Frédéric DENHEZ : Très bien, on vous retrouve pour les questions tout à leur. Merci Denis COUVET.
Jane LECOMTE, voilà il y a déjà le titre de votre intervention : « La défaunation, un processus « perdant-perdant » pour les humains les non humains les écosystèmes », voilà qui n’est pas bien gai. Vous êtes prof à Agro ParisTech. Je ne sais pas quel fond d’écran vous avez choisi.
Jane LECOMTE : Je professeur à l’université Université Paris-Saclay.
Frédéric DENHEZ : Pardon, pardon ! J’ai sauté une ligne. Allez-y.
Jane LECOMTE : Les écosystèmes du monde entier perdent actuellement leur diversité faunistique, phylogénétique, génétique, taxonomique, et fonctionnelle. C’est ce que recouvre le terme de défaunation. Ma présentation développera en quoi cette défaunation est un processus perdant-perdant, pour les humains, les non-humains et les écosystèmes.
J’ai choisi cette illustration de Charles DARWIN, entourée de faune pour placer dès le début de cette question de la défaunation et donc d’extinctions dans une perspective évolutive.
Charles DARWIN, dans son ouvrage choisit ce schéma, pour illustrer le fait que la diversité des formes de vie est en équilibre dynamique. On y voit de bas en haut que chaque ligné produit régulièrement des formes nouvelles, et la plupart de ces formes nouvelles s’éteignent. Mais, certaines se maintiennent, plus particulièrement celles qui sont les plus éloignées, car avec des niches écologiques différentes, donc moins de compétition. Et ce phénomène répété, de génération en génération, tout au cours du temps va permettre aux différentes lignées de de diverger, de produire progressivement des formes de plus en plus diversifiées. Depuis le début de la vie sur terre, ces formes ont émergé, se sont détruites constamment par des phénomènes de divergence et d’extinction. Divergences et extinction, sont donc les deux éléments de cette dynamique d’une biodiversité en évolution permanente.
Mais, c’est une dynamique qui a connu des soubresauts cours des cent derniers millions d’années. On dénombre en effet cinq épisodes d’extinctions massives, qui ont détruit jusqu’à 50% des animaux présents sur la terre. Ces extinctions ont été causées par des événements de type catastrophe, telle que des éruptions volcaniques massives, l’épuisement de l’oxygène océanique ou la collision avec un astéroïde. Et dans chaque cas, il a fallu des millions d’années pour retrouver un nombre d’espèces comparable à celui qui existait avant l’épisode d’extinction en question.
C’est cette diversité biologique dans un monde où nous évoluons depuis deux cent mille ans, que nous impactons fortement, à un rythme accéléré récemment dans l’histoire de l’humanité. En effet, on observe une forte augmentation des taux d’extinction de la faune au cours du siècle dernier, comme le montre c’est cette image de WATERS et al., qui a été reprise dans le rapport de l’IPBES, et ceci de manière très marquée pour les amphibiens, les mammifères et les oiseaux.
Comme préambule à ces extinctions d’espèces, on observe un déclin très marqué des abondances des populations. En guise d’illustration, l’Indice Planète Vivante mondial, développé par le WWF, et l’institut zoologique de Londres, montre un déclin moyen de 68% des populations : d’oiseaux, des mammifères, des poissons, de reptiles et d’amphibiens, suivies entre 70 et 2016. Il est important à ce stade de souligner que ce pourcentage correspond à la valeur moyenne des effectifs des populations animales suivies sur ces 46 ans.
L’étude de CEBALLOS et al., qui est parue en mars de cette année, prolonge cette étude par une analyse fine des effectifs de population de 29 mille 400 espèces de vertébrés terrestres, et sur celle-ci 515 sont identifiées au bord de l’extinction, c’est-à-dire comptant moins de 1000 individus. Et ce que l’on voit, c’est que en fait la plupart de ces espèces sont particulièrement proches de l’extinction, car elles comptent moins de 250 individus, ce que vous voyez en violet, et dans la plupart des cas ces quelques individus sont dispersés au sein de plusieurs sous-populations. Ils observent aussi que 94% des populations, de 70 espèces de mammifères et d’oiseaux au bord de l’extinction, ont disparu au cours du siècle dernier. En fait si on suppose que toutes ces espèces au bord de l’extinction présentent des tendances similaires, les auteurs indiquent que plus de deux cent trente-sept mille populations de ces espèces auraient disparu depuis 1900. Par ailleurs ce qu’il faut savoir, c’est que pour de nombreux groupes taxonomiques les extinctions anthropiques ne sont pas phylogénétiquement aléatoires. En outre, comme ce qui a été déjà évoqué par Denis, les extinctions d’espèces peuvent limiter considérablement les trajectoires évolutives d’autres membres de la communauté d’espèces et produire des cascades d’extinction.
Ce phénomène a été démontré, essentiellement par des travaux de modélisation, que l’extinction d’une espèce pouvait entraîner des extinctions secondaires en raison des interactions qui existent entre ces espèces. Les auteurs de cet article ont apporté une démonstration empirique, avec une expérience de réseaux alimentaire plantes-insectes. En fait, ils ont mimé une extinction dans un réseau alimentaire, l’extinction est représentée, ici, par cette petite espèce, qui disparaît. La figure que vous voyez à droite, montre la persistance de population de parasitoïdes, de pucerons, ces deux espèces ici, dans des communautés simples, c’est-à-dire ce genre de communautés, ou dans des communautés complexes. Les communautés simples sont représentées par des lignes noires, des cercles, et les complexes, dans des lignes vertes avec un petit losange. En absence d’un autre parasitoïde, il est ici indiqué comme rayé, ce sont les symboles creux, ou présence de parasitoïdes, les symboles là. En fait, la flèche indique la position des espèces qui sont représentés, ici, et là, donc ces deux espèces. Ce que l’on voit, c’est que l’absence de ce parasitoïdes entraîne une baisse de la persistance de ces deux populations de pucerons. Donc, on note un effet indirect, plus important dans les communautés complexes, en vert, que dans les communautés simples, une noire chez ces deux espèces. Il résulte que la redondance trophique pourrait réduire les phénomènes de cascades d’extinction.
La défaunation peut modifier la structure des communautés écologiques, via le phénomène de cascades d’extinction, mais quelles sont les conséquences de la défaunation sur les écosystèmes et leurs fonctionnements ? NAEEM et al., ont relié la perte de diversité, liée à l’impact anthropique, avec le fonctionnement des écosystèmes, en l’illustrant par plusieurs figures de leurs articles, que je vais vous proposer. Dans les espèces du pôle phylogénétique mondial, en bas, sont déterminées par des filtres environnementaux qui sont représentés par ces tirets. Trois écosystèmes représentatifs sont illustrés : un écosystème forestier, à gauche, un écosystème de savane au milieu et un écosystème marin droit. Le fonctionnement d’écosystèmes et représenté principalement via les échanges chimiques de l’atmosphère et de la biosphère. La défaunation généralisée, par les impacts anthropiques, est représentée dans chaque écosystème, de gauche à droite. Ces impacts entraînent un appauvrissement biotique, via la réduction de la biodiversité locale, et un phénomène d’homogénéisation biotique, via la dominante croissance des espèces domestiques, de bétail principalement.
Je vais revenir là-dessus, parce que en fait cela a été déjà évoqué par Serge MORAND, ce matin, et par Denis, mais je vais l’illustrer autrement. C’est cette homogénéisation biotique, via la dominance du bétail au regard des mammifères sauvages, cela a été mis en évidence par le calcul de la biomasse animale totale dans cet article « The biomass distribution in earth ». Les mammifères sauvages, les humains et le bétail représentent environ 7% de la biomasse totale des animaux. Mais, le plus notable, ici à droite, c’est le changement considérable de la distribution de biomasse de mammifères depuis cent mille ans. Si on observe, comme on le voit, une augmentation forte de la biomasse totale depuis cette période, on passe d’environ 0,046 gigatonnes de carbone à 0,16 gigatonnes de carbone, c’est le fait d’une espèce, l’espèce humaine, de près de 8 milliards d’individus, qui représente environ un tiers de cette biomasse, mais surtout des bovins. Les mammifères sauvages ont, eux, diminué en biomasse, ils ne représentent que 4% de la biomasse totale de la vie.
Revenons sur le lien entre biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes et les couplages existent entre les voies biogéochimiques et les réseaux d’interactions. La figure ici montre que tous les organismes contribuent au fonctionnement des écosystèmes, que ce soit en surface ou sur terre, via leurs interactions et la circulation de matière et d’énergie entre organises. Les barres verticales, colorées, relient les sources de biomasse pour chaque espèce du panneau inférieur, jusqu’au groupe biogéochimique ou la biomasse est traduite. Pour ce qui concerne la faune, on voit que leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes se traduit moins en tant que réservoir d’éléments qui contribuent aux flux de matière que dans la diversité de leurs interactions entre eux : les carnivores, herbivores, micro-herbivores, frugivores, carnivores détritiques, mais aussi, et surtout dans les interactions biotiques de ces groupes avec les autres.
Alors, quels sont les impacts de la défaunation pour un écosystème aquatique, d’eau douce par exemple, d’un écosystème au sein d’une forêt terrestre ? En fait, la diversité des interactions est représentée par un réseau trophique, en bas, à trois niveaux, dans lequel les espèces d’un niveau se nourrissent des espaces situées en-dessous. La taxonomie et la diversité fonctionnelle est représentée, ici, par des couleurs et des formes différentes dans les niveaux. La diversité génétique est représentée par différentes nuances de gris. Les flèches rouges, à l’intérieur du panneau, indiquent les transferts de nutriments et d’énergie entre les organismes des différents niveaux. Les flèches grises, que vous voyez ici, entre les panneaux inférieurs, représentent la manière dont la diversité des habitats influence le flux des nutriments et d’énergie dans un paysage. C’est vraiment à l’échelle du paysage qu’il faut envisager ça. Donc, le système d’eau douce, par exemple, reçoit des apports terrestres, représentés par différentes feuilles d’arbres la surface des sédiments, et le système terrestre reçoit des apports du système d’eau douce, représentés ici par une éphémère entrant dans le système terrestre. Les impacts des humains, en haut, sur la biodiversité, sont illustrés par le fait que ces deux systèmes ou perdu leur taux de prédateurs, ce qui entraîne un déclin par exclusion compétitive des niveaux trophiques inférieurs. Les apports anthropiques de biodiversité sont représentés ici par un poisson-chat exotiques, ayant pénétré dans le système d’eau douce, un rat et une plante exotisme, ayant pénétré dans le système terrestre.
En cette période de pandémie de la Covid 19, il n’est pas inutile, cela a été dit ce matin, de rappeler que la défaunation augmente la probabilité de transfert de zoonoses, au même titre que la diminution de l’eau et des autres ressources vitales, qui sont disponibles pour réduire la transmission interhumaine et le traitement des maladies.
Dans cet article, à partir d’une analyse de type : facteurs, pression, état, impact, réponse, les auteurs ont identifié un ensemble d’options sociales, technologiques, environnementales, économiques et de gouvernance. Les flèches plaines représentent les influences négatives, les flèches vides représentent les influences potentiellement positives. Il m’est difficile de vous les détailler, en un temps limité, mais les conclusions de cette étude sont qu’elles reconnaissent le caractère fondamental du rôle des écosystèmes et des services associés dans la gestion des risques liés aux zoonoses. Les risques liés aux zoonoses sont en effet reliés aux crises de la biodiversité à l’insécurité. Les chercheurs concluent qu’il serait donc nécessaire d’opérer un changement systémique dans la politique et la gouvernance, pour placer la connaissance sur la valeur de la biodiversité et des services écosystémiques au cœur des préoccupations sociétales, pour assurer un avenir qu’ils disent plus sûr.
Frédéric DENHEZ : Il n’y a pas beaucoup de flèches positives sur votre schéma ...
Jane LECOMTE : Eh non ! Si on place ces questions dans le cadre beaucoup plus large des ODD, même si l’ordre de ces ODD n’est pas hiérarchique, on voit quand même que les ODD vie aquatique et les ODD vie terrestre, avec la faune sauvage intérieure bien sûr, présente dans ces milieux, apparaissent en 14e et 15e place, alors que ces deux ODD, avec l’objectif du développement durable sur les changements climatiques, le 13, et celui, le 6, eau propre et assainissement, constituent un socle biosphère sur lequel s’appuie nos sociétés et leurs économies. Par ailleurs, une grande partie de ces ODD dépend du fonctionnement des écosystèmes, et concernant la faune, elle contribue, par exemple, à l’ODD 3, relative à la bonne santé et au bien-être.
Si on recentre la question de la faune dans le cadre concept de l’IPBES, qui est modèle très simplifié des interactions complexes entre le monde naturel et les sociétés humaines, la biodiversité et les écosystèmes qui contribuent au bien-être humain, via la notion des contributions de la nature aux populations, qui sont définies en tant que l’ensemble des avantages que les humains tirent de la nature, et les biens et les services écosystémiques sont donc inclus dans cette théorie, qu’il s’agisse des services d’approvisionnement, identifiés pour ce qui concerne la faune, par exemple de pêcherie, de régulation, Denis faisait allusion à l’agroécologie, la mobilisation des insectes, dans le cadre du contrôle biologique par conservation, comme alternative aux pesticides, et qui aussi les services culturels. Vous voyez ici tableau aborigènes, qui en fait reflète un autre système socio-anthropologique que le nôtre vis-à-vis des valeurs qu’ils nouent avec les non-humains. La préservation de la biodiversité, de la faune en particulier, mobilise en effet à la fois des arguments écologiques, des arguments sociaux, via notamment ces différentes perceptions de la manière d’envisager nos relations avec elle, et puis le rôle des institutions et de la gouvernance. Elle dépend aussi des valeurs qui sont attribuées à la biodiversité, avec mention, ici, à la valeur intrinsèque qui apparaît cependant quelques des couplée des autres aspects.
Je voudrais revenir là-dessus, notamment grâce à cet autre schéma, du rapport IPBES, qui monte les facteurs directs bien connus : l’érosion de la biodiversité, avec les facteurs anthropiques indirects, mais vous voyez à la base les valeurs et les comportements qui apparaissent, là pourtant explicitement, comme déterminants de ces facteurs indirects. Les éthiques environnementales apportent un éclairage important sur les valeurs que l’on peut attribuer aux no-humains. Elles ont aussi largement débattu, et débattent encore, de la possibilité de reconnaître aux non-humains des valeurs intrinsèques. Reconnaître explicitement la valeur intrinsèque aux non-humains, c’est les considérer comme une fin en soi, indépendamment de l’utilisation qu’il est possible d’en faire. La valeur instrumentale, elle, considère comme un moyen pour servir d’autres fins, notamment comme pourvoyeur de ressources et de services pour les sociétés humaines. La valeur relationnelle, considère, elle, l’ensemble des liens : représentation, attachement, valeur esthétique, soins, care, envers les non-humains. Dans ce cadre, l’anthropocentrisme n’accorde de valeurs intrinsèques qu’aux seuls humains. Par contre, les éthiques bio-centrées se proposent, elles d’attribuer une valeur intrinsèque ou vivant, au-delà des seuls individus humains. Ces éthiques bio-centrées peuvent varier suivant les entités survivantes qu’on peut considérer, que ça soit les animaux, l’ensemble des animaux, ou, par exemple, les animaux qui seraient perçus comme sensibles. Les éthiques éco-centrées mettent elles en avant les valeurs relationnelles qui lient les humains au sein des communautés biotiques. Ces éthiques prônent que les humains ont des devoirs à l’égard de chacun des autres membres qui composent cette communauté biotique, et la communauté comme un tout.
L’intégration des valeurs intrinsèques, en regard du vivant non-humain et de la faune en particulier, élargit la vision d’une faune pour les humains, on en retrouve dans l’idée de contribution de la nature aux populations et les services écosystémiques, c’est le point de vue défendu par O’CONNOR et KINTER, qui envisagent d’intégrer la valeur intrinsèque dans un schéma conceptuel d’un monde faisant cohabiter ces trois types de valeur, comme vous le voyez, dans un monde où les humains vivraient de, vivraient dans, et vivraient comme, mais aussi vivraient avec les non-humains.
Pour terminer, j’aimerais finir mon intervention en retournant en quelque sorte le titre de cette présentation, en « La faune sauvage - c’est un petit peu plus optimiste là - un processus gagnant-gagnant pour les humains, les non-humains et les écosystèmes », et, en reconsidérant la perspective évolutive que j’avais au début de mon intervention. En effet, à l’instar du processus de domestication, qu’on a vu ce matin, et ses conséquences sur les trajectoires évolutives de la faune, qui ont été décrites, les questions autour du devenir de la biodiversité, de la faune, en particulier, doivent s’envisager en regard des conséquences induites par nos décisions sur leurs trajectoires évolutives. Donc, elles nécessitent d’avoir une vision sur le long terme. L’éthique évocentrée des relations humains non-humains, que nous proposons avec François SARRAZIN, se distingue d’une approche anthropocentrée et vise à reconnecter les histoires évolutives des humains et des non-humains. Ce qu’il faut dire, et c’est ce qui est indiqué dans en ce schéma, c’est qu’en fait la plupart des modalités de préservation de la faune sont orientées pour viser au mieux un objectif de bien-être des humains et des futures générations, en privilégiant une vision de préservation de services écosystémiques, tout en acceptant une vie sauvage, qu’on pourrait qualifier, je dirais, de pittoresque. Il s’agit, dans ce scénario, d’assumer, en quelque sorte, l’Anthropocène, comme une issue complétement indépassable. L’éthique et évocentrée reconnaît, en plus de ces finalités pour les humains, l’importance de préserver la valeur adaptative des non-humains. En fait, elle prolonge l’éthique écocentrée en s’interrogeant sur les spécificités propres des humains dans l’histoire évolutive du vivant, qui en fait résiderait dans leur capacité à prendre conscience de la puissance des interactions qu’ils imposent à la faune, et dans leur capacité de dépasser volontairement cet état de fait. Donc, il s’agit là d’accepter de laisser s’exprimer librement la puissance de la faune. Cette éthique envisage donc de préserver la liberté des trajectoires évolutives des non-humains, dans des espaces dédiés, mais aussi dans les espaces anthropisés, au-delà de leur pilotage strict pour des intérêts humains. Elle envisage donc, explicitement, que les humains assument un dépassement de l’Anthropocène, en laissant une chance aux non-humains à l’échelle de l’évolution, au-delà des intérêts anthropocentré.
Je terminerais en disant que cette vision n’empêche pas l’action. En fait, elle revisite profondément notre rapport au vivant, en retournant la question souvent posée : « Pourquoi conserver la faune » en la question : « Pourquoi détruire la faune ». Mais en fait, il s’agit d’une transition majeure, une transition évolutive nouvelle, ou sens de Maynard Smith, dans son ouvrage sur les transitions majeures en évolution, une transition qui est difficile sans doute, car en fait en l’état actuel de nos connaissances, aucune autre espèce ne semble avoir régulé ses propre trajectoires de développement en pensant le devenir des autres espèces, au-delà de ses propres intérêts. Alors, c’est un challenge, il nécessite en tout cas le développement d’approches transdisciplinaires entre les sciences de l’homme et de la société, l’écologie et l’évolution.
Je vous remercie.
Frédéric DENHEZ : Merci ! Oui, aucune autre espèce que la nôtre ne détruit sciemment, mais aussi n’a l’idée de protéger sciemment les autres espèces. Ce que vous dites introduit tout le reste de l’après-midi, et est très perturbant quant à notre façon d’envisager la protection de l’environnement et la notion même des aires protégées. On protège des espèces patrimoniales, on ne protège pas forcément, comment dirais-je, des capacités évolutives, on préserve un présent qui peut être très pictorialiste, très paysagé, on ne préserve pas forcément les conditions qui permettent à l’avenir d’advenir. C’est assez révolutionnaire comme concept ?
Jane LECOMTE : Je ne sais pas, si c’est un révolutionnaire, mais en tout cas, l’intérêt, c’est que ça pousse à une certaine réflexion, et c’est vraiment notre ambition de mettre, je dirais, en mouvement un certain nombre de chercheurs d’autres disciplines, pour essayer de s’approprier, devoir, tester, invalider, réfuter ces propositions, voire aussi, peut-être, de les scénariser.
Frédéric DENHEZ : C’est passionnant, cela avait été le thème, en partie, de la journée que la FRB avait consacré à la question des aires protégées.
Merci, Jane LECOMTE. Cela oblige à voir le type de relations que nous avons avec es non-humains, les autres animaux, autres que nous, et comment l’on perçoit ses relations. On va voir cela avec vous, vous Cédric SUEUR et Marie PELE […]