Emmanuel LAURENTIN [1] : Travailler sur l’imaginaire historique des femmes et des hommes politiques, c’est croire, comme je le fais depuis maintenant presque 15 ans, peut-être à tort, que nos actes sont parfois le résultat de la vision du passé que nos familles, l’école, les études et les épreuves de la vie nous ont transmis ; car l’action, on le sait, est précédé de délibération, des délibérations collectives, mais aussi de délibérations plus intimes, des délibérations personnelles, selon que nos passés rêvés valorisent le conquérant, seul à la tête de ses troupes, l’administrateur qui organise l’État ou l’Empire, ou bien le peuple qui renverse le tyran ; bien-entendu, ces trois figures peuvent à la fois cohabiter en nous, mais également se succéder dans nos vies. Je suis donc très heureux ce matin d’approcher lors de ces Rendez-vous de l’histoire de Blois, un peu exceptionnels, Édouard PHILIPPE. Merci d’avoir accepté l’invitation du Rendez-vous de l’histoire.
Vous êtes en effet issu d’une famille politique pour qui, on le sait, l’histoire compte, puisqu’elle a beaucoup été marquée par l’histoire du 20e siècle. Est-ce le cas pour vous, Édouard PHILIPPE, et Comment ?
Édouard PHILIPPE [2] : Bonjour à tous, et merci de m’accueillir à Blois. C’est la première fois que je viens à Blois, non pas du tout à Blois, mais la première fois que je viens aux Rendez-vous de l’histoire, et je répare une erreur. C’était absurde d’avoir attendu tout ce temps pour venir aux Rendez-vous de l’histoire. Donc, je corrige une erreur, alléluia !
Sur la question que vous posez, oui, alors, évidemment, l’intérêt pour l’histoire du 20e siècle, et son impact sur le développement personnel, est évident. Il est évident, j’allais dire presque par défaut, parce que quand on se forme, quand on fait ses études, quand on commence à réfléchir à des sujets, il est assez délicat, en tout cas pour moi, d’aller chercher des déférences ailleurs que dans ce que l’on connaissait le mieux, ou plus exactement le moins mal. Et, ce que je connaissais le moins mal, au moment où j’ai commencé à lire de plus en plus d’histoire et m’intéresser à l’action publique, c’était plutôt l’histoire du 20e siècle. Donc, c’est plutôt dans l’histoire du 20e siècle que j’ai commencé à aller chercher des références, travailler dès fascinations pour des personnages, des époques, des mouvements, … Je pense que ce faisant, je suis d’une assez grande banalité, parce que quand on réfléchit à gauche, on va chercher des références dans l’histoire du 20e siècle assez spontanément, peut-être jusqu’au XIXe, et quand on réfléchit ou qu’on lit à droite, on fait un peu la même chose. Comme, je vois un certain nombre de gens qui sont plutôt issus de la famille centriste sur ces bancs, je me dis que cela doit être aussi un petit peu la même chose.
Emmanuel LAURENTIN : Il y tout de même une particularité, c’est que lorsque j’ai entamé cette série d’entretiens avec des femmes et des hommes politiques, sur leur imaginaire historique, c’était en 2007, j’étais parti de l’idée que selon, par exemple, qu’on avait comme figure tutélaire un Pierre Mendès France ou un Michel Rocard, ou qu’on avait un Napoléon ou un de Gaulle, on se disait qu’on pouvait avoir deux imaginaires distincts, c’est-à-dire celui du consensus, d’une décision qu’on prend autour d’une table pour arrêter la Guerre d’Indochine ou pour faire les Accords de Nouméa, où l’homme seul qui dirige, qui a une intuition et qui va donc aller vers l’avant. Or, vous, vous avez été dans votre jeunesse rocardien et vous appartenez à une famille politique du gaullisme, d’une certaine façon, comment faites-vous la part entre les deux ?
Édouard PHILIPPE : Très facilement, et je pense que d’immense majorité des gens sont comme moi. Je pense qu’on peut tout à fait être impressionné par l’intellectualisme d’un Blum, ou par en effet le sens politique de la construction collective d’un Mendès et être, de la même façon, pas pour les mêmes raisons, mais de la même façon, avec autant d’intensité fasciné par des figures qui s’inscrivent effectivement dans des logiques un peu différentes, quoique, comme de Gaulle, vous l’avez dit, ou comme Clemenceau. Alors Clemenceau, c’est bien, parce qu’il suffit de regarder le bon moment pour près sûr que l’on est dans le bon spectre.
Emmanuel LAURENTIN : On peut cohabiter avec des imaginaires différents ? …
Édouard PHILIPPE : On doit …
Emmanuel LAURENTIN : … et le faire cohabiter ?
Édouard PHILIPPE : Évidemment ! Sinon, c’est très, très triste, cela serait terrible. Cela serait terrible d’imaginer que - y compris d’ailleurs parce qu’on a des convictions politiques, parce qu’après tout cela arrive à des gens très bien - parce qu’on a des convictions politiques très marquées, très imprégnées par la culture de gauche ou de droite, cela n’a aucune importance, on serait insensible et in-susceptible d’aller chercher des références, des imaginaires, comme vous dites, dans d’autres registres …
Emmanuel LAURENTIN : … dans le camp d’en face …
Édouard PHILIPPE : … cela serait d’abord un signe de fermeture intellectuelle, qui serait préoccupant, et je pense que ce n’est pas le cas. D’ailleurs, quand je regarde ceux des grands hommes politiques qui ont incarné la droite ou la gauche dans les dernières années, je ne les vois pas enfermés dans un imaginaire, au contraire ils sont extrêmement soucieux, en permanence, d’aller chercher des références du pays, de l’histoire, qui ne s’inscrivent dans aucun camp, ou plus exactement qui se conjuguent entre plusieurs camps. Je doute qu’on puisse dire que l’imaginaire historique de François Mitterrand soit construit exclusivement, … Je ne le connais pas intimement, je pense que c’est plus complexe que ça, heureusement, Dieu soit loué, heureusement que c’est plus complexe que ça, … Moi, j’ai commencé à lire - j’ai dû l’écrire d’ailleurs - à gauche parce que mon milieu m’inclinait, la ligne de plus grande pente, comme dirait un bon historien, me faisait pencher vers des références marquées à gauche, et quand je suis sorti un peu de ma zone de confort, en m’interrogeant sur d’autres choses, j’ai rencontré d’autres références, qui ne m’ont pas plus convaincu, d’autres époques, d’autres façons d’envisager l’histoire, l’État, la nation, l’Europe, que sais-je, mais qui m’ont complété. Je crois qu’il ne faut pas imaginer que parce qu’on est un homme politique engagé, on devrait être prisonnier - on peut peut-être l’être - d’un référentiel historique, qui serait conforme à des convictions actuelles. Je crois que cela n’a pas de sens.
Emmanuel LAURENTIN : Vous avez beaucoup lu des biographies pour vous former, celles de Lacouture, m’avez-vous dit, vous ont beaucoup intéressé, elles sont multiples ; il y a évidemment de Gaulle, Mendès, Blum, mais il y a aussi les grands conquérants : et Alexandre le Grand, … Tout cela fait partie de ce premier bagage ?
Édouard PHILIPPE : Alexandre le Grand, c’est un amour d’enfance qui ne m’a pas quitté. Le premier personnage historique dont je ne suis dit : « ah, … », là j’ai le masque vous ne pouvez pas voir, … mais vraiment ! parce que, comme beaucoup de petits garçons et de petites filles, je suis venu à l’intérêt pour la chose historique par la Grèce, et par la mythologie d’ailleurs assez largement.
Emmanuel LAURENTIN : … et Alexandre est presque un mythe…
Édouard PHILIPPE : Je me souviens du jour où mon père m’a offert « La mythologie grecque » de Commelin. J’étais un petit garçon et ce n’était pas un livre pour enfants. Je me souviens qu’il m’a dit : « Tu verras, c’est très. C’est très, très, très bien ! » Donc, je suis venu par là. Puis, comme personnage historique, c’est la fascination pour Alexandre parce qu’il est à la fois quelqu’un qui pense, et ça c’est une constante chez moi - à 49 ans, je me rends compte que c’est une constante, je ne m’en rendais pas compte à 7 ans -, … je suis fasciné par le conquérant qui construit, qui essaye de synthétiser ...
Emmanuel LAURENTIN : Le créateur de villes, celui qui …
Édouard PHILIPPE : Exactement, et Alexandre c’est ça, c’est incroyable, et je le comprenais pas du tout à l’époque, mais je retrouve chez Alexandre - comme beaucoup d’entre vous ici, parce que je dis des choses qui ne sont pas très originales -, plus exactement, Alexandre exerce la même fascination par sa volonté d’aller vers l’Orient, par sa volonté de construire et par sa volonté de se différencier de ce dont il vient, non pas pour le renier mais parce qu’il pense qu’il faut passer au-delà. J’ai la même fascination, pour ces raisons, pour Alexandre et pour Frédéric II. Pour moi, c’est pareil, c’est de l’ordre de : on dépasse un monde que l’on a commencé à maîtriser, si j’ose dire. C’est peut-être un peu confus de le dire comme ça.
Emmanuel LAURENTIN : On parlera peut-être de la Sicile, dans un instant. Mais ce qu’il y a d’intéressant, c’est qu’Alexandre c’est le combat militaire, la conquête militaire ; on sait que vous avez - vous l’avez dit souvent – votre sabre, que vous avez conservé de votre service militaire. Un de vos actes de l’année a été de remettre un sabre à Macky Sall, le sabre d’Omar Saïdou Tall, qu’est-ce que cette histoire militaire vous dit ? Habituellement, elle n’est pas très prisée. En tout cas chez nous, elle n’est pas très prisée, très à la mode.
Édouard PHILIPPE : C’est vrai, je confesse une fascination, pas du tout une obsession, pour l’histoire militaire, non pas du tout par le fait que je viendrais d’une famille très marquée par la chose militaire, en vérité pas du tout, à bien des égards, vraiment pas du tout, mais parce que : (1) mon expérience personnelle m’a conduit à y apprendre et apprécier beaucoup de choses ; (2) parce que pour le coup je ne vois pas qu’on puisse véritablement réfléchir à ce qu’est l’État, et d’une certaine façon à ce qu’est histoire sans intégrer, en tout cas sans avoir une appréhension réelle, de ce qu’est la guerre ; non pas du tout pour le plaisir de la guerre, je déteste ça, mais parce que quand même, c’est un petit peu structurant cette affaire, ou déstructurant, je ne sais pas comment il faut voir. Donc, dans les personnages, d’hommes d’État, desquels j’aime essayer de m’inspirer, ceux qui ne se réduisent pas à la chose militaire mais l’intègrent complètement, qu’ils soient d’ailleurs militaires aux civils, c’est vrai qu’ils exercent probablement un pouvoir de fascination important chez moi. Donc, je vous dis cela pourquoi ?
Emmanuel LAURENTIN : Clemenceau, Churchill, de Gaulle …
Édouard PHILIPPE : Oui, Alexandre le Grand et beaucoup d’autres, parce que malheureusement, l’histoire des hommes est souvent l’histoire des guerres des hommes, pas seulement, Dieu soit loué, mais souvent. Donc, cet aspect-là de livres d’histoire que je lis, est non nul, et c’est vrai qu’en France l’histoire militaire est une famille de l’histoire, les historiens militaires sont une famille d’historiens qui sont respectés mais qui ne sont probablement pas placés au même niveau d’admiration et de respect que le sont leurs homologues britanniques et américains. Vous avez remarqué comme je le dis tranquillement, poliment, mais c’est un fait. Quand vous alliez dans n’importe quelle bibliothèque, librairie, au Royaume-Uni ou en tout cas aux États-Unis, vous n’y allez plus maintenant, vous n’irez plus, mais quand vous alliez dans n’importe quel Barnes & Noble’s aux États-Unis, le rayonnage d’histoire militaire est un truc qui n’a absolument aucune espèce de comparaison avec le rayonnage qu’on a dans une librairie française, et c’est juste pas la même place, c’est le cas de le dire.
Emmanuel LAURENTIN : Pourquoi ? Parce qu’il y a aussi la question de la décision ultime dans la guerre, on gagne ou on perd, il y a aussi cette idée qu’effectivement il y a un moment où il y a une sorte de jugement de Salomon, de règle qui s’établit entre deux pays, entre deux empires, etc.
Édouard PHILIPPE : Oui, je pense qu’il y a beaucoup d’historiens dans la salle ou d’amoureux de l’histoire qui vous diraient assez volontiers qu’il est rare qu’on perde ou qu’on gagne une guerre, vraiment. Cela arrive, d’abord elles sont beaucoup plus longues que les batailles qui se succèdent, et qu’ensuite les résultats qu’elles produisent sont souvent finalement remis en cause …
Emmanuel LAURENTIN : Immédiatement …
Édouard PHILIPPE : … immédiatement. Voilà ! Donc, c’est vrai que j’ai cet intérêt pour la chose militaire et pour l’intégration de la partie militaire dans les décisions et dans les transformations que connaissent des sociétés.
Emmanuel LAURENTIN : Alors, il y a Alexandre le Grand, l’Antiquité, et sûrement d’autres batailles, par exemple de l’histoire de Rome, qui vous intéressent, je ne sais pas, Actium, d’autres moments comme cela, qui disent aussi quelque chose d’une bascule du pouvoir, on peut passer de la République à l’Empire, et cela se passe justement par l’intermédiaire de conquêtes militaires …
Édouard PHILIPPE : Ce qui est bien avec nos amis Romains, c’est qu’ils ont tout fait.
Emmanuel LAURENTIN : C’était assez long, ils avaient le temps…
Édouard PHILIPPE : … Ils ont tout fait. Comme ils ont tout fait, nous quand on a l’impression de découvrir un truc, en général si on se met sur le temps long et qu’on regarde un petit peu comment ça s’est passé, on trouve … voilà… Un jour, j’ai un journaliste qui m’a dit – pardon, ne le prenez pas mal- : « C’est quand même incroyable, on vit dans une époque politique qui complètement marquée par le storytelling », qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ! Storytelling, c’est nouveau, c’est un truc que Jules César n’avait pas du tout en tête, le mot Storytelling. Il comprenait pas du tout ce que ça pouvait être de forger sa légende et de raconter son histoire. C’est un truc, vraiment, qu’on a découvert très récemment le storytelling. Bon, j’exagère un peu en disant cela, d’ailleurs je n’exagère pas, c’est un fait, mais pour le coup, cette fascination, qui est venue sur le tard d’ailleurs, et je ne prétends pas du tout être un érudit en matière d’histoire romaine, en revanche je revendique cette fascination.
Emmanuel LAURENTIN : Plus que pour les Grecs ? …
Édouard PHILIPPE : Maintenant oui, c’est l’âge …
Emmanuel LAURENTIN : C’est plus pour Auguste que Périclès ? …
Édouard PHILIPPE : Peut-être que dans quelques années, je revendrai à mes amours premières. Mais, vraiment, plus sérieusement, cette histoire romaine, cette nation d’ingénieurs et juristes, cette capacité à inventer des solutions politiques, ou à affronter des questions politiques, c’est incroyable ! J’en suis, quand je lis des livres sur l’histoire de Rome, quand j’essaie de rentrer dans tel ou tel détail, je suis littéralement fasciné, et souvent très triste du reste, qu’au fond cette partie aussi décisive de ce que nous sommes, soit à ce point réduit à quelques points qui sont mal digérés. Bien souvent, quand vous posez la question à nos concitoyens, en leur demandant : « … alors, quand même l’histoire de Rome… », ils vous disent : « Le plus grand empereur romain, c’est Jules César », vous vous dites : « On est loin quand même, là, cela va être compliqué quand même, … »
Emmanuel LAURENTIN : Mais, est-ce nécessaire, justement, que tous nos concitoyens, comme on l’a pensé, parce que tout compte fait, on peut dire que toute une génération de républicains de la fin du XIXe et du début du XXe, et vous parliez de Clemenceau, ont été forgés dans l’image du conflit entre Athènes et Sparte, par exemple ? En disant, est ce qu’on est plutôt Athéniens est ce qu’on est plutôt Spartiates, par exemple, cela fait partie des références qui ont fait la classe politique du début du XXe siècle, par exemple.
Édouard PHILIPPE : La Révolution française a assez largement imité les codes, on le voit bien.
Emmanuel LAURENTIN : Voilà, mais est-ce que c’est utile justement qu’on repartage ce savoir et cette connaissance ? C’est une question.
Édouard PHILIPPE : Mon objet n’est pas de dire que c’est regrettable que tous les français n’aient pas la totalité du savoir historique, philosophique, cela n’a pas de sens, vraiment. Ce que je veux dire, c’est qu’une aussi longue période, aussi fructueuse, aussi riche, aussi peut-être signifiante pour nous, soit dans l’imaginaire collectif pour le coût réduit à aussi peu de chose est un peu dommage, voilà, c’est tout. En tout cas, prenons-le de façon positive, quand moi j’ai découvert que je connaissais aussi mal un truc aussi intéressant, j’ai passé un très bon moment.
Emmanuel LAURENTIN : Ça, c’est une vision positive effectivement, parce que les Romains ont connu l’arrivée du christianisme, le changement total, on se souvient des textes du Ve siècle ou du IVe siècle, qui disent bien : « nous on veut continuer à être païens, et d’autres disent non, maintenant il y a une nouvelle religion qui est arrivée, c’est la religion de l’empire, désormais cela sera ça », par exemple, ça c’est une véritable question, qu’est-ce que c’est que les changements justement d’une structure très longue, sous le coup d’une histoire nouvelle, d’une certaine façon ?
Édouard PHILIPPE : Ils ont, quand je dis qu’ils ont presque tout vécu et tout traité, c’est quand même de ce registre-là. Ils ont vécu le passage d’une république à une république qui ne fonctionnait plus, à un empire qui ne disait pas son nom, à un empire très centralisé, à un empire qui a divisé en deux puis en 4 le pouvoir, à des empires instables, puis à des successions en revanche très stabilisées, …
Emmanuel LAURENTIN : C’est un catalogue de solutions ou c’est un catalogue de références ? Cela ne veut pas dire qu’on va essayer de faire la même chose mais ça veut dire que quand on réfléchit à l’histoire, on se dit, je sais pas, Dioclétien, Constantin, …
Édouard PHILIPPE : Non, je ne sais s’il y a des choses, ce que je sais, c’est que quand vous êtes appelés à exercer des responsabilités, quelles qu’elles soient, publiques ou privées, mettre un peu de distance entre les choix que vous avez à faire, les contraintes que vous avez à comprendre et à essayer de réduire, mettre un peu de distance en se disant qu’au fond dans d’autres époques, et parfois dans d’autres contextes, ces questions-là ont déjà été évoquées, et que ça ne dit rien de la solution que vous devez retenir, mais que d’abord cela permet quand même, je trouve que ce n’est pas inutile …
Emmanuel LAURENTIN : Cela ça permet l’écart, de penser l’écart ?
Édouard PHILIPPE : Cela permet l’écart, cela permet peut-être de mettre un peu de profondeur, ça permet peut-être qui sait d’éviter des contresens, je ne sais pas, je ne sais pas, peut-être que cela permet juste de vous aider en vous sentant moins seul, c’est bien, quoi …
Emmanuel LAURENTIN : Alors, il y a un endroit et un lieu qui visiblement vous intéresse, on en a discuté ensemble en préparant cette rencontre, c’est la Sicile. Pourquoi la Sicile ?
Édouard PHILIPPE : D’abord parce que c’est beau, et après tout ce n’est pas rien. Pourquoi est-ce que j’aime la Sicile ? J’aime l’Italie. J’aime beaucoup l’Italie mais je suis très amoureux de la Sicile. Il se trouve qu’en Sicile, il y a une histoire incroyable, là aussi j’enfonce des portes ouvertes avec l’allégresse de l’amateur, mais il y a une histoire extraordinaire parce que c’était une histoire de sédimentations et de successions, et parce que il parce qu’il y a des moments où rien ne ressemble à ce que l’on sait de l’époque, en Sicile. Et je suis particulièrement sensible, peut-être parce que je suis moi-même Normand, à cette période assez incroyable où une bande - parce que c’est vraiment une bande de types, qui partent quand même des confins de la Manche et de l’Orne, qui font beaucoup d’enfants, qui sont très vigoureux, beaucoup, beaucoup d’enfants, mais justement, comme ils n’ont pas beaucoup de terre, c’est un problème pour manger, donc ils se disent on va aller là où il y a du bien, donc on va aller dans l’Italie du sud, et ces types qui qui 60 ans ou 70 ans avant d’arriver en Sicile ne sont littéralement rien, je veux dire la famille d’Hauteville n’est pas grand-chose, en 1131 vous avez Roger II qui devient roi de Sicile, un roi oint par le Pape. En 100 ans, c’est une progression, c’est une conquête. La façon dont s’est fait, avec à la fois une brutalité réelle et en même temps un sens politique inouï, parce que les Normands ne sont jamais majoritaires en Sicile et dans l’Italie du Sud, numériquement s’ils ne sont vraiment pas majoritaires, qui se fait au détriment de Byzance, d’abord dans le Sud de l’Italie, puis des Arabes en Sicile, et qui réussit à construire quelque chose, il faut être très prudent mais quand même quand on lit les bons auteurs on voit bien qu’il y a quelque chose qui ressemble au début du commencement d’une forme de monarchie absolue, et qui y ajoute une dimension d’ouverture intellectuelle et politique …
Emmanuel LAURENTIN : C’est plutôt Frédéric après, un peu plus …
Édouard PHILIPPE : Attendez, Roger II ne vire pas les Arabes, ne ferme pas les mosquées, quand même ! Il réussit, là aussi, un peu sur le modèle - Frédéric II ira un peu plus loin – que j’évoquais tout à l’heure avec Alexandre, à ouvrir son champ, sa conscience, son champ d’action politique, à quelque chose qui est très au-delà de lui-même, et c’est passionnant. C’est une époque, et quand après on vous dit : « Oui, tout ça, cela se passe après la première croisade », cela ne ressemble pas au Moyen Âge que l’on connaît …
Emmanuel LAURENTIN : où de jeunes nobles de toute l’Europe se retrouvent rois de Jérusalem, rois de la petite Arménie plus tard, en Morée ou d’ailleurs, c’est vrai que cela fait partie de rêves de conquête et en même temps de l’idée très particulière de gens qui sortent de leur milieu, par les armes, pour pouvoir …
Édouard PHILIPPE : Qui essayent de construire et qui, s’agissant de la Sicile normande, ne construiront pas très longtemps en matière dynastique, mais laissent une trace qui est exceptionnelle.
Emmanuel LAURENTIN : Oui, c’est le manteau de Roger II, cousu de caractères kufiques, avec un texte en arabe, alors qu’il est souverain de cette Sicile, oint par le Pape affectivement, …
Édouard PHILIPPE : … Il est conservé à [3] …
Emmanuel LAURENTIN : … qui laisse entendre, selon les lectures, qu’il est, disons, le lieu de la cohabitation, comme on a rêvé d’une Cordoue de la cohabitation, même si ce n’est pas toujours le cas, mais de la cohabitation entre les religions, mais tout de même où le pouvoir est exercé par la force, au départ.
Édouard PHILIPPE : … oui, c’était même une constante. Roger II ne devait être ni débonnaire ni totalement libérale, je ne crois pas. Mais il y a cette capacité à faire vivre des communautés ensemble, dans un projet qui les unit, alors même que sur le pourtour de la Méditerranée, partout les mêmes communautés littéralement se mettent dessus, il y a la volonté d’assumer un pouvoir politique fort face au pouvoir religieux. C’est une époque quand même assez incroyable. Puis, ensuite, quand vous avez vraiment envie de toucher à ce qui se fait de plus beau dans l’humanité, vous avez la chapelle palatine, là, franchement, s’il y en a ici qui ne la connaisse pas, attendez que les avions volent et allez-y.
Emmanuel LAURENTIN : D’autres points dans la longue histoire de l’humanité, la question de la Grande Bretagne, vous l’avez évoqué cela tout à l’heure, effectivement en Normandie on est tout en face, on sait qu’on est parti de Normandie pour conquérir cette Grande Bretagne, mais ce qui nous intéresse c’est la question d’autres solutions politiques, en particulier au moment des révolutions …
Édouard PHILIPPE : D’abord, n’y voyez pas un délire mégalomaniaque, parce que l’on a on parle de la Sicile et de l’Angleterre, qui sont deux îles qui ont été conquises par les Normands, à peu près en même temps d’ailleurs quand on y pense, c’est incroyable. Le Royaume-Uni, je connaissais, là aussi, très mal l’histoire du Royaume-Uni, sauf Churchill, là je connais bien, puis Disraeli, … Puis quand on remonte un peu avant - comme chez beaucoup de nos concitoyens – il faut dire que ce n’est pas totalement simple, à chaque fois qu’on rentre dans l’histoire nationale d’un pays, dans des périodes qu’on ne connaît pas, y compris d’ailleurs dans des périodes qu’on ne connaît pas forcément très bien en France, on est assez vite largué dans les détails. On va parler du Royaume-Uni, en ce moment, ma nouvelle frontière de lecture, j’aimerais juste comprendre c’est le Saint-Empire romain germanique, parce qu’évidemment avec Frédéric II, - c’est ça le l’amateur historien, il se promène, il remonte l’histoire …
Emmanuel LAURENTIN : Je crois que vous avez passé votre bac à Bonn.
Édouard PHILIPPE : : Oui, d’accord, mais enfin en matière de reconnaissance du Saint-Empire romain germanique, c’était limité quand-même.
Emmanuel LAURENTIN : Oui, mais vous auriez pu avoir des cours, …
Édouard PHILIPPE : Je n’y comprends rien, donc je me renseigne. Donc, rentrer dans une période, une géographie, une histoire souvent très complexe, c’est à la fois un peu vertigineux et en même temps un plaisir l’intellectuel extraordinaire. Donc, la prochaine étape, c’est le Saint-Empire romain germanique. Quand j’ai commencé à essayer de voir ce que c’était que, par exemple, je l’avais d’abord vu par Alexandre Dumas, mais les sources sont quand même contestables - la Révolution anglaise, parce que quand même là aussi ils ont décapité le roi, après tout - qu’est ce qui se joue en termes de lutte démocratique, de lutte de pouvoir, à ce moment-là, eh ben c’est passionnant. C’est passionnant et je dois dire que j’avais traversé tranquillement des études sans jamais en entendre parler.
Emmanuel LAURENTIN : Il y a tout de même dans ce que vous dites, je le perçois au fur et à mesure de notre discussion, la question des empires vous intéresse, parce que c’est avant les nations, il y a Alexandre le Grand, il y a effectivement ces Normands Sicile, il y a cette idée que la Grande Bretagne c’est aussi un empire qui se constitue en même temps, et même plus précocement que l’Empire français, etc., il y a cette question qui est différente peut-être de la notion de nation, telle qu’on a l’habitude d’y réfléchir politiquement en France en tous les cas.
Édouard PHILIPPE : Je ne sais pas. Ce qui est vrai, c’est qu’on est tellement marqué, nous, par l’État nation, qui est consubstantielle à la façon dont on appréhende notre pays, qu’on rate peut-être un peu, en tout cas moi, j’avais peut-être raté un peu dans mes lectures, le fait que ce n’est pas le bon prisme pour regarder ce qui se passe, ou ce qui s’est passé pendant très, très, très longtemps sur les territoires germaniques. Ce n’est pas du tout le bon prisme pour regarder l’Italie, cela n’a aucun sens.
Emmanuel LAURENTIN : Parce qu’il y a la question de la variété, de l’unité dans la diversité de la capacité de négocier, l’Empire austro-hongrois, ça fait partie aussi qui est une vision différente là aussi de du pouvoir central ou centralisé, tel qu’on peut l’imaginer, après Napoléon, par exemple ?
Édouard PHILIPPE : Ce que je trouve intéressant - encore une fois, je ne suis pas du tout historien, je ne vais pas aux sources, je lis le travail des historiens et j’adore ça, je les remercie d’ailleurs - ce que je trouve extraordinaire dans la lecture des historiens c’est au fond de vous montrer des choses des choses qui ont existé, des évolutions, et là on parle d’histoire politique, il n’aime pas que cela, il y a l’histoire sociale, qui est passionnante aussi que je lis avec plaisir, mais c’est de vous montrer des choses qui ont existé ailleurs ou un autre moment et de vous imposer, parce que justement elles ont existé, de les regarder en ne vous arrêtant pas aux catégories intellectuelles qui sont celles de votre époque. C’est passionnant, quand vous arrivez à faire ça. Si cela pouvait inspirer d’ailleurs quelques-uns de nos collègues dans le débat public, cela serait merveilleux.
Emmanuel LAURENTIN : Mais, c’est un voyage dans le temps, qui permet justement de comparer ; le voyage dans l’espace, j’ai l’impression, mais peut-être la vie est trop courte pour pouvoir imaginer, que vous le pratiquez moins en termes de sphères géographiques. Ce que vous nous décrivez, c’est la Méditerranée, c’est l’Europe, d’une certaine façon, vous n’êtes jamais allé braconner, comme Jacques Chirac, du côté de la Chine de l’inde …
Édouard PHILIPPE : Moins, c’est vrai. Avec Alexandre le Grand, j’ai touché les confins des rives de l’Indus, mais bon, il faut bien reconnaître que je n’ai pas traversé. Non, non, moins. Mes lectures m’ont moins porté vers l’Afrique ou vers l’Asie que vers l’Europe ou l’Amérique. C’est comme ça, ce n’est pas bien mais en même temps, c’est très réjouissant, cela me laisse une masse infinie de lectures à venir, et qui seront passionnantes. Je les ai abordées quand même, parce qu’il y a quelques livres que j’ai beaucoup aimés, je ne sais pas si ce sont des livres d’histoire, qui essaient de traiter de sujets, cette fois-ci non pas en faisant une histoire de l’Asie ou une histoire de l’Europe mais en faisant une histoire d’un phénomène de l’humanité. Je cite souvent, parce que c’est un livre dont je ne m’attendais pas à ce qu’il me marque autant, et qui m’a beaucoup marqué, un livre de Jared Diamond, qui s’appelle « Guns, Germs, and Steel », qui doit avoir probablement une traduction en français, qui est fascinant, parce qu’il se pose des questions qui intéressent pour le coup de l’humanité. C’est une histoire de l’humanité, d’une certaine façon.
Emmanuel LAURENTIN : Oui, ce sont les grandes histoires, comme Harari a pu le faire avec « Sapiens », …
Édouard PHILIPPE : … exactement.
Emmanuel LAURENTIN : … et là en l’occurrence, sa vision est celle de l’effondrement en particulier …
Édouard PHILIPPE : … non, pas dans cette vision-là, mais dans celui-là, il pose des questions qui concernent l’humanité. Pourquoi est-ce que c’est le colonisé qui meurt de la maladie du colon et pas l’inverse ? Le bouquin commence comme ça. C’est une question extraordinaire. Pourquoi est-ce que c’est toujours, ou quasi systématiquement le colonisé qui meure de la maladie importée par le colon et pas l’inverse ? Et, à partir de là, il fait une histoire de l’humanité qui parle de beaucoup d’autres choses, comment est-ce qu’on invente l’écriture et pourquoi est-ce qu’on l’invente à des époques qui sont finalement assez comparables, dans des endroits assez différents, avec des solutions un peu différentes ? C’est passionnant, et ça, cela permet un peu d’ouvrir sur des zones qui ne sont pas celles de ma zone de confort. Mais je le dis, nous lisons souvent, tous, dans notre zone de confort.
Emmanuel LAURENTIN : … Peut-être la réponse viendrait d’un historien, qui s’appelle Samir Boumediene, qui nous explique lors de la conquête des Amériques, ce sont les Européens qui ont récupéré, par la force, le secret de la quinine, parce que sinon ils allaient tous y passer. Ils ont récupéré ce savoir traditionnel et ils l’ont importé en Europe par la force, en faisant venir, à Séville en particulier, ceux qui possédaient ce secret. Cela fait peut-être partie des réponses à la question vous posiez avec Jared Diamond.
Vous avez fait partie d’une promotion de l’ENA, qui, je crois, s’appelait Marc Bloch.
Édouard PHILIPPE : … Oui.
Emmanuel LAURENTIN : … Est-ce que les promotions de l’ENA sont baptisées un peu par hasard ? Ou est-ce que ça dit quelque chose de ce que vous savez de la vision de l’histoire de Marc Bloch, et de ce que vous en pensez comme étant un des grands fondateurs d’une école l’historique français, celle des Annales ?
Édouard PHILIPPE : Ce n’est pas choisi par hasard, cela donne lieu à une nuit en général assez intense, où tous les gars d’une promotion se rassemblent pour essayer de trouver le nom qui leur va bien. En général, ils ont du mal à se mettre d’accord d’autant que pour un exercice assez intéressant sur la démocratie on ne leur donne pas de méthode pour se mettre d’accord. Alors, il n’y a jamais eu, je crois, de types qui se sont fait casser la gueule, parce qu’il proposait un nom, mais c’est parfois tendu. Il s’agit de trouver quelque chose, et un nom de promotion cela dit quelque chose forcément, ça dit quelque chose d’une majorité de la promotion qui souhaite lui donner ce nom.
Emmanuel LAURENTIN : Que dit Marc Bloch ?
Édouard PHILIPPE : Je me souviens que dans ma promotion le choix final, parce qu’il y a énormément, de choix, certains étaient rigolos d’autres l’étaient moins, certains étaient sérieux, d’autres étaient dérisoires, mais à la fin on a voté entre Machiavel et Marc Bloch.
Emmanuel LAURENTIN : Et alors ?
Édouard PHILIPPE : C’est Marc Bloch qui a gagné et j’étais content, parce que depuis le début je faisais campagne pour Marc Bloch, c’est intéressant parce qu’il a gagné. Moi, j’y étais entre 95 et 97, et il se trouve qu’à l’époque, il y avait eu une polémique à l’université de Strasbourg sur justement le non de Marc Bloch donné à, je ne sais plus, un amphi ou une université.
Emmanuel LAURENTIN : À l’université.
Édouard PHILIPPE : À l’université, et il y a eu cette polémique, cette interrogation. Nous, on était à Strasbourg, parce qu’à l’époque il y avait des gouvernants qui pensaient que cela marcherait mieux, c’était très agréable d’être à Strasbourg du reste, je ne suis pas sûr que ça marchait mieux, à mon avais cela marchait pareil mais à Strasbourg, ce qui était déjà, sans doute, une forme de progrès. Et moi, ce qui m’avait frappé dans Marc Bloch, j’en avais lu peu au moment où j’étais favorable à ce nom et j’en ai lu beaucoup ensuite, ce qui m’avait frappé à l’époque, je me souviens, c’était, là encore, le mélange le mélange assez particulier entre l’intellectuel et le combattant. J’y reviens. L’autre chose qui m’avait frappé à l’époque, c’était la très grande lucidité, la capacité à exprimer quelque chose au moment où les choses tombent, de les exprimer de les peser, alors même qu’on n’est pas simplement en retrait, en observation, mais qu’on est dans l’action.
Emmanuel LAURENTIN : D’où votre réflexion sur les fausses nouvelles de la guerre, après la Première Guerre mondiale …
Édouard PHILIPPE : Absolument …
Emmanuel LAURENTIN : … ou encore l’étrange défaite après …
Édouard PHILIPPE : J’avais trouvé que c’était bon, puis c’est ensuite, après, une fois que ce nom a prévalu, puis une fois que j’ai eu le temps de lire plutôt que de faire des choses moins intéressantes, que je me suis rendu compte de la richesse intellectuelle de l’homme, de son apport à une école historique essentielle ; puis plus tard, et cela m’a beaucoup frappé, parce que quand vous exercez des responsabilités nationales, il y a ici des gens qui savent ce que je veux dire. Il peut arriver que vous ayez de très mauvaises nouvelles, collectives ou individuelles, à annoncer, même la Secrétaire d’État, Madame la ministre, ici présente, qui s’occupe des affaires de défense a probablement eu à vivre, elle les a vécues avec moi parfois, des moments où vous rencontrez les familles de soldats qui sont morts pour la France, ou qui sont morts dans le cadre d’opérations … C’est toujours un moment assez particulier. Marc Bloch écrivait pendant la Première Guerre mondiale des lettres aux familles de ces soldats - il était capitaine à l’époque, lieutenant même au début - qui mouraient au combat sous ses ordres. Et les lettres qu’il écrit - il est au front - sont d’une humanité … Je vais vous dire, en général, quand vous n’allez pas bien, vous les lisez et vous vous dites : « Bon, OK, on doit pouvoir être meilleur, on va y arriver »
Emmanuel LAURENTIN : On va devoir clore cet entretien, j’aurais bien continué, mais je dois animer un débat juste derrière, mais je voulais vous demander, justement face à la crise, telle que vous avez eu à la vivre en tant que Premier ministre, est-ce que vous avez, à un moment ou à un autre, ou à différents moments, en particulier au tout début de cette crise du coronavirus, eu en tête, telle ou telle idée qui vous est venue liée à la lecture de Marc Bloch, des biographes d’Alexandre ? Ou est-ce que tout compte fait, ce que vous nous disiez au tout début, on peut cohabiter avec ces différents imaginaires sans forcément les prendre pour pouvoir agir ? C’était le cas ?
Édouard PHILIPPE : J’aimerais vous raconter une superbe histoire vous disant que j’ai trouvé l’inspiration dans cette somme mal connue, si possible de telle époque, elle aussi mal connue, mais en fait non. Non, non, non, je ne pense pas que puisse dire cela, ce que je peux dire c’est que dans cette période, qui était une période intense, j’ai essayé - je n’y arrivais pas toujours - tous les jours de me garder vingt minutes, ou une demi-heure, pour lire un peu et pour me poser, …
Emmanuel LAURENTIN : Les lectures historiennes parmi les autres …
Édouard PHILIPPE : Oui, en l’occurrence, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à regarder des histoires de la Révolution britannique, ce qui d’ailleurs était en soi une façon de répondre à votre question, puisque je vous rappelle que tout cela part d’une contestation politique qui se termine par une décapitation, voilà, ça a égaillé beaucoup mon quotidien.
Emmanuel LAURENTIN : Merci beaucoup, Édouard PHILIPPE. Merci d’avoir accepté ce jeu de l’imaginaire historique ici, aux Rendez-vous de l’histoire à Blois.