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Éloge de la vieillesse / Laurent Terzieff

Bref extrait de l’Éloge de la vieillesse d’Hermann Hesse, lu par Laurent Terzieff au micro de Vincent Josse, pour France Inter. Une transcription de Taos Aït Si Slimane

Vincent Josse : Chez lui d’ailleurs, il y a beaucoup de photos du Terzieff très beau, avec ce visage christique, qu’il avait très jeune, cette belle gueule de jeune premier que l’on pouvait voir notamment dans Les tricheurs de Carné, et je lui ai demandé : tiens, il y a plein de photos de vous très, très jeune, qu’est-ce que cela fait de voir ça tous les jours, de passer devant soi il y a quelques années ? Est-ce que l’on éprouve une forme de nostalgie pour cette époque-là, pour le jeune homme qu’on était ? Il m’a répondu : non. Il est tout simplement allé chercher un livre, d’Hermann Hesse, l’Éloge de la vieillesse, il l’a ouvert, le livre était un peu abîmé et il a lu ça.

Laurent Terzieff : « Lorsque l’homme commence à décliner, après avoir atteint le faîte de son existence, il se débat ainsi contre la mort, les flétrissures de l’âge, contre le froid de l’univers qui s’insinue en lui, contre le froid qui pénètre son propre sang. Avec une ardeur renouvelée, il se laisse envahir par les petits jeux, par les sonorités de l’existence, par les mille beautés gracieuses qui ornent sa surface, par les douces ondées de couleur, les ombres fugitives des nuages. Il s’accroche, à la fois souriant et craintif, à ce qu’il y a de plus éphémère, tourne son regard vers la mort qui lui inspire angoisse, qui lui inspire réconfort, et apprend ainsi avec effroi l’art de savoir mourir. C’est là que réside la frontière entre la jeunesse et la vieillesse. Plus d’un l’a déjà franchie à quarante ans ou plus tôt encore, plus d’un ne la sent que plus tard, à la cinquantaine ou à la soixantaine. Mais c’est toujours la même chose : au lieu de nous consacrer à l’art de vivre, nous commençons à nous tourner vers cet autre art, au lieu de façonner et d’affiner notre personnalité, nous sommes de plus en plus occupés à la déconstruire, à la dissoudre et soudain, presque du jour au lendemain, nous avons le sentiment d’être devenus vieux. Les pensées, les centres d’intérêt et les sentiments de la jeunesse nous sont désormais étrangers. C’est dans ces instants où l’on passe d’un âge à un autre que le spectacle discret et délicat de l’été qui s’éteint et disparaît progressivement peut nous saisir et nous émouvoir, emplir notre cœur d’étonnement et d’horreur, nous faire trembler et sourire à la fois. »

Messages

  • 1 8 juin 2011, 17:49, par revelpoesi

    La beauté des mots d’Hermann Hesse que je lis mais que j’entends
    surtout dire par la voix de Laurent Terzieff exprime une voix si magnifiquement humaine - pourtant là c’est la jeunesse de la voix de Laurent qui emporte le souffle de vie d’Hermann Hesse. Sa voix sublimée, transcendée par ce texte fait que la jeunesse et la vieillesse demeure en chacun de nous à jamais dans l’existence de toute éternité.
    Merveilleuse poésie.
    chantal assandri



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