Taos Aït Si Slimane : Qui êtes-vous, Stéphane QUERBES ?
Stéphane QUERBES : Je suis un photographe curieux, aventureux sur les sujets que j’aborde et ma vision des sujets traités. J’ai toujours voulu sublimer, notamment dans la photo de science, ce que l’on ne peut pas voir à l’œil nu. Grâce à la macrophotographie et à la super-macrophotographie, je peux mettre en valeur des sujets ou des phénomènes physico-chimiques qui sont indiscernables à l’œil nu. Tout l’intérêt de ce travail est de magnifier les spécimens et grâce au très grand format de l’exposition « Mille milliards de fourmis », on peut vraiment ressentir toute la beauté et la magnificence de ces insectes.
Taos Aït Si Slimane : D’où vous est venue l’idée de faire ces magnifiques portraits de fourmis ?
Stéphane QUERBES : Cela date de très longtemps ! C’est parti d’une simple question. Adolescent, je me suis posé la question, qui a l’air simple : à quoi ressemble une fourmi ? On a tendance à les voir du haut de notre mètre quatre-vingts, mais en fait on n’en voit rien du tout, la preuve est que lorsqu’on les voit haute de trois mètres, on se rend compte qu’elles sont extrêmement différentes, totalement “mutées” pour une fonction dédiée au moyen de leurs particularités physiques, elles sont très spécialisées et toutes différentes. C’est parti de cette simple question, ensuite j’ai mis dix-sept ans pour réussir à faire ce type de rendu photographique parce qu’à l’époque, la technologie argentique ne le permettait pas. C’est à l’orée des années quatre-vingt-dix — deux mille que les choses se sont précisées, grâce à la photographie numérique j’ai pu mettre en place tout un protocole qui a abouti à ce que vous pouvez voir dans cette exposition.
Taos Aït Si Slimane : Donc, votre initiative de ne découle pas d’une proposition concertée avec un scientifique, mais par curiosité et désir personnel ?
Stéphane QUERBES : C’est de ma propre initiative. J’ai cherché des spécimens, mais sur Paris et en France, du moins de ce que je connaissais des fourmis, je ne trouvais que de très petits spécimens et je ne pouvais pas les “travailler”. Là, elles sont mises en scène pour être dans une position spécifique pour que le visiteur les voie dans toute leur beauté et que je puisse les photographier de la meilleure façon. Donc, l’initiative était un simple désir d’y arriver, une sorte de rêve éveillé, un but à atteindre…
Taos Aït Si Slimane : Un rêve de voir d’aussi près une fourmi ou le challenge de photographier un aussi petit être ?
Stéphane QUERBES : En fait c’est parti d’un désir qui est devenu un rêve et un challenge au final parce que…
Taos Aït Si Slimane : Un challenge technique et esthétique ?
Stéphane QUERBES : Moins esthétique que technique, parce que l’esthétique je l’avais en tête depuis l’origine, je voulais vraiment les travailler comme des portraits d’êtres humains, pas pour faire de l’anthropomorphisme, ce qui n’est pas intéressant en soi, mais pour les mettre en lumière, les mettre en scène, qu’elles nous regardent... Là, si vous venez les voir de près dans l’exposition, on a vraiment l’impression qu’elles nous regardent, qu’elles sont là en face de nous, ce format permet d’avoir cette impression-là. Tout mon travail sur la mise en scène, sur le cadre et la lumière vise à faire ressortir les caractéristiques d’une fourmi qui est là, présente. C’était vraiment une notion de présence dont j’avais besoin, véritablement comme un portrait d’être humain.
Taos Aït Si Slimane : Une visiteuse de cette exposition que j’avais interviewée m’avait dit, concernant les photos : je suis arrivé dans une salle qui m’évoque le Musée du Quai Branly, avec de magnifiques masques africains. Que vous inspire cette réception ?
Stéphane QUERBES : Cela me fait très plaisir, j’ai l’impression d’avoir réussi mon défi. Je voulais effacer la performance technique, les difficultés qu’il y a derrière la production, au profit de l’émotion. La majorité des personnes, dont moi, pensaient savoir ce qu’est une fourmi, ces photos nous permettent de les appréhender de manière simple, frontale et directe, de les voir autrement, de les contempler, c’est tout le propos de mon travail. Je voulais qu’on les regarde et que l’on ne se dise pas simplement : oui, c’est une fourmi. Je voulais un impact émotionnel direct, fort, que les visiteurs s’exclament : wow ! Qu’ils réalisent à quel point elles sont magnifiques, qu’ils les respectent en tant qu’êtres utiles pour l’humanité, notre environnement, par leurs actions de recyclage de végétaux, de cadavres. Toutes ces petites “bêtes” que l’on ignore du regard et foule du pied…
Taos Aït Si Slimane : Ce projet, comment a-t-il atterri au Palais de la Découverte ?
Stéphane QUERBES : Le projet initial, je l’ai monté dans mon coin avec un ami directeur artistique. Puis, j’ai pris contact, par l’intermédiaire de Christian Peeters, (qui m’avait prêté les premiers spécimens de fourmis géantes), avec Patrick Buisson, qui m’a présenté à l’équipe du Palais de la Découverte.
Taos Aït Si Slimane : Initialement, il était question d’une exposition photo de portraits de fourmis ?
Stéphane QUERBES : Mon projet de base était une exposition art-science, une galerie de trente-cinq images, composant une surface gigantesque, pratiquement six cents mètres carrés de tirage photos de fourmis dans tous leurs états, de la larve jusqu’au portrait serré, mais aussi tous les détails de leur anatomie : les mandibules, les yeux, les antennes, tous les attributs qui font qu’elles sont spécifiques et qu’elles sont absolument magnifiques. C’était cela le projet à la base. Un parti pris de départ beaucoup plus orienté vers le concept art-science, je voulais mélanger du mix de vidéo, ce que l’on appelle du Vjing, avec de la musique, etc., une sorte d’installation artistique. Il a été un peu retranscrit ici, mais d’une manière plus ludique et plus classique.
Taos Aït Si Slimane : Christian Peeters est membre du comité scientifique de cette exposition, c’est aussi le scientifique avec lequel vous avez travaillé…
Stéphane QUERBES : Oui, c’est lui qui m’a fourni les premiers spécimens.
Taos Aït Si Slimane : Votre projet a subi une mue, que pensez-vous de cette métamorphose ?
Stéphane QUERBES : Par rapport au projet initial ?
Taos Aït Si Slimane : Oui.
Stéphane QUERBES : En fait, je suis agréablement surpris. Lors de la première réunion officielle où l’on a statué que mon projet avait été retenu, j’ai été très déçu lorsque l’on m’a appris que mon intention première n’allait pas se concrétiser telle quelle, que ça serait complètement différent. Ça a été en résumé une bonne nouvelle et à la fois une mauvaise. Mais quand je vois le rendu final, c’est plutôt bien rendu. La salle où sont exposés les portraits, mise à part la gigantesque fourmi qui casse un peu la perspective, je la trouve magnifique. Je suis agréablement surpris, car il y a un bon équilibre entre les contenus scientifiques qu’il y a dans cette pièce et la partie artistique.
Taos Aït Si Slimane : L’évolution du projet, en cohérence et concordance avec les partis pris de la médiation au sein du Palais de la découverte, ne vous a pas frustré ?
Stéphane QUERBES : Non, ce n’est pas frustrant. Il était clair, on me l’a expliqué dès le début, que par rapport au lieu et à son public l’approche muséale allait être différente de mon projet initial.
Taos Aït Si Slimane : C’était soit une exposition accueillie, le coût de sa réalisation restant à votre charge, soit une intention intégrée et dans ce cas la muséographie obéissait aux partis-pris de la médiation scientifique du Palais de la Découverte ?
Stéphane QUERBES : Tout à fait. Soit je proposais une exposition finalisée que le Palais de la Découverte programmerait comme un projet en location, clef en main en quelque sorte. (Les financements à la hauteur de mes ambitions, je les ai cherchés pendant plus d’une année sans succès), soit les muséographes du Palais de la Découverte la réalisaient avec leur savoir-faire et leurs partis pris, ce qui dans ce contexte me convenaient. Finalement on a trouvé un compromis entre la quantité, la taille et le choix des images, et in fine on a une petite galerie très efficace, très esthétique, et qui a beaucoup d’impact sur le public.
Taos Aït Si Slimane : Cette expérience vous donne-t-elle envie de retenter l’expérience ailleurs, avec l’amplitude et les ambitions qui étaient les vôtres au départ ? Si, oui, où, comment et avec qui ?
Stéphane QUERBES : Je prépare une présentation aux États-Unis, l’année prochaine en 2014, pour monter le projet dans différents musées de science, avec différents sponsors que l’on pourra trouver sur place. Je fais cela avec une personne qui me sert d’agent et d’intermédiaire pour préparer le terrain. Elle va présenter le dossier que je suis en train de finaliser.
Taos Aït Si Slimane : L’expérience vécue en intégrant les contraintes du Palais de la Découverte, vous a-t-elle enrichi et vous sera-t-elle utile pour vos démarches ?
Stéphane QUERBES : Le fait d’avoir été exposé au Palais de la Découverte est un très beau passeport pour les musées et institutions de culture scientifique, ça donne du poids et de la légitimité à mon idée. Cette précieuse carte de visite sera en effet un bon avantage, mais mon autre atout tient au fait qu’aux États-Unis ils soient plus que nous dans l’entertainment, le côté art et science risque de plus les séduire qu’ici. En France on a des approches plus scolaires, ou universitaires, dans un balisage strict du savoir, aux États-Unis j’espère réussir à les motiver sur le côté entertainment, même si mon propos est par ailleurs fortement ancré dans les savoirs scientifiques, extrêmement pointus et précis, que le rêve et l’imagination n’altèrent aucunement, bien au contraire, il nous rappelle que nous sommes curieux, et que nous avons soif d’apprendre. Je suis intimement convaincu que l’on peut très bien “éduquer” le public au sens large du terme.
Taos Aït Si Slimane : Pour ce projet, il y a eu Christian Peeters, membre également du Comité scientifique de l’exposition « Mille milliards de fourmis », qui a travaillé depuis des années avec les médiateurs du Palais de la Découverte, et qui est par ailleurs votre conseiller scientifique, mais il y a eu d’autres scientifiques qui ont collaboré à cette exposition, qu’est-ce qu’ils vous ont apporté ?
Stéphane QUERBES : Malgré mes recherches bibliographiques, mes discussions avec Christian Peeters et les échanges avec les médiateurs du Palais de la Découverte, la perspective de rencontrer d’autres scientifiques, experts en myrmécologie, et la séance de travail avec eux m’a été extrêmement utile. Sans doute plus encore pour la suite de mes projets sur le même thème. Ce qui m’a fasciné, et je dois dire agréablement surpris, c’est de voir à quel point ils étaient sensibles et intéressés par mes photographies. J’appréhendais un peu leurs réactions, car ils les étudient, les dissèquent, et les observent au microscope sous toutes les coutures, les connaissent par cœur. Lors de l’inauguration, Dominique Fresneau, Alain Lenoir, et d’autres m’ont confié que l’impact du format des portraits et la manière dont je les ai photographiées les avaient totalement bluffés. J’étais loin de me douter de cet effet sur les scientifiques, d’autant que pour nos séances de travail j’avais déjà mis à leur disposition des épreuves de ces portraits qui étaient sensiblement les mêmes en terme de rendu et de définition. Le format des tirages, a visiblement amplifié leurs émotions, ce dont je ne me doutais pas lors de nos échanges.
Taos Aït Si Slimane : J’ai été attentive aux commentaires des visiteurs lors de l’inauguration de l’exposition, « Mille milliards de fourmis », notamment à ceux des chercheurs, et beaucoup m’ont confié que pour eux, le regard artistique, l’efficacité technique font que désormais on regardera les photos et les illustrations des fourmis autrement. Vos photos ouvrent visiblement de nouvelles perspectives pour l’illustration et l’observation des fourmis. Ne soyez pas étonné si vous les voyez dans des publications scientifiques, scolaires et universitaires.
Stéphane QUERBES : Au-delà, comme je le disais tout à l’heure, du défi technique et du concept initial qui est le portrait, on a toujours regardé les fourmis, au moins du point de vue scientifique, comme des objets d’expérience, et là, elles sont vivantes, elles vous regardent, elles vous parlent presque. Il y a un échange direct, en somme une authentique émotion. Ça fait toute la différence, c’est pour cela que ça a fonctionné avec les scientifiques. Christian Peeters, lors de ma première visite à Jussieu afin de lui demander des spécimens pour faire mes tests, m’a dit : que voulez-vous faire avec ces fourmis ? Je lui ai répondu : je veux faire des portraits. Il ne m’a pas pris totalement pour un fou, mais il était stupéfait, il ne se rendait pas compte de ce que l’on pouvait faire, car la photographie n’est pas son métier. Moi, je les ai faits d’instinct, j’étais persuadé que l’on pouvait arriver à ça. Ça a pris dix-sept ans, pour les questions que j’ai évoquées tout à l’heure, mais c’était vraiment ce que j’avais en tête depuis toujours : des portraits avec un vrai regard, innovant et créatif, impactant.
Taos Aït Si Slimane : Je demanderai à l’occasion à Christian Peeters, ce qu’il pense des portraits tirés à cette grandeur, mais de votre côté, avez-vous pu recueillir son sentiment ? Ces photos, il les a vues, il a vu naître le projet, l’a défendu auprès de nous avec beaucoup de conviction, tout en accompagnant sa mutation et son évolution, ces portraits à cette échelle, comment il les regarde ?
Stéphane QUERBES : J’ai pu observer sa réaction le soir de l’inauguration et nous avons pu en discuter, il était extrêmement enthousiaste. Il avait déjà vu mon travail puisqu’il avait vu mes tests évidemment, cela faisait des années que l’on travaillait déjà ensemble, je pense même qu’il a utilisé certains de mes tests pour ses conférences, mais là, dans le cadre de ce magnifique Palais, et de la pièce qui est vraiment gigantesque, le format, la manière dont c’est exposé, très épuré, très simple, cela donne d’autant plus d’impact. Il était ravi, enthousiaste, il avait envie d’en faire encore plus. Donc, nous sommes partis sur un nouveau projet, que j’ai initié, de monter un portail multilingue, spécialisé sur le sujet des fourmis.
Taos Aït Si Slimane : Parmi les personnes dont j’ai recueilli les réactions, certaines m’ont dit que s’il y avait eu un catalogue d’art de ces photos, elles l’auraient certainement acheté.
Stéphane QUERBES : C’est bien probable. C’était une de mes intentions, cela faisait partie de mon projet, publier un livre ou un catalogue d’exposition, mais vu qu’il n’y a que six photos, cela ne semblait pas possible.
Taos Aït Si Slimane : Un catalogue ou un livre adossé à une exposition n’est pas forcément l’illustration intégrale de l’exposition, c’est souvent une proposition enrichie et complémentaire de l’exposition, qui de toute façon ne peut jamais faire le tour du thème traité. Ce n’est visiblement pas un projet à laisser choir, il semble qu’il y ait des amateurs, des visiteurs ont cherché en vain le catalogue. De même que certains étaient à la recherche de poster grand format de ces portraits.
Stéphane QUERBES : Je l’avais proposé, ça a été évoqué en réunion, mais comme on a réduit le champ des possibilités ça ne s’est pas fait. Il est sûr qu’avec trente-cinq photos, il y avait de quoi faire un beau livre, avec des doubles pages, des posters, etc. En fait je ne sais pas ce qui se fera en termes de communication. Peut-être des cartes postales, peut-être rien. Je ne sais pas.
Taos Aït Si Slimane : Parmi les dispositifs (ateliers didactiques, sculptures, graphisme, circuit du vivant, etc.) qu’il y a dans l’exposition, certains vous inspirent-ils pour vos nouveaux projets ?
Stéphane QUERBES : Je suis venu voir l’exposition à de multiples reprises, toutes les notions mises en scènes interactives me semblent passionnantes. Je ne parle pas des dispositifs simples, classiques, avec les tables qui sont mis à la disposition des plus jeunes enfants, ce qui ici me parait incontournable, mais de ce qui est traité en multimédia, avec des vidéos, etc. Pour la suite de mes projets, je pense plus à un traitement esthétique, plus moderne, avec plus de vidéos, d’interactivité, de l’immersion, etc.
Taos Aït Si Slimane : Ça, c’est sur la forme, mais les informations, connaissances, les savoirs et les expérimentations, notamment dans le circuit du vivant, comptez-vous vous en inspirer ?
Stéphane QUERBES : Une grande partie me sera assurément utile.
Taos Aït Si Slimane : C’est en somme gagnant-gagnant que cette collaboration ?
Stéphane QUERBES : Gagnant-gagnant, sans aucun doute ! De bonnes idées à prendre, il y en a toujours, notamment le terrarium. Moi, je l’avais imaginé comme une ville, on appelait ça Fourmi-city. C’était plutôt sous une forme de ville moderne, un peu futuriste, tout en plexiglas transparent, qui aurait été filmée en direct et retransmise sur des grands écrans. Ça aurait été beaucoup plus fort visuellement, et c’est une part importante du développement de mon travail. Les Anglo-saxons, ont inventé un néologisme, les visualistes, c’est vraiment mon propos, mettre en image ce que l’on ne peut pas voir à l’œil nu, et de sublimer les choses. Donc, prendre effectivement l’expérience de ce qui a été fait ici en terme didactique, oui tout à fait, parce qu’ils font cela très bien, ils en ont une grande expérience, puis de l’intégrer dans un projet futur, mais “encapsulé” à l’intérieur d’une gigantesque galerie de photos de fourmis. Le propos initial, ce que je ne ressens pas là par rapport à mon idée, c’est qu’on devait se sentir tout petits, là on se sent très, très grand par rapport aux fourmis, sauf dans cette pièce où l’on voit des portraits géants et la sculpture. À l’origine, ce que je voulais c’est que les visiteurs se sentent comme s’ils étaient des fourmis face à des personnes géantes. C’était tout l’intérêt, inverser complètement les proportions pour impliquer physiquement et psychologiquement le public. Les portraits devaient être à l’entrée, le public se confrontant aux portraits dès l’entrée.
Taos Aït Si Slimane : Est-ce qu’il y a des membres du Comité scientifique avec lesquels vous aimeriez continuer à cheminer ?
Stéphane QUERBES : Tout à fait. Il y a Christian Peeters avec lequel j’ai des contacts fréquents, en ce moment nous travaillons avec Dominique Fresneau sur le projet de portail, et Alain Lenoir était également intéressé. À terme, nous allons faire grandir le nombre de collaborateurs et de partenaires pour que les scientifiques puissent se l’approprier, à partir de mes visuels, photo et vidéo. Ce qui est intéressant, c’est gagnant, comme vous le disiez tout à l’heure, l’idée est d’avoir un portail qui donne une vision éclairée sur les contenus scientifiques et des points de vue que l’on va aborder sur chaque espèce, l’originalité de mon travail et ma vision esthétique va pouvoir en fait sublimer l’information. Je pense que cette symbiose, on peut vraiment parler de symbiose, comme dans le cas des fourmis Atta avec leur champignon, si l’on travaille bien ensemble et que l’on se coordonne efficacement, nous allons pouvoir faire quelque chose de vraiment unique.
Taos Aït Si Slimane : Il nous manque pour l’instant les réactions de nos amis et experts Belges, Jean-Louis Deneubourg et Serge Aron, j’aimerais bien les entendre.
Stéphane QUERBES : J’ai eu une excellente expérience en Belgique, j’ai fait une exposition sur les quatre éléments (la terre, l’eau, l’air, le feu), au Palais Royal de Bruxelles, dans la grande Galerie des Glaces, j’ai trouvé les Belges extrêmement ouverts à mes idées, c’était vraiment passionnant. J’ai hâte, moi aussi, de connaître les réactions des myrmécologues Belges.
Taos Aït Si Slimane : Espérons alors que nos amis Belges, Jean-Louis Deneubourg et Serge Aron, favorisent l’éventualité de son itinérance en Belgique.
Stéphane QUERBES : Faire tourner cette exposition me semble en effet une excellente idée, c’était d’ailleurs un point important de mon concept.
Taos Aït Si Slimane : Quel a été le regard de la profession sur votre travail ?
Stéphane QUERBES : Pour l’instant je ne l’ai pas encore mesuré parce que j’étais accaparé par d’autres projets qui me prennent beaucoup de temps, mais des amis photographes sont passés voir l’exposition, et leurs retours sont très positifs !
Taos Aït Si Slimane : Pour finir, si cette aventure était à refaire, embarqueriez-vous dans le vaisseau Palais de la Découverte ?
Stéphane QUERBES : Absolument, et avec le même plaisir, à une réserve près, par rapport à mon intention d’origine. Je chercherai d’abord d’autres partenaires et sponsors financiers afin de tirer plus vers une exposition art-science, dans laquelle il y aurait bien évidemment les contenus scientifiques qu’on y trouve actuellement, mais le tout inclus dans une subtile et solide gangue artistique, en un mot une immersion dans un environnement ou la créativité, l’imaginaire et la rêverie auraient été les guides discrets vers le savoir.
Taos Aït Si Slimane : Vous auriez donc opté pour un projet accueilli, mais validé et soutenu scientifiquement par les experts du Palais, disons une enveloppe globale et principale plutôt qu’une partie même parfaitement intégrée ?
Stéphane QUERBES : Tout à fait. C’est justement ce que je disais tout à l’heure, inverser les proportions, qu’il y ait un maximum de portraits géants, il devait y avoir un tirage d’une fourmi de profil qui mesurait dix mètres de long, il devait y avoir des fourmis gigantesques pour que les visiteurs se sentent vraiment minuscules et qu’idéalement ils puissent se sentir comme une fourmi dans la nature. Mon idée était une confrontation de taille et d’émotion parce qu’elles sont tellement magnifiques, vues sur ces tirages gigantesques, qu’elles forcent l’émotion, l’intérêt et le respect.
Taos Aït Si Slimane : Ce premier pas étant réussi au Palais de la Découverte, je vous souhaite de réussir votre prochaine étape avec un déploiement plein et entier de votre intention esthétique et intellectuelle. Merci Beaucoup, Stéphane QUERBES, pour cet échange et pour la qualité de votre travail.
Stéphane QUERBES : Merci à vous, c’était un plaisir.