, est à la baisse, quand on a un livre fascinant mais difficile, ça peut être 2000 exemplaires de mise en place. Soyons clairs, un livre qui marche pour nous, c’est 4000 exemplaires. A partir de 3000 exemplaires ça va, 4000 exemplaires on est content, 5000 exemplaires on sort le champagne, et ainsi de suite. Mais, un livre qui marche pour nous, c’est 5000 exemplaires, retenons ce chiffre. Les mises en place, c’est très variable. Ça va de 1500 ou 2000 à 6000 quand c’est un livre dans lequel on croit et qu’on est sûr qu’il y a un public, on peut monter facilement à 6000 exemplaires de mise en place, posés dans les librairies. Évidemment, quand on sort un Reeves, quelqu’un comme ça, on fait des tirages assez conséquents, parce que ça coûte très cher de faire des petits tirages et de retirer tout le temps. Ça, c’est un calcul qui dépend de la notoriété de l’auteur, il y a beaucoup d’éléments qui interviennent. Vous avez peut-être d’autres chiffres, vous ?

Martine Lemonnier : C’est exactement la même chose.

Nicolas Witkowski : Autour de 5000 c’est un succès. Oui, il est vrai qu’une multiplication des collections et des éditeurs de vulgarisation au cours des 20 dernières années, par exemple le nombre de collections de poche a explosé, il n’y en avait presque pas il y a 30 ans, aujourd’hui, tous les éditeurs ont leurs poches, ou presque. Ça, ça a beaucoup changé la donne. Les livres qu’on tirait à 10000, quand moi je suis arrivé au Seuil, on tirait pratiquement tous les poches à 10000, aujourd’hui, quand on tire un poche à 5000 c’est qu’on est à peu près sûr. Donc, il faut bien avoir conscience de ça, aussi. Les tirages sont en voie de réduction, mais il y a tout de même quelque chose de très encourageant, de très positif pour nous, c’est que quand on regarde de près, ce que représente l’édition de vulgarisation, dans le total de l’édition en France, on s’aperçoit que cette part là est très stable. Malgré la multiplication des éditeurs, malgré les crises, on dit toujours, il y a une crise de la science, les gens ont peur de la science, ils n’achètent plus de livre là-dessus, en réalité ce n’est pas vrai. Il y a toujours la même curiosité chez les gens, la difficulté est de la satisfaire. C’est pour ça que je répondais, tout l’heure, à : « Pourquoi vous n’aimez pas la vulgarisation ? Pourquoi vous n’aimez pas ce mot-là ? » Je n’aime pas ce mot-là, parce qu’il représente un schéma très hiérarchisé avec ceux qui savent et ceux qui ne savent pas et pour qui il faudrait vulgariser, entre guillemets. Moi, je suis persuadé que les gens savent énormément de choses. Il ne faut pas vulgariser, il faut tout simplement leur parler le langage qu’ils comprennent. Et ça, ce n’est pas facile. Ça demande des expérimentations, c’était justement l’objet de ce dictionnaire, d’aller dans toutes les directions et d’expérimenter des façons de vulgariser différentes, pour voir si les gens comprenaient et s’y retrouvaient. Donc, c’est pour ça que je n’aime pas ce mot-là.

Valérie Chansigaud : J’aimerais revenir sur cette idée du 3e homme que vous évoquez, le vulgarisateur. C’est assez drôle, quand je suis arrivée sur Paris, en 93, on s’était rencontré et on avait eu une discussion exactement sur le même sujet. Je vous avais déjà dit, à l’époque, que je n’étais pas d’accord avec vous. Parce que c’est partiellement vrai, et historiquement, que partiellement vrai. Si l’on reprend le premier âge d’or de l’édition scientifique, autour des années 1870, il y a également toute une série de passeurs de connaissances qui n’appartiennent pas au monde, je dirais, intermédiaires entre, mais il y a également ceux qui pratiquent des sciences et des techniques, par exemple, l’arrivée de l’électricité, ou d’autres technologies ont été le fait d’amateurs. La figure du 3e homme ne tient pas dans ce cadre-là. A chaque fois on retrouve une stratigraphie beaucoup plus compliquée en fonction des disciplines, des ensembles considérés. Le rôle des amateurs en histoire naturelle, par exemple, est considérable et ne correspond pas du tout à ce schéma-là. Par contre ce schéma fonctionne tout à fait en physique, qui souvent donne le « la » dans l’analyse des sciences, mais pas du tout dans d’autres domaines scientifiques.

Nicolas Witkowski : Je suis sûr qu’on pourrait avoir la même discussion qu’il y a 13 ans, avec des arguments excellents de chaque côté, ce qui prouve que c’est un débat utile et intéressant. Effectivement, l’importance des amateurs, dans le champ scientifique, est tout à fait prépondérante, mais la figure du vulgarisateur est discutable et l’a toujours été d’une certaine façon. C’est vrai que c’est toujours des marginaux qui ont vulgarisé la science, des gens qui n’étaient pas chez eux dans le milieu scientifique, et qui étaient un peu plus que des lecteurs moyens. C’étaient des vrais amateurs, au sens de celui qui aime. C’est ça. Et je crois que pour faire de la bonne vulgarisation, il faut vraiment aimer ça, je crois que c’est le seul critère. Si j’ai une dent contre cette figure du 3e homme c’est qu’elle a tendance à polariser les débats. On en arrive à la télévision le plus souvent, à des vulgarisateurs et comme ils ont signé avec la chaîne, 20 ans après vous avez le même. S’il n’est pas extrêmement brillant, que vous ne l’aimez pas beaucoup, tant pis pour vous, d’une certaine façon. Pourquoi est-ce qu’on aurait besoin d’intercesseurs comme ça ? Moi, c’est une chose que j’ai du mal à digérer. Et c’est une chose qui n’est pas très nette non plus. Quand on regarde le succès, on parlait d’Hubert Reeves tout à l’heure, on pourrait mentionner Stephen Hawking, je ne sais pas si c’est un auteur Dunod, il est un peu Odile Jacob, si on regarde le succès d’Une brève histoire du temps, moi, j’aime bien l’astrophysique, c’est un champ que je suis depuis longtemps, au chapitre 2 d’Une brève histoire du temps, j’étais perdu. C’est un livre extrêmement difficile qui a été vendu à des millions d’exemplaires, ce qui veut dire un truc très simple : personne ne l’a lu et personne ne l’a compris. Ça, ça fait un petit peu réfléchir. On se dit : « Qu’est-ce que les gens vont chercher dans la vulgarisation ? » La grande réponse, à mon sens, je ne sais pas si vous me suivrez là-dessus, c’est que dans la vulgarisation de la science ils viennent chercher du rêve, ils viennent chercher une part de rêve, quelque chose qui excite l’imagination, qui fasse un peu bouger leur curiosité. A mon avis, c’est ça que leur apporte la science, ils ne viennent pas chercher des réponses, ils ne viennent pas acheter un livre pour qu’on leur explique ce qu’est le réchauffement climatique, est-ce que c’est 0,1° ou 0,2°, ça, ils s’en moquent éperdument. Ce qu’ils veulent avoir, c’est les grandes lignes de raisonnement, les grands principes. Je crois que c’est ça la vulgarisation. Vous savez, il y a ce conte allemand où il y a un gamin qui passe devant un marchand de crêpes, quelque chose à l’odeur délicieuse. Il renifle et le marchand lui dit : « Arrête de renifler mes crêpes, tu n’as pas le droit de faire ça, tu n’a qu’à les acheter, si tu les trouve bonnes. » L’autre sort une pièce et la fait sonner sur le comptoir et lui dit : « Moi, j’ai eu l’odeur, toi tu as le son de mon argent. » La vulgarisation c’est un petit peu ça. C’est un peu un jeu de dupes, j’irais jusque là, entre quelqu’un qui va exciter l’imagination d’un lecteur et un lecteur qui tout d’un coup va se trouver d’une certaine façon comblé, même s’il n’a pas la connaissance, parce que la connaissance s’il la veut il faut qu’il s’inscrive en faculté et qu’il travaille comme un fou, avec un stylo, du papier, qu’il réécrive les équations et qu’il comprenne les choses. La vulgarisation ne propose pas ça, elle dit : « Attendez, pas de crayon, pas de papier, moi, je vais vous instiller de grands principes qui vont vous faire réfléchir, satisfaire votre curiosité. Mais ce n’est pas satisfaire au sens, tu veux savoir ce que c’est la physique quantique, tiens voilà, c’est ça. » Ça, évidemment c’est totalement risible. Demandez à un étudiant en physique, qui a passé 8 ans de sa vie à réfléchir sur la physique quantique, qui n’a pas encore compris, il va vous dire : « C’est de la rigolade. » En revanche, ce qu’on peut faire, c’est transmettre les grandes idées de ce domaine et ça, tout le monde peut les comprendre. Il n’y a pas besoin d’avoir fait Polytechnique, comme on dit. Je crois que la vulgarisation en elle-même, s’il fallait trouver une catégorie pour ça, ça serait assez difficile, parce que ce n’est pas de la transmission de connaissance, c’est de la transmission de soif de connaissance. C’est très différent.

Laurence Toulorge : Il y a un dispositif qu’on utilise en bibliothèque pour s’aider à constituer des fonds en science et technique, c’est ce que fait le Syndicat national de l’édition, Science pour tous, qui est à la fois un site Internet et un ouvrage papier. Je voulais savoir si vous contribuiez ? A quel titre ? Et ce que vous pensez de cette démarche ?

Martine Lemonnier : Dunod a été parmi les instigateurs. C’était Sophie Bancquart du Pommier qui avait lancé cette idée, Dunod a tout de suite rebondi dessus puis d’autres éditeurs s’y sont joints. Nous avons participé à la première édition de cette base de données. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite parce que chez nous c’est le service communication qui s’en est occupé. Je ne sais pas si nous avons participé aux éditions ultérieures, mais je pense que c’est une base de données extrêmement précieuse, qui donne un bon panorama et pour un bibliothécaire, il n’y a pas d’outil plus utile que ça pour monter un secteur science dans sa bibliothèque. Mais il faut s’assurer que c’est à jour parce que c’est vrai que ça va très, très vite.

Nicolas Witkowski : C’est Florence Valendin (?), qui chez vous, Dunod, a été très active là-dessus. Nous-mêmes participons régulièrement aux réunions du Syndicat national de l’édition. Science pour tous est un groupe qui a été fondé pour de très bonnes raisons, faire de la publicité pour la littérature de vulgarisation, et qui a fait, à mon avis, une très bonne chose, c’est ce catalogue, que vous avez tous j’espère, parce que c’est un effort qui a été fait. Nous-mêmes on a désherbé nos rayons pour faire ce catalogue. Je ne vous cache pas que la science c’est un bien de consommation périssable. Il y a des livres qui ont été écrits il y a 40 ans et qui aujourd’hui sont illisibles parce que les critères ont complètement changé dans ce domaine-là. Donc, chez les éditeurs, vous trouvez aussi des choses très anciennes. D’ailleurs, je suis un peu effondré, en arrivant j’ai fait un tour à la librairie, à l’entrée de la Cité. J’ai vu Collection scientifique, j’ai regardé, il y avait notre collection Points Sciences avec des livres dont la moyenne d’âge étaient de 30 ans. Je leur dirai un mot parce que ces livres, par exemple, on ne les a pas mis dans le catalogue Science pour tous en se disant : c’est un peu vieux et qu’il faudrait les refaire. Il devrait mettre une date de péremption, j’exagère un peu parce qu’il y en a qui tiennent très bien la route. Vous savez, les livres de Galilée, depuis 1610, ils n’ont pas bougé. Ils sont encore sur les rayons. Nous, on les recommande à tout le monde, voilà de la vraie littérature scientifique. Le XVIIe siècle est une époque où l’on ne racontait pas de bobards, et Galilée est lisible par tout le monde. Moi, je le faisais lire, en seconde, par mes classes de physique de lycée avec des résultats souvent stupéfiants, les gamins se prenaient au jeu et reprenaient les raisonnements de Galilée, etc. C’était épatant de voir comment 4 siècles après, ça marche encore, quand c’est bien fait. Si au bout de 10 ans ça ne marche plus, c’est qu’il y a un problème quelque part. Il y aussi le fait que la science évolue très, très vite. Si vous prenez des secteurs comme la génétique, par exemple, beaucoup de ce qui a été écrit il y a 10 ans, aujourd’hui fait rire. Donc, attention il y a des secteurs qui évoluent très vite et où il faut se maintenir à la pointe. Pour d’autres secteurs c’est beaucoup plus lent. Si vous vous mettez par exemple dans le domaine des sciences de la terre, depuis les années 50-60, et la théorie de la dérive des continents, il ne s’est pas passé grand-chose, où alors on ne s’est pas rendu compte que les continents freinaient et tout d’un coup se mettaient à accélérer. On a à peu près cartographié leurs mouvements, on sait en gros comment les séismes et les volcans marchent, là, ça a peu bougé. En revanche pour d’autres secteurs ça bouge très vite. Les mathématiques, les grandes conjonctures, Poincaré, Fermat, etc., qui ont été démontrées récemment, un livre de mathématiques d’il y a 10 ans va vous dire, il reste le grand mystère de la conjoncture de Poincaré. Il faut savoir que ça évolue rapidement. Pour faire ce catalogue, on a, nous-mêmes, enlevé de nos rayons, tout ce qu’on jugeait, pas seulement, un peu dépassé mais qui ne bouge pas. On voit bien les livres qui se vendent et ceux qui ne se vendent pas. On a les chiffres tous les jours. On n’a laissé que ce qui était vivant dans nos catalogues, c’était le but. Il y a un truc sur lequel je me suis un peu accroché avec Sophie Bancquart et vos collègues, c’est sur la classification. Ils ont repris la classification de Dewey, qui selon moi est un non sens pour ce qu’on veut faire. Nous on dit : c’est des sciences pour tous, pourquoi va-ton dire que ça, ça s’appelle science de la terre, ça, c’est génétique machin... Dans généralités, on se retrouvait avec des collections énormes et dans sciences de la terre, dérive des continents, il y avait un livre. Ça, ce n’est pas sérieux. On pourrait faire de grandes catégories comme la vie, la terre,... des catégories que les gens ont dans la tête, qu’est-ce qu’on va chercher Dewey, B 488, je pense que ça a certainement des avantages pour vous, bibliothécaires, mais du point de vue du lecteur qui arrive en bibliothèque, je vous assure ça n’a que des désavantages. Il se dit : « Quelle horreur ! Comment, moi, je peux utiliser, ce truc là ? » On était quelques uns à militer pour ça, et je ne sais plus qui a fait pression pour dire : « C’est hors de question qu’on sorte de la classification de Dewey. » On a dit bon, mais on les trouvait vraiment obtus et rigides. On leur a dit : « Si c’est vous qui payez, allez-y, mais nous on a émis un avis contraire. » Donc, je crois que ce catalogue est encore perfectible. Moi, je crois qu’il est sous forme papier bien préférable au site, parce que le site devait être mis à jour régulièrement, moi, je le trouve difficilement utilisable. La forme papier me semble plus commode, mais ça, c’est une opinion personnelle. Donc, je milite pour qu’il y ait une deuxième édition papier, mise à jour. Cela dit, sachez que pour nous éditeurs, pour chaque titre qui paraît dans le catalogue on paye. Donc, pour nous c’est un effort de le garder à jour. Je ne sais pas si tous les éditeurs y arriveront. Nous au Seuil on y arrive, Dunod y arrive, mais est-ce que les petits éditeurs y arrivent, je ne pense pas. Ce catalogue n’est pas exhaustif, mais c’est une bonne base, il y a de quoi se faire une base en science, autour de la science, très intéressante. Tous les bons livres sont là. C’est difficile de dire ce qu’est un bon livre mais tous les livres utiles en bibliothèques y sont, disons.

Question 4 : Est-ce qu’il y a des domaines qui ne sont pas couverts parce que vous n’avez pas trouvé la personne qui soit conteur et en même temps scientifique ?

Martine Lemonnier : Oui. Je dirais heureusement, autrement notre travail serait triste si tous les domaines étaient couverts et tous les auteurs repérés. Dans la mesure où la science évolue, comme disait Nicolas Witkowski, quand même tous les jours. Il y a des renouvellements qui se font, de nouveaux sujets qui émergent et donc de nouveaux auteurs à aller chercher. Je n’ai peut-être pas d’exemples précis à vous donner là, j’en ai un ou deux mais que je ne vais pas dévoiler, ils ne sont pas encore sous contrat, mais il y a perpétuellement de nouvelles choses. Nicolas parlait tout à l’heure de la conjoncture de Poincaré, c’est justement un sujet qui a été très chaud l’année dernière, pour laquelle on a cherché très vite un ouvrage. C’est un des exemples où il n’y avait pas de besoin au mois de juillet puis tout d’un coup au mois d’août il y a eu la Médaille Fields et là on s’est aperçu qu’il fallait faire quelque chose.

Nicolas Witkowski : Oui, je crois aussi qu’une bonne part de notre boulot c’est de trouver de jeunes auteurs. Heureusement, dans la jeune génération de chercheurs, - beaucoup de nos auteurs viennent de ce milieu -, il y en a beaucoup qui sont persuadés qu’il faut vulgariser. Ce qui n’était pas le cas dans la génération précédente. Je vous rappelle qu’au CNRS, par exemple, les travaux de vulgarisation ne sont toujours pas reconnus. Je dirais même plus, c’est que dans les commissions où l’on vous juge, où l’on juge vos travaux, on va jusqu’à dire : dites donc, vous, vous faites beaucoup de vulgarisation, vous ne passez pas beaucoup de temps au laboratoire. Malgré toutes les injonctions ministérielles qui disent : « vulgarisez, vulgarisez, etc. » Des vrais vulgarisateurs il y en a très peu. C’est des gens qui ne peuvent pas faire autrement, ils ont ça dans la peau. Mais pour répondre à votre question, est-ce qu’il y a encore des domaines où l’on n’a pas trouvé le bon conteur ? La réponse est oui. Mais encore une fois, c’est quoi le bon conteur ? C’est quelqu’un qui devient un peu l’emblème d’une discipline. En tout cas, ça se passe comme ça en vulgarisation. Regardez le brave commandant Cousteau, qui a longtemps représenté toutes les sciences liées à l’océan, Hubert Reeves qui représente tout ce qui est astro, ce sont d’une certaine façon des arbres qui cachent la forêt. Derrière Hubert, il y a plein d’excellents vulgarisateurs d’astronomie mais pour nous c’est un risque de les publier parce qu’on se dit : « à combien on va tirer ? Il faut faire attention, il n’est pas connu. Est-ce qu’il va bien passer à la télé ? Est-ce ceci ? Est-ce cela ? » On se pose des questions, alors que seule la qualité d’écriture est déterminante finalement. J’ai cité Cousteau, j’ai cité Reeves, regardez Haroun Tazieff, qui a merveilleusement parlé pour les sciences de la terre. Vous allez me dire qu’il n’y a pas beaucoup de femmes là-dedans et vous aurez raison, figurez-vous qu’en France, on sait bien comment sont les Français, mâles j’entends. En France la femme n’est pas considérée comme faisant partie du milieu scientifique. J’ai eu l’occasion d’écrire un livre là-dessus pour essayer d’examiner cette grave question. Pourquoi en Angleterre et aux Etats-Unis, elle peut l’être ? Exemple, des filles comme Jane Goodall et toutes ces américaines qui ont été travailler chez les chimpanzés, les bonobos et les babouins, elles, elles sont devenues emblématiques d’un domaine de recherche. On les appelle les femmes des singes, aux Etats-Unis, finalement le comportement anglo-saxon est peut-être plus macho que celui du Français moyen. Pour vous dire que le bon conteur, ou la bonne conteuse, on l’attend toujours, ça ne se fabrique pas. Par exemple, vous avez des gens comme Yves Coppens, qui est un merveilleux conteur. Quand il se met à parler on écoute, mais ça n’a pas vraiment pris. Il a failli l’être avec Lucie, ça a failli être Monsieur Lucie. C’est devenu à peu Monsieur Lucie mais ça n’a pas eu l’impact d’un Reeves, d’un Tazieff, d’un Cousteau. C’est un peu imprévisible tout ça. Regardez la génétique, il y a toujours Axel Kahn, on le voit partout, on l’entend partout, c’est un merveilleux conteur, mais je ne sais pas pourquoi il n’y a pas une femme qui pourrait, par exemple, devenir Madame génétique. Je ne sais pas, ça va peut-être venir, on l’attend. Il y a 1000 autres domaines, je ne sais pas la physique des solides, la physique des particules, pourquoi est-ce qu’on n’a pas une femme qui vient nous raconter ce que c’est le boson de HIGZ, la super symétrie et les ondes gravitationnelles ? Ça serait merveilleux quand même.

Taos Aït Si Slimane : Vous avez parlé de la vulgarisation mais pas de médiation. Quand on parle des vulgarisateurs, on les voit souvent comme des acteurs passifs, des vecteurs de transmission de savoirs des producteurs de connaissances aux consommateurs du savoir, au mieux de bons narrateurs. Prenons l’exemple du média livre. Il n’y a pas qu’une histoire de femme, ou d’homme. Un livre de science n’est pas neutre. Il véhicule des partis pris, une ligne éditoriale et donc une idéologique. Les médiateurs, auteurs, libraires, éditeurs, bibliothécaires, critiques, télé et divers autres médias, favorisent la circulation d’un type de discours. En France, en Europe et ailleurs, en France peut être encore plus, on est globalement scientiste. Et quand il y a quelqu’un qui porte un autre type de discours, combien même il serait un merveilleux conteur, s’il n’est pas dans la ligne dominante, on ne le laisse pas prendre la parole. C’est souvent les mêmes qui parlent aux mêmes des mêmes choses. On en arrive à une certaine saturation. Que ça soit en astro, ou dans d’autres domaines, on pourrait privilégier d’autres angles de visions, de lectures, d’autres analyses. Tout à l’heure vous réagissiez, à juste titre à mon avis, contre le carcan de la classification Dewey, pour parler des sciences, mais vous-même parlez depuis tout à l’heure presque exclusivement des sciences dures sans prendre en compte les sciences humaines, la transdisciplinarité. Quand vous écoutez un Jean-Pierre Vernant, excellent conteur, vous apprenez, vous comprenez et vous avancez. La science n’est pas que la résolution des équations, c’est l’intelligibilité du monde qui nous entoure, la compréhension de sa complexité et les interactions des enjeux mis en perspective à travers la résolution quelquefois de certains problèmes techniques.

Nicolas Witkowski : En vous répondant, je me demande si je ne vais pas résoudre notre vieux problème, qui a 13 ans d’ancienneté, notre vénérable question du 3e homme. Finalement, je n’ai rien contre les 3e hommes. Je les trouve sympas, drôles,… Je suis un peu excédé, comme madame, quand je les vois 15 fois à la télé, je me dis : quand même il pourrait faire un effort pour aller chercher d’autres. Mais finalement ils tiennent le même raisonnement que nous. Je publie Hubert Reeves, je suis sûr de vendre. Pourquoi je vais chercher un petit jeune ? Ça va me prendre du temps, ça va être difficile, le résultat n’est pas assuré. C’est des raisonnements de confort, qui sont tout à fait haïssables d’ailleurs. Je n’ai rien contre le 3e homme, à condition que ce 3e homme fasse preuve de création. La vulgarisation pour moi est une œuvre de création. Si vous n’apportez rien dans votre explication, dans votre façon de présenter les choses etc., vous êtes tout simplement un passeur, un transmetteur de savoir, on peut vous remplacer par une machine, c’est ce que fait très bien Google, Wikipédia et tout ce machins là, clac, il n’y a personne derrière, vous avez une connaissance qui passe. On ne sait pas trop quelle connaissance, en tout cas il lui manque le plus souvent le plus, qui justement change tout, et qui déclenche de petites étincelles dans les esprits. Je vais vous donner un exemple encore personnel. J’ai fait des études de physique. C’est assez long les études de physique. J’ai fait de la physique pendant 25 ans en tant qu’enseignant. Vous savez que quand on enseigne ça force à revenir sur les principes initiaux. Tous les matins quand on se lève on dit : « quand même, le principe de l’inertie est-ce que je suis bien sûr qu’il marche etc. » On se pose des questions comme ça. Eh bien, je me souviens qu’à 48 ans j’ai compris ce que voulais dire le second principe de la thermodynamique en lisant un livre de vulgarisation d’un dénommé Peter Atkins, un Anglais. A la fac, j’ai rempli des pages d’équations sur la thermodynamique avec transfert de chaleur, machin, etc. j’avais l’impression de comprendre parce que ça marchait, j’arrivais au bon résultat. Je n’avais rien compris en réalité. La vraie compréhension, l’étincelle qui a fait tilt, et qui m’a dit : « eh bien mon vieux, tu as compris la thermodynamique », je l’ai eu à 48 ans, - vous voyez, il ne faut pas être pressé dans ce genre de truc- je l’ai eu grâce à un vulgarisateur, un 3e homme qui a trouvé les mots qui ont expliqué les choses simplement. Ces mots étaient très simples, vous savez le deuxième principe c’est le problème d’énergie, d’entropie, de choses très compliquées, et lui avait une phrase très simple : « ça ne fait pas le même effet d’éternuer dans une cathédrale au moment de l’élévation et d’éternuer place de la Concorde à 6 h du soir. » Et tout d’un coup je me suis dit : « mais c’est ça, c’est la comparaison de deux énergies différentes. Quand on émet une certaine énergie dans un milieu très bruité, très énergétique déjà, ça n’a pas le même effet que quand on émet de l’énergie dans un milieu totalement silencieux. » Eh bien voilà, j’avais compris ce qu’il y avait au fond de ce principe là, mais il m’aura fallu un temps fou. Donc, si vous voulez, je n’ai rien contre le 3e homme, à condition qu’il ait des éclairs de génie, de génie vulgarisateur, que ça soit un vrai Flammarion, ou un vrai Figuier. Louis Figuier était un type absolument extraordinaire. Il faudrait le réhabiliter complètement. Je ne sais pas comment répondre autrement à votre question, mais on est tous à la recherche du merveilleux conteur.

Taos Aït Si Slimane : Il y a également une chose dont vous avez parlé, sur laquelle j’aimerais revenir. Parmi les merveilleux conteurs concernant les sciences de la terre -j’ai une formation de géologue- vous avez cité Haroun Tazieff et dit qu’il était le meilleur vulgarisateur, j’ai du mal à l’accepter. Maurice et Katia Krafft sans doute pour le volcanisme mais Tazieff pour ce qui est de la qualité du discours, il y a matière à débat. Je pense que vous êtes extrêmement fin peut-être sur la physique qui est votre partie, mais ce sont des champs complexes, divers et variés que ceux que labourent la science. Et là, encore, on a l’impression que c’est là l’audimat qui gouverne, l’argument de la force de vente ne peut pas suffire. Il manque, à mon avis, quelque chose de fondamental pour les livres de science et tous les médias qui traitent du sujet, c’est la critique. Ce serait, pour moi, ça le 3e homme. Une voix qui analyse, décrypte, critique, bouscule le discours sur la science. Les arts, la littérature, les spectacles vivants,… bénéficient de cet outil qui manque, sans nul doute, à la culture scientifique même si dans la critique il y a bien évidemment à boire et à manger. Il manque cette figure, cette scène particulière que serait celle de la critique. Elle n’existe malheureusement pas. Autre point sur lequel j’aimerais réagir, celui relatif aux femmes et hommes qui passeraient bien à la télé. Hubert Reeves ne me fait personnellement pas fantasmer pourtant les médias se l’arrachent. Pour les hommes le diktat de la norme esthétique dominante semble secondaire. Pour les femmes, il y en a une sur laquelle les médias ont misé, c’est Claudie Haigneré. C’est une belle femme et son domaine d’activité, l’espace, faisait rêver. Ici même, à la Cité des sciences, quand nous l’avons fait intervenir, une salle de plus de 900 places était pleine pour tout une après-midi. Prenons l’exemple maintenant d’une autre femme magnifique, généreuse, qui a une rigoureuse et excellente maîtrise de son champ de compétence, Françoise Héritier. On ne la voit pas beaucoup. Elle n’est peut-être pas très bonne oratrice, elle a tendance à lire son texte lors de conférence, mais ce qu’elle lit, est savamment pesé et mérite concentration et méditation. Il me semble donc important de dire ici que si la télé a ses normes et contraintes, les éditeurs devraient échapper au poids des normes et contraintes forts critiquables. Un défaut de locution, par exemple, ou d’autres critères superficiels et stupides qu’on tente de nous imposer n’ont aucune pertinence quant à la valeur de la production scientifique. A ce propos, j’aimerais entendre le point de vue de Madame l’éditrice ?

Martine Lemonnier : Avant de répondre à cette question, je voulais juste dire que ce que vous avez dit, Nicolas, à propos de Peter Atkins, ce n’est peut-être pas le bouquin que vous avez mentionné, mais ça me fait très plaisir parce qu’Atkins est un auteur de la collection Quai de science. Je voulais quand même parler de ce livre qui s’appelle Le doigt de Galilée, 10 grandes idées pour comprendre la science. Effectivement, il y a 10 grandes idées, à chaque fois très simple, -je ne sais pas ce qu’il a pris pour le 2e principe de la thermodynamique- mais ça permet d’avoir un survol de toutes les sciences d’une façon très intuitive et très synthétique. Et cet ouvrage là -je disais tout à l’heure que certains ouvrages sont recommandés par les enseignants- qui est très cher, 35 euros, est un de nos best-sellers de la collection, parce qu’il est très utilisé par les enseignants et très utilisés par les étudiants.

Nicolas Witkowski : Je vais vous citer un excellent livre de Peter Atkins, aux éditions du Seuil, qui s’appelle Comment créer le monde, qui est un livre très poétique et très drôle sur comment créer le monde à partir de particules élémentaires. Vous prenez un proton et un neutron, vous mettez des électrons autour etc., une sorte d’humour anglais très poussé. On a vendu 200 exemplaires du livre, ça a été une véritable catastrophe, puis Peter Atkins a été publié ailleurs dont celui sur le deuxième principe. Peter Atkins est vraiment très intéressant.

Martine Lemonnier : Oui, Atkins est un grand vulgarisateur, nous avons publié un autre livre qui s’appelle Le parfum de la fraise, c’est un livre de chimie - il est chimiste - qui prend les différentes molécules et qui montre en rajoutant, ou en enlevant un électron, comment on peut passer d’une odeur très agréable à une odeur pestilentielle. C’est une espèce de catalogue tout en couleur des molécules que l’on rencontre dans la nature. Et c’est aussi un de nos best-sellers. Pour répondre à la question des femmes, je crois que ça dépasse un peu la question homme-femme. Cette histoire de la dictature des médias, je parle sous le contrôle de mon confrère, c’est très difficile d’y échapper parce que quand on présente un de nos projets en comité d’édition, ensuite quand on en parle à l’attachée de presse, les premières questions sont : « Est-ce qu’il ou elle est français ? Est-ce qu’il passe bien à l’oral ? Est-ce qu’il est médiatique ? Est-ce qu’il a un réseau ? » Donc, tout notre travail notamment avec cette collection Quai des sciences, a été d’essayer d’imposer des traductions, puisque nos premiers ouvrages, pour amorcer le début de la collection, étaient des traductions. On a eu constamment ce problème. « Ah ! il n’est pas français. » Les journalistes, - il n’y en a pas dans la salle - sont extrêmement paresseux. S’il s’agit de rédiger des questions en anglais, d’organiser une interview par E-mail, une téléconférence, de passer un coup de fil le soir parce qu’il y a un décalage horaire, ça ne les intéresse pas. Il leur faut un auteur français, devant eux, de préférence beau gosse, de préférence avec un réseau important. C’est très difficile d’échapper. Résister, ça veut dire qu’on ne parle pas de vos livres et vous ne les vendez pas. Comme on a tous ces impératifs de rentabilité assez strict - je suis dans le groupe Hachette - ça va un moment puis on nous dit : « Vos ouvrages sont excellents, mais on aimerait que vous les vendiez. »

Nicolas Witkowski : Il y a tout de même des façons de résister. Nous, on s’en rend compte surtout du côté de la télévision. La radio, généralement ça ne pose pas de problème. Avec nos livres on touche les journalistes de radio qu’on veut toucher, eux sont très contents parce que ça leur fait une chronique, ou une émission sans difficultés et généralement intéressante. Mais en télévision on est très souvent invité dans des lieux où l’on se permet de ne pas aller par exemple. Il y a plein d’émissions de télévision où je refuse d’aller et je dis à mes auteurs : à tes risques et périls. Tu sais à quoi t’attendre, tu vas te faire charrier, te faire ridiculiser, il y aura le bouffon de service qui va te sortir je ne sais quoi de très déstabilisant, etc. Tu n’es pas obligé d’y aller. Si tu veux vraiment vendre tes livres vas-y, mais je ne te garantis pas en plus que ça va avoir un impact. Puis à d’autres moments, ça peut bien se passer. Il ne faut pas être parano non plus. Je me souviens d’un auteur qui nous a fait un livre, Le plein s’il vous plait, Jancovici, qui est très en pointe sur le Grenelle de l’environnement en ce moment parce qu’il a des solutions techniques, pour le réchauffement climatique, vraiment précises et concrètes, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce domaine-là. Jancovici va chez Ruquier, l’année dernière. On s’est dit : « Aïe ! aïe ! aïe ! Ruquier n’a sûrement pas lu le bouquin, en plus c’est un sujet un peu compliqué, qu’est-ce qui va se passer ? » Eh bien ça c’est merveilleusement bien passé. Il s’est fait charrier en direct par cette fille, tellement drôle, qui s’appelle Florence Foresti, qui a fait un sketch sur le réchauffement climatique qui était à hurler de rire. Du coup, ça a énormément servi le bouquin, qui a été propulsé parce que tout le monde s’est dit : « ça a l’air très, très compréhensible ce truc-là. » Il y a eu plein de ventes générées par cette émission-là. Donc, il ne faut pas s’interdire des choses. En revanche, on peut refuser des trucs, on dit : « Moi, machin, ce n’est pas ma tasse de thé, je n’y vais pas. »

Taos Aït Si Slimane : N’est-il pas possible de les amener à prendre des risques, à faire de nouvelles découvertes ?

Nicolas Witkowski : Ça, on le fait, mais des questions de persuasion du service de presse. C’est le service de presse qui va persuader le journaliste qui s’occupe de l’émission de dire : « écoute, on a quelqu’un d’épatant, il est drôle, il passe bien etc. » Et quand quelqu’un passe bien, entre guillemets, ça se sait assez vite. Parce que mine de rien, les télés sont à la recherche de bons clients. C’est-à-dire des gens qui sont un peu stupéfiants, qui font rire… Eux aussi sont acheteurs. Mais encore faut-il les trouver. L’auteur avec qui je travaille en ce moment a la maladie de Parkinson, évidemment quand le service de presse va me dire est-ce qu’on va l’envoyer à telle émission, je dirais : « écoute, oui, si tu veux mais ce type-là, s’il ne vient pas de prendre son cachet, il va se mettre à trembler, mais il est merveilleux. » Qu’est-ce que vous voulez dire à ce genre de truc. Vous n’êtes pas maître du jeu-là.

Question 5 : Inaudible, malheureusement.

Nicolas Witkowski : Là, il y a quand même un problème qui n’est pas spécifiquement scientifique. Le problème des médias est beaucoup plus vaste et nous sommes assez peu concernés. Je ne sais pas ce qu’il en est de vos livres, mais quand on a un auteur qui passe à la télé, c’est champagne aussi. Ca arrive 2 ou 3 fois par an. J’exagère, mais c’est moins de 10 fois par an. Donc, pour nous, la télé, ça n’existe pas. Ils ne s’intéressent absolument pas aux sciences. Ils font un truc scientifique tous les ans, un grand baroud alibi, mais le reste du temps, ils se gardent bien d’en parler sachant que l’audimat va protester. Moi-même j’ai fait passer de la science à « Envoyé spécial », dans les années 93, je vous garantis qu’à chaque fois on nous a opposé l’audimat. Pourtant, on avait mis des gens marrants, Hervé This, par exemple, avait fait sa première télé dans « Envoyé spécial », on l’avait mis avec Maïté. Il y avait Maïté qui faisait, je ne sais plus, une pièce de bœuf au vin, et Hervé This derrière : « alors-là, quand même, je voudrais intervenir, savez-vous qu’il y a une réaction de Mailard qui est en train de se produire » et Maïté, qui faisait sa cuisine tranquille : « oh ! vous le chimiste, ça suffit. » etc. Il y avait une vraie mise-en-scène et ça marchait bien. Ça durait 15-20 mn. Le lendemain, le producteur est venu nous voir et nous a dit : « vous avez vu ? Ça n’a pas fait beaucoup d’audience.  » Pourtant c’était génial, épatant comme truc. On avait aussi pris, autre exemple de vulgarisation amusante, un feuilleton génial qui s’appelle, « Amour, gloire et beauté », vous avez peut-être vu ça. Vous avez des filles très chics, des mecs très beaux qui s’ennuient à 100 sous de l’heure toute la journée, ils sont très riches, ils ne savent pas quoi faire, ils jouent au Golf, etc. Nous, on avait fait, « Amour, gloire et hormone ». On avait pris un neurobiologiste, -il y avait encore Beaulieu, tiens !- et Cyrulnik. Ils avaient choisi des séquences d’« Amour, gloire et beauté » et ils les commentaient devant la séquence, ce qui était vraiment marrant. Je me souviens d’une fille qui mettait le doigt dans un gâteau au chocolat, ce qui laissait complètement froid son collègue et il y avait, je crois Cyrulnik, qui disait : « vous voyez, cette jeune fille est en train de susciter un désir amoureux, chez ce jeune homme. » Le commentaire scientifique, dans ces situations-là, est à hurler de rire. Au moins là, c’est sympathique, on se dit : là, la science est quand même coincée.

Martine Lemonnier : Ça devait être, je crois, « Archimède », c’était pas mal et en plus ils donnaient une bibliographie à la fin. C’était de la vulgarisation abordable…

Question 6 : Je vais peut-être sortir du sujet ou l’élargir. Je travaille en bibliothèque universitaire et c’est vrai qu’il y a le problème que vous aviez dit, les universitaires qui font la science maintenant, d’aujourd’hui, les grands que l’on connaît à la télé ils ont fait la science d’il y a 30 ans puis ils capitalisent sur leur image pour en vivre pendant 20 ans, je caricature. Les chercheurs et les enseignants d’aujourd’hui n’ont aucune incitation à écrire et à faire passer ce qu’ils font, auprès de leurs élèves et du grand public. Est-ce que vous, vous avez un moyen d’alerter, de lutter contre ? Ou, faites-vous avec ?

Martine Lemonnier : La réponse est : on fait avec, bien entendu. Aux Etats-Unis, par exemple, un enseignant peut prendre une année sabbatique pour écrire un ouvrage, les ouvrages sont comptabilisés dans la carrière de l’enseignant au même titre que les articles. Donc, ils sont motivés et ils écrivent. Peter Atkins, par exemple, dont on parlait tout à l’heure, a fait de magnifiques manuels de chimie pour les bac+1 et bac +2, que certains éditeurs français ont traduit, Dunod à une certaine époque. Mais pour les Français, l’avancement de leur carrière ne relève que de leurs articles de recherche. On considère que l’enseignement, ça aussi est une hérésie, a moins de valeur que la recherche, alors qu’un grand physicien comme Richard Feynman, par exemple, enseignait en 1er année de fac. Pour lui, c’était très important de pouvoir enseigner au premier niveau, là où les élèves arrivaient à l’université, justement pour leur inculquer, inoculer le virus de la science, le virus de la physique. Ses ouvrages, les cours de physique de Feynman, qui sont traduits chez Dunod d’ailleurs, je pense que vous avez du les utiliser beaucoup dans vos études et dans votre enseignement. Ce n’est pas la même culture, en France, on considère, j’espère que ça va changer, que l’enseignement en 1er et 2e c’est pour les assistants, les petits jeunes qui arrivent, pour les maîtres de conférences qui n’ont pas encore fait leurs preuves. Or, c’est dramatique parce que c’est à ce moment-là qu’il faut accrocher les jeunes et leur donner envie de faire des études, -il n’y a pas qu’en science dans les autres disciplines c’est la même chose- de continuer leurs études. Donc, les éditeurs sont obligés de faire avec et ça se traduit par des choses extrêmement concrètes, par exemple, quand on signe un contrat avec un auteur et que la date de remise est prévue, par exemple, pour le 1er septembre, l’auteur est sensé y travailler pendant l’été, si le 1er septembre il n’a pas bouclé son manuscrit, il rentre dans sa nouvelle année universitaire et là, il n’aura absolument plus le temps d’écrire parce qu’il est complètement absorbé par ses tâches de recherche et éventuellement d’enseignement s’il est relativement jeune et toutes les tâches administratives s’il a quelques responsabilités dans son département, donc, nous, ça nous fait perdre un an. Le livre n’est pas la priorité des universitaires.

Taos Aït Si Slimane : Statutairement, il me semble que ce n’est pas le cas. Si l’on prend, par exemple, le cas des chercheurs du Museum national d’histoire naturelle, il me semble qu’ils doivent 30% de leur temps à la recherche, 30% à l’enseignement et 30% pour la diffusion culturelle des savoirs scientifiques. De fait ils ne le font pas et dans les musées qui en relèvent vous aurez affaire à de jeunes, et moins jeunes, parfois éternels vacataires qui assurent l’animation dans les museums. Ce personnel ne peut pas être intégré à l’établissement qu’ils servent car statutairement c’est les enseignants-chercheurs qui devraient remplir les fonctions qu’ils accomplissent. Dans le cas de l’enseignement supérieur et du CNRS, les préconisations des tutelles et je crois aussi statutairement, ils doivent participer à la « diffusion » des savoirs et cela est pris en compte dans leur carrière. Dans les faits, là encore, il y a distorsion entre les discours et les actes. Ce dont souffrent les chercheurs à mon avis c’est le fait qu’ils soient très mal vus au sein de leur propre communauté dès qu’ils participent à la médiation des savoirs scientifiques, dès qu’ils œuvrent en vue de rendre accessible –je préfère ce terme à celui d’animation ou vulgarisation - les connaissances et les enjeux liés à l’activité scientifique. Théoriquement, ils peuvent faire valoir ces activités dans leur évaluation professionnelle, en réalité ils subissent diverses stigmatisations qui entravent leur carrière plus qu’elles ne la valorisent. Autre point qu’il me semble important de signaler, ce type d’actions relèvent en principe et en théorie de leurs missions et doit se faire dans le cadre de leur temps de travail. Ils ne devraient donc pas percevoir à titre personnel des revenus autres que leur salaire, en revanche leur laboratoire, institution ou eux-mêmes peuvent légitiment demander des défraiements aux musées, bibliothèques, écoles ou autres structures qui les sollicitent dans le cadre d’un programme d’activités scientifiques et culturelles. Dans la réalité, on voit se développer quelque chose qui me semble discutable, certains auteurs, leurs réseaux et circuits ont généré un type d’économie de la diffusion culturelle qui n’est ni équitable, ni transparent, ni, me semble-t-il, clean. Parmi les missions professionnelles des enseignants chercheurs, il y a la transmission des connaissances et des savoirs, via les enseignements, les publications et les activités avec le grand public, leurs tutelles doit leur donner les moyens de le faire dans les meilleures conditions, sur leur temps de travail et en toute transparence, de même qu’elle doit se donner les moyens d’évaluer objectivement et de valoriser ces activités. Elle doit également rendre transparente les relations des acteurs de la recherche et de l’éducation avec les établissements culturels pour une circulation équitable des biens communs matériels et immatériels dans la sphère publique. Ce problème économique est rarement abordé publiquement, mais il participe aussi de certaines tensions dans les unités de recherche. Certains auteurs peuvent prétendre, par exemple, que les droits d’auteurs -même s’ils sont dérisoires- et certaines rémunérations de prestations sont indépendantes de leur fonction mais tous les livres, les reportages, les conférences etc. ne sont pas faits uniquement sur le temps libre. Certains délaissent vraiment leurs activités et enseignements pour ces productions et autres expertises rémunérées sans aucune transparence.

Nicolas Witkowski : Le problème a même atteint son paroxysme avec notre commandant Cousteau, dont on parlait tout à l’heure, puisqu’on lui a reproché dans le milieu de l’océanographie française de faire de l’argent sur le dos de la recherche. C’est-à-dire d’être un chercheur lamentable et de faire du fric aux Etats-Unis. On est arrivé à ce truc ridicule où le monde entier disait : « Le commandant Cousteau génial ! » Et les chercheurs français disaient : « Quel Charlot ! » ce qui est quand même extraordinaire. On est arrivé à un point de ridicule que j’espère on ne retrouvera jamais, mais il est vrai que les jeunes chercheurs qui arrivent à faire de la vulgarisation et à consacrer une part de leur temps à ça, ils sont rares et ils sont dans des labos privilégiés où il y a déjà des chercheurs avec l’esprit un peu large. Mais c’est beaucoup plus simple en Angleterre et aux Etats-Unis où quand on examine votre cas, on examine tout le bonhomme. On ne dit pas : Ah ! toi tu es physicien fais voir ce que tu as fait en physique. Ça, c’est très français, les petites cases. En Angleterre, on dit : « Tu es musicien et quoi d’autre ? Musicien, ah ! bon et tu écris des livres, fais voir… » J’espère qu’on va y arriver dans l’enseignement français, qu’on va considérer les gens comme des tout un peu compliqué et pas comme des trucs très simples qu’on met dans des boîtes : « Tu es scientifique, tu vas là. Tu es littéraire, chlack, clack ne bouge pas, non, non au fond à droite, etc., etc. » Ça, c’est des choses dont on retrouve l’impact à ce niveau là, en vulgarisation. Et voilà pourquoi un Atkins, qui est professeur à Oxford, fait ce qu’il veut parce qu’en tant que professeur à Oxford il dit : « écoutez, moi, je consacre 20% de mon temps à l’écriture » On lui dit : « Très bien, Monsieur Atkins, vous ne voulez pas 25% ? » C’est sans problème alors que même un directeur de recherche au CNRS, en France, dirait ça, ça générerait des problèmes redoutables. C’est une question redoutable que vous posez là. C’est sans solution, c’est une évolution des mœurs qui se fera petit à petit, à l’intérieur de l’Europe sans doute à force de côtoyer des universitaires anglais, on va se dire : « Merde, quand même, il faudrait peut-être qu’on se bouge ! »

Laurence Toulorge : On a parlé des différents medias, beaucoup de la télévision, beaucoup de la radio. Il y a quand même un nouveau vecteur de communication et de promotion, c’est le web, c’est l’Internet. J’ai vu que le site de Dunod était très riche puisqu’il y a des présentations d’ouvrages assez détaillés, y compris des interviews, vous faites des extraits de livres et vous permettez aux internautes de s’inscrire, par exemple, à des bibliothèques en fonction de leurs centres d’intérêt. Est-ce que vous vous voyez aller plus loin ? Et pensez-vous que le web concurrence l’édition ?

Martine Lemonnier : Pour répondre à la question sur le site, effectivement on a l’intention d’aller plus loin puisque nous allons passer prochainement sur le Web2.0 qui permettra de faire des animations plus sophistiquées. Il y a effectivement des interviews d’auteurs, des blogs d’auteurs, des compléments en ligne d’ouvrages, ça peut-être des compléments d’ouvrages universitaires, ou professionnels, il y a ces fameuses bibliothèques des métiers où les gens s’inscrivent s’ils sont spécialistes de mécanique dans l’industrie, s’ils sont managers, s’ils sont œnologues –nous avons une grosse production en œnologie-, donc des choses assez pointues. Ça, pour l’aspect promotionnel. Pour l’aspect commercial, il y a une offre Dunod en ligne, ce qu’on appelle les E-books, qui sont proposés par l’intermédiaire qui s’appelle Numilog. Nous avons maintenant une cinquantaine de titres proposés à l’achat et ça va passer très rapidement à 200 titres. Nous sommes en train de faire la sélection en ce moment. Pour ce qui est de la concurrence, bien évidement, il y a de nouvelles habitudes qui se mettent en place. Je suis la première à consulter Google, ou Wikipédia quand j’ai besoin d’une information, et j’observe ma fille de 14 ans qui fait, je ne dirais pas la même chose, en allant sur Internet en ayant tapé un mot sur Google, se retrouve avec 35 sites et tout le challenge est justement de faire le tri. Moi, je fais ça de façon assez rapide parce que j’ai une grande habitude justement de fouiller dans l’information, comme vous l’avez en tant que bibliothécaire, mais je m’aperçois que c’est quand même quelque chose qui doit s’apprendre, qu’on n’apprend pas encore, à ma connaissance, au collège, ni au lycée, je pense que c’est un enseignement qu’il faut mettre en place assez rapidement, le tri de l’information, bien entendu, c’est une concurrence aux livres. Quand vous avez une information ponctuelle à rechercher, quand vous êtes un professionnel dans un secteur bien particulier, vous n’allez plus acheter un livre pour trouver votre information particulière. Donc, nous envisageons également de faire de la vente au chapitre, ce qui existe déjà sur le site Numilog mais pas encore pour nos livres. Donc vente au chapitre, vente d’articles à forte valeur ajoutée et forts prix de vente, ça, ça existe. Il y a une série d’articles qui ont trait à toutes sortes de questions sur les matériaux. Là, on est encore dans le professionnel. Je dirais que pour tout ce qui est professionnel, informations pointues, informations très spécialisées, effectivement, c’est en train de se mettre en place. Pour tout ce qui est universitaire, il y a une culture du gratuit, qui est bien implantée chez les étudiants et chez leurs professeurs également, qui fait que c’est beaucoup plus difficile. On est en train de réfléchir à des contenus en ligne universitaires qui ne seraient pas des prolongements de nos livres mais des contenus complètement originaux, mais ça, je dirais que c’est plus horizon 3-5 ans.

Nicolas Witkowski : Ce n’est pas la peine de me passer le micro parce que nous on n’a pas de site web.

Taos Aït Si Slimane : Si, mais c’est plutôt un catalogue en ligne, une vitrine.

Nicolas Witkowski : Il est en chantier depuis… J’ai reçu un E-mail m’invitant à aller voir le nouveau site du Seuil, j’ai cherché ma collection, elle n’y était pas. Je n’ai plus remis les pieds du coup. On n’a pas une culture, contrairement à vous, web au Seuil. La question que vous vous posez vous, est-ce qu’on peut commercialiser chapitre par chapitre ? c’est surtout du factuel, quand vous avez des informations précises à transmettre. Nous, on a peu d’informations précises à transmettre. On a des idées, des concepts, des trucs comme ça. On ne va pas donner le chapitre 1 sans donner le chapitre 2.

Taos Aït Si Slimane : Chez Gallimard, c’est un peu comme chez vous et ils ont un beau site avec diverses offres et trouvailles.

Nicolas Witkowski : Chez Gallimard, ils ont effectivement un très beau site, mais historiquement, nous on n’a jamais pris ce virage-là et on a un site qui est, je n’hésite pas à le dire, ridicule. Il ne tient pas la route.

Laurence Toulorge : Vous êtes maintenant sur le site de La Martinière qui n’est pas très intéressant non plus, un catalogue de vente, les couvertures des livres et au mieux leur 4ème de couverture.

Nicolas Witkowski : C’est peut-être une des raisons qui a fait que ça n’a pas marché.

Taos Aït Si Slimane : Au Seuil, vous avez la collection Traces écrites. Hier, lors de la table ronde avec les libraires, nous avons évoqué la question des livres audio et autres DVD, dont certains sont des reprises d’émissions radio et ou de télévision, - c’est d’ailleurs quelque choses qui semble à la mode en ce moment, des animateurs d’émissions par exemple demandent aux auditeurs qui auraient des archives audio ou visuels chez eux de les mettre éventuellement à disposition pour des reportages et autres témoignages - mais il y a également quelque chose qui a été, fort heureusement, pratiquée c’est la mise en commun de cours de Lacan etc. qui s’est avérée fort utile. On peut dire aussi qu’il y a une réelle demande, du moins on l’a un peu expérimenté à la Cité des sciences, les gens, en sortant d’une conférence, aimeraient bien avoir, pas forcément un livre, mais la conférence sur papier. Ils aimeraient bien pouvoir retrouver ce qu’ils ont entendu de manière à revenir dessus, en s’aidant de leur mémoire de l’entendu, mais avec les noms et les mots correctement orthographiés pour éventuellement aller les chercher s’ils veulent en savoir plus, ainsi que les concepts clairement énoncés (les notes prises pouvant être incomplètes et/ou imparfaites), les références mentionnées bien notées, etc. C’est une demande, j’ai pu le constater avec une opération test, qui semble convenir aux enseignants et étudiants, peut-être pas ceux en premières années. Pouvez-vous nous dire deux mots sur cette collection ? Va-t-elle survivre ?

Nicolas Witkowski : Là, je ne suis pas tout à fait dans mon rôle parce que ce n’est pas moi qui dirige cette collection, donc ce n’est pas moi qui déciderais ce qu’on fera. Pour ce qui est des versions papiers des conférences, c’est quand même des choses qui existent déjà. Pour les leçons inaugurales au Collège de France, Fayard fait beaucoup de publication papier, par exemple. Ça, c’est une question commerciale, c’est un choix à faire, ça ne pose pas de problème. Pour ce qui est de Traces écrites et de quelques autres collections, je pense à Sources du savoir, par exemple, qui est précisément la collection dans laquelle on avait ressorti Galilée et dans laquelle on a Einstein en volumes, les écrits politiques, la correspondance, et puis Schrödinger et C°, c’est des textes sources que l’on remet à disposition avec un petit appareil critique, qui permet vraiment de les replacer. Ce sont de vrais plaisirs d’érudits. Là, évidemment, il y a une question de rentabilité qui se pose. Sur tous les Sources du savoir qu’on a fait, je crois qu’il y en a 3 qui sont passés en poche, ça veut dire qu’ils ont passé 5 ou 6 000 exemplaires. Il y a le Galilée dont je vous parlais tout à l’heure, il y a le théorème de Gödel et la machine de Turing. Ces deux derniers trucs sont redoutables mais on en parle dans les salons. Le théorème de Gödel et la machine du Turing, généralement, à l’heure du fromage, c’est le genre de truc qui vient s’il y a un érudit dans votre dîner. Il y a un certain attrait pour ça, qui fait que ces 3 livres-là ont marché mais les autres, c’est quelques centaines d’exemplaires. Comment voulez-vous que l’on maintienne une collection comme ça ? Même si l’on n’a pas un groupe sur le dos qui exige du cash positif, -j’ai appris que ça s’appelait comme ça, je trouve ça vraiment horrible mais bon- on est bien obligé de se poser la question de la survie. Sources du savoir, on fait un exemplaire par an. On se permet un livre par an dans cette série-là, tout en sachant que ça ne va pas être brillantissime. Traces écrites est un peu dans cette situation-là pour autant que je sache. Je pense qu’on va la faire durer pour des questions d’image parce que pour nous c’est important d’avoir une collection comme ça, ça fait une série d’auteurs inimitables, mais je ne vous cache pas que financièrement c’est un gouffre et c’est une image qui coûte chère.

Martine Lemonnier : Justement à propos de ces textes vénérables et qui ne se vendent plus qu’à quelques exemplaires par an - c’est le fameux phénomène de la longue traîne - il y a là une vraie opportunité avec le numérique. Et ça, c’est une chose à laquelle on réfléchit nous aussi. Ces ouvrages qui ne peuvent plus être exploités sous forme papier, c’est vraiment beaucoup trop cher, on ne peut pas réimprimer un livre à 10 exemplaires et qui ferait 10 ans de stock, nous envisageons de le numériser, il y a Einstein, Schneirovitch ( ?), Paul-Emile Victor, Les Bourbaki, des auteurs tout à fait prestigieux que nous souhaitons garder au catalogue mais de façon numérique uniquement.

Laurence Toulorge : Est-ce qu’il y a une dernière question ? Nous arrivons maintenant au terme de cette table-ronde. Nous vous remercions très chaleureusement de votre venue, de votre participation.

Martine Lemonnier : Comme il s’agissait d’une formation, je me suis dit qu’il était peut-être utile de vous apporter un petit dossier. Je vous ai apporté la sélection de culture scientifique 2007, et comme c’est une sélection j’ai joint 3 listings de collection. La collection Quai des sciences, avec la couverture noire, la collection Oh ! les sciences, de sciences amusantes dont on a parlé tout à fait au début, puis une autre collection dont on n’a pas du tout parlé qui s’appelle Univer sciences, qui est à mi-chemin entre les collections universitaires, d’où son nom, et les collections grand public. Je vous ai également mis ma carte de visite afin que vous puissiez me joindre si jamais des questions vous revenaient en mémoire. N’hésitez pas à me contacter, m’envoyer un E-mail ou à me téléphoner, je serai ravie de vous renseigner.

Laurence Toulorge : Nous prendrons le soin de vous diffuser tous ces documents. Une petite précision, cette table-ronde est enregistrée. Nous avons l’intention de la transcrire afin de vous la restituer après l’avoir fait relire par nos deux intervenants que nous remercions encore une fois bien chaleureusement.



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