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Déconstruire les arguments des créationnistes, avec Mathias GIREL

Rendez-vous Culture en partage d’Universcience, du 25 mars 2015, dans le cadre de l’exposition Darwin, présentée à la Cité des sciences et de l’industrie, du 15 décembre 2015 au 31 juillet 2016

Thème du jour : Créationnisme, de quoi il relève-t-il ? Comment il se diffuse, etc., programme du jour conçu et animé par : Taos AIT SI SLIMANE, Thierry HOQUET, Guillaume LECOINTRE

 Diversité des créationnismes contemporains, avec Cédric GRIMOULT, Professeur agrégé d’histoire enseignant en classes préparatoires littéraires au lycée Jean Jaurès de Montreuil (93) est docteur habilité
 Le créationnisme peut-il être une science ?, avec Guillaume LECOINTRE, Professeur du MNHN, Directeur du département Systématique & Évolution, Chef d’équipe à l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité
 Témoignage, avec Guy LENGAGNE, agrégé de maths, ancien Député-maire de Boulogne-sur-Mer, ancien Secrétaire d’État chargé de la mer, ancien membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, auteur du rapport, de la Commission de la culture, de la science et de l’éducation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, sur les dangers du créationnisme dans l’éducation.
 Déconstruire les arguments des créationnistes, Avec : Jean-Pierre GASC, Professeur du Muséum National d’Histoire Naturelle ; Mathias GIREL, Maître de conférences, département de philosophie et Directeur des études du département de Philosophie, (USR3608, ENS-Ulm) ; Julien PECCOUD, enseignant, agrégé, en sciences de la Vie au lycée La Pléiade Pont-de-Chéruy (Isère), membre du Cortecs (Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Sciences)

Discutant et modérateur : Thierry HOQUET, Professeur des universités, membre de l’Institut Universitaire de France.

Les controverses scientifiques instrumentalisées par les créationnistes ?

Avec Mathias GIREL, Maître de conférences, département de philosophie et Directeur des études du département de Philosophie, (USR3608, ENS-Ulm)

Merci beaucoup de votre invitation.

Il y a effectivement une continuité assez forte avec l’exposé précédent, puisque je m’intéresse depuis un certain nombre d’années à une autre forme de « boîte à outils », qui permet de semer ou de créer du doute sur des résultats ou des théories scientifiques bien validées, bien corroborées. Assez tôt, nous avons pu travailler sur des arguments du type : ce n’est qu’une théorie et ce n’est pas un fait, dont nous venons de parler ; ou sur le « Dieu des trous », qui a été évoqué. Dans les procès récents, on voit un tenant de l’Intelligent Design adresser le reproche suivant aux biologistes évolutionnistes : « Il y a des lacunes dans votre théorie ». Assez souvent, un examen fondé sur l’histoire des sciences permet de désamorcer ce type de discours : la perturbation de l’orbite d’Uranus était bien un « trou » dans la théorie de Newton, mais elle n’a aucunement conduit à adopter une autre théorie ou à revenir à Aristote, elle a constitué un programme de recherche interne à la mécanique newtonienne qui a permis la découverte de Neptune. Le curieux périhélie de Mercure, lui, était un fait qui ne pouvait être expliqué à l’aide des théories existantes, mais qui a au contraire pris tout son sens avec la découverte de la relativité. Il n’y a que peu de cas en histoire des sciences où une « lacune » dans une théorie permet de prouver une autre théorie.

Je m’intéresse aussi à un autre usage d’une notion importante dans l’étude des sciences, à savoir la notion de controverse, utilisée ici pour créer du doute, en particulier autour de l’évolution. Cet argument est moins facile à évacuer. L’argument est plus roublard de la part de l’intelligent design. Vous remarquerez dans mes diapositives une sorte de tee-shirt quelque peu ironique, qui appelle comme un mot d’ordre à enseigner la controverse dans les lycées ; enseigner la controverse autour de l’évolution. C’est-à-dire présenter l’évolution comme controversée dans le milieu scientifique. Toute une communauté a produit des tee-shirts, qui proposent d’étendre leur mot d’ordre, « Enseigner la controverse », à la mécanique, à la chimie, à la cosmologie, à la paléontologie … pour mieux montrer que la campagne en question n’a en général qu’une seule cible : l’évolution.

Il s’agit bien d’un mot d’ordre. En effet, aux États-Unis, l’éducation est assez décentralisée. Les conseils de différentes écoles et des États ont une grande latitude dans certains cas pour l’enseignement des sciences. Il y a de ce fait une forme de guérilla permanente en ce moment pour parvenir à faire entrer ce mot d’ordre de controverse dans les textes éducatifs. Parfois, on ne prononce pas directement le mot de controverse. On souligne alors qu’il faut enseigner l’esprit critique ou développer les facultés critiques des élèves. Je voulais simplement vous présenter cette stratégie pour bien voir comment elle est développée. Nous pouvons en avoir certains échos en France. Il convient donc de bien savoir d’où elle vient et quelles réponses lui donner.

Nous avons de nombreux exemples de cette stratégie. Elle a été formulée dans une de ses formes les plus claires par un sénateur républicain, Rick Santorum en 2001, au moment où l’équipe de George Bush junior réalisait son programme éducatif. Son amendement n’a pas été inscrit dans le marbre de la loi, mais reste considéré comme important voire comme ayant autorité au niveau local.

Il affirmait que, là où l’évolution est enseignée, le programme devrait aider les étudiants à comprendre pourquoi le sujet « engendre une telle controverse permanente » et « devrait préparer les étudiants à devenir des participants informés aux discussions publiques » sur le sujet. Nous reviendrons sur cette caractérisation étrange, puisqu’elle prétend que l’évolution engendre une controverse, qui peut être scientifique, mais qui est surtout ici politique, morale et théologique.

Il reste que, chez les créationnistes de l’Intelligent design, on va s’appuyer assez facilement sur une approche de la science par les controverses, que je présenterai comme une approche « forte », pour légitimer ce mot d’ordre. L’idée est que si vous voulez enseigner les sciences de manière intéressante, il faut les enseigner à même la controverse, afin de mieux restituer la dynamique de la recherche scientifique. Vous êtes donc obligés de présenter les deux points de vue opposés sur la question. Des variantes plus récentes de projets de loi (dans le Missouri), dont aucun n’est encore parvenu au stade de loi promulguée, montrent que cela ne se limite plus à l’évolution, mais englobe d’autres sujets assez intéressants pour les activistes du Tea Party :
  les origines chimiques de la vie ;
  le réchauffement climatique ;
  le clonage humain.

On voit que tout cela recouvre une grande confusion. Même si certains domaines peuvent encore faire l’objet d’interrogations scientifiques, dans le cas de la recherche sur les origines de la vie, sur le clonage, c’est différent. D’autres textes abordent également les cellules souches, sur lesquelles peuvent s’exercer des controverses éthiques, politiques, morales, qui n’ont pas le même degré de profondeur scientifique.

Les créationnistes de l’Intelligent design se reposent sur une approche des sciences sous le prisme des controverses, qui a été très fréquente, y compris en France dans les années 1980. Pour nous, dans le cadre de ce petit exposé, il va être important de prendre acte d’un usage stratégique de cette notion même de controverse. Il s’agit de provoquer le doute et donc d’un usage sceptique de la notion. Vous voyez bien que, si j’arrive, sur n’importe quel sujet – comme de savoir s’il est bon ou non de boire un verre de vin par jour – à vous dire que ce sujet est controversé, je vais instiller le doute en vous. Vous n’aurez plus de certitude à ce sujet. Je m’intéresse à la manière, dont les créationnistes ont pioché dans des approches des sciences humaines pour légitimer leur mot d’ordre. Ce n’est pas totalement un hasard. Ils se sont appuyés sur de grandes manières, établies, répandues, d’enseigner les sciences et de présenter leur histoire. On va donc mettre en évidence un usage sceptique de cette notion, puis essayer de relever les emprunts faits à des philosophies des sciences bien attestées.

Il y a un immense laboratoire autour de l’utilisation des controverses : les 80 millions de pages des archives du tabac, consultables aujourd’hui. J’ai édité l’an dernier le livre de Robert Proctor, Golden Holocaust, qui traite de 40 ou 50 ans de travaux de l’industrie du tabac pour mettre une partie de la recherche sous perfusion. Il existe des mémos de ce type, où un communicant d’un cigarettier affirme que « le doute est leur produit », parce que c’est le meilleur moyen d’entrer en compétition ou de rivaliser avec les faits existants dans l’esprit du public en général. Il « permet aussi d’établir une controverse ».

Le fait d’utiliser la notion de controverse dans certains débats sanitaires ou environnementaux a été attesté dans ce domaine et est plutôt couronné de succès, puisque les industriels en question ont réussi à continuer à écouler un produit toxique pendant 40 ou 50 ans, qui fait 6 millions de morts par an. Il ne faut donc pas prendre ce type d’arguments à la légère.

Il y a deux approches sur les controverses. Vous reconnaissez sur mes diapositives Bruno LATOUR, qui a mis au centre de l’histoire des sciences l’étude et l’analyse des controverses (et dont il ne s’agit pas de dire ici qu’il cautionnerait les usages faits de cette notion). LATOUR soutenait l’idée que l’approche des sciences par les controverses permet d’entrer à l’intérieur de la science, qui se fait, au moment où il reste encore des choses incertaines, par exemple qui ne sont pas encore traduites dans les manuels. Il présentait une thèse forte sur l’activité scientifique. Elle consistait à dire que la controverse était la voie royale pour entrer dans l’activité scientifique. Si vous étudiez la science telle qu’elle se fait, vous allez rencontrer des controverses. D’autres auteurs ont le même point de vue. Je ne vais pas les détailler ici.

Grosso modo, deux camps s’opposent sur les controverses :

  les réalistes, représentés ici par William Whewell, auteur du XIXe siècle, qui considérait que les controverses constituaient une forme d’auxiliaire de la science. À certaines périodes, des controverses aident à préciser et clarifier les notions. Une fois qu’on s’est entendu dessus, les controverses ne sont plus nécessaires. On connaît enfin le réel et la controverse peut s’effacer. C’est donc parce qu’il y a du réel qu’il y a un consensus.
  Or LATOUR, dans les années 1980, soulignait l’inverse : c’est parce qu’on a réussi à s’entendre à un moment donné que l’on va aboutir à une image stable du réel. L’image que nous avons du réel ne dépend pas tant du réel que du fait que les scientifiques se soient mis d’accord en mettant un terme à la controverse.

Cela crée donc une opposition entre des réalistes d’un côté, pour qui la controverse joue un rôle périphérique, et des constructivistes, pour qui la science est le fruit d’une activité sociale. L’image du réel est donc produite par cette activité sociale.

Chez Bruno LATOUR, à Sciences Po Paris, l’analyse des controverses fait également partie de la formation du politique de demain, qui a à agir en régime de controverse. On leur apprend à traiter de l’incertitude scientifique et à savoir qu’ils exerceront leur métier en régime de controverse sans en sortir.

C’est un outil de formation intellectuelle et politique, qui reste tout à fait puissant.

Je vous ai présenté les deux approches. Il faut voir comment elles vont fonctionner et comment, selon moi, elles interviennent de manière ambiguë dans le discours des créationnistes de l’intelligent design. Il me semble que les sciences humaines ne servent pas simplement à décrypter ou à analyser en deuxième intention, mais elles servent parfois de levier, d’instrument pour arriver à déraciner des certitudes établies ou des faits bien corroborés dans les sciences.

Le mot d’ordre enseigner les controverses a été forgé par Mayer du Discovery Institute, qui est l’un des principaux organes de l’intelligent design. Plutôt qu’affirmer clairement qu’on allait s’attaquer à l’évolution, on utilise un chemin détourné, qui est le prétexte pour aiguiser les capacités critiques des élèves sur les forces et les faiblesses des théories scientifiques. Au départ, la légitimation est historique. En effet, l’histoire peut présenter deux visions de la guerre d’indépendance, deux visions du New Deal. Ainsi, dans un cours d’histoire, il peut être de bonne pédagogie d’enseigner les deux versions. On appelle cela enseigner la controverse.

Il est intéressant, dans ce slogan de l’Intelligent design, de remarquer la justification officielle : montrer la dynamique de la science, car la science est controversée. Si vous voulez montrer le monde de la science, présentez des controverses. L’autre motivation consistait à contourner l’interdiction de l’enseignement du créationnisme, puisqu’aux États-Unis, à partir des procès des années 1980, il n’en est plus question. Les arrêts des tribunaux condamnent l’enseignement de la science créationniste. L’Intelligent design cherche donc un autre moyen pour entrer dans les salles de classe. L’idée d’enseigner les controverses devient leur stratégie privilégiée pour essayer de contourner cette interdiction. Ils en appellent à une norme pédagogique ou empruntée à l’histoire des sciences pour dire qu’il est mieux d’enseigner les deux points de vue sur la question, quitte à créer soi-même le second point de vue.

Sur les diapositives, à gauche, vous voyez tout ce qu’il faut faire pour entrer dans les manuels de biologie. Il faut commencer, publier, défendre, rallier ses pairs, confirmer, obtenir le soutien des professeurs. Il s’agit d’un long processus. En face, vous voyez le personnage de l’intelligent design : « Excusez-moi, je représente l’intelligent design. Cela vous ennuie si j’entre dans la file à ce niveau-là ? » soit juste au moment d’entrer dans les programmes. C’est en quelque sorte ce qu’ils font en se réclamant d’une controverse scientifique qui n’a pas trouvé son chemin dans le lent travail de vérification et de publication qui caractérise la construction de la connaissance scientifique.

Je pense que nous pouvons ici parler d’un détournement conceptuel, puisque la justification de leur argument porte au départ sur la nature de la science, puis, très vite, elle va s’appuyer sur les effets de l’enseignement d’une science ou de ses applications. Ils vont affirmer que l’évolution est solidaire d’une vision naturaliste, matérialiste ou athée du monde. À ce titre, cela génère la controverse. Il faut donc expliquer en classe pourquoi cela génère de la controverse. Pour autant, ils continuent de la justifier à partir de variantes de la thèse forte, c’est-à-dire que toute activité scientifique repose sur des controverses.

Ils ont ainsi détourné de manière assez efficace les travaux d’un pédagogue laïque, plutôt de gauche américaine, qui recommandait cela pour rendre compte des grandes œuvres littéraires, des grands faits historiques. Il s’agit de Gérald Graff. Il proposait d’enseigner les conflits. L’intelligent design, voyant que cette approche était intéressante, la reprend et la détourne explicitement en prétendant s’appuyer sur les pédagogues progressistes, laïques, si bien qu’ils ne peuvent être accusés d’être rétrogrades de ce point de vue. Cette démarche n’est pas banale, puisque les standards américains (les « programmes ») reprennent la phraséologie de Graff en soulignant que comprendre la science signifie d’abord être compétents vis-à-vis de l’argumentation. Il existe donc une approche argumentative de la science, inscrite même dans les programmes américains, reprise et détournée par les créationnistes américains.

Un autre détournement pourrait nous étonner. Je pense que vous reconnaissez Michel Foucault à droite. Philipp Johnson, premier idéologue de l’intelligent design, est tout aussi clair en soulignant que derrière chaque relation de savoir, il y a des relations de pouvoir, en simplification de l’idée de Michel Foucault. Philipp Johnson affirme que ses conclusions passent certainement mal dans le monde académique, mais font pourtant mouche aujourd’hui dans le contexte actuel, où les idées de Foucault sont importantes. Il écrivait dans les années 1990. « Vous savez, je mets en évidence les présupposés cachés, les jeux de pouvoir. C’est une méthode très à la mode. Seulement personne n’avait osé imaginer qu’on pourrait l’appliquer à cette vache sacrée qu’est l’évolution. » On s’appuie ici sur une référence philosophique, bien connue, bien admise, pour conclure que les créationnistes sont dominés et l’évolution relèverait d’une science officielle et dogmatique. On s’appuie sur une approche politique du savoir pour essayer de se légitimer dans le champ. Je ne sais pas ce que Foucault aurait pensé de cet usage-là.

Dans le procès de Dover en 2005, qui a opposé l’Intelligent design aux biologistes, il y a eu de nombreux témoins, dont Steve Fuller, sociologue à l’université de Warwick, qui a défendu que l’Intelligent design fût une science. Il s’appuyait sur la sociologie des sciences pour dire que les arguments de démarcation – je ne sais pas si vous les avez abordés dans cette formation. Il s’agit d’arguments que les philosophes mettent en avant pour dire que cela permet de distinguer les sciences et les pseudosciences. Pour Popper, la psychanalyse était une pseudoscience, car même la critique de la psychanalyse, interprétée comme résistance, constitue une illustration de la psychanalyse. Elle n’est pas réfutable, alors que des arguments scientifiques le sont. Cette approche a été longtemps dominante pour distinguer les sciences des pseudosciences.

Fuller, en tant que sociologue, était là pour affirmer que ces principes de démarcation appartenaient à une épistémologie complètement révolue (celle du positivisme logique). Aujourd’hui, l’Intelligent design appartient à la science opprimée face à une science orthodoxe. Si elle n’est pas publiée, c’est simplement qu’elle ne contrôle pas encore les comités de recension par les pairs des grandes revues à comités de lecture. Il s’agit là d’une utilisation de la sociologie des sciences pour essayer de relativiser un savoir existant et pour s’imposer dans le débat.

Certains ont même tenté d’utiliser les idées de Kuhn. Pour expliquer le fait que les scientifiques réagissent mal face aux climato-sceptiques ou à l’intelligent design, certains acteurs s’appuient sur Kuhn pour affirmer que les scientifiques ne sont pas immunisés contre la « dynamique non rationnelle du troupeau ».

Là aussi, on s’appuie sur une approche standard de l’histoire des sciences pour arriver à se légitimer. « Vous nous laissez en dehors du tableau. Or nous voudrions également faire partie de ce tableau ». « Mettez en doute le paradigme et certains réagiront par le fanatisme dogmatique ».

Vous voyez que là aussi, il y a un détournement. Il y a à la fois un propos sur le fonctionnement de la science et une analyse politique, théologique, morale de la réponse. Non seulement, quand vous nous empêchez de parler, vous êtes irrationnels, mais vous exercez votre pouvoir de manière tyrannique.

Campbell était témoin au procès de Dover. Il défend également une thèse forte sur la rationalité scientifique. Depuis Hempel et Popper, qui sont deux philosophes importants des sciences, il pense que l’on a davantage compris la science repose sur l’argumentation. Un scientifique est donc une personne qui va imposer sa théorie par l’argumentation. Pour argumenter, il faut être deux et donc mettre en scène ces deux voix pour restituer l’argumentation en question …

Je termine en un mot au sujet de ce mot d’ordre. À partir de 2005, l’Intelligent design a été condamné très fortement à Dover. Un des motifs du verdict était basé sur le fait qu’ils recommandaient l’exercice de facultés critiques, mais qu’ils ne s’opposaient que sur l’évolution.

Cela prouve tout de même les motivations religieuses de cette entreprise. Depuis la séparation de l’Église et de l’État, vous ne pouvez pas proposer l’enseignement d’une matière en classe au nom de motivations religieuses. De ce fait, à partir de ce moment, l’intelligent design a suivi une stratégie de multiplication des fronts. La campagne « teach the controversy » a été étendue à d’autres domaines.

Ici, un texte du Tennessee demande aux élèves de développer leur pensée critique sur l’évolution biologique, le réchauffement climatique, le clonage humain. D’autres versions du même texte affirment qu’il n’est pas possible d’empêcher un enseignant d’encourager l’esprit critique sur les forces et les faiblesses des théories scientifiques, dont on donne un certain nombre d’exemples ici : l’évolution biologique, les origines chimiques de la vie, les mutations aléatoires, la sélection naturelle, les découvertes fossiles.

Là aussi, ils sont en guerre contre les méthodes de datation. Ils considèrent que tous ces domaines engendrent de la controverse.

Le NCSE, association qui aide les professeurs de biologie attaqués par des créationnistes, défendait l’enseignement de l’évolution jusqu’en 2010. À partir de 2013, il défend l’enseignement de l’évolution et du changement climatique, qui est aussi attaqué, mais pour d’autres raisons, qui feraient l’objet d’une autre conférence.

Finalement, il me semble que face à quelqu’un qui soulève la controverse, il n’y a pas de réponse en une phrase ou par un exemple. Il faut simplement lui demander sur quoi porte exactement la controverse. Recommande-t-il une approche de l’évolution par les controverses pour aider à la résolution scientifique de la controverse ? C’est-à-dire que, si nous entrons dans ce débat, pense-t-il que cela va aider à la résolution de cette controverse ? Cela ne me semble pas évident. S’agit-il de contribuer à une meilleure appréhension de la dynamique de la science ? Dans ce cas, il faudrait leur demander pourquoi ils ciblent ces sciences-là et pas d’autres. Si vous voulez mieux nous faire comprendre ce qu’est la science, pourquoi vous attaquez-vous uniquement à l’évolution et pas à d’autres sciences ou technologies établies ? Pourquoi l’évolution et uniquement elle ? Pour le débat américain, la question est plutôt de savoir s’il s’agit de former de bons citoyens ou de bons combattants dans une guerre des cultures. La dernière question est quelque peu rhétorique, je vous l’accorde.

Je vous remercie.

[Applaudissements]

Thierry HOQUET : Merci pour ta présentation, qui fait le point sur la manière dont les discours d’histoire des sciences, de philologie peuvent être repris dans des stratégies politiques, argumentatives.

Guillaume LECOINTRE : Merci Mathias. L’Intelligent design présente une controverse sur des points qui ne font pas l’objet de controverses au sein des communautés académiques. S’agit-il d’aider à la résolution scientifique de la controverse ? Ils créent eux-mêmes une controverse, de ce fait leur argument ne tient pas. La stratégie peut consister en la reprise d’un petit élément de débat, d’interprétation d’expérience. La controverse normale ne remet pas en cause l’ensemble du cadre théorique, mais propose une interprétation d’une pièce du puzzle. Mais eux la manipulent et la magnifient pour donner l’illusion qu’elle réfute l’ensemble du discours théorique scientifique.

Ils utilisent aussi le décalage entre les livres scolaires et les controverses de la science publiée en train de se faire. Il y a un certain retard des programmes scolaires par rapport à l’avancée des connaissances dans les articles scientifiques. Ce retard est normal. Effectivement, une des stratégies consiste à utiliser le différentiel entre les programmes scolaires et l’état du dernier papier pour dire au public que les évolutionnistes lui mentent. Une controverse est donc créée artificiellement, dans laquelle les académiques ne se reconnaissent pas.

Mathias GIREL : Tout à fait. Ils ont suivi plusieurs étapes dans « le document du coin » (wedge) que tu connais, qui constituait le programme intellectuel du Discovery Institute sur 15 ou 20 ans. Un étage était censé produire de la connaissance scientifique. Cela aurait produit de la controverse au sens fort, s’ils avaient réussi à publier dans des revues, à faire des trouvailles. Cela n’a pas marché.

Un second volet du programme visait à créer de grandes conférences, des colloques afin d’entrer dans le débat en se donnant la parole eux-mêmes. Cela a un peu marché.

Le troisième volet du document consistait à infiltrer les campus de sciences humaines. Si on n’arrive pas à gagner sur le terrain du débat public, essayons d’entrer sur le terrain de la médiation scientifique ou de l’enseignement des sciences. Dans ce cas, il est encore plus facile d’agir. Si nous racontons comment la science est faite, nous aurons beaucoup plus de facilités à nous donner la parole.

Par rapport à la fabrication de controverse, à chaque fois, on prélève un aspect particulier. Si on veut comparer le débat sur le réchauffement et le débat sur l’évolution, l’argument qui revient sans arrêt en ce moment concernant le réchauffement climatique concerne le palier ou la « pause ». Le réchauffement a-t-il arrêté depuis 1998 ? La controverse se concentre là-dessus, sachant qu’il n’y a pas controverse sur les mécanismes fondamentaux liés aux gaz à effet de serre. Dans le cadre de l’évolution, en 2005, à Dover, les exemples choisis pour créer de la controverse sont le flagelle bactérien, le système immunitaire et la coagulation sanguine. Michael BEHE ou d’autres affirment qu’on ne peut pas expliquer cela avec la sélection naturelle, ce qui est aussi un biais, comme s’il n’y avait que la sélection naturelle dans l’évolution. Or, il existe d’autres types de pression. À un passage assez amusant du procès, ils tentent d’instaurer la controverse sur ce point de vue-là. Michael BEHE se fait littéralement enterrer sous les publications évolutionnistes pour expliquer le fonctionnement du système immunitaire avec des livres qui montent plus haut que sa tête. Dans ce cas, il est possible de corriger en une séance la controverse en citant la littérature importante à ce sujet.

Merci pour cette question.

Thierry HOQUET : Ce qui m’a frappé dans ta présentation est la question, en admettant qu’il y a une controverse, comment en sortir et pourquoi y a-t-il un gagnant et un perdant à la controverse ? J’ai l’impression que deux lectures s’affrontent quant à la sortie de la controverse. Dans une première version, la controverse s’arrête lorsque le plus puissant écrase de manière injuste le perdant.

Mathias GIREL : C’est ce que les créationnistes veulent que nous pensions.

Thierry HOQUET : Dans une seconde lecture, lorsqu’on sort de la controverse, le gagnant ne l’emporte pas par un simple effet d’autorité, mais parce qu’il concentre plus de réalité, de plausibilité de son côté.

Mathias GIREL : Je pense que la réponse est entre les deux. En effet, jamais personne n’a gagné une controverse en affirmant avoir le réel avec lui. En revanche, des considérations assez simples, une maîtrise minimale de l’histoire des sciences, qui peut varier suivant la culture et les intérêts de chacun, permet de répondre dans un certain nombre de cas. Il est possible de se référer à l’évolution d’un programme de recherches. Ils prétendent faire partie d’une controverse. Qu’ont-ils prouvé depuis 15 ou 20 ans ? Quel nouveau résultat ou quel nouveau mécanisme fondamental avez-vous mis en évidence ? Rien du tout. Vous expliquez par l’inexplicable. Vous affirmez qu’il a fallu un créateur intelligent à l’origine de ces phénomènes, mais cela ne nous permet pas de comprendre un seul autre mécanisme naturel. Cela ne nous permet pas de comprendre comment des vivants peuvent engendrer des vivants sans forcément que l’intelligence y soit pour quelque chose. Nous pouvons donc démontrer que leurs hypothèses n’engendrent pas de programmes de recherches fructueux. Cela me semble une voie de réponse possible en fonction des intérêts que l’on peut avoir dans ce domaine.

De la même manière, nous parlions du dieu des trous ou de l’argument à partir des trous, qui consiste à affirmer : vous n’arrivez pas à expliquer certains éléments dans votre théorie. Pendant longtemps, c’était la structure de l’œil. En dépliant cet argument, on pouvait trouver une théorie B à partir d’insuffisances dans une théorie A, ce qui n’arrive quasiment jamais en histoire des sciences. Parfois, la lacune constitue un programme de recherches intérieur à une théorie. Si je prends l’exemple newtonien, Le Verrier qui observe l’orbite d’Uranus, remarque que, d’après les principes de la mécanique newtonienne, l’orbite d’Uranus ne devrait pas être celle-là. C’est une lacune dans la théorie, mais il ne l’interprète pas comme une autre théorie. Il l’interprète comme un programme de recherches. Il fait la prédiction de l’existence de Neptune, qui est observée. Ici, une lacune dans cette théorie va permettre de donner une preuve encore meilleure de cette théorie.

Le Verrier reprend la même expérience avec Neptune et prédit l’existence d’une planète, Vulcain, qu’on n’observe pas. Plus tard, il imagine un nuage, qui n’existe pas non plus pour une bonne raison. La trajectoire étrange de Mercure s’explique par des raisons fournies par la double théorie de la relativité d’Einstein. Dans ce cas, une lacune d’une théorie constitue une preuve ou un élément au sein d’une théorie qui n’a pas encore été découverte. L’argument à partir des trous ne fonctionne jamais. Je pense qu’il faut vraiment ramener à ces exemples, lors d’une discussion sur un fait controversé. Que voulez-vous prouver ? Quel type de grande découverte ou de grand programme de recherches souhaitez-vous défendre ? Souvent, cela permet de faire dégonfler ce type de questionnement.

Thierry HOQUET : Pour revenir à Darwin, dans L’Origine des espèces, il mène une polémique, une controverse. Il considère que sa théorie explique mieux les phénomènes qu’une autre théorie rivale, qu’on pourrait appeler la théorie des créations spéciales. Il y aurait eu plusieurs créations à plusieurs endroits ou à plusieurs époques. Il mène cette discussion théorie contre théorie.

En revanche, j’ai l’impression que Darwin dit que la théorie des créations ne fait que réaffirmer les faits sans rien expliquer. C’est ce que Julien PECCOUD appelait la stagnation du scénario créationniste. C’est ce que Mathias GIREL indique aussi quand il demande quels résultats nouveaux les créationnistes ont apportés au cours des 20 dernières années. Il n’y en a pas, alors que, si nous reprenons l’histoire de la théorie de l’évolution, depuis Darwin, il y a eu énormément de nouveaux éléments, de nouvelles preuves expérimentales, une sorte de fleurissement théorique réaliste.

Auditeur : Justement la différence ne réside pas dans la controverse chez les créationnistes, car elle est au service de la fin du débat.

Mathias GIREL : Je pense que vous avez raison. Ils ne vont pas appliquer le principe de symétrie, cher aux sociologues. Ils veulent qu’on accorde le même traitement au vainqueur et au vaincu, mais veulent occuper la place des vainqueurs. Je pense que le plan type d’un cours créationniste serait : Darwin et ses faiblesses, car ils aiment bien réduire l’évolution à Darwin. C’est une arme polémique d’affirmer que l’évolution n’a pas bougé depuis Darwin.

Pour mener cet enseignement au sein des classes, ils s’appuient sur un grand nombre de professeurs de biologie créationnistes aux États-Unis. Ces derniers se réclament de normes empruntées à la philosophie, à l’histoire et à la sociologie des sciences et à la protection politique qu’offre le 1er amendement, la liberté académique. À partir du moment, où il y a controverse, en tant qu’enseignant libre et responsable, vous pouvez choisir les matériaux sur lesquels vous appuyer. Je cherche à voir comment, faisant l’objet de condamnations scientifiques et judiciaires, ils trouvent sans arrêt un nouveau système de normes pour se défendre (normes issues de sciences humaines, politiques, constitutionnelles).

Je suis d’accord avec vous sur l’usage sophistique de la notion de controverse. Précisément, il y a fort à douter qu’il n’y ait plus beaucoup de controverse à la fin du cours, une fois que le deuxième point de vue a été présenté.

Guillaume LECOINTRE : Je suis ravi de la question et je suis surtout ravi du troisième point de ta conclusion, parce qu’il m’est arrivé de publier des choses qu’on m’a reprochées. J’ai dit qu’il ne fallait pas dialoguer avec les créationnistes devant le public. En acceptant le dialogue, nous tendrions à faire croire que l’interlocuteur utilise les mêmes règles du jeu que celles que nous nous imposons à nous-mêmes dans nos laboratoires. Or je ne vais pas expliquer à des philosophes ou à des sociologues que les règles du jeu ne sont pas du tout les mêmes, pas plus que les intentions. Est-ce que vous êtes vraiment liés par les mêmes conventions, qui sont celles du milieu académique ?

Mathias GIREL : Tu as amélioré ma conclusion.

Guillaume LECOINTRE : Il y avait bien cette idée que tout jeu doit se conformer à des règles. Celui qui ne respecte pas les règles en cachant son acte est un tricheur. Si nous prenons le métier de scientifique au sérieux, il n’y a pas de manipulation des sciences dans un but politique ou scolaire. On est effectivement payés pour contribuer à de la genèse de connaissances éprouvées à l’échelle internationale. La personne que nous avons en face annonce ses objectifs de manière très claire. On voit bien que ces objectifs n’ont rien à voir avec cela. L’idée n’est pas de dialoguer avec eux, mais plutôt d’écrire sur eux et d’éclairer les enjeux épistémologiques utilisés. Ceux qui doivent dialoguer publiquement avec les créationnistes sont les théologiens, les philosophes et les politiques.

En 2009, nous avons fêté le bicentenaire de la naissance de Darwin et le 150naire de la publication des espèces. À cette occasion, le Musée national d’histoire naturelle avait laissé France 5 organiser la composition d’un plateau télévisé dans la grande galerie de l’évolution. C’était un moment fort de la symbolique républicaine et scientifique car des scientifiques venaient exposer l’héritage de Darwin dans les sciences contemporaines. France 5 voulait instaurer une égalité de traitement : les médias se laissent facilement prendre à ces manipulations sur les controverses. Ils ont donc invité un évangéliste à venir débattre au milieu de nous. Je vous garantis que nous avons expliqué à la personne chargée de la communication qu’inviter un créationniste dans la Galerie de l’évolution dans un Musée national d’histoire naturelle consiste à le faire gagner d’avance parce que vous ferez croire au public que leurs motivations sont les mêmes que celles des scientifiques autour de la table. Au cours du week-end, la communication a réussi à faire changer la composition par France 5. Le moyen trouvé pour ne pas paraître comme d’odieux sectaires a été de les filmer pour montrer au public leurs propos dans leur contexte. La personne a donc été interviewée dans un salon évangélique. Le débat télévisé était uniquement consacré à des scientifiques, avec une séquence extérieure, dans un salon évangélique pour donner la parole au créationnisme.

Je vous raconte cette anecdote pour vous dire qu’il ne s’agit pas de bâillonner les créationnistes, qui passeraient ainsi pour des victimes. Il convient de les faire parler dans un contexte, qui éclaire leurs intentions sociopolitiques.

Thierry HOQUET : Nous approchons de la fin de nos trois journées. Julien, tu veux ajouter des éléments, un exemple particulier ?

Julien PECCOUD : Je ne sais pas. Nous pourrions prendre 5 minutes pour des exemples précis. Je vais prendre des exemples qui viennent à l’encontre de ce qui vient d’être dit, même si je suis d’accord avec Guillaume sur le point de ne pas discuter avec eux.

Parfois, il faut tout de même disposer d’outils pour répondre, même si nous refusons d’entrer dans ce débat. Pour l’instant, nous n’avons pas défini les revendications dites « scientifiques » de l’intelligent design. Elles sont structurées autour de deux idées principales :
  La métaphore de la montre. Si on trouve une montre dans un désert, on ne peut invoquer qu’une chose : un horloger l’a façonnée. Une intelligence l’a donc fabriquée. Par analogie, le même principe s’applique aux êtres vivants.
  La complexité irréductible. Les organes des êtres vivants sont tellement complexes qu’enlever une partie de l’organe l’empêche de fonctionner. Cela montre bien qu’un design a mis en place tout cela. La mise en place par phases successives, préconisées par l’évolution est donc impossible.

Dans un monde où personne n’a d’yeux, il vaut mieux avoir une moitié d’œil que pas d’œil du tout dans l’environnement. On reste avantagé.

Le thème de la coagulation sanguine est tellement complexe, que si on enlève une partie, cela ne marche plus. Elle n’a donc pas pu être mise en place par étapes. Or il existe des exemples de personnes déficientes en certains éléments de la coagulation et qui parviennent à une coagulation normale. La complexité doit être liée à une fonction.

Le flagelle bactérien présente un système bactérien d’injection de toxines. La structure est vraiment similaire, mais la fonction n’est pas la même. Le canal central ne sert à rien.

Une émergence d’un seul coup constituerait la preuve d’une émergence spontanée. C’est un argument de l’intelligent design. Tout à coup, dans un site paléontologique, on trouve de nombreuses espèces, de variétés énormes avec des formes qu’on ne retrouve plus aujourd’hui, des choses étranges, qui pourraient être des essais de Dieu. Face à cela, il faut répondre qu’on a trouvé dans ces sites des éléments plus anciens. On a également trouvé dans ces sites embryons présentant des stades communs de développement, qui présupposent une origine commune, et des stades de développement similaires à ceux actuels. Enfin, il convient de souligner que nous ne disposerons jamais de toutes les archives paléontologiques du monde. Certaines ont disparu. Nous n’aurons jamais tout.

Guillaume LECOINTRE : Quand je parlais de ne pas discuter avec les créationnistes, je voulais parler d’un professionnel ès qualités devant un créationniste ès qualités sur une estrade. Évidemment autour d’un verre. Je parlais de la symbolique à inviter quelqu’un sur un plateau pour mettre en scène un débat, qui s’avère être un faux débat.

Thierry HOQUET : Le travail continue. J’aimerais remercier l’ensemble des intervenants de la journée.

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