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La Cité des sciences, vue par Sandra KERREST-BELO

Mercredi 20 juillet 2022, rencontre avec Sandra KERREST-BELO, dans le cadre des activités « Mémoires et histoires d’Universcience »

Ce témoignage est publié, avec l’accord du témoin, que je remercie pour sa confiance et sa générosité intellectuelle.

La conservation du style oral pour les transcriptions de ce site est un choix méthodologique, cela permet de rester au plus près des dits des locuteurs, et de ne risquer aucune interprétation. Évitez les copier-coller, vous aurez plus de chance de profiter d’un document de meilleure qualité en faisant un lien, sachant que j’apporte des corrections à chaque lecture ou sur propositions d’autres lecteurs, voire des intervenants, quand ils apportent des corrections, des précisions, voire des ajouts.

Pour toute observation, correction, critique, etc., vous pouvez me contacter à cette adresse : tinhinane[arobase]gmail[point]com

Taos AIT SI SLIMANE : Bonjour Sandra. Je suis ravie de t’accueillir à la Cité des sciences et de l’industrie, pour recueillir ton témoignage sur notre établissement à l’issue de ta visite d’aujourd’hui.

Sandra KERREST-BELO : Bonjour ! Merci pour ton invitation.

Taos AIT SI SLIMANE : À partir de maintenant, tout ce que tu diras …

Sandra KERREST-BELO : Je ne pourrais pas le nier, c’est ça ?

Taos AIT SI SLIMANE : Oh que si ! Je suis, moi, tenue de tout enregistrer, de faire un quasi verbatim de nos échanges, mais il ne subsistera de cet instant que ce tu auras validé, après relecture, correction ... Je détruirai l’enregistrement immédiatement après la transcription, sens-toi libre de parler sans filtres. Je pourrais, bien sûr, prendre des notes, mais cette pratique expose, selon moi, plus à l’interprétation. Les verbatim laissent plus de latitude et de liberté au témoin pour reconsidérer ses propos, les reformuler si besoin.

On y va, pourquoi t’ai-je sollicitée pour cette interview, selon toi ?

Sandra KERREST-BELO : Sans doute parce que cela concerne un lieu que je fréquente depuis longtemps. Je visite la Cité des sciences et de l’industrie aussi bien pour mes loisirs privés, avec mon enfant, ceux de mes amies et des voisins, que dans le cadre professionnel. La Cité est accessible à une large gamme de publics, tous âges confondus. Il m’arrive de venir avec un public et la visite des lieux m’inspire de nouvelles pratiques et activités pour d’autres publics, dont j’ai directement ou indirectement la charge, en tant que parents ou CPE [1] . Comme je me suis ouverte à toi sur ma perception de cet établissement culturel, tu as « sauté » sur l’occasion de recueillir mon témoignage, ce que nous faisons à cet instant smiley sourire

Taos AIT SI SLIMANE : Tu viens de parfaitement résumer mes motivations et le contexte, merci. L’histoire de la Cité et du Palais de la Découverte, deux établissements qui sont désormais juridiquement et administrativement liés, peut se raconter en partant des points de vue des acteurs institutionnels, de différents intervenants (scientifiques, industriels, muséographes, architectes, etc.) qui collaborent avec nous, mais elle se raconte aussi du point de vue des visiteurs. On fait certes des évaluations et des études pour mieux connaître nos visiteurs, mais elles sont globalement typées, normées. Il y a, à ma connaissance, peu de longs témoignages de nos visiteurs. Je tente donc modestement de pallier à cette lacune, d’où mon recueil de témoignages directs. Des récits qui sont destinés aux archives nationales, afin de les porter à la connaissance des chercheurs, des auteurs, des journalistes, etc., qui pourront ainsi s’en saisir pour travailler sur notre histoire. Mais, les dits des témoins ne peuvent pas être cités in extenso, de manière nominative, sans l’accord explicite des témoins.

Le cadre et l’objectif de ma démarche étant explicités, passons aux choses sérieuses, chère amie, quelle profession exerces-tu en ce moment ?

Sandra KERREST-BELO : Je suis conseillère principale d’éducation depuis 23 ans. J’étais affectée à l’Académie de Créteil. J’ai travaillé dans les trois départements : le 93, le 94 et le 77. Je suis née et j’ai grandi en Seine-Saint-Denis, où j’habite encore. Depuis la rentrée 2021, j’exerce mon métier dans l’Académie de Paris.

Le public que je connais et avec lequel j’ai travaillé est celui d’île de France. J’ai plutôt travaillé, et je continue à le faire, avec un public défavorisé, mais j’ai aussi exercé dans des lycées avec des classes préparatoires, etc. Le plus souvent, ça a été sur un territoire, et par choix, avec des élèves en difficulté scolaire, qu’on poussait à oser l’excellence, à aller jusqu’au bout pour se donner des perspectives d’évolution sociale. Je suis attachée aux valeurs républicaines, que je mets en musique et applique, par conviction, dans mon cadre professionnel. Il m’importe de monter aux jeunes de quartiers défavorisés ce à quoi ils ont accès, et que souvent ils méconnaissent, alors qu’ils habitent à côté. Consciemment ou pas, ils pensent que les musées et les structures culturelles ne leur sont pas destinés.

À L’Île-Saint-Denis, où je vis, par exemple, j’ai organisé, pendant plus de dix ans, des sorties le dimanche, avec des enfants du quartier, mon fils, les enfants de mes connaissances et voisinage, qui étaient volontaires, et qui n’avaient pas forcément l’opportunité d’aller aux musées.

Taos AIT SI SLIMANE : J’entends quelquefois dire que certains enfants se disent que certaines offres, par exemple les musées, l’opéra, etc., ne sont pas pour eux, le disent-ils vraiment ? Le pensent-ils vraiment ? Où est-ce, selon toi, certains adultes qui projettent sur eux cette mise à distance ?

Sandra KERREST-BELO : Comme dans leur environnement, leur cadre familial, ils ne sont pas habitués à visiter un musée, un château, etc., par exemple lors de leurs vacances, lorsqu’on leur propose certaines sorties, spontanément, ils disent non. Ils ne disent pas forcément que ce n’est pas pour eux, mais dès lors que cela ne leur est pas familier, surtout si ce n’est pas sur leur propre territoire, ils disent que ça ne les intéresse pas, sans même savoir de quoi il s’agit vraiment.

Taos AIT SI SLIMANE : Une fois l’expérience faite …

Sandra KERREST-BELO : Lors de visites d’expositions, que par goût personnel j’aime visiter, mon œil est toujours attentif à ce qui pourrait intéresser le public que je pourrais sensibiliser et attirer pour partager avec lui une expérience qui, selon moi, ne lui paraîtrait pas rébarbative. Ce qui est bien, par exemple à la Villette, d’où ma régulière fréquentation, c’est qu’il y a plusieurs niveaux de lecture, en fonction des appétits des enfants, sans que nous ayons besoin de les forcer à faire, par exemple, une visite linéaire. S’ils accrochent à un ou deux points, et qu’ils veulent bien revenir la fois d’après, quand on revient, le pari est gagné.

Taos AIT SI SLIMANE : Comment devient-on CPE ? C’était quoi ta formation ?

Sandra KERREST-BELO : Pour devenir CPE, nombreux candidats ont obtenus une Licence en sciences de l’éducation [2] qui n’existait pas lorsque j’ai eu mon bac en 1989, « sciences de l’éducation » était alors une spécialité à partir de la licence. Le concours de CPE était ouvert, à n’importe quelle licence et aujourd’hui à n’importe quel master. En fait, je suis d’une génération de CPE, venant d’horizons très différents. Je suis titulaire d’une maîtrise LCE Espagnol, j’ai travaillé avec des collègues CPE qui sont diplômés de musicologie, droit, commerce etc., plus une formation de préparation au concours, avec une bibliographie particulière.

Taos AIT SI SLIMANE : Quand tu me parles de concours, s’agit-il de ceux de la fonction publique ?

Sandra KERREST-BELO : Ce sont des concours de l’Éducation nationale, catégorie A, c’est le même niveau de recrutement que pour des enseignants au niveau du CAPES, les professeurs des écoles avec lesquels on partage la même grille indiciaire.

Taos AIT SI SLIMANE : Qu’est-ce qui t’a éveillé à ce métier ?

Sandra KERREST-BELO : Pour financer mes études, j’ai été surveillante d’externat, dans des établissements scolaires, tout en préparant le CAPES et l’Agrégation d’espagnol. Un contexte qui m’a permis de découvrir le travail des CPE, et ceux que j’ai côtoyés étaient passionnants. Ils m’ont incité à passer le concours pour devenir CPE. J’ai quand même passé le CAPES et l’Agrégation, j’ai fait des vacations. J’avais fait des études espagnoles par intérêt pour la littérature latino-américaine, les civilisations anciennes, et cætera, sauf qu’avec une maîtrise d’espagnol, je ne voyais pas d’autres débouchés que l’enseignement …

Taos AIT SI SLIMANE : La traduction et l’interprétariat, non ?

Sandra KERREST-BELO : La traduction nécessitait d’autres formations, et comme j’étais surveillante, et que j’ai rencontré ces CPE, j’ai passé le concours en simultané, et c’est finalement le métier de CPE qui m’a le plus intéressé.

Taos AIT SI SLIMANE : Où as-tu fait ta scolarité ?

Sandra KERREST-BELO : Je suis née à Montreuil, j’ai suivi toute ma scolarité dans le 93. D’abord, à l’école primaire à la Croix de Chavaux, dans le bas de Montreuil, puis mes parents ont déménagé à la Boissière, où j’ai terminé mon cycle dans les hauts de Montreuil, et le début du collège. Suite à un nouveau déménagement à Bobigny, j’y ai suivi ma troisième et mon bac au lycée Louise Michel.

Taos AIT SI SLIMANE : Tu as gardé de bons souvenirs de ton école primaire ?

Sandra KERREST-BELO : Oui, globalement, je n’ai que de bons souvenirs, mis à part mon année de troisième. Par contre, je ne me souviens d’aucun CPE, que j’aurais croisé durant ma scolarité au collège et au lycée. J’exerce aujourd’hui, et depuis longtemps, un métier dont je n’ai aucun souvenir durant ma trajectoire scolaire.

Taos AIT SI SLIMANE : Tu ne te souviens même pas qu’il y avait cette fonction-là ?

Sandra KERREST-BELO : Non, je n’ai découvert cette fonction qu’à la période où j’étais surveillante.

Taos AIT SI SLIMANE : Enfant, avais-tu de bons rapports avec les autres enfants, les maîtresses et les enseignants ?

Sandra KERREST-BELO : Oui, j’étais une élève, comme on dit, calme et réservée, très scolaire avec de bons résultats.

Taos AIT SI SLIMANE : Y-a-t-il un maître et ou une maîtresse qui t’ont marquée ?

Sandra KERREST-BELO : Je ne me souviens plus bien. À l’école maternelle, j’ai eu quelques petits soucis, semble-t-il, dont je me souviens très peu. À l’école primaire, j’ai eu, pendant deux ans, le même instituteur, en CM1 et CM2, Monsieur PAMBRUN, un personnage très attentif et bienveillant, qui nous poussait en même temps vers le mieux, qu’on ne se contente pas de résultats moyens.

Taos AIT SI SLIMANE : Faisiez-vous des sorties scolaires ?

Sandra KERREST-BELO : De ma scolarité à l’école primaire, je ne me souviens pas de sorties scolaires. Par contre, au collège, on a eu des classes vertes, des voyages pour visiter les châteaux de la Loire, en Angleterre, etc. Au lycée Louise-Michel de Bobigny, je ne me souviens pas de sorties particulières.

Taos AIT SI SLIMANE : Quels métiers exerçaient tes parents ?

Sandra KERREST-BELO : Je suis d’origine portugaise, mes parents sont venus en France pour des raisons politiques, sous la dictature de Salazar. Pendant très longtemps, ils n’ont pas pu retourner au Portugal. Mon père venait d’un milieu assez privilégié de la bourgeoisie provinciale, ma mère, elle, était fille d’agriculteurs modestes, qui vivaient des fruits de leur travail. Durant toutes ces années où ils ne pouvaient pas aller au Portugal, ils ont visité la France. Ils avaient un grand intérêt pour la France, ses paysages, son histoire, son patrimoine, ce qu’ils m’ont transmis. Si pendant mes premières années, je les suivais, par la suite, ce sont eux qui se laissaient porter par mes curiosités, ils suivaient mes découvertes.

Taos AIT SI SLIMANE : Quelles parties du patrimoine français intéressaient plus particulièrement tes parents ?

Sandra KERREST-BELO : Mes parents faisaient feu de tout bois, tout pouvait les intéresser. Les parents de ma mère ne savaient ni lire ni écrire, et ma mère est venue en France comme jeune fille au pair chez un violoniste de Luis Mariano, à Romans-sur-Isère, dans la Drôme. Ma mère est venue en France par ce canal-là, alors que mon père est venu en tant que déserteur. Ils sont issus de milieux très différents. Ils se sont connus au Portugal et ils se sont retrouvés après en France. Mon père était dans la région parisienne, où lui, venant de la bourgeoisie, a eu un déclassement social. Il a passé un CAP de tourneur-fraiseur, en travaillant à la chaîne chez Citroën, à Javel. Pour ma mère, ça a été plutôt une promotion sociale. J’ai donc grandi dans cette double culture à la maison, où ma mère venant d’un milieu assez modeste, n’avait pas froid aux yeux, était plutôt dynamique, et quand elle est montée à Paris, pour rejoindre mon père, elle a été tout seule au journal du Figaro, qui publiait de petites annonces, pour trouver un boulot. Elle a été femme de ménage, puis gouvernante dans les familles. Mon père, lui, il a gravi tous les échelons, du CAP au poste de directeur commercial.

Taos AIT SI SLIMANE : Il y a quelques analogies entre le parcours de ton père et celui de Jean-Louis Étienne. Je ne sais pas si tu connais son parcours. Il a, entre autres, fait un CAP de tourneur-fraiseur pour finir médecin et explorateur … [3]

Sandra KERREST-BELO : Non, mon père a fini en tant qu’importateur d’une marque de voiture en Europe. Ils m’ont élevé dans la perspective de retourner au Portugal après la dictature.

Taos AIT SI SLIMANE : Tu as donc été également nourri à la culture portugaise ? Par des lectures ? Des récits ?

Sandra KERREST-BELO : Oui. Mes parents me parlaient en portugais, quand j’étais toute petite jusqu’à ce je commence à le maîtriser. Comme en France on n’avait pas de famille, ne travaillant que dans des milieux de français, ce qui n’est pas forcément le cas dans toutes les immigrations, mes parents parlaient entre eux en français, leur langue du quotidien. Quand on allait en vacances au Portugal, là on parlait portugais, la langue du quotidien locale. Mes parents ont pu retourner au Portugal très tardivement, mais dès mes trois ans, ils m’envoyaient en vacances chez mes grands-parents. J’ai ainsi été en immersion complète dans la culture portugaise dès mes trois ans, jusqu’à mes 12 ans où ils ont pu, eux aussi, retourner au Portugal. Par ailleurs, à partir du CE2, j’allais à l’école portugaise le mercredi matin. J’ai donc validé mon certificat d’études portugais. Tout cela s’inscrivait dans un projet familial de retourner vivre au Portugal dès que les conditions le permettraient, pour que je ne sois pas en décalage avec le pays d’origine de mes parents. Ils avaient à cœur que je puisse toujours communiquer avec ma famille portugaise. Ma grand-mère paternelle m’envoyait régulièrement les comptines, des livres, je n’étais donc jamais coupée de la culture portugaise. De la sixième au bac, je suivais, en plus de ma scolarité normale, les cours du CNED, en prenant le portugais en LV1, en plus du LV1 anglais que j’avais à l’école. Après le bac, à la fac de Paris IV-Sorbonne, pour mes études d’espagnol, j’ai fait un double cursus en portugais.

Taos AIT SI SLIMANE : Avec une bonne maîtrise du français, du portugais et de l’espagnol, tu pouvais faire autre chose …

Sandra KERREST-BELO : Certes, j’ai obtenu eu un bac économique, un bac B, tout en suivant trois langues : anglais, espagnol, portugais, plus le latin.

Taos AIT SI SLIMANE : La valise en carton était plein à craquer smiley sourire Étais-tu une grande lectrice ?

Sandra KERREST-BELO : Oui. J’ai dû avaler tous les classiques : Zola, etc. Dès petite, j’étais habituée à lire. J’avais la Bibliothèque Rose, j’étais abonnée à Pomme d’Api, Astrapi, etc. À l’époque, il n’y avait pas la Littérature jeunesse, comme il y a depuis une vingtaine d’années, une fois qu’on avait fait le tour, on passait aux classiques.

Taos AIT SI SLIMANE : Quels rapports avec la musique ?

Sandra KERREST-BELO : Maman adorait la musique classique, une éducation musicale acquise au sein de la famille où elle était jeune fille au pair, et bien sûr Luis Mariano qu’elle connaissait par cœur. Elle aimait beaucoup Joan Baez, Rod Stewart, etc. Mon papa quant à lui, il aimait les chansons à texte, par goût de la langue française : Georges Brassens, Juliette Greco, Jean Claude Borelly, un trompettiste, etc. Chez nous, l’ambiance musicale était assez variée, mais il y avait peu de musique portugaise. Ma culture de la musique portugaise, je l’ai faite après, quand j’ai eu mon bac.

Taos AIT SI SLIMANE : Le fado est arrivé tardivement ?

Sandra KERREST-BELO : Au Portugal, le fado était la musique associée à la dictature, on ne l’écoutait pas à la maison. Moi, j’y suis venue après, quand il y a eu un nouveau courant au Portugal, dont le groupe Madredeus, qui a modernisé le Fado, au début années 90, et qui a fait une coupure avec la tradition d’Amália Rodrigues, plus liée à une histoire du pays, que les gens voulaient oublier.

Taos AIT SI SLIMANE : Quel rapport avaient tes parents avec la peinture et les autres arts ?

Sandra KERREST-BELO : Ma mère a arrêté l’école après son certificat d’études. Mes parents sont originaires d’Alcobaça, du district de Leiria située dans la sous-région de l’Ouest, dans la province de l’Estremadura, et la région Centre. C’est une région où il y a beaucoup d’artisanats, dont la peinture de faïences du XVIe et XVIIIe siècles, et mes deux parents peignaient sur faïences, et mon père peignait aussi des tableaux. Il y avait aussi ce goût artistique chez mes parents. En France mon père travaillait dans une entreprise, la Société Chardonnet, qui avait un comité d’entreprise, qui proposait beaucoup d’activités les week-ends, et des voyages, où ils se sont très vite inscrits. Par ce biais-là, les guides verts Michelin, et les Routards, certes limités comparés à ce que peuvent offrir les nouvelles technologies, mes parents m’ont ouvert à une multitude de découvertes, tous azimuts. Ce contexte et ces opportunités ont développé chez moi le goût du voyage, des visites des monuments, des musées, etc.

Taos AIT SI SLIMANE : Quelle place avait les sciences, la technique, la nature, l’architecture ?

Sandra KERREST-BELO : Les sciences, il y en avait assez peu, puisque mes parents n’étaient pas familiers de ces disciplines. Mon père était assez doué en mathématiques, et il était porté sur le concret, le bricolage. Je suis fille unique, il m’apprenait à peu près tout, en m’expliquant les raisons mathématiques, techniques, physiques, des choses, etc. De mon côté, j’étais plutôt hermétique aux trois causes et phénomènes technico-scientifique.

Taos AIT SI SLIMANE : Il t’a appris à faire, tu as appris à faire, sans forcément savoir pourquoi les choses se faisaient de cette manière.

Sandra KERREST-BELO : Dès lors que les choses fonctionnaient ça me suffisait. Je n’étais pas forcément branchée sur le pourquoi du comment.

Taos AIT SI SLIMANE : Te voilà à la Sorbonne, après ton succès au baccalauréat.

Sandra KERREST-BELO : Bac, Deug LLCEà la Sorbonne, à Paris IV, puis je suis partie faire ma licence et ma maîtrise à Nanterre, en suivant un de mes professeurs, puisqu’à la Sorbonne c’était très classique, très médiéval, et moi je m’intéressais plutôt à la littérature latino-américaine, un peu plus moderne, et c’était plutôt à Nanterre.

Taos AIT SI SLIMANE : Pourquoi latino-américaine ?

Sandra KERREST-BELO : Parce que j’ai découvert Jorge Luis Borges, la littérature un peu fantastique, Cortázar, etc. Puis, j’ai eu l’occasion d’étudier, pendant trois mois, à Salamanque, ça c’était pour le côté plus linguistique, puisque la linguistique m’intéressait aussi, notamment l’évolution de la langue entre le portugais et l’espagnol. La région d’origine de mes parents est une région historique du centre du Portugal, où il y a beaucoup de monuments …

Taos AIT SI SLIMANE : Quelle région ?

Sandra KERREST-BELO : On est à côté d’Aljubarrota, entre Leiria et Alcobaça, dans le centre du Portugal, où il y a eu la bataille du 14 août 1385, entre les troupes portugaises, aidées de renforts anglais, commandées par Jean Ier de Portugal et D. Nuno Álvares Pereira, et l’armée de Jean Ier de Castille, renforcée par un important contingent de chevaliers français et navarrais. C’est un endroit où il y a beaucoup de monastères, des Templiers … Elle est très riche culturellement des événements historiques. Mes parents étaient des gens curieux, qui s’intéressaient et connaissaient assez bien l’histoire la construction du Portugal. Ma grand-mère, décédée en 2012, m’alimentait également en envoyant des livres sur les légendes et sur l’histoire du pays, cela a sûrement entretenu mon intérêt pour toutes ces questions.

Taos AIT SI SLIMANE : Ta grand-mère plus que ton grand-père ?

Sandra KERREST-BELO : Mon grand-père a immigré au Canada, j’étais moins proche de lui.

Taos AIT SI SLIMANE : En poursuivant tes études universitaires, tu as été surveillante, dans quel établissement ?

Sandra KERREST-BELO : J’ai fait plusieurs établissements. J’ai commencé par un collège à Bobigny, puis dans un lycée pro toujours à Bobigny, et pour finir, j’ai été surveillante, durant cinq années, au lycée général et technologique André Boulloche de Livry Gargan (93). C’est là, que j’ai rencontré ces deux CPE, qui m’ont donné envie de faire ce métier. Puis, j’ai enchaîné comme contractuelle CPE, et j’ai passé le concours. En tant que contractuelle, j’ai fait douze établissements au fil des besoins de remplacements. J’ai commencé à Orly, dans le Val-de-Marne, dans un lycée professionnel, puis pendant un an et demi à Roissy-en-Brie, au lycée Charles Le Chauve ; ensuite j’étais au collège Jean Jaurès de Saint-Ouen, puis Lycée Maurice Utrillo à Stains ; au lycée Georges Brassens à Villepinte, le lycée professionnel Alfred Costes à Bobigny, au lycée Jacques Brel à La Courneuve, puis 17 ans au lycée Paul Éluard de Saint-Denis, et depuis la rentrée de cette année, je suis au lycée professionnel public Pierre Lescot, situé au 35 rue des Bourdonnais dans le 1er arrondissement de Paris.

Taos AIT SI SLIMANE : Il y a là un magnifique bouquet de noms d’établissements, les élèves étaient-ils sensibles à ça ?

Sandra KERREST-BELO : Il y a une grande variété de noms d’établissements en effet. Il y avait également une grande variété de public, et l’intérêt des élèves à certaines choses dépendant évidemment des équipes pédagogiques qui encadraient les classes. J’ai fait beaucoup de remplacements quand j’étais contractuelle, d’où la longue liste des lycées où j’ai été affectée. Dans un même établissement, là je peux m’appuyer sur mon expérience à Paul Éluard où j’ai exercé pendant 17 ans, où pendant 15 ans, j’étais la CPE de la filière littéraire, je suivais les classes de la seconde, spécialité théâtre, jusqu’au au Bac L, cela ne dépendait pas tellement du profil des élèves, mais surtout de l’équipe pédagogique qui les encadrait. J’avais aussi les Bac STMG, baccalauréat sciences et technologies du management et de la gestion, et les BTS électrotechnique, donc des publics assez différents, technologique et littéraires. Au-delà d’un critère d’élèves, qui seraient assignés à une filière particulière, ce qui change vraiment la donne, cela vaut aussi pour l’absentéisme - qu’en tant que CPE je suis beaucoup – c’est l’encadrement, l’effet de classe et la dynamique apportée par les professeurs qui est déterminant. Cela se retrouve aussi dans l’ouverture culturelle ou scientifique, aussi bien pour les L que pour les autres.

Taos AIT SI SLIMANE : L’équipe pédagogique qui ne se résume pas aux enseignants d’une matière ou d’une classe, non ?

Sandra KERREST-BELO : À Paul Éluard, par exemple, un très grand lycée de deux mille élèves, en fin d’année, les équipes pédagogiques demandent aux professeurs avec quels autres collègues ils veulent travailler, pour faire des binômes, en tant que professeurs principaux, etc. Souvent, quand il y a des collègues qui ont des habitudes de bien fonctionner ensemble, ils demandent à travailler ensemble, parce que les projets sont souvent d’une année sur l’autre, ce qui permet de gagner du temps, de programmer des choses dès la rentrée, de faire un suivi, etc. C’est là que réside la réussite de la dynamique de projet, des personnes qui aiment travailler ensemble, et qui ont le même désir d’offrir une ouverture d’esprit aux élèves. Paul Éluard est un établissement qui a toujours œuvré pour l’ouverture culturelle des élèves qui viennent principalement, si ce n’est exclusivement, de milieux défavorisés, avec plus de 60 % de boursiers, ce qui est énorme. Il y a des collègues qui ne font pas forcément des sorties scolaires, mais qui font très bien leur travail au sein de l’établissement et dans leurs classes. Il ne faut pas se méprendre, certains pourraient dire que tel ou tel enseignant fait beaucoup de sorties, c’est un bon enseignant, l’équation n’est pas si simple. Des collègues qui ne font pas de sortie peuvent êtres très bienveillants et qui vont apporter des ouvertures différemment aux élèves, d’autres font des sorties scolaires avec leurs élèves, sans réinvestissements en cours, en classe. J’insiste souvent sur cette clarification, pas seulement pour dire que je ne suis pas dupe, mais pour rendre justice aux efforts des équipes et des individus, selon parfois des modalités différentes, mais in fine complémentaires. Pour moi, une sortie, cela se prépare et pour bien en tirer profit, il faut réinvestir les pépites récoltées. Je pense que ce n’est jamais complètement perdu pour les élèves, mais les acquis dépendent indéniablement du travail fait en amont et en aval.

Taos AIT SI SLIMANE : Peux-tu me définir le rôle d’un CPE ?

Sandra KERREST-BELO : La circulaire de mission précise que le conseiller principal d’éducation doit placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d’épanouissement personnel. On va donc s’occuper concrètement de tout ce qui est autour de la classe. On gère l’équipe de surveillants, tout ce qui est sécurité et respect du règlement intérieur, ce qui revient à établir un planning de surveillants, en les positionnant aux endroits clés, afin de permettre aux élèves d’étudier dans le calme, organiser les salles de permanences, organiser l’aide aux devoirs, si besoin, etc. Dans le suivi des classes, on va intervenir, par exemple, sur l’apprentissage et l’accompagnement de la citoyenneté, au début on aide à faire les élections des délégués de classe, au lycée on collabore à l’animation des conseils de la vie lycéenne, on les aide pour proposer des projets, et on les accompagne dans leur réalisation, etc. Il y a également tout un volet sur l’absentéisme et sur la discipline. Concernant l’absentéisme, il faut veiller à ce qu’il y en ait le moins possible, mais le plus important est de comprendre les causes de l’absentéisme, en concertation avec les enseignants, les assistantes sociales, les conseillères d’orientation, les psychologues de l’éducation nationale, les infirmières, … Un vrai travail d’équipe, si on veut vraiment résoudre le problème à sa source, au lieu d’agir que sur les conséquences. Il s’agit surtout d’essayer d’aider l’élève au moment où il en a vraiment besoin, en repérant la personne et/ ou l’institution la plus à même de venir à son secours, de manière efficace. Les instabilités que l’on repère chez les jeunes ne sont pas toutes de nature socio-économique ou psychologique, il peut quelquefois s’agir d’une « mauvaise » orientation, voire d’une projection anxiogène vers l’avenir. Aujourd’hui, on parle de Parcoursup, qui avait été précédé par APB, Ravel, etc., on peut aider les élèves à se projeter après le bac, sans limiter leur ambition et désir. En fait, souvent les enfants issus de milieux défavorisés, se mettent des limites, ce qui les conditionne consciemment ou pas, pour une orientation vers des filières courtes, pour ne pas peser sur les finances de leurs familles. Dans ce cas, on les aides à se repérer dans le dédale complexe des possibles auxquels ils peuvent prétendre, pour les étayer tout au long d’un long parcours d’études qu’ils ambitionnent au fond d’eux, sans forcément y croire a priori. Voilà, rapidement brossé le métier du CPE, quand on le fait avec conscience, il concerne tout ce qui environne l’élève quand il n’est pas en classe, tout en veillant à ce que tout se passe au mieux, quand il est en cours. Et quand ça ne se passe pas, il faut essayer de comprendre pourquoi, où ça coince.

Taos AIT SI SLIMANE : Cela suppose donc une relation de confiance avec les élèves, les enseignants et les parents.

Sandra KERREST-BELO : Idéalement, oui.

Taos AIT SI SLIMANE : Les élèves, sachant que c’est vous qui régulez la surveillance, les absences, un certain nombre de choses de ce type, vous considèrent-ils comme des censeurs ou malgré tout comme des alliés ?

Sandra KERREST-BELO : Souvent, on intervient en première ligne, la priorité étant la sécurité de l’établissement et son bon fonctionnement. Du coup, on s’occupe prioritairement des élèves qui ont des problèmes de comportement, tout ce qui est exclusion de cours, suivis des rapports, etc., cela va être géré à notre niveau : convocation des familles, pour mettre au clair les motivations de l’exclusion, les punitions, les heures de colle …Pour tout ce qui relève des sanctions, c’est du ressort du chef d’établissement, auprès duquel on a un rôle de conseiller. Notre première intervention auprès des familles, tient avant tout à essayer de comprendre les raisons de l’absence de leur enfant, mais aussi pour les informer en cas de problème de discipline. Dans des établissements d’éducation prioritaire, dit de zone sensible, c’est souvent notre premier rapport avec les élèves et leurs parents. Avec l’expérience, on agit sur tous les versants de nos missions, en essayant de ne pas tout sacrifier à la surveillance et à la discipline, sans pour cela céder sur ces terrains. S’occuper de la formation des délégués, du moment où ils font la profession de foi jusqu’à l’exercice de leur mandat, est fondamental et important. Mais, l’urgence et l’extrême vigilance sera toujours de veiller à ce que cela soit au calme.

Taos AIT SI SLIMANE : Surveiller et punir, avant tout, diraient-ils ?

Sandra KERREST-BELO : Au début, je te disais que je ne me souvenais pas de mes CPE, à l’époque où j’étais élève. Aujourd’hui, je me dis que c’est parce que j’étais une bonne élève, je ne m’absentais pas, je ne posais pas de problèmes de discipline, et je n’étais pas déléguée de classe. Ils sont certainement venus se présenter à nous, dans nos classes au début de l’année, mais je n’ai pas eu à faire à eux. Aujourd’hui, dans mon cadre professionnel, les élèves que je connais le plus, surtout dans mon ancien établissement où il y avait 85 classes, ce sont ceux que je convoquais, suite à des rapports, des absences, ou alors ceux que j’accompagnais, car investis dans la vie de l’établissement, comme délégué. Ces derniers nous voient comme des accompagnateurs et des personnes ressources auprès desquels ils peuvent trouver de l’aide et des conseils. Pour ceux qui font des bêtises, ils nous voient comme des acteurs à éviter, ceux qui peuvent décrocher le téléphone pour appeler les parents. On a en fait un rôle d’autorité, qui est ainsi posé d’entrée.

Taos AIT SI SLIMANE : Comment vous voient les enseignants ? Ils vous passent les patates chaudes où vous sollicitent-ils pour réaliser des projets éducatifs et culturels ?

Sandra KERREST-BELO : Il arrive que des enseignants, sortant de concours, viennent nous voir pour nous demander en quoi consiste notre métier. Dans les faits, de nombreux enseignants communiquent peu avec les CPE, ils ne connaissent pas vraiment notre métier. On hérite aussi, quand on arrive sur un poste, de la posture de nos prédécesseurs. Il y a une chose qu’il faut toujours clarifier. On ne fait pas partie de l’équipe de direction, mais le fait que nous ayons un bureau et que nous soyons souvent en réunion avec la direction, les élèves nous considèrent comme des personnels de direction. Quand on leur rappelle qu’on n’a pas d’autorité sur leurs profs, ils sont surpris. Il y a même des enseignants qui pensent que nous avons un pouvoir hiérarchique sur eux, ce qui n’est absolument pas le cas, on est sur la même grille indiciaire, on est au même niveau. Mais, notre travail, notamment en zone d’éducation prioritaire - pas exclusivement, j’ai aussi travaillé au Lycée Charles Le Chauve, à Roissy-en-Brie, un très bon lycée élitiste – est facilité par nos relations, la manière dont on échange les informations sur les élèves, leur mise en commun, etc., dans le respect de la vie privée des élèves bien évidemment. En collaborant et en mutualisant nos connaissances, cela optimise notre discernement, nous fait gagner du temps et nous permet d’agir rapidement à bon escient. En effet, quand un élève renverse une chaise en classe, il y a certes un problème de discipline mais de quoi est-il le symptôme ? Dans quel état apparent est-il arrivé au lycée ? Que s’est-il passé à la cantine ? Là, nous nous appuyons sur les assistants d’éducation, les surveillants, avec qui on collabore également, qui peuvent nous alerter par exemple sur l’absence d’appétit, l’isolement, etc., ce qui parfois renforce des observations des professeurs qui nous signalent un manque de participation en classe … Il y a des situations complexes, qu’on réussit parfois à dénouer en prenant en compte de multiples facteurs et observations. Quand on a à peu près cerné le cas, on convoque l’élève, on essaye d’aller plus loin avec lui, dans la compréhension de sa situation, et on l’oriente vers le professionnel (infirmière, assistante sociale, etc.) qui pourrait l’accompagner au mieux. Avec les enseignants, les professeurs principaux surtout, on pratique de la même manière, en échangeant assez vite des informations qui nous permettent de déceler les signaux « d’alerte », qui nécessiteraient notre secours.

Taos AIT SI SLIMANE : Raccrochons notre wagon à une des questions abordées plus haut, celle des sorties pédagogiques. Tu disais que tu faisais de nombreuses visites, dont plusieurs à la Cité des sciences. Qui était à l’initiative de ces visites ? Les enseignants ? les élèves ? Ou est-ce toi qui suggérais cette destination compte tenu de tes connaissances de ses offres ?

Sandra KERREST-BELO : Ça dépend des thèmes. Pour ce qui est des visites scientifiques, ce sont principalement les collègues enseignants, mais ça peut être un professeur d’histoire, de sciences, qui va faire une sortie et qui va me proposer de l’accompagner. C’est souvent au début de l’année scolaire, car comme on a des classes difficiles, les collègues enseignants ne veulent pas se laisser déborder par un ou deux éléments perturbateurs, ils demandent l’aide d’un CPE, sachant que nous avons un rôle d’accompagnement, mais aussi d’autorité. Il arrive aussi que les enseignants nous sollicitent en se référant à des antécédents heureux, le fait que nous ayons par le passé fait des sorties avec eux. En fait, les CPE n’ont pas pour mission d’organiser et/ ou de faire des sorties scolaires, mais il n’y a ni opposition ni contre-indication à le faire. Ayant, dans mon périmètre d’activité, beaucoup de classe un peu agitées, j’ai souvent accompagné des collègues enseignants, qui avaient pris l’habitude de travailler avec moi. Par ailleurs, à mon initiative, durant deux années avant le confinement, je me suis impliquée dans un projet qui portait sur l’orientation active pour des élèves de seconde. Il s’agissait principalement d’élèves en grande difficulté scolaire, qui ne pouvaient pas poursuivre leur scolarité dans un lycée général ou technologique, et qui n’avaient pas forcément d’idées quant à leur orientation vers les lycées professionnels. Il se trouve qu’à la Cité des sciences, vous aviez organisé La Fabrique des métiers [4] , et dans le cadre d’un projets que je portais au sein du lycée, pour un groupe d’élèves, que nous avions repérés à partir de la Toussaint, du fait de leur décrochage scolaire, leur absentéisme et manque de motivation, on organisait des visites au CIO de Saint Denis mais aussi des visites aux offres de la Cité des métiers et de la Fabrique, ça fonctionnait assez bien. Même si les métiers représentés ne les intéressaient pas au début, l’exposition du forum, telle qu’elle était montée, permettait aux élèves qui n’avaient pas d’idée d’orientation d’en trouver, et à ceux qui en avaient une de décrire d’autres autour, qui avaient des liens intéressants à examiner également. Cette initiative, que j’ai initiée et portée, en faveur des élèves en décrochage scolaire, s’est avérée très bénéfique.

Taos AIT SI SLIMANE : Vos élèves connaissaient-ils la Cité des métiers ?

Sandra KERREST-BELO : La plupart des élèves, essentiellement ceux de seconde, venaient pour la première fois.

Taos AIT SI SLIMANE : Vos professeurs des sciences naturelles, de physique-chimie, et des autres disciplines, avaient-ils le réflexe de tirer profit des offres de la Cité des sciences, du Palais de la Découverte, du CNAM, etc. ?

Sandra KERREST-BELO : Ils étaient plus coutumiers de la Cité des sciences que du Palais de la Découverte. Même moi, je n’ai pas de souvenirs de visites du Palais de la découverte, si ce n’est quand j’étais au Centre de loisir à Montreuil, là, on venait au Palais de la Découverte, vu mon âge, à ce moment-là, la Cité n’existait pas encore.

Taos AIT SI SLIMANE : As-tu des souvenirs de tes premières visites au Palais de la Découverte ?

Sandra KERREST-BELO : Oui, parce qu’après j’y suis allée quelques fois avec mon fils, mais je viens plus volontiers à la Cité des sciences, que je trouve plus accessible. Le Palais de la Découverte, est très intéressant, mais je le trouve plus écrasant en termes de savoirs et moins ludique, même s’ils ont fait beaucoup d’efforts ces dernières années. Avec nos groupes d’élèves, à moins d’avoir un groupe d’une filière scientifique, où les élèves sont intéressés et motivés, les autres, dont l’intérêt est moindre, et qui ne sont pas sûrs d’eux, la Cité est plus accessible, plus ludique. Le Palais de la Découverte me semble plus pointu dans ses approches des disciplines scientifiques.

Taos AIT SI SLIMANE : Par quel biais recevez-vous l’information et la communication d’Universcience, et auparavant de la Cité des sciences ?

Sandra KERREST-BELO : J’ai toujours essayé de tirer profit des informations disponibles dans les prospectus et les affiches mis à notre disposition par le CDI de notre établissement ou les campagnes d’affichage dans le métro. J’étais par ailleurs inscrite aux newsletters de vos établissements, que je fréquentais également dans mon cadre privé. Je profitais également des accueils, en septembre, le mercredi dédié à l’éducation nationale, où on avait des visites et des informations relativement détaillées sur les activités que l’on pouvait programmer. Je faisais toujours un retour aux enseignants de l’établissement, qui n’ont pas pu participer, en soulignant ce qui me semblait pertinent pour telle ou telle classe, mais les infos que je « glanais » lors de ces journées, je les réinvestissais également pour mes visites privées, avec ma famille et les enfants du quartier.

Taos AIT SI SLIMANE : Les enfants de ton voisinage, tu les accompagnais librement ou dans le cadre d’une association du quartier ?

Sandra KERREST-BELO : Je faisais partie de la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Élèves), et comme j’accompagnais assez souvent les visites organisées par l’école primaire où étais mon fils, du coup ses copains venaient, quand j’organisais des sorties avec lui, pratiquement tous les week-ends. J’ai par ailleurs une amie du quartier, qui est bibliothécaire à Colombes, Muriel CHESA, dont le fils était dans la même classe que le mien, et elle gardait des copains de son fils le week-end, du coup, on faisait régulièrement de petits groupes, et on se retrouvait, toutes les deux, avec six à sept enfants du quartier, on ne pouvait pas aller au-delà, pour des visites découvertes, qui généralement étaient très appréciées par les enfants, qui devenaient demandeurs de ce type de loisirs. Au Palais de la Découverte, on avait été une fois, il y a près de dix ans, alors qu’à la Cité, on y allait a minima deux fois par an.

Taos AIT SI SLIMANE : Quel événement, ou exposition, de la Cité t’a le plus marquée ? Et celui qui a le plus marqué les élèves ?

Sandra KERREST-BELO : Moi, je les aime toutes et tous, j’apprends des choses à chaque fois. Comme je te le disais, j’ai un parcours littéraire, je suis abonnée à plein de musées, et je m’intéresse plus à la sculpture, la photo et à la peinture qu’aux sciences, mais je suis une aussi une grande visiteuse de la Cité des sciences, où je reviens avec plaisir, puisque j’apprends toujours beaucoup de choses. J’ai aimé les expositions qui portaient sur le goût, Zizi sexuel [5] , les robots, le climat [6], la pandémie [7], qu’on avait visitée par hasard sur notre temps libre, on était venu pour une autre, ça, c’est un des avantages de la Cité, on n’est jamais à l’abri d’une belle découverte à laquelle on ne s’attendait pas a priori. Sur Epidémik, on s’est retrouvé, avec cinq gamins du quartier qui nous accompagnaient, avec une école d’infirmiers, venue spécifiquement pour la visiter. Nos enfants, qui ont entre 20-25 ans, en parlent encore aujourd’hui.

Taos AIT SI SLIMANE : C’est une des expositions qui les a vraiment marqués ?

Sandra KERREST-BELO : Une de celles qui les a marqués, du fait de la pandémie du Covid, qui a ravivé leurs souvenirs. Je n’ai pas en mémoire toutes les expositions, mais à la Cité il est rare que moi et celles et ceux qui m’accompagnent repartions dépités, déçus. On trouve toujours une exposition ou un dispositif qui nous intéresse. Je me souviens d’une classe, avec laquelle j’étais venue avec le professeur d’histoire et de SVT, sur la criminologie …

Taos AIT SI SLIMANE : Crim’Expo : la science enquête [8], une exposition temporaire, installée sur 600 m², du 10 Février 2009 au 3 Janvier 2010.

Sandra KERREST-BELO : C’est bien ça. À la Cité il y a une diversité d’approches et de thèmes, qui sont toujours très intéressants, auxquelles les élèves adhérentes, qu’ils visitent avec moins d’appréhension.

Taos AIT SI SLIMANE : Gaulois, une expo renversante (19 octobre 2011 au 02 septembre 2012) ; Quoi de neuf au Moyen Âge ? (11 octobre 2016 au 6 août 2017) ; La Voix, l’expo qui vous parle (10 décembre 2013 au 28 septembre 2014) ; Léonard de Vinci (23 octobre 2012 au 18 août 2013) ; Jeu Vidéo l’Expo (22 Octobre 2013 au Dimanche 24 Août 2014), Effets spéciaux (17 octobre 2017 au 26 août 2018) ; Jean (19 mai 2021 au 22 janvier 2022) etc., non ?

Sandra KERREST-BELO : On a visité celle sur les Gaulois, Jeu Vidéo, les Effets spéciaux, … Pour Jean, c’était l’année dernière. Ayant changé d’établissement cette année, je ne me suis pas vraiment impliquée dans les activités de sorties. Ma priorité portait dans ce premier temps sur l’activité dans l’établissement. Mais, étant dans un lycée professionnel, avec un public assez défavorisé, spécialisé dans les métiers qui s’appuient sur les bacs professionnels des métiers du commerce, de l’accueil de la vente, pour une fois, je me trouve dans la situation où tous les élèves, douze classes sur quinze, ont visité l’expo Jean avec leurs professeurs, mais pas moi, ce qui me frustre bien sûr smiley sourire

Taos AIT SI SLIMANE : Ces élèves ont ainsi découvert la Cité, ses potentialités, ses offres, son accessibilité ?

Sandra KERREST-BELO : La plupart de nos élèves connaissaient la Villette. Le lycée Pierre Lescot est certes dans le premier arrondissement de Paris, mais les élèves viennent essentiellement du 18ème, 19ème et 20èmearrondissement de Paris. Ce sont des élèves qui, je pense, moi j’arrive dans l’Académie de Paris, jusque-là j’étais de l’autre côté du périphérique, avaient l’habitude de fréquenter la Cité avec leur école, puisqu’ils sont des quartiers limitrophes. Ce qui me semble intéressant, c’est de venir à la Cité des sciences et de l’industrie, pour des élèves de bac pro tertiaires, pas parce qu’ils sont du quartier mais parce que venir à la Cité des sciences et de l’industrie est l’opportunité d’y trouver un intérêt. Ils ont appris beaucoup des choses sur un produit qu’ils peuvent être amenés à vendre - beaucoup se destinent au commerce de l’habillement - le nombre de métiers, de techniques et de savoir-faire qu’il faut mobiliser pour aboutir au produits manufacturés mis en vente. Une chose me paraît importante, le fait qu’ils ne s’arrêtent pas à « l’étiquette » de la structure pour s’autoriser ou pas sa fréquentation.

Taos AIT SI SLIMANE : Comptent-ils visiter d’eux-mêmes la Cité ? Sont-ils attentifs à ses offres en dehors des sorties scolaires ?

Sandra KERREST-BELO : Les enseignants du lycée viennent apparemment régulièrement à la Cité. Que les élèves viennent d’eux-mêmes pour visiter la Cité, je ne saurais pas te le dire, je n’ai aucune étude ou évaluation qui me permettraient de te répondre. Une chose est sûre, ils sont familiers du lieu, et ils ont bien vu que même s’ils ne se destinent pas à des études scientifiques et qu’ils sont dans une voie professionnelle, ils peuvent y trouver leur compte et apprendre des choses. Ce que j’ai remarqué, pour ma première année dans ce lycée, sur la période de révisions du baccalauréat, quand je leur proposais de venir réviser au CDI, ils me disaient, qu’ils révisent à la Médiathèque de la Cité des sciences. C’est apparemment des élèves qui sont assez familiers de votre établissement.

Taos AIT SI SLIMANE : Ils ont repéré la Médiathèque de la Cité, avec son accessibilité et ses amplitude horaires, ses richesses documentaires et sa gratuité, c’est effectivement un bon plan pour eux.

Sandra KERREST-BELO : Quand j’étais à Saint-Denis, on recommandait déjà à nos élèves d’aller réviser à la Médiathèque de la Cité pour les week-end, car dans le secteur, même si maintenant il y a quelques rares bibliothèque qui sont ouvertes le dimanche, il faut avoir 18 ans accéder à la bibliothèque de l’Université de Paris 8, qui est juste à côté de chez eux. Certes, pour venir ils devaient prendre le tramway et la ligne 7 du métro, mais là au moins ils pouvaient réviser sans conditions particulières, autres que celles qui s’imposent à tous dans un espace public. Nous, en tant que CPE, on les accompagne dans toutes leurs démarches dans le cadre de leurs études, y compris pour les inscriptions au baccalauréat, sur la plate-forme post-bac comme Parcoursup, etc., et bien sûr pour toutes les suggestions qui pourraient leur être utiles pour leurs devoirs, révisions, etc.

Taos AIT SI SLIMANE : Au sein de la Médiathèque de la Cité, il y a également deux entités précieuses pour les jeunes : la Cité des métiers et la Cité de la santé, où ils peuvent avoir toutes les informations en toute discrétion et fiabilité.

Sandra KERREST-BELO : Je n’ai malheureusement pas encore pleinement exploré ces deux lieux ressources, qui me semblent importants en effet. Je ne leur ai pas prêté attention jusque-là sans doute parce qu’au niveau de Saint Denis, nous avons la chance d’avoir de nombreux partenaires, comme : CASADO - Maison des Adolescents de Saint-Denis, etc. Généralement, on privilégie les partenaires locaux, au niveau de la municipalité, mais si cette information m’a personnellement échappée, d’autres collègues l’ont peut-être eue, et fait circuler.

Taos AIT SI SLIMANE : Pour avoir recueillis certains avis, il semble que les jeunes, même quand ils ont des lieux ressources proches de leur domicile ou école, pour leurs projets professionnels et les questions de santé, la leur ou celles de leurs proches, ils privilégient des lieux loin des regards de leurs proches et voisinages, pour des raisons de pudeur et de confidentialité …

Sandra KERREST-BELO : Mise à part la Fabrique des métiers où je suis venue les dernières années, on avait plutôt tendance à recommander à nos élèves la fréquentation des CIO, sachant que dans nos établissements scolaires, nous avons des permanences de psychologues de l’éducation nationale (Psy EN), qu’on appelait auparavant les conseillers d’orientation psychologues, avec lesquels les élèves peuvent prendre des rendez-vous, auprès des CPE. En fait, cela passe par nous, les CPE, soit on impose un rendez-vous au jeune, parce qu’on estime qu’il a besoin de parler et de se remobiliser sur un projet, soit à la demande du jeune, qui veut un rendez-vous avec les Psy EN. Quand il n’y a pas de problème d’anonymat, on les inscrits pour des rendez-vous au sein de l’établissement, les jours de permanence, et s’ils ne souhaitent pas que cela soit au sein de l’établissement, ou que les parents les accompagnent au lycée, sachant que pour des adolescents (entre 14-20 ans), on leur propose des rendez-vous au CIO du quartier. Dans le cas de Saint Denis, le CIO est à Pleyel, donc pas à proximité du lycée, ils peuvent y aller, y compris pendant les vacances scolaires. Nos solutions ne sont certes pas de la même envergure que celles de la Cité, mais nous, on privilégie la proximité, avec des interlocuteurs avec lesquels on interagit.

Taos AIT SI SLIMANE : Il ne s’agit pas de choisir entre l’une ou l’autre des propositions, il n’y a pas une typologie d’enfants et de situations socioculturelle, économiques et psychologiques, identiques en tous points, d’où l’intérêt des offres protéiformes pour l’accueil, l’écoute et l’accompagnement des jeunes selon leurs demandes et réels besoins.

Sandra KERREST-BELO : On est d’accord, idéalement …

Taos AIT SI SLIMANE : Revenons à la Cité, quelle exposition t’a récemment marquée ?

Sandra KERREST-BELO : Comme je le disais dès le début de cette rencontre, toutes les expositions de la Cité m’ont marquée et enrichie pour de multiples raisons. Ce matin, j’ai encore visite deux, Le Banquet  [9] et Évolutions industrielles [10] .

Taos AIT SI SLIMANE : Qu’en as-tu pensé ?

Sandra KERREST-BELO : Elles sont bien sûr différentes, et c’est ce qui est bien à la Cité. Pour moi, les deux parlent de l’industrie. J’ai, comme tu peux le deviner, le défaut des acteurs de l’Éducation nationale, quand on voit quelque chose, même sur notre temps privé, on pense à le réinvestir dans notre environnement familial et amical mais aussi dans le cadre professionnel. L’exposition Évolutions industrielles, elle fait bien le tour de nombreuses thématiques, que l’on peut approfondir soi-même par diverses ressources. C’est vraiment très, très complet. Avec Banquet, je retrouve la patte de la Cité, avec une approche ludique et de nombreux interactifs, et, contrairement à l’expo sur l’industrie, qui est linéaire, on peut revenir sur nos pas. Évolutions industrielles est historique, très dense et très complète. Les deux expositions, qui, selon moi, ne s’adressent pas aux mêmes publics, ont des partis-pris de visite différents, mais tous les deux intéressants.

Taos AIT SI SLIMANE : Toi qui aimes les beaux-arts, comment les as-tu trouvées esthétiquement ?

Sandra KERREST-BELO  : Il y a une qui est dans la pénombre, et l’autre qui pète de lumière et où que se pose notre regard, on est attiré. Évolutions industrielles commence fort avec de grands écrans, du son, de la vitesse, dès la première salle on est happé, le son, très rythmé, les images qui défilent, des informations qui sollicitent tous nos sens, il faut lire, regarder et écouter en même temps, tout notre être est tenu en haleine. Elle ne me semble pas « adéquate » pour un public de très jeunes, qui sont « zappeurs », il y a, selon moi, trop d’informations, encore une fois très intéressantes, pour leur capacité de concentration. Sur Banquet, très interactive, on peut s’asseoir, bouger, revenir sur ses pas, etc. Il y a plus d’aller-retours d’expérience. Elle génère plus de communication entre les visiteurs, on peut faire marche arrière pour montrer à quelqu’un quelque chose qu’il n’aurait pas forcément bien vu, ou qui nous semble importante. Les deux sont construites de manière très différente mais tout aussi intéressante.

Taos AIT SI SLIMANE : Tu les recommanderais à tes connaissances ?

Sandra KERREST-BELO : Absolument, j’ai déjà envoyé quelques SMS, à des gens différents, pour chacune d’elle. J’ai vivement recommandé, par exemple, Évolutions industrielles à mon fils, qui finit ses études d’une école d’ingénieurs. J’ai vu que se terminant au premier trimètre 2023, il sera de retour de son stage de six mois aux États-Unis, à Georgia Tech [11] , une école d’ingénieurs à Atlanta et aura peut-être le temps d’y venir. Aujourd’hui encore, il continue de venir à la Cité, que nous avions souvent fréquentée dans sa jeunesse. C’est également le cas pour d’autres jeunes de sa génération, que j’ai vus grandir, qui fréquentent toujours la Cité, entre copains, alors qu’au début ils nous suivaient, nous les mamans, les dimanches. Ils savent qu’ils vont passer un bon moment et apprendre des choses. Du coup, j’ai pris quelques photos, et j’ai envoyé des messages recommandant les deux expos, par exemple Banquet à des personnes qui ont des enfants de 10-12 ans, pour l’éveil des sens, etc.

Taos AIT SI SLIMANE : C’est tout ce que tu as eu le temps de faire ?

Sandra KERREST-BELO : Non, avant notre rendez-vous, je me suis baladée, j’ai revu des expositions que je n’avais pas vu depuis un petit moment. Je suis repassée voir Robots, même si je les avais vu récemment …

Taos AIT SI SLIMANE : Robots fait partie des expositions permanentes, ouverte au mois d’avril 2019, juste avant la pandémie. Es-tu passé voir l’expo temporaire Fragiles ! ?

Sandra KERREST-BELO : Non, je l’ai juste aperçue de l’extérieur. C’est une exposition pour les tout-petits, qui nécessite un billet particulier, mais même si ne suis pas très grande, j’étais à la bonne hauteur pour voir à l’intérieur. Je l’ai observée, elle est vraiment faite pour les tout-petits. J’ai fait le tour, j’ai vu les différends espaces, bien que moi, je n’ai jamais accompagné des enfants si jeunes, y compris mon fils, qui venait à son jeune âge avec ses grands-parents. Sur l’espace, j’ai vu des petits qui déambulaient avec leurs parents ou grands-parents. J’ai cru comprendre, à peu près, le thème, sans avoir testé les manips.

Taos AIT SI SLIMANE : Quel conseil nous donnerais-tu pour améliorer encore plus nos relations avec l’Éducation nationale ?

Sandra KERREST-BELO : J’avais pris l’initiative de m’inscrire au rendez-vous du mercredi des enseignants, que vous organisez en début d’année scolaire, et quand j’en parlais à mes collègues, ils n’en avaient pas connaissance. Je ne connais pas votre stratégie de communication et de marketing. Comment, moi, j’ai découvert cette journée ? Sans doute au gré de mes recherches sur les sites des musées, ou peut-être même parce que j’ai dû remplir un questionnaire lors de mon passage pour une événement, ici, en laissant mes coordonnées. Autour de moi, les gens ne savent que cela existe, alors que c’est un rendez-vous très bien organisé, c’est une vraie aide à la préparation de nos sorties pour les expositions. Certes, il y des dossiers en ligne, mais rien ne remplace vraiment le contact direct et la visualisation des dispositifs. Il faudrait donc, selon moi, penser à mieux diffuser la lettre qui invite à ce rendez-vous des enseignants, à mieux le publiciser. Il me semble également judicieux de cibler la bonne date. Les trois premières semaines de septembre, les professeurs ont la tête dans le guidon, ils préparent leurs cours, ont de nombreuses réunions de concertation, etc. Il y a vos affiches dans les transports publics, qui sont généralement très bien faites, elles attirent l’attention et séduisent, cela constitue un bon biais d’information.

Taos AIT SI SLIMANE : Que penses-tu de nos ressources documentaires, dossiers, catalogues … ?

Sandra KERREST-BELO : Je ne saurais pas vraiment te donner un avis pertinent, puisque je ne les connais pas assez, du moins pour ce qui concerne vos livres. Pour préparer mes sorties, quand une affiche attire mon attention, je regarde plus les indications et les ressources pédagogiques que vous proposez. Disons, pour faire vite, que mon réflexe est d’exploiter les ressources en ligne. Certains musées vont même jusqu’à proposer des mises en situations sous forme de jeu, pour attirer les enfants, ce qui permet quand on va en famille ce qu’il y a, selon l’âge des enfants, puisqu’ils n’ont pas forcément les mêmes centres d’intérêt, ni les mêmes potentialités d’assimilation, etc. Il fut un temps où vous proposiez des fascicules de parcours, des livres-jeux, qui étaient de bons appuis pour les enfants, voire même les adolescents. Ce type d’outils évitent le zapping de certains pour peu que ces supports soient suffisamment attractifs pour retenir l’attention des jeunes, le genre enquêtes subtiles et ludiques, qui sort de l’ordinaire des devoirs de classe, qui visent à évaluer les connaissances, est à retenir, selon moi, surtout si l’exposition n’est pas interactive, ni a priori ludique. Petit bémol au passage, pour Jeu vidéo où je suis venue avec un groupe d’adolescents, est celle qu’ils ont le moins appréciée, parce qu’il y avait des salles avec plein de jeux, mais avec des queues pour y accéder, et des temps d’attente qui les ont excédés, du coup ils n’ont pas vraiment profité de cette sortie. Habituellement, ils alternaient entre des temps de découverte, avec un peu de lecture, et des manips, là, ils n’ont fait qu’attendre, ça les a « soûlés ». Ce n’est pas celle que j’ai le moins aimée, elle était très riche, mais comme elle était dédiée au jeu, c’est là que, victime de son succès, ils ont le moins joué. Ils étaient habitués à beaucoup jouer à la Cité, leurs attentes étaient probablement décuplées, avec comme corollaire une déception de même ampleur.

Taos AIT SI SLIMANE : En organisant des visites à la Cité, profitez-vous des autres offres du Parc de la Villette, par exemple la Cité de la musique, qui organise elle aussi de très belles et riches expositions temporaire ?

Sandra KERREST-BELO : Avec les élèves, non. On a organisé des visites à la Cité de la musique, combinée avec un pique-nique au Parc. Quand on vient à la Cité, on combinait quand cela nous était possible avec une séance à la Géode et un pique-nique, là aussi. On ne fait pas les deux le même jour. On y accède d’ailleurs par deux lignes de métro distinctes, la 7 et la 5. On peut certes traverser le parc, mais ça serait lourd, d’autant qu’à la Cité il y a énormément de choses à faire. Si on combine les deux Cités, on risque « l’épuisement », « l’overdose », c’est valable pour les sorties familiales et celles professionnelles. Par contre, arriver, par exemple, par la Porte de la Villette et repartir, en traversant le Parc, par la Porte de Pantin, après un pique-nique, ça oui, on l’a fait.

Taos AIT SI SLIMANE : Restons dans cet arrondissement, faites-vous des sorties au 104 ?

Sandra KERREST-BELO : Non, pas quand j’étais à Saint-Denis. Personnellement, j’y vais, pour des expositions qui m’intéressent, que je visite avec des amis, plus qu’en famille. Les offres du 104, pour celles que je connais, ne m’ont pas, pour l’instant, inspiré des visites dans le cadre scolaire.

Taos AIT SI SLIMANE : C’est quoi pour toi la Cité des sciences ? Un établissement culturel ? Un établissement d’information et de connaissance scientifique ? Comment tu le situes par rapport au Louvre, à Beaubourg, au Muséum, au musée du CNAM, etc. ?

Sandra KERREST-BELO : Pour moi, ce sont des établissements de même nature, qui abordent des thèmes différents. Il y a toujours une expo permanente, et régulièrement des expositions temporaires. Et comme je te le disais, il y a quelques minutes, généralement on vient pour une exposition temporaire, et on profite, pour faire ou refaire un tour dans les expositions permanentes. Franchement, je ne suis jamais venue à la Cité des sciences avec l’objectif de visiter uniquement les expositions permanentes, ce que j’ai fait au Palais de la Découverte.

Taos AIT SI SLIMANE : Au Louvre, par exemple, t’arrive-t-il d’y aller sans viser forcément une exposition temporaire ?

Sandra KERREST-BELO : Oui, parce qu’au Louvre, on peut choisir de visiter une période ou une thématique, les antiquités, l’art égyptien, l’art étrusque, les salles napoléonienne parce qu’il y a un programme en histoire qui a un rapport avec ça, et cetera. Le Louvre est tellement grand, avec tellement d’époques différentes qu’in fine on y va plus, avec nos classes, pour les expositions permanentes que pour les temporaires.

Taos AIT SI SLIMANE : Comment ça se passe pour le Musée de l’homme, Muséum, etc. ?

Sandra KERREST-BELO : On va régulièrement au Muséum national d’histoire naturelle, principalement pour la Galerie de l’évolution, et quelquefois pour voir des expositions temporaires. Quant au Musée de l’homme, depuis qu’il a rée ouvert, j’y suis allée, mais pas dans le cadre de sorties de groupes. J’ai aussi personnellement visité des expositions temporaires du musée CNAM, et j’ai été, avec le petit groupe d’adolescent du quartier, pour visiter les entrepôts du CNAM, situées à Pleyel, dans la Plaine Saint Denis, dans le cadre des journées du patrimoine. J’ai une carte d’adonnée pour accéder à Beaubourg, et j’y vais assez souvent, et avec les élèves, nos sorties visent principalement les collections, par exemple sur l’art moderne, en peinture, en histoire, littérature, etc.

Taos AIT SI SLIMANE : On évoque, là, quelques musées « têtes de gondoles », faites-vous des sorties dans institutions ou musées « plus modestes » : Rodin, Cluny, Tokyo, de l’économie, de la Marine, etc.

Sandra KERREST-BELO : J’ai du mal à tout énuméré, surtout si je dois faire le tri entre ceux que je visite à titre personnel, et ceux où je vais dans le cadre professionnel ou bénévole, avec des élèves ou des jeunes de mon quartier. Au Musée de Cluny - musée national du Moyen Âge -, je ne l’ai pas visité depuis qu’il a ré ouvert, mais c’est un des musées où on est souvent allé, avec des élèves quand j’étais CPE au collège, mais aussi avec les enfants, parce que le thème du Moyen Âge, « intéresse » même ceux qui sont un peu réfractaires aux musées, des élèves et des jeunes du quartier, un peu plus turbulents, qu’on a un plus de mal à asseoir devant un tableau 10 minutes. Au musée de Cluny c’était un petit peu capharnaüm, mais il y avait tellement de choses qui leur parlaient, qu’on passait de bons moments avec eux, et c’était très agréable. On ne peut pas dire la même chose pour le palais de Tokyo, Les musées et fondations d’art moderne et contemporain, qui ne leur est pas accessible. Ils ne sont pas initiés ni habitués de ce type d’offres. Le Louvre, passe toujours, d’autant qu’on profite toujours de ses sorties pour faire un tour dans le quartier. Le musée des arts décoratifs est également très bien fait et est accessible aux jeunes scolaires.

Taos AIT SI SLIMANE : A priori, ces jeunes seraient demandeur de quoi ? Ont-ils été à l’initiative des sorties ?

Sandra KERREST-BELO : Quand on parle de sorties aux élèves, spontanément ils sont demandeurs du Parc Astérix ou Walt Disney, probablement par méconnaissance de ce qui existe. En Seine Saint Denis, il y a quand même une politique, dès le primaire, avec subventions, des partenariats. Moi, j’habite à L’Île-Saint-Denis, on a un partenariat avec le Musée d’art et d’histoire Paul Éluard, de la Ville de Saint-Denis. Il y avait beaucoup d’ateliers qui étaient proposés, dès l’école primaire, voire aux maternelles.

Taos AIT SI SLIMANE : D’eux-mêmes fréquentent-ils au moins celui-ci ?

Sandra KERREST-BELO : On ne peut pas dire que les jeunes de la commune, voire du département, ne le connaissent pas, puisque toutes les écoles primaires et maternelles y ont des partenariats. Mais, ce n’est pas un lieu où ils vont forcément retourner spontanément, à leur initiative ou avec leurs familles. Mais, s’ils ont l’occasion d’y retourner, soit au collège, au lycée, etc. ils disent : « ah, je me souviens, je suis déjà venu ».

Taos AIT SI SLIMANE : Ils gardent pourtant des souvenirs de la Cité, non ?

Sandra KERREST-BELO : Oui, parce qu’il y a le lieu, la diversité des choses auxquelles ils accèdent, la « boule » de la Géode, le Parc, etc.

Taos AIT SI SLIMANE : Les affiches dans les transports en commun jouent l’effet « Activ’mémoire »

Sandra KERREST-BELO : Assurément, on a tout le temps des affiches, qui attirent l’œil, et graphiquement on reconnaît la Cité, c’est une identité visible et lisible.

Taos AIT SI SLIMANE : Tu appréhendais cet échange, mais tu verras à la relecture que ton retour est riche et précieux, pour des acteurs qui, comme nous, souhaitent avoir un retour sur leurs pratiques et la perception de leurs offres, leurs conditions d’accueil, etc.

Sandra KERREST-BELO : Mes collègues du lycée parisien sont venus, pour l’exposition Jean, on a des gamins qui s’absentent de l’école, mais aussi aux sorties, des problèmes que je découvre, et que je n’avais pas dans l’Académie de Créteil. Pour les élèves de Seine Saint Denis, une sortie dans Paris intra-muros constitue sans doute un événement, ils pouvaient même être présents aux sorties alors qu’ils s’absentaient aux cours. Au lycée professionnel Pierre Lescot de Paris, où je suis actuellement, j’ai des élèves qui s’absentent aux cours, mais également aux sorties de cinéma, aux théâtre, aux musées, etc. Je te raconte ça, pour te dire que ce que mes collègues et moi apprécions également à la Cité, c’est la facturation selon le nombre de présents, alors que dans d’autres musées il y a moins de souplesse et de compréhension. Ça aussi, cela peut freiner nos projets. Les établissements ne peuvent, compte tenu de leurs ressources, organiser des sorties, où les absences, indépendantes de leur volonté et de leurs efforts, sont facturées. Les partis pris de la Cité des sciences sont fortement appréciés par les organisateurs des sorties, ils contribuent assurément à sa bonne réputation. Pour nous, c’est un établissement qui organise bien les visites préparatoires et l’accueil de ses groupes.

Taos AIT SI SLIMANE : Merci beaucoup pour tous ces retours, ta confiance, et ta générosité intellectuelle.

Sandra KERREST-BELO : J’espère que tu réussiras à en tirer quelque chose. Pour ma part, il me semble important de témoigner sincèrement, et sans langue de bois, en faveur d’un bel établissement.

Taos AIT SI SLIMANE : Assurément, il y a certes ce que tu nous dis sur la Cité des sciences, le Palais de la découverte et les autres établissements culturels, mais ton récit sera, je suis sûre, utile, à tous ceux qui ne connaissent pas vraiment la fonction de CPE.

Sandra KERREST-BELO : Dont des profs, voire des chefs d’établissement. Lors de dîner amicaux, ou des rencontres professionnelles, j’ai souvent eu des questions, par exemple avec des personnes qui venaient juste d’avoir le concours pour être chef d’établissement, qui me demandent en quoi consiste mon travail. Cela m’est arrivé avec des personnes qui venaient du premier degré, qui étaient d’anciens directeurs d’école ou professeurs des écoles en maternelle, eux effectivement ne pouvaient forcément connaître les CPE qui n’existent que dans le secondaire. Je réponds de bonne grâce parce que cela peut devenir vite compliqué sur le terrain. On a des réunions hebdomadaires avec tous les acteurs de l’établissement, et la communication ne peut pas se faire de manière efficace si on ne connaît pas les missions de chacun. J’avais un inspecteur vie scolaire au Rectorat de Créteil qui disait, je suis d’accord avec lui, qu’on devrait obliger tous les acteurs de l’établissement à passer au moins une semaine avec un CPE. Pour ma part, quand des collègues et des stagiaires me questionnent sur mon métier, je leur suggère de passer une journée de travail avec moi, le temps passe vite, on ne s’ennuie jamais : Tu peux avoir une réunion avec l’éducateur PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) d’un élève, suivie d’une autre avec le médecin scolaire, parce qu’il y a un plan d’accueil individuel, traiter le cas d’un élève qui vient d’être renvoyé du cours pour la troisième fois, etc., sans oublier de faire des projets. Sachant tout ça, et bien d’autres facettes, je trouve dommage, voire inquiétant, qu’au sein de l’Éducation nationale, certains acteurs méconnaissent les fonctions et les périmètres d’activités des uns et des autres, alors que la coopération de tous est indéniablement nécessaire et utile à la vie de l’établissement à l’équilibre de nos élèves et de nos personnels. Encore une fois, quand des personnes me questionnent sur mon métier, il y a ceux qui le méconnaissent totalement et souvent ceux qui réagissent, ce sont ceux qui en ont de mauvais souvenirs, généralement des personnes avec qui on a été amené à agir sur les absences, la discipline, entre autres … CPE, c’est un métier où ceux qui l’exercent viennent d’horizons très différents, même si maintenant il y a bien une licence de sciences de l’éducation, il y a encore beaucoup de gens qui y arrivent en ayant suivi d’autres circuits d’études et de formation.

Taos AIT SI SLIMANE : Je croyais, n’étant pas bien informé, que le CPE, avait un rôle de médiateur, de régulateur, pourquoi ne pas leur proposer une autre formation que la classique formation des sciences de l’éducation ?

Sandra KERREST-BELO : Moi, je fais partie de la génération qui est passée par la préparation aux concours, qui a d’ailleurs à ce jour les mêmes recommandations bibliographiques, qui traitent principalement de la psychologie des adolescents et de l’histoire des institutions. Ça, c’est la base commune, quelle que soit notre formation initiale. Puis, à partir de là, certains collègues vont se définir plus comme des travailleurs sociaux, parce qu’effectivement nos actions peuvent nous emmener sur ces terrains, où on collabore énormément avec les services sociaux, l’assistante sociale, etc. Actuellement, je travaille dans un établissement où j’ai beaucoup d’élèves qui ont des suivis avec des éducateurs de la PJJ, des élèves qui viennent de l’Institut national des jeunes aveugles, accompagnés de leurs référents, des PAI (Plan d’accueil individuel), une reconnaissance MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), et quand on travaille avec divers interlocuteurs, dont, par exemple, la médiatrice qui fait le lien entre la maison du handicap et l’école, on profite des pistes, pour évaluer les besoins, et des solutions proposées par les uns et les autres, selon les besoins de nos élèves, cela nécessite un grande énergie de travail, de la coordination et des changes constants. Nous devons prendre en compte de nombreux besoins spécifiques (transcription de cours en braille, accessibilité, mobilité et sécurité de nos espaces …), notre rôle ne se limite pas à une médiation entre acteurs de l’établissement, on n’agit pas seulement pour rappeler les règles à l’élève qui a fait une bêtise ou qui a manqué de respect au corps enseignant. La stabilité des équipes, le partage des valeurs, des règles de droits et des devoirs sont absolument indispensables à la sérénité et à la réussite de tous nos projets, qui ont de multiples facettes. C’est souvent ce qui manque notamment dans l’Académie de Créteil. Je suis restée dix-sept ans dans un établissement, j’ai souvent vu passer de nombreuses fratries, j’avais tissé des liens de confiance avec les familles en difficultés, qui de ce fait n’étaient pas tenues de raconter une énième fois leur contexte socioculturel et économique. On n’y pense pas forcément, mais l’instabilité des équipes est vécue par les jeunes, et leurs familles, comme une forme de violence, d’abandon. Je me souviens du lycée Maurice Utrillo à Stains, où un élève qui m’avait dit : « De toute façon, vous vous en fichez de nous … Vous allez partir … », effectivement j’étais là en remplacement d’une collègue partie en congés maternité, et il a ajouté : « Les CPE changent tous les ans … ». En fait, dans cet établissement, il y avait quasiment tous les ans, des mutations de tout le monde, de l’infirmière, de l’intendant, des adjoints, des profs, etc. Et avant que cet élève ne m’interpelle, je n’avais pas perçu que cette instabilité des équipes pouvait être vécue par les élèves comme une violence envers eux, une marque de désintérêt à leur égard. « Vous ne vous intéressez pas à nous, vous ne faites que passer … », effectivement les plus anciens dans l’établissement, ce que j’ai vérifié dans plein d’autres établissements où je suis passée, c’étaient les élèves. Les élèves de 3ème avaient plus d’ancienneté que n’importe quelle personne de la direction et de la vie scolaire. J’ai été confronté à cette réalité au début de ma carrière, je l’ai donc pris en compte assez vite.

Taos AIT SI SLIMANE : Comment ont-ils vécu ton départ, après 17 années passées dans ton avant dernier établissements ?

Sandra KERREST-BELO : Je ne suis pas partie dans l’indifférence totale, même si je ne suis pas la plus ancienne, une collègue est restée une année de plus. Je suis, comme je l’ai déjà dit, attachée au territoire, où je suis également investie syndicalement, dans les associations, j’habite à côté, j’ai même des élèves qui habitent mon immeuble. Je fais un petit peu partie du paysage, certaines personnes m’ont donc forcément reproché de partir. Mais, quand on leur dit : « 17 ans, c’est pas mal, non ? », là, ils me répondent : « Ah, quand même ! » Ils sont bien obligés de reconnaître qu’il y a peu de collègues qui restent aussi longtemps, notamment en Seine Saint Denis. Je dois, peut-être inconsciemment, la longévité de ma vie professionnelle au Lycée Paul Éluard à l’interpellation de l’élève de Stains, mais aussi à la proximité de mon foyer et à mes amitiés locales, mais il arrive un moment où on a besoin de changer, de voir autres choses, de vivre de nouvelles expériences. Il ne faut pas non plus minorer « l’encroûtement » qui peut se produire, quand on travaille tout le temps avec les mêmes collègues, les habitudes qui s’installent, qui nous font probablement passer à côté de choses qu’on aurait essayées, si la routine ne s’était pas installée. Il y a un mois de ça, une personne de L’Île Saint Denis m’a dit : « Mon petit dernier arrive, vous l’aurez l’année prochaine », elle a été surprise d’apprendre ma mutation, il est probable que sa « déception » vienne du fait que, comme beaucoup d’autres, elle ait été rassurée par le fait que je sois ancrée dans le territoire …

Taos AIT SI SLIMANE : Tu disais que dans ton nouvel établissement faisait face à un turn-over encore plus important.

Sandra KERREST-BELO : Je voulais changer de cadre et j’ai choisi un établissement plus petit, puisque je quittais Paul Éluard et ses 2000 élèves, 5 CPE, etc. Là, je suis seule CPE, sans adjoint, la cinquième CPE en trois ans. Je ne resterai pas 17 ans, mais au minimum un suivi de cohorte, ce qui me paraît important, accompagner les élèves qu’on accueille jusqu’au bac. Pour l’instant, je ne me suis pas fixé de limite de temps. Là, on est dans un établissement, situé dans le 1er arrondissement de Paris, les gens postulent en pensant avoir des élèves très favorisés, dans un quartier favorisé, ce qui est très, très loin d’être le cas, comme ils ne souhaitent pas travailler avec ces publics, ils battent rapidement en retraite. Moi, je sais où j’arrive, j’ai choisi ce public, a priori je devrais rester en place, le temps nécessaire à l’accomplissement de mes projets avec eux.

Taos AIT SI SLIMANE : Je te renouvelle mes remerciements et mon engament à te soumettre la transcription de cet entretien pour correction et validation avant de le déposer aux archives, voire de le rendre public, si tu m’y autorises, bien sûr.

notes bas page

[1CPE : Le Conseiller principal d’éducation, fonctionnaire d’État de catégorie A, exerce des responsabilités éducatives dans un collège, un lycée ou un lycée professionnel.

[2La licence de sciences de l’éducation est un diplôme national de l’enseignement supérieur français de premier cycle universitaire, niveau bac+3. L’obtention de cette licence permet la poursuite d’études universitaires vers le grade de master ou l’insertion dans la vie professionnelle.

[3On peut retrouver sur ce site la série d’émissions de France Culture, A voix nue : Jean-Louis Étienne, aventurier jusqu’au bout de ses rêves

[4La Fabrique participe à la Semaine de l’industrie qui se tient du 20 au 26 mars 2017. Trois temps forts sont organisés sur cette période. Chacun a obtenu la labellisation de la DGE (Direction générale des entreprises) du ministère de l’Économie et des Finances. 1 RENCONTRES ÉCOLE – ENTREPRISE : La Fabrique s’associe à la Cité des sciences et de l’industrie et la Cité des métiers pour lancer son premier cycle de rencontres école – entreprise. Trois sessions ont lieu à la Cité des sciences de l’industrie, dont la dernière durant de la Semaine de l’industrie, pour favoriser l’échange entre les jeunes, les enseignants et formateurs, et les industriels.

[5 Zizi sexuel, l’Expo ! , exposition temporaire, plateau L2, du mardi 16 octobre 2007 au dimanche 1er février 2009 : Cette exposition parle de la sexualité aux enfants sous un angle ludo-éducatif. La bande dessinée intitulée "Le Guide du zizi sexuel" de Zep et Hélène Bruller autour de son personnage Titeuf, abordant des questions comme : c’est quoi faire l’amour ? La puberté, c’est quoi ? Comment on fait les bébés ? … s’est logiquement imposée comme une source d’inspiration idéale. Par des dispositifs ludiques, chaque machine invite à une interaction physique, tentant de transmettre un peu d’humour, de clarté et de simplicité autour de ce thème.

[6 Climax, exposition temporaire, plateau L2, du mardi 28 octobre 2003 au dimanche 3 juillet 2005 : traite d’un problème scientifique majeur : le réchauffement climatique. L’exposition, conçue en trois actes, permet au visiteur de voyager au cœur de la machine climatique. Acte 1, plongée en images dans les visions du futur ; acte 2, le forum des opinions donne la parole aux experts, scientifiques et politiques ; acte 3, un jeu de simulation lui permet d’imaginer le futur de la planète. En projetant les visiteurs en 2100, et en illustrant les conséquences des politiques climatiques, l’exposition entend susciter une prise de conscience sur le rôle que chacun peut jouer dans la mise en place du développement durable.

[7Epidémik, l’expo "contagieuse", installé sur le balcon nord, du mardi 21 octobre 2008 au dimanche 3 janvier 2010 : une exposition temporaire qui met en scène les épidémies passées et à venir. Celles qui ont marqué l’histoire de l’humanité et celles qui menacent. Elle donne à comprendre les enjeux sanitaires, sociaux, économiques et politiques soulevés par les crises épidémiques et le rôle que chacun, citoyen ou décideur, peut jouer pour prévenir et lutter contre ces maladies.

[8 Crim’Expo : la science enquête À l’entrée de l’exposition, un flash d’information spécial, diffusé en boucle, annonce une bien macabre découverte : « Le directeur du musée dont on taira le nom, a été retrouvé mort dans son bureau. Aucune trace du coupable … ». Que s’est-il passé ? Le visiteur est invité à se munir d’un carnet d’enquête avant de se rendre sur la scène de crime. Sur place, il constate que les techniciens de la police scientifique ont déjà fait leur travail : l’espace est balisé, les indices sont relevés et les contours de la silhouette du directeur sont dessinés sur le sol. L’ensemble du matériel récolté : douilles, traces de sang, fibres, microfibres, empreintes digitales et traces de pas a été mis sous scellés et transmis à différents laboratoires … Il servira tout au long du parcours pour vérifier les interrogatoires des principaux suspects et instruire l’affaire. Huit laboratoires scientifiques à disposition : Le travail des techniciens de la police scientifique commence. Cette seconde partie de l’exposition se compose de huit laboratoires. Chacun d’entre eux est consacré à l’une des disciplines de la criminalistique, un univers passionnant qui fait appel à des techniques pointues en chimie, biologie et physique. Endossant alors tour à tour le rôle des différents intervenants : médecin légiste, enquêteur, dentiste légal, entomologiste, expert en balistique … le visiteur observe, expérimente et acquiert une foule d’informations précieuses qui l’aideront progressivement à se forger une opinion. Vient alors l’enquête, ultime étape du parcours. Portrait-robot, reconstitution du crime, interrogatoires … Le moment est venu d’exposer le mobile et de désigner un coupable. Conçue et réalisée par l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, cette exposition pédagogique et ludique bénéficie pour sa présentation à la Cité des sciences et de l’industrie d’un partenariat avec l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN).

[9 Banquet , exposition temporaire, du 16 novembre 2021 au 7 août 2022

[10 Évolutions industrielles , exposition temporaire, du 14 juin 2022 au 5 mars 2023.

[11Source : Wikipédia : Le Georgia Institute of Technology, connu aussi sous le nom de Georgia Tech ou GT, est une université de recherche mixte publique, et située à Atlanta (Géorgie), aux États-Unis. Elle fait partie du réseau plus large du Système universitaire de Géorgie (en anglais, University System of Georgia). Georgia Tech possède des antennes à Savannah (Géorgie, États-Unis), Metz (France), Athlone (Irlande), Shanghai (Chine), et Singapour. Georgia Tech a acquis sa réputation grâce à ses programmes d’ingénierie et d’informatique, ceux-ci figurant parmi les meilleurs du monde. L’offre de formation est complétée par des programmes dans les domaines des sciences, de l’architecture, des sciences humaines et du management.

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