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Amour / La Foi prise au Mot

Transcription, par Taos AIT SI SLIMANE, de l’émission de KTO, du 02 juin 2013, La Foi prise au mot, Amour, préparée et présentée par Régis BURNET, avec les invités : Marie-Noëlle THABUT et Stan ROUGIER

Vous pouvez m’adresser tous vos commentaires à cette adresse : tinhinane[arobase]gmail[point]com

Présentation sur le site de l’émission : D’un Dieu inaccessible et trop haut pour être proche des hommes, le christianisme l’a remplacé, ou rénové, par un Dieu Père, par un Dieu Amour. Cette révolution copernicienne au niveau théologique a fait entrer l’homme dans une nouvelle ère : désormais, celui-ci se sait aimé par un Dieu bon qui a été jusqu’à s’incarner en revêtant en son Fils Jésus la condition humaine. Mystère redoutable d’un Dieu Très-Haut qui dans son amour décide de rejoindre les hommes en assumant leur humanité tout en gardant ses attributs divins. Comment comprendre cet amour du Créateur pour sa créature ? Comment cela se traduit-il dans la Bible ? Pour tenter d’approcher ce Mystère et l’expliquer, deux invités : Marie-Noëlle THABUT, bibliste bien connu, et un témoin, le père Stan ROUGIER, écrivain, conférencier et prédicateur. Ces 52 minutes de « La fois pris au mot » sur le thème de l’Amour permettra d’entrer dans ce mystère dont la Bible nous livre la clef. Au gré des questions de Régis BURNET, l’Amour, tel que nous l’enseigne l’histoire du peuple élu, se dévoilera et nous permettra d’en retrouver le sens profond.

Régis BURNET : Bonjour et merci nous retrouver pour « La Foi pris au mot », votre rendez-vous hebdomadaire de réflexion chrétienne.

Comme toutes les semaines de l’année de la foi, nous parcourons les articles du catéchisme et les déclarations du concile Vatican II et nous voilà arrivés au cœur du cœur de la fois, si j’ose dire, l’amour. S’il est une déclaration qui peut résumer le christianisme, c’est bien que Dieu est amour et qu’il faut nous aimer les uns les autres. Alors pourquoi cette certitude c’est dans les textes que nous allons la trouver, et c’est avec deux grands lecteurs et deux grands témoins que nous allons la chercher.

Marie-Noëlle THABUT, Bonjour !

Marie-Noëlle THABUT : Bonjour !

Régis BURNET : Vous êtes bibliste, vous êtes laïque, vous tenez parfois le à ce qu’on le dise…

Marie-Noëlle THABUT : Mère et grand-mère, et épouse.

Régis BURNET : … et vous avez publié un très grand commentaire de des textes de l’année et puis on vous connaît pour toutes vos commentaires bibliques.

Père Stan ROUGIER, Bonjour !

Stan ROUGIER : Bonjour !

Régis BURNET : Alors, vous, vous vous lisez les commentaires de Marie-Noëlle…

Stan ROUGIER : Tous les dimanches.

Régis BURNET : … vous êtes prêtre du diocèse d’Évry vous, conférencier, écrivain, et vous prêchez des retraites.

On va peut-être commencer par une définition avant d’entendre les textes. Est-ce que vous avez une définition ? Par exemple, père ROUGIER, vous qui faites des conférences, si l’on vous dit : « Père qu’est-ce que c’est que l’amour ? » Comment est-ce que vous le définissez ?

Stan ROUGIER : Je le définirais par une parole du Christ lorsqu’il disait : « Soyez comme votre père, lui qui fait briller son soleil sur les méchants comme sur les bons qui donnent sa pluie aux injustes comme au justes » En résumé, soyez pour l’autre ce que la lumière et l’eau sont aux plantes. La lumière et l’eau permettent à la plante d’exister, ils ne la dénaturent pas, ne font pas de l’ortie un rosier, il la laisse avec sa dignité d’ortie. Je trouve que c’est cela l’amour. C’est ce que Dieu fait avec nous, et c’est ce qu’il nous invite de faire avec le prochain, quel qu’il soit.

Marie-Noëlle THABUT : Une belle définition, ce qui fait exister. En tant que mère ou grand-mère, ou enfant, ou amie, je dirais bien cela. C’est beau !

Stan ROUGIER : Voilà, faire exister.

Régis BURNET : On ne veut pas que l’autre soit ce qu’on voudrait qu’il soit, on voudrait qu’il soit ce qu’il est !

Marie-Noëlle THABUT : Le respect !

Stan ROUGIER : Respecter profondément cette nature qui est unique. J’adore la parole de Catherine de Sienne à son directeur spirituel, Raymond de CAPOUE, elle lui disait : « Si tu voyais la beauté d’une seule âme tu accepterais de mourir mille fois s’il le fallait pour la sauver », la beauté d’un être humain …

Marie-Noëlle THABUT : Quel qu’il soit.

Stan ROUGIER : Quel qu’il soit, y compris si le visage a été défiguré, je ne sais quel acide ou autre chose.

Régis BURNET : Ce que je vous propose de faire, est que nous lisions deux grands textes : un texte de l’Ancien et un texte et du Nouveau Testament, et qu’on essaye à partir de ces textes de parler de l’amour, de dire des choses. On va essayer de suivre le texte, on ne va pas faire qu’un commentaire biblique, mais chacun est libre de dire ce que ce qu’il pense de ce texte.

J’ai pris un texte de l’Ancien Testament : Ézéchiel, chapitre 16, qui est un texte pas souvent lu, on lit habituellement d’autres grands texte d’Isaïe, puis on verra Jean chapitre 15. Pour commencer, je vous propose d’entendre le chapitre 16 d’Ézéchiel. Le texte est un peu long, donc un peu d’attention, s’il vous plaît, et puis on essaiera de le commenter par la suite.

Il y eut une parole du SEIGNEUR pour moi : « Fils d’homme, fais connaître à Jérusalem ses abominations. Tu diras : Ainsi parle le Seigneur DIEU à Jérusalem : Par tes origines et par ta naissance, tu es de la terre de Canaan ; ton père était l’Amorite et ta mère une Hittite.
A ta naissance, au jour où tu es née, on ne t’a pas coupé le cordon, tu n’as pas été lavée dans l’eau pour être purifiée ; tu n’as pas été frottée de sel ni enveloppée de langes.
Nul œil ne s’est apitoyé sur toi pour te faire par pitié une seule de ces choses : par le dégoût qu’on avait de toi, tu as été jetée dans les champs, le jour où tu es née.
Passant près de toi, je t’ai vue te débattre dans ton sang ; je t’ai dit, alors que tu étais dans ton sang : Vis ! – je t’ai dit, alors que tu étais dans ton sang : Vis !
Je t’ai rendue vigoureuse comme une herbe des champs ; alors tu t’es mise à croître et à grandir et tu parvins à la beauté des beautés ; tes seins se formèrent, du poil te poussa ; mais tu étais sans vêtements, nue.
En passant près de toi, je t’ai vue ; or tu étais à l’âge des amours. J’ai étendu sur toi le pan de mon habit et couvert ta nudité ; je t’ai fait un serment et suis entré en alliance avec toi – oracle du Seigneur DIEU. Alors tu fus à moi.
Je t’ai lavée dans l’eau, j’ai nettoyé le sang qui te couvrait, puis je t’ai parfumée d’huile.
Je t’ai donné des vêtements brodés, des chaussures de cuir fin, une ceinture de lin et je t’ai couverte d’étoffes précieuses.
Je t’ai parée de bijoux, j’ai mis des bracelets à tes poignets et un collier à ton cou ; un anneau à ton nez, des boucles à tes oreilles et un diadème splendide sur ta tête.
Tes bijoux étaient d’or et d’argent, tes vêtements de lin fin, d’étoffes précieuses, de broderies. Tu te nourrissais de fine farine, de miel et d’huile ; alors tu es devenue extrêmement belle. Tu es parvenue à la royauté.
Alors le renom de ta beauté s’est répandu parmi les nations : car elle était parfaite, à cause de la splendeur dont je t’avais parée – oracle du Seigneur DIEU.
Mais tu t’es fiée à ta beauté et, à la mesure de ton renom, tu t’es prostituée ; tu as prodigué tes débauches à tout passant – tu as été à lui.
Tu as pris de tes vêtements dont tu as bariolé les hauts lieux et tu t’es prostituée dessus – que cela ne vienne ni ne se passe !
Tu as pris tes splendides bijoux d’or et d’argent que je t’avais donnés ; tu t’es fait des images viriles, tu t’es prostituée avec elles.
Tu as pris tes vêtements brodés dont tu les as recouvertes ; mon huile et mon encens, tu les as déposés devant elles.
Mon pain que je t’avais donné, la fleur de farine, l’huile, le miel dont je te nourrissais, tu les as déposés devant elles, en parfum apaisant ; voilà ce que tu as fait – oracle du Seigneur DIEU.
Tu as pris tes fils et tes filles que tu m’avais enfantés et tu les as sacrifiés à ces images. Il ne te suffisait donc pas de te débaucher ?
Tu as égorgé mes fils et tu les as livrés en les leur sacrifiant.
Dans toutes tes abominations et tes débauches, tu ne t’es pas souvenue des jours de ta jeunesse, quand tu étais nue et sans vêtements, quand tu te débattais dans ton sang.
Et puis après toute cette méchanceté – malheur ! malheur à toi, oracle du Seigneur DIEU ! –
(Ez, 16, 1-23)

Régis BURNET : Voilà, un texte dur. Je crois qu’il faut rendre hommage à la voix de Michel D’argent, qui est notre lecteur, parce qu’il a su rendre, je trouve, cette sorte de d’agacement profond, de violence,…

Marie-Noëlle THABUT : De douleur, je dirais.

Régis BURNET : …qui est dans ce texte, une sorte de colère un peu rentrée. Ou est-ce qu’on est dans le livre d’Ézéchiel ? À quel moment ? Et surtout qui parle ? C’est Dieu ?

Marie-Noëlle THABUT : Oui, c’est Dieu qui parle. C’est une parabole. Ce qui m’a frappé en l’entendant, si bien lu, c’est trois fois « oracle du Seigneur DIEU ! » Cela veut dire que l’heure est vraiment très grave.

Régis BURNET : Quand on entend ça, c’est que les choses se gâtent.

Marie-Noëlle THABUT : Oh, oui, là, ça clignote. Cela veut dire : attention, je vais vous dire quelque chose qui est très, très grave ; attention écoutez bien, effectivement ; et le mode, c’est une parabole. C’est très étonnant, hein ! Vous aimez beaucoup ce texte, père ?

Stan ROUGIER : Énormément. À chaque retraite, il y a trois exposés d’une heure chacun là-dessus.

Régis BURNET : Pourquoi vous le choisissez ? On est très loin du Dieu amour, là. Là, c’est plutôt le Dieu énervé.

Stan ROUGIER : Non, …

Marie-Noëlle THABUT : C’est le Dieu amour, ça !

Régis BURNET : Ah, bon ?!

Stan ROUGIER : Je constate que dans les œuvres de Thérèse de Lisieux, elle évoque ce passage sept fois, dans sa correspondance, dans ses écrits. Et, c’est elle, la petite fille, qui a été recueillie. Dieu agit comme ça pour chacun de nous. Il nous ramasse à partir du néant, à partir de rien, et il nous porte contre son cœur en nous disant les mots qu’on vient d’entendre : tu vivras, tu t’épanouiras, comme les fleurs des champs. Tout l’amour est là dans cette phrase. Et, il y a cette phrase étonnante, à un moment donné : Tu devins extraordinairement belle, grâce à la splendeur dont je t’avais revêtue. Chaque fois que je vois quelqu’un je me dis : il est revêtu de la splendeur de Dieu, donc il est magnifique…

Marie-Noëlle THABUT : Mais, ce n’est pas ça qu’Ézéchiel voulait dire, je pense, d’abord.

Stan ROUGIER : Tout à fait !

Marie-Noëlle THABUT : C’est une relecture, mais on a le droit…

Stan ROUGIER : Peut-être ! Grâce à Thérèse, qui est, quand même, pas mal placée pour nous faire…

Marie-Noëlle THABUT : C’est ça la richesse de la Bible…

Stan ROUGIER : Voilà !...

Marie-Noëlle THABUT : Au départ, c’est un texte adressé à Israël…

Stan ROUGIER : Bien sûr !...

Marie-Noëlle THABUT : C’est Israël le peuple que Dieu a tant aimé, à qui il a tout donné, dont il a fait vraiment une merveille, et qui l’a trompé de manière scandaleuse. Toutes les allusions au culte idolâtre des hauts lieux …

Régis BURNET : On va essayer de reprendre. A quoi fait allusion cette histoire de « […] par tes origines, tu es de la terre de Canaan ; ton père était l’Amorite et ta mère une Hittite […] »

Marie-Noëlle THABUT : Tu es un sang mêlé, tu n’es l’enfant de personne, …

Régis BURNET : De qui parle-t-il ? Il parle de Jérusalem et il parle d’Israël en disant qu’il n’ait rien, qu’il est là…

Marie-Noëlle THABUT : Israël est née de rien alors qu’il y a des quantités de peuples absolument magnifiques, très bien développés autour. Que vous soyez en Mésopotamie ou en Égypte, pour n’en prendre que deux, c’est des peuples magnifiques, Israël n’existe pas encore. Dieu l’a vraiment suscitée à partir de rien, cette toute petite fille, qui était faite pour pas vivre, et il l’a faite grandir, aimée, accompagnée, elle est devenue belle et il l’a épousée. Fabuleux comme histoire ! Ça, c’est l’histoire de l’Alliance. Moi, je trouve ça admirable, mais à cette Alliance, à laquelle lui a été fidèle toujours, Israël a été sans cesse fidèle.

Vous demandiez tout à l’heure : quand Ézéchiel écrit ? On est pendant l’exil à Babylone, ou juste avant, dans les années 600 580, quelque chose comme ça, et effectivement on peut lire la catastrophe comme le fruit de toutes nos bêtises, trahisons qu’il appelle des adultères, mais c’est une parabole. C’est intéressant, il y avait deux lectures, elles sont valables toutes les deux.

Stan ROUGIER : Moi, j’aime faire une lecture poste-évangélique. Mettant que cette petite fille, c’est cette femme au puits de Jacob, qui n’est pas grand-chose, elle non plus, qui part de très bas, et à qui Dieu fait le cadeau de son plus grand secret, puis qu’il lui dit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te demande à boire »

Marie-Noëlle THABUT : Vous parlez de la Samaritaine chez Jean.

Stan ROUGIER : Voilà ! Cette tendresse infinie que Dieu porte à chacun de nous, c’est ça, je dirais, qui nous justifie d’exister. Nous existons portés par la tendresse de Dieu, et notre vocation est d’être épousés par Dieu.

Marie-Noëlle THABUT : Ce qui est intéressant, c’est que c’est justement Ézéchiel qui va faire le lien. Il est le premier à avoir cette notion de l’importance de l’individu, que vous mettez en avant. Avant Ézéchiel, il n’y a que le peuple qui compte dans l’histoire d’Israël. C’est vraiment l’avenir du peuple qui nous intéresse. Et c’est Ézéchiel qui, le premier, - Jérémy avait un tout petit peu effleuré le sujet mais pas réglé - va dire que c’est très important la responsabilité de l’individu, et après lui, on parlera du bonheur de l’individu. Je crois que dans Ézéchiel 16, on en est encore à : la petite fille, c’est le peuple. Mais après, heureusement, et grâce à lui, nous pouvons faire une lecture personnelle.

Régis BURNET : Si on reste sur ce début, là, le fait que l’on reconnaisse notre faiblesse, qu’on reconnaisse notre indignité d’une certaine manière, …

Marie-Noëlle THABUT : Sans toi, je ne suis rien, bien sûr !

Régis BURNET : Ça, ça fait partie de l’amour ? C’est la démarche ? Parce qu’on en a souvent dans une image un peu romantique, l’idée que ces deux êtres parfaits qui se rencontrent, ça vous rigoler…

Marie-Noëlle THABUT : Oui, il ne faut pas avoir vécu depuis longtemps, …

Régis BURNET : … oui, je sais bien… qui se rencontrent, qui sont parfaits, qui ont plein d’enfants, et tout va bien. Là, ça commence par un aveu de souffrance, ou de douleur.

Marie-Noëlle THABUT : Je ne le dirais pas comme ça. Père, je vous laisse…

Stan ROUGIER : J’ai le sentiment que c’est l’amour qui nous fait exister, c’est d’amour qui nous fait sortir de cette espèce de néant. J’aime énormément le propos : « que serais-je sans toi qui vas à ma rencontre, que serais-je sans toi qu’un balbutiement, cette heure arrêtée au cadran de la montre », etc. Je crois que c’est vraiment ça. Quelqu’un qui vous aime vous fait exister. Il y a des gens qui sont choqués de cette parole là, mais je crois que l’expérience nous montre ça. J’ai vu êtres, par centaines, qui sont détruits de ne pas être aimés, qui se détruisent. Les jeunes délinquants, dont je m’occupais dans ma jeunesse, étaient vraiment décomposés parce qu’on leur avait dit : dégage, tu gènes, tu n’es rien pour moi, casse-toi, etc., etc. Combien de suicidés et j’ai vu, dont j’analysais les causes de leur mort et c’était ça.

Régis BURNET : Parce que, vous voulez dire, qu’au fond on sait bien qu’on n’est pas grand-chose ? Sans amour on sait bien qu’on est que « cette petite fille, qui est née comme ça baignant dans son sang », et on a besoin est quelqu’un nous dise vis !

Stan ROUGIER : Oui, qu’est-ce qu’on serait si on n’était pas aimé ? Mais qu’est-ce qu’on serait ? C’est parce que Dieu m’aime que j’ai envie d’exister. Et là, c’est ça qui est merveilleux, c’est qu’à la limite, même si personne des êtres humains ne tourne son regard vers moi pour me dire : tu existes pour moi, l’amour de Dieu me suffit.

Régis BURNET : Alors, on reprend votre interprétation…

Marie-Noëlle THABUT : Et là, c’est la petite fille, c’est Israël, que Dieu a tirée de rien du tout, qu’il a fait grandir, qu’il a accompagnée…

Régis BURNET : Mais c’est étrange qu’un peuple, parce que souvent quand on quand on parle de soi-même, de sa nation, etc. on a plutôt dans la glorification, là on sent que c’est un regard très pessimiste sur ses origines.

Marie-Noëlle THABUT : Non, ce n’est pas pessimiste, c’est la réalité. Israël sait qu’il doit tout à Dieu. Il lui arrive de n’oublier et de tomber dans l’idolâtrie, mais on est dans une parabole, il ne faut pas vouloir non plus que tous les détails soient parlant de la même manière. On est dans une parabole et je crois que ce qui est important est découvrir que l’Alliance de Dieu et comme un amour. Ça c’est fabuleux !

Régis BURNET : Et c’est nouveau ?

Marie-Noëlle THABUT : Ce n’est nouveau avec Ézéchiel, mais ça a commencé tard. C’est avec Osée, le premier, qui a parlé de l’Alliance entre Dieu d’Israël comme de fiançailles, et après tout le monde va le suivre. Alors, Osée, nous sommes vers 750, pour faire rapide, et là vous avez 4 prophètes, je dis toujours dans un mouchoir de poche chronologique, c’est facile à retenir : quatre prophètes autour de 750 ; deux au Nord, deux au Sud ; deux avant, deux après, c’est facile à retenir ; Osée et Amos, et Isaïe et Michée. Et les quatre vont faire la même découverte, mais c’est Osée qui va le premier employé cette expression : « Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai à moi par le droit et la tendresse », c’est fabuleux !

Régis BURNET : Oui, c’est fabuleux, mais ça change complètement les rapports avec Dieu, parce qu’autrefois on est dans une sorte de contrat…

Marie-Noëlle THABUT : Complètement !

Régis BURNET : …finalement assez confortable, c’est-à-dire : « je fais tu fais » ; là on est dans autre chose, on passe dans quelque chose d’un peu plus complexe.

Marie-Noëlle THABUT : Comme si que l’amour n’était pas confortable…

Régis BURNET : Non, ce n’est pas confortable. Vous croyez que c’est confortable l’amour ?

Marie-Noëlle THABUT : C’est fabuleux !

Régis BURNET : Mais est-ce confortable ?

Marie-Noëlle THABUT : Beaucoup mieux qu’un contrat !

Régis BURNET : Ah, oui mais bien sûr ! Mais est-ce confortable ? Ça demande d’être entretenu, ça demande…

Marie-Noëlle THABUT : C’est merveilleux, c’est une dilatation fabuleuse, je pense, pour Israël. Et ça, c’est le seul peuple au monde qui l’a eu, c’est vraiment la révélation. Et en fait ce qui amené Osée à faire cette découverte - c’est époustouflant - c’est l’histoire d’un amour malheureux. Et Osée, qui est un brave homme, comme tout le monde, un gentil prophète, a une épouse qui le trompe au vu et au su de tout le monde, puisqu’elle est une prostituée dans un temple, donc tout le monde la voie, il continue à l’aimer ; et du coup l’Esprit Saint -puisqu’il souffle depuis le début - lui fait comprendre qu’il n’est qu’une image de ce que vit Dieu avec son peuple : une prostituée, Israël, une infidèle, et Dieu toujours fidèle. Ça va être la merveille de la découverte d’Osée, et tous les prophètes derrière vont reprendre la même intuition, et ils vont aller jusqu’à parler de mariage. Quand nous chantons tous le temps : Jérusalem qui ta robe de tristesse, qui est une copie du prophète Baruch, c’est exactement l’histoire de l’amour, et c’est Dieu qui la pare du diadème, de l’épousée… C’est magnifique !

Régis BURNET : Les chrétiens ont repris ça, en disant que l’Eglise est l’épouse du Christ.

Marie-Noëlle THABUT : Oui, Jésus dit qu’il est l’époux.

Régis BURNET : Oui, comment est-ce le vivre, le comprendre, peut-être même le prêcher, sans tomber dans des choses un peu… parce que c’est très ambigu comme métaphore ?

Stan ROUGIER : Moi, dans les retraites, je m’appuie aussi beaucoup sur un passage de Néhémie. Une prière que fait Néhémie, où il dit : « Tu nous as faits de rien, et si nous sommes fidèles c’est le bonheur, nos oliviers poussent, nos enfants vont bien ; et puis si nous sommes un fidèle, si nous trahissons, là nous retombons dans notre néant ; mais tu es le Dieu clément et tendre, et tu reviens vers nous, et tu nous récupère » Moi, je trouve ça fabuleux, cette espèce de va et vient, ce flux ce reflux, où éloignés de Dieu, nous tombons dans les griffes du mal ; et nous revenons vers Dieu, qui ne cesse pas de nous aimer, et qui nous répète : « tu ne me découragera jamais de t’aimer », et là on est avec un Dieu amour, comme vous dites, c’est fabuleux.

Régis BURNET : Alors, on va continuer un peu dans le dans le texte. Il y a le moment où Dieu se saisit de cette petite fille, Israël ; puis il y a ce passage où il explique qu’il lui a mis des bracelets, qu’il lui a mis des colliers… Et puis ce que disait le père, effectivement c’est magnifique : « tu te nourrissait de fines farines, de miel et d’huile, alors tu es devenue extrêmement belle, tu es parvenue à la royauté » Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Parce qu’il y a cette sorte de de profusion de colliers, de choses extérieures qui qui crée la beauté…

Marie-Noëlle THABUT : Ça, c’est bien humain. J’ai l’impression de voir effectivement comment on vivait, là on a une belle preuve de la façon dont on vivait et dont un époux pare sa femme. La richesse, c’est vraiment, en Israël, une belle valeur. Et, on est très reconnaissant de tout ce qui nous est donné. Quand nous disons : « tu es béni Dieu de l’univers, toi qui nous donne… », c’est quelque chose qu’on tient d’Israël. C’est vrai, on sait que tout est don. Par exemple, une expression que j’ai découverte là-bas, en Israël, ce fameux pays où ruissellent le lait et le miel ; ce n’est pas spontané le lait et le miel là-bas, c’est plutôt les épines et les chardons. Le lait et le miel, c’était en Égypte. En Égypte, on ne connaît pas à la famine, en Israël on la connaît. La leçon de Dieu, c’était une espèce, que j’appelle, moi, une pédagogie de la pauvreté, c’est-à-dire : « si tu acceptes de vivre dans mon Alliance, alors ton pays sera magnifique, mais si tu t’éloignes de moi ça rejoint –cela rejoint ce que vous dites – alors, ton pays ne fait que d’épines et des chardons. » C’est très intéressant. A la limite, je trouve que c’est un cadeau de Dieu de nous mettre dans la pauvreté. Le Deutéronome dit ça, c’est un cadeau, c’est-à-dire qu’il n’y a que là je suis dans la vérité. Tandis que si spontanément ça ne faisait toujours que de la richesse et de la merveille j’en oublierais Dieu très volontiers, très facilement. Non ?

Stan ROUGIER : Ce passage, dont vous venez de parler, me fait penser au retour de l’enfant prodigue. Il s’est comporté comme un salopard, il a voulu sa part d’héritage, il a tout claqué dans une vie de débauche, il revient parce qu’il a faim, et non pas parce qu’il regrette, et le père cours devant lui, le sert sur son cœur. Je n’ai jamais vu d’enfant fugueur revenir dans ces conditions-là. On entend des hurlements « tu as fait pleurer ta mère », etc. Et l’a on le voit donner à cet enfant les plus beaux habits, un anneau doigt, les plus belles chaussures, ça ressemble énormément, les deux situations. Et on voit que l’amour de Dieu est toujours débordant, c’est toujours un amour au superlatif, un amour qui n’a pas de limites ; alors que nous, notre comportement avec Dieu c’est : « si ça m’arrange de plaquer, et je te laisse tomber »

Marie-Noëlle THABUT : C’est très intéressant de penser que pour l’enfant prodigue, Jésus s’est inspiré… Jésus, dans ses paraboles, reprend beaucoup de choses habituelles pour ses auditeurs.

Stan ROUGIER : Il est Juif à 100%.

Marie-Noëlle THABUT : Ah, ça, c’est sûr !

Régis BURNET : Oui, mais en même temps, il y a quand même ce : « malheur, malheur à toi, oracle du Seigneur Jésus », que vous aviez pointé. Il y a un moment où Dieu est amour d’accord mais il y a des lignes à ne pas franchir.

Marie-Noëlle THABUT : Non, malheur, ce n’est pas cela que cela veut dire, je ne crois pas…

Stan ROUGIER : Bravo !

Marie-Noëlle THABUT : Cela veut dire : dommage !

Stan ROUGIER : Voilà !

Marie-Noëlle THABUT : Cela veut dire : dommage ! vous savez ce thème heureux-malheureux, ça n’a jamais voulu dire…

Stan ROUGIER : Quel bonheur d’entendre cela !

Marie-Noëlle THABUT : Je vais vous laisser le dire.

Stan ROUGIER : Non, non, mais quel bonheur de l’entendre.

Marie-Noëlle THABUT : Cela n’a jamais voulu comme en français, planqué en français, …

Régis BURNET : Punir…

Marie-Noëlle THABUT : Oui, « Tant pis pour toi, je te souhaite du malheur » … Pas du tout. C’est « quel dommage ! », en Italie on dirait peccato, quel dommage !

Stan ROUGIER : En hébreux, c’est : oïe (orthographe incertaine)

Marie-Noëlle THABUT : Oui, oïe (orthographe incertaine), triste !

Stan ROUGIER : En hébreux, c’est : oïe (orthographe incertaine)

Marie-Noëlle THABUT : Et heureux, si tu as pris le bon chemin, c’est le thème, et il est très fort dans ce texte, mais tous les prophètes utilisent, le thème qu’on appelle des deux voies, des deux comportements, des deux chemins : quand tu choisis bon chemin, ah, c’est bien continu, tu es sur la bonne voie », que CHOURAQUI traduit en « en marche », c’est-à-dire : tu es sur la bonne voie, tu ne t’es pas trompé ; et quand tu prends l’autre côté, et ben oui, tu t’es trompé mon pauvre ami, oh quel dommage, voilà, malheur !

Régis BURNET : Malheur, c’est dommage, c’est ça ?

Marie-Noëlle THABUT : Oui, c’est cela, je crois.

Stan ROUGIER : Je trouve terrible d’avoir traduit « malheur à vous », ça donne de Jésus…

Marie-Noëlle THABUT : à la limite, cela devrait être « malheureux êtes-vous » …

Stan ROUGIER : Malheureux, oui, un malheur te guette …

Marie-Noëlle THABUT : C’est un constat, « tu fais ton malheur » … et la merveille de ce thème des deux voies, que Paul emploi tout le temps, c’est que - si l’on reprend cette image du chemin, puisqu’elle est très présente dans l’Ancien Testament et aussi dans le Nouveau – si je suis allé sur le mauvais chemin, c’est toujours à gauche symboliquement, chaque pas que je fais – c’est pour cela que c’est malheureux -, m’éloigne de mon but qui est là-bas, - là-bas la symbolique, c’est l’Orient, le soleil. Mais le bonheur veut que si je me converti, je fais demi-tour et là chaque pas me ramène. Je suis un peu plus loin, c’est tout, ce n’est pas grave. Je crois que quand Paul dit : « faites comme moi », c’est cela qu’il veut dire. « Je suis allé très loin, je me suis trompé beaucoup, mais regardez on peut toujours revenir ».

Stan ROUGIER : J’ai été éloigné de la religion pendant toute mon enfance, parce que je voyais Dieu comme un punisseur et un dénicheur de coupables ; et beaucoup de mes contemporains sont dans la même situation. Or, là, si on sait lire les textes, on s’aperçoit que Dieu n’est qu’amour, et que l’amour veut le bonheur de l’être aimé, sinon c’est pas de l’amour. Vous connaissez la parole de Prévert : « Tu dis que tu aimes les fleurs, tu les coupes. Tu dis que tu aimes les oiseaux, tu les mets en cage. Tu dis que tu aimes les poissons, tu les mange. Quand tu me dis : je t’aime, j’ai peur. » L’amour valorise, l’amour vivifie, l’amour fait exister, l’amour donne à l’autre cette dignité incomparable. Nous sommes tous riches de la splendeur dont Dieu nous a revêtus, comme dit ce texte d’Ézéchiel. Ce n’est pas la beauté physique qui fait la valeur d’un être ni son quotient intellectuel, c’est la splendeur de l’amour de Dieu sur lui.

Marie-Noëlle THABUT : Il faudrait que tous nos contemporains le sachent.

Stan ROUGIER : Oh là-là ! Mon Dieu, Mon dieu ! sur le bateau où j’étais, les conférences, vous savez, il y a soixante personnes qui sont venues et 1800 qui ne sont pas venues. Ça représente un peu ce qu’est notre pays.

Régis BURNET : On va terminer le texte, pour passer à Jean. Vous avez dit : les hauts lieux, etc. Il y a peut-être quelques petites choses à décoder dans cette… termes techniques

Marie-Noëlle THABUT : Hauts lieux, c’est un terme technique pour dire une chapelle idolâtre, pour faire vite. Par principe les lieux de culte de toutes les religions sont toujours en hauteur, parce que symboliquement la divinité et là-haut ; et donc les hauts lieux en Israël, quand vous avez ce terme dans la Bible, c’est toujours un lieu idolâtre. L’idolâtrie est partout, tout le temps.

Régis BURNET : Donc, quand il parle de ces images viriles avec lesquelles elle s’est prostituée, c’est les idoles ?

Marie-Noëlle THABUT : Absolument ! Tout à fait. Il y a même des rites de prostitution sacrée, c’est le comble du comble, alors que la prostitution est interdite en Israël, et l’idolâtrie est interdite en Israël. Il y a même, dans ce texte, l’allusion aux sacrifices d’enfants, ce qui est strictement interdit.

Régis BURNET : Oui, c’est ça : « tu as pris tes fils et tes filles que tu m’avais enfantés

Marie-Noëlle THABUT : Voilà…

Régis BURNET : « Que tu m’avais enfantés, et tu les as sacrifiés à ces images »

Marie-Noëlle THABUT : Ça veut dire tu es tombée dans cette horreur du sacrifice humain, qui est strictement interdite en Israël depuis toujours. Ça a toujours été interdit et nous sommes retombés dedans. Pourquoi ? Parce que quand tout va mal, or, au moment d’Ézéchiel, on comprend bien qu’on ait la tentation, tout va mal justement : nous allons être écrabouiller par Babylone, dans très peu de temps, on le sait. Alors, on prie, on prie le Dieu de Jérusalem, mais mon Dieu si après tout ça rapportait et de prier les autres divinités, si cela ne fait pas de bien, ça ne fait pas de mal. Or, le culte et autres divinités, exige tout ça : les cultes rendus dans les hauts lieux, le vin et l’huile qui sont des cadeaux de Dieu, c’est à eux que tu les as offerts sur les hôtels, les sacrifices d’enfants, la prostitution, etc., etc. Tous ces rites pour des divinités païennes, tout ça c’est vraiment l’horreur, et c’est ça le grand péché d’Israël.

Régis BURNET : Et, en quoi c’est grave, dans la mentalité biblique ? Parce que finalement on pourrait dire : bah…

Marie-Noëlle THABUT : « si cela ne fait pas de bien, ça ne fait pas de mal voilà » Pourquoi c’est grave ? Je n’en sais rien, je crois, moi, que Dieu seul nous mène au bonheur, parce que lui seul nous aime. Les divinités, elles, n’existent pas. Elles n’ont rien à m’offrir. Or, je leur donne ma confiance. Il faut lire chez Isaïe, par exemple, un texte merveilleux, preuve que l’idolâtrie existait, sinon on ne se battrait pas contre. Isaïe pendant l’exil à Babylone développe une métaphore, qui est tout à fait intéressante. Il dit : « mais regardez-les ces crétins idolâtres ; ils coupent une buche de bois, c’est eux qui l’ont fait pousser mais c’est ma pluie qui l’a faite grandir que je sache, dit Dieu. Ils coupent la bûche de bois. Ils la coupent en deux, avec une moitié ils font cuir leur rôti, se chauffent les mains, font du chauffage. Ils mangent leur rôti et ils disent : oh, là-là, c’est génial. Et avec l’autre, mais regardez-les ces crétins, ils font une idole, une statue, et ils se mettent à genoux devant, et ils voudraient qu’elle les délivre. Laissez-moi rire ou pleurer, dit Dieu. Donc, c’est grave parce que cela nous mets dans le mensonge, la tromperie, et, accessoirement, ça nous empêche de nous intéresser aux autres. Dieu seul est celui qui me demande de me tourner vers lui pour me tourner vers les autres. Et, troisième raison, mais peut-être plus tardive, mais pendant l’exil à Babylone, on va découvrir que nous sommes les témoins du Dieu unique, vraiment unique. Jusque-là on croyait en un Dieu pour nous et les autres en avaient un. Pendant l’exil, on va découvrir qu’il n’y a qu’un seul Dieu et à ce moment-là, je manque à ma vocation de témoin du Dieu unique.

Régis BURNET : On invente le monothéisme.

Marie-Noëlle THABUT : On invente le monothéisme et notre vocation est de l’annoncer. Donc, cela fait trois bonnes raisons pour lutter contre l’idolâtrie.

Régis BURNET : On en a des idolâtries, nous ?

Stan ROUGIER : Oui, quantité ! On pourrait presque dire nous passons notre temps à cela. Ça me fait penser à une chose ce que vous me demandez-là. La première fois que j’ai rencontré Jean-Marie LUSTIGER, jeune prêtre qui venait d’être ordonné depuis trois mois, nous étions à un pèlerinage à Assise, conversations dans un restaurant là-dessus, et il me disait : « presque tout dans l’attitude humaine est idolâtrie », conversation que je n’ai jamais oubliée.

Régis BURNET : Et vous êtes d’accord.

Stan ROUGIER : Totalement ! C’est la grande tentation, si vous voulez.

Régis BURNET : Par exemple ?

Stan ROUGIER : Remplacer Dieu par autre chose. La pire des idoles, c’est nous-mêmes.

Régis BURNET : Et en quoi c’est grave ? Parce que là aussi si cela ne fait pas de mal, pourquoi pas ?

Stan ROUGIER : Nous sommes faits pour l’amour. « Dieu nous a fait pour lui », dit Saint-Augustin, et notre cœur et sans repos jusqu’à ce qu’il l’ait trouvé. Nous sommes nés pour épouser Dieu, c’est notre vocation. Donc, si notre vocation ne s’accomplit pas, nous passons à côté de la vie, c’est ça le péché. Le mot péché en hébreu, c’est : « passer à côté de ». On passe à côté de l’amour et on passe à côté de la vie, donc c’est triste, c’est dommage ! C’est dommage ! Notre vie c’est un stage d’amour. On est là pour apprendre à aimer, donc vous imaginez le gâchis ?! Si au lieu d’aimer, on se retourne sur nous-mêmes, ou qu’on donne notre cœur à des queues de cerises. C’est atroce !

Régis BURNET : Là aussi, c’est pareil : malheur !?

Stan ROUGIER : C’est dommage !

Marie-Noëlle THABUT : C’est dommage, quel dommage !

Stan ROUGIER : C’est dommage, c’est bête.

Marie-Noëlle THABUT : Oui, mais en dehors de l’idolâtrie, en ce moment il y a beaucoup d’indifférence. Vous mettriez ça aussi dans l’idolâtrie ?

Stan ROUGIER : Oui.

Marie-Noëlle THABUT : On ne sait pas que Dieu existe.

Stan ROUGIER : L’indifférence est une forme d’idolâtrie, c’est l’idolâtrie du rien, on se tourne vers rien, on a peur d’être déçu. Moi, je crois que souvent les humains ont peur d’aimer, parce qu’ils se disent : si je me donne à cette réalité et qu’elle ne fait pas le poids et qu’elle me déçoit, je vais souffrir. Et, il n’y a rien qui nous détourne plus que la souffrance. Là aussi, je trouve triste que les gens s’imaginent que Dieu ne nous aime pas, parce qu’il a permis, disent-ils qu’il y ait tel ou tel cataclysme, telle ou telle maladie, tel ou tel deuil, telle ou telle séparation. Dieu ne permet rien, il laisse simplement l’être humain être libre dans un monde où nous sommes responsables de notre destin de notre sort. Mais, ils s’imaginent, par exemple, quand on est une mère, que si on a perdu son enfant d’un an, c’est Dieu qui a fait le coup et qui a donné une espèce de permis de décès pour cet enfant, je trouve que c’est atroce.

Régis BURNET : Alors, comment penser ? Comment penser parce qu’il y a quand même des gens qui vivent ça, qui ont quand même une tentation ou une tendance à accuser Dieu, et on ne peut pas leur en vouloir ?

Marie-Noëlle THABUT : Moi, j’ai cette phrase de FROSSARD qui me revient dans la tête. FROSSARD a perdu deux fils, successivement, il dit : « … par deux fois j’ai pris le chemin de ce cimetière de province en cherchant dans l’horreur le souvenir de la miséricorde, et j’ai vécu avec ce glaive dans la poitrine et sachant que dieu est amour… » Lui, il a le droit de parler, moi je n’ai pas connu cette douleur. Il me semble que ça dit bien le déchirement, l’écartèlement, qu’on retrouve dans le livre de Job. Le croyant c’est que Dieu est amour, il souffre et il ne sait pas expliquer. Mais ce n’est pas parce que je ne sais pas expliquer que cela m’autorise à contester, je sais que Dieu est amour. Je n’ai pas tout compris, il faut que je l’accepte, je crois, il n’y a pas d’autres issues.

Stan ROUGIER : Près de Jérusalem, il y a une forêt, qu’on appelle la forêt des Justes. On a planté un arbre pour toute personne qui a consacré sa vie à essayer de sauver des Juifs pendant la guerre. Je trouve beau cette espèce de jaillissement de la vie là où il y a eu la mort. L’écrivain Juif NEHER disait : « s’il n’y avait pas eu Auschwitz, il n’y aurait pas eu Jérusalem aujourd’hui, il n’y aurait pas eu Israël aujourd’hui ». Voir comment Dieu plante quelque chose de fabuleux sur les souffrances humaines ça permet de comprendre que Dieu n’est pas du côté de l’horreur mais du côté de la vie.

Marie-Noëlle THABUT : Oui, d’ailleurs s’il était du côté de l’horreur on se demanderait pourquoi Jésus a passé son temps à guérir, à soulager, à consoler …

Stan ROUGIER : Exactement ! Il y a une belle parole de Jésus d’ailleurs, au sujet de la souffrance : de même que la femme qui attend un enfant est prisonnière de ses souffrances, mais quand son petit est né, elle oublie tout, elle ne pense qu’à sa joie qu’un petit soit venu au monde.

Marie-Noëlle THABUT : Vous savez d’où il tire ça ? Isaïe comparait Israël à une femme en douleur en train d’accoucher le Messie qui viendra.

Régis BURNET : Eh bien, ça nous fait une transition toute trouvée pour notre second texte. Cette, on passe dans le Nouveau Testament, on passe dans l’Evangile de Jean, c’est au chapitre 15, « Je suis la vigne, vous êtes les sarments »

Je suis la vigne vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, il se dessèche, puis on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent.
Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous arrivera.
Ce qui glorifient mon Père, c’est que vous portiez du fruit en abondance et que vous soyez pour moi des disciples.
Comme le père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; demeurer dans mon amour.
Si vous observez mes commandements, vous demeurez dans mon amour, comme, en observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qui l’aime.
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous recommande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur est dans l’ignorance de ce que fait son maître ; je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisie, c’est moi qui vous ai choisis et institués pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure : si bien que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l’accordera.
Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres
(Jean, 15,5-17)

Régis BURNET : Alors père ROUGIER, c’est exactement le mouvement que vous nous décriviez tout à l’heure, c’est à dire on commence de l’amour de Dieu et on arrive à l’amour du prochain. Il y a une sorte de continuité dans ce texte, qui est assez…

Stan ROUGIER : Vous savez, des fois, il y a des vasques avec l’eau qui coule d’en haut, qui va dans une seconde vaste puis dans une troisième : « comme le Père m’a aimé, je vous ai aimés, comme je vous ai aimés, aimez-vous » Donc, l’amour du prochain, ce n’est pas une histoire de morale, c’est de la mystique, c’est reconnaître dans l’autre un enfant de Dieu. Je ne peux pas aimer quelqu’un si je n’aime pas ses enfants, et chaque être humain est un enfant de Dieu ; donc l’amour découle immédiatement. C’est comme ce que disait Saint-Exupéry, quand il disait : « nous sommes tous frères puisque Dieu est notre père ». Il n’y a pas de fraternité sans père. J’insiste souvent sur Saint-Exupéry, parce qu’il a commenté ce texte d’Évangile, qu’on vient d’entendre, dans presque toutes les conférences qu’il donnait, en disant : « mais l’important de la vie c’est se donner aux autres, c’est set se sacrifier pour que les autres soient vivants ». C’est ce qu’il disait aux jeunes Américains qui venaient sur les côtes françaises pour nous libérer du nazisme, « dussiez-vous y laissez votre vie ». Et, il racontait que dans sa propre existence, ses seuls moments de bonheur étaient ceux où on l’arraché au sommeil, on l’arraché à la solitude, en lui disant : « vient sauver quelqu’un » ; « J’ai la vocation du sauvetage », disait-il.

Régis BURNET : C’est un peu Jésus aussi.

Stan ROUGIER : Tout à fait !

Marie-Noëlle THABUT : C’est à croire qu’il a lu les Prophètes. Je vais ramener mes Prophètes, qui disaient : « Nous sommes tous frères, parce que nous avons le même Père. », et ça, c’est très ancien.

Stan ROUGIER : Il a fait toutes ses études chez les prêtres.

Marie-Noëlle THABUT : Pour, moi, c’est l’un des grands apports de l’Ancien Testament. Moi on m’a plutôt appris que Dieu voulait être servis pour lui-même, en fait ce que je découvre dans l’Ancien Testament, c’est que Dieu nous nous demande de nous tourner vers lui, parce que lui va nous tourner vers nos frères. C’est très impressionnant, ça.

Stan ROUGIER : La première injonction de Dieu, c’est : « aime ton prochain » On croit que ça vient de l’Évangile, mais Jésus ne fait que répéter ce qu’il a appris.

Marie-Noëlle THABUT : Absolument !

Régis BURNET : Comment est-ce que vous comprenez ce : « demeurez dans mon amour » ? C’est quoi « demeurez dans mon amour » ? C’est aller à la messe ? Faire des prières, etc. ? Comment vous le comprenez ?

Marie-Noëlle THABUT : N’y aller pas tout le temps…

Régis BURNET : A la messe ?

Marie-Noëlle THABUT : Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Je n’ai pas besoin de faire 36 signe de croix dans la journée, je trouve qu’on est tout le temps dans son amour et on y reste. C’est plutôt : « n’en sortait pas » Je vais prendre l’image du soleil. Le soleil, il brille. On va prendre une période où il est là généreusement, l’été. Moi, je vais dans le Midi souvent, et le soleil il brille tout le temps, quel bonheur. Je suis libre de ne pas y aller. Je reviens blanche, comme ce papier. Mais, si je veux y aller, il brille. Eh bien, je crois que l’amour de Dieu, c’est comme ça. Il est là tout le temps ; « demeurez », c’est « n’en sortez pas », il me semble. « Laissez-vous aimer », c’est tout, c’est tellement simple.

Stan ROUGIER : Je répéterais la même chose. Si vous dites : priez, les gens vont entendre : faire des prières, et c’est désagréable pour eux …

Marie-Noëlle THABUT : C’est, parlez-lui tout le temps.

Stan ROUGIER : … mais si vous dites : étend-toi au soleil et laisse-toi aimer, là, ils sont d’accord avec ça. Si je me lève le matin disant : Dieu est amour, il m’aime, il me demande de réussir ma journée, je vais dire à Dieu : Mon Dieu, je vais te faire plaisir, je vais réussir ma journée.

Marie-Noëlle THABUT : Et vous allez ressortir bronzé, puisque c’est le soleil.

Régis BURNET : Comment est-ce que on peut passer, c’est une des difficultés du texte, cette idée que : « Le Père m’a aimée, je vous ai aimé, demeurez dans mon amour, … », ça va. « Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres », est-ce qu’on peut commander l’amour ?

Stan ROUGIER : Le mot commandement, c’est une mauvaise traduction, là-aussi. C’est une sainte obligation, disait un de mes amis Hindous, c’est une injonction…

Marie-Noëlle THABUT : Ma recommandation …

Stan ROUGIER : Ma recommandation … Si tu vivant, aime !

Marie-Noëlle THABUT : Le mot commandement en hébreu, c’est simplement une direction, je te montre le chemin. Ça aussi, Jésus le tient évidemment de ses ancêtres. Comment dire ? En français, il me semble, se méfie un peu de la loi, la loi c’est forcément fait pour m’embêter, ça a toutes chances ; pour un Juif, pas du tout ! En français, je n’ai jamais vu, j’ai fait du droit, je n’ai jamais vu une fête pour le code civil, jamais. Mais les juifs, eux, ont une fête de la joie de la loi tous les ans. Ils l’ont depuis des siècles et ils l’ont encore aujourd’hui. Ça veut tout dire ! Ils savent que la loi, c’est un peu comme, on va dire, le code de la route, c’est fait pour qu’il n’y ait pas d’accident, c’est tout. C’est un conseil.

Régis BURNET : Mais, vous savez bien aussi que ce fameux commandement peut être très mal interprété…

Marie-Noëlle THABUT : Pourquoi ?

Régis BURNET : Dans une idée qu’il faut aimer, aimer même les gens que je n’aime pas, et puis après on devient scrupuleux, est-ce que j’ai assez aimée ? Vous voyez ?

Marie-Noëlle THABUT : Alors, là, je suis très à l’aise avec aimer les gens que je n’aime pas, pas, parce que je me dis que ce n’est probablement pas le même sens du mot amour. Il me semble qu’on a le droit d’avoir des sympathies plus ou moins prononcées. On est comme ça, voilà. Mais ce qu’il me demande, moi, quand il dit : aimez, c’est « mettez-vous au service », ce n’est pas ayez du ressenti, du pathos, … Je ne crois pas, qu’est-ce qu’il a donné comme exemple d’amour ? « Aimez, comme je vous ai aimés », c’est donner sa vie et s’est laver les pieds. Je me dis, je peux bien laver les pieds des gens, c’est-à-dire symboliquement me mettre au service des autres, même si je n’éprouve pas une attirance fabuleuse, du coup ça nous libère, ça. « Mettez-vous au service ».

Régis BURNET : C’est intéressant ça, parce qu’en fait vous êtes en train de décolérer deux choses qu’on a souvent tendance à mettre ensemble : l’amour et l’émotion, le plaisir etc. Pour vous, l’amour n’est pas forcément accompagné d’une émotion favorable ?

Marie-Noëlle THABUT : Non. Je ne pense pas, je pense que c’est se mettre au service, et ça je peux. Je peux me mettre au service de tout le monde. C’est ça : « Aimez-vous, comme je vous ai aimés », c’est bien ça ?

Stan ROUGIER : 100%, mais j’ajouterais que peut-être, dans cette relation à la personne que j’aide à vivre, j’essaie d’être le soleil et l’eau pour cette plante-là, unique ; et peut-être que dans cet exercice, je vais découvrir qu’un diamant est là…

Marie-Noëlle THABUT : Et, un sentiment nait, c’est vrai…

Stan ROUGIER : … et un sentiment peut naitre, qui va me remplir de joie et me faire dire : mais en fait, cette personne que je trouve tellement agaçante, par tel et tel côté, si je connaissais sa vie en détail, si je connaissais son enfance, son adolescence, toutes ses souffrances et toutes ses frustrations, peut-être je pleurerais d’émotion.

Marie-Noëlle THABUT : Je crois que quand on se met au service de quelqu’un, on le regarde autrement, il vous regarde autrement, et on commence à le trouver beau.

Stan ROUGIER : Voilà !

Marie-Noëlle THABUT : Et, à partir du moment où je commence à trouver quelqu’un beau, c’est que je l’aime.

Régis BURNET : En même temps, je reviens sur mon émotion, parce qu’on a fait une émission récemment sur le mariage, et les invités disaient bien que ce qui fait qu’actuellement beaucoup de mariages ne fonctionnent pas, c’est qu’on est très - comment dire ? - victime de ses émotions ; et une émotion, ça va, ça vient ; même si même si l’on aime les gens profondément, il y a des moments où ils nous agacent. Est-ce qu’il faut justement se fier si fortement à son émotion, cette sorte de ressenti qui est fluant, mouvant en permanence ?

Stan ROUGIER : En tout cas les maîtres Hindous et les maîtres Bouddhistes, nous invitent à nous dégager de toutes ces émotions, qui sont des parasites.

Marie-Noëlle THABUT : Oh, je n’en dirais pas autant ! Je n’en dirais pas autant, je crois que c’est merveilleux.

Stan ROUGIER : Quand elles sont négatives, je dis.

Marie-Noëlle THABUT : D’accord.

Régis BURNET : Cette sorte d’allers-retours permanents, même si vous aimez votre métier, votre vocation, j’imagine qu’il y a des moments où le matin, vous levez et vous dite : Je n’ai pas envie.

Stan ROUGIER : Non.

Régis BURNET : Ah, vous êtes mauvais exemple.

Marie-Noëlle THABUT : Mais, là, il ne s’agit pas d’un amour pour une personne.

Régis BURNET : Mais, ça ne vous est jamais arrivé de vous dire : je ne me fie pas qu’à mes émotions ?

Stan ROUGIER : Bien sûr que si, c’est ce que j’ai essayé de dire tout à l’heure en disant que nos amis Orientaux et d’Extrême-Orient, nous invitent à nous dégager un peu de tout ce qui est le ressenti.

Marie-Noëlle THABUT : En même temps, il peut nous aider.

Stan ROUGIER : Mais Jésus n’a pas hésité à laisser les larmes coulaient de ses yeux, devant Jérusalem qui va être détruite et devant son ami Lazare et les larmes de Marthe et Marie. Donc, ça nous prouve que l’émotion est parfaitement autorisée dans notre vie quand même.

Marie-Noëlle THABUT : Oui, elle peut même être un bon chemin. Un nouveau-né, c’est une fragilité extrême, heureusement qu’il nous émeut, il est complètement à notre merci ; il ne vivra pas si je ne m’en occupe pas ; heureusement qu’un cœur de mère, normalement, est follement ému par cette petite chose vagissante.

Régis BURNET : Sauf quand elle est réveillée à 3h du matin.

Marie-Noëlle THABUT : Eh bien, je vous jure que non, j’ai vécu ça.

Régis BURNET : Dernière question, parce qu’on arrive bientôt à la fin. Cette fameuse phrase qu’on cite un peu à tort et à travers : « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle amis » Quel lien vous faites d’abord avec le message et globalement la personne de Jésus, et puis qu’est-ce que ça nous enseigne de l’amour, puisque c’est le sujet de cette ?

Stan ROUGIER : J’ai des choses à dire mais je préfère vous écouter d’abord, non ?

Marie-Noëlle THABUT : Allez-y, père, je ne suis pas sûre.

Stan ROUGIER : Écoutez, moi je suis enchantée en tant que prêtre, ayant répondu donc un appel précis du seigneur, de me consacrer à son service, au service de l’apostolat, de savoir que ce n’est pas seulement un service mais une amitié. Et, je suis très touché que Jésus ait dit à Pierre : « est-ce que tu m’aimes ? » avant de lui dire tu es responsable de mes brebis. Le Pape actuel, s’il n’a pas de l’amour pour chacun d’entre nous, eh bien il peut pas être pas être Pape.

Régis BURNET : Vous l’avez connu le Pape actuel.

Stan ROUGIER : Oui.

Régis BURNET : Allez, racontez-nous une histoire.

Stan ROUGIER : Il y a quatorze-ans, j’allais Buenos-Aires, pour la seconde fois, pour faire un livre sur un de mes amis prêtre ouvrier qui se consacrait totalement aux autres, qui a inventé là-bas les restos du cœur, qui était un prêtre extraordinaire de générosité. J’ai été voir l’évêque pour lui demander, qu’est-ce que vous pensez de Paco ? Il m’a glissé à l’oreille : « votre ami est un saint ». Et quand je vois la générosité de ce prêtre, je me dis alors je peux savoir qui est mon Mgr Bergoglio et quel Pape nous a été donné par l’Esprit-Saint.

Régis BURNET : Sur « serviteurs, amis » ?

Marie-Noëlle THABUT : Pour moi, serviteurs, je ramener encore l’Ancien Testament.

Régis BURNET : Justement…

Marie-Noëlle THABUT : Peut-être que justement je ne fais pas telle ou telle différence, parce qu’un serviteur dans l’Ancien Testament, c’est le plus beau titre que je peux recevoir. Quand elle une certaine petite jeune fille dit : « Je suis la servante du Seigneur » mais c’est un titre magnifique. Si on pouvait mettre en épitaphe sur nos tombes : « Ici gît un serviteur du Seigneur », c’est le plus beau titre. Un Juste, c’est quelqu’un qui essaye d’être au service du Seigneur.

Régis BURNET : Oui, mais il y a une nuance, « le serviteur reste dans l’ignorance de ce que fait son maître »

Marie-Noëlle THABUT : Voilà, c’est ça. Ce que dit Jésus, il me semble, c’est : non seulement donc tu as cet honneur, c’est magnifique quand même d’être au service du Dieu tout-puissant, quel honneur d’être appelé comme vous l’avez été, et en même temps : je te dis mes secrets. Et les secrets c’est probablement de parler du monde, j’imagine. Je te parle en permanence, quoi. C’est un maître qui parle. Ce n’est pas un maître qui me donne seulement des ordres, il me parle.

Régis BURNET : Justement, c’est quoi ces secrets ?

Marie-Noëlle THABUT : Le secret de Dieu, c’est l’amour, nous voilà revenus au début, il n’y a rien d’autre.

Régis BURNET : C’est tout ! ?

Marie-Noëlle THABUT : Cela ne vous paraît pas suffisant ?

Régis BURNET : Vous vous rappelez livre de Tobie ? Il ne faut pas trahir le secret du roi.

Marie-Noëlle THABUT : Oui, c’est vrai. C’est intéressant. Mais le secret de Dieu, c’est de nous aimer à la folie. « Je suis né, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité », Jésus, serviteur, qui parle. La vérité, c’est quoi ? Mais que Dieu est amour, voilà, il y en a qu’une, il me semble.

Stan ROUGIER : Il dit aussi : « J’ai achevé l’œuvre que tu m’avais confiée, j’ai révélé ton nom qui est : amour.

Marie-Noëlle THABUT : Mais « comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie », à nous de travailler maintenant.

Régis BURNET : Justement, comment penser cette continuité, de la mission de Jésus et de notre mission ? Vous n’avez pas cessé de dire : il faut aimer, il faut aimer, il faut aimer, pourquoi ? Qu’est-ce que ça fait ?

Stan ROUGIER : Vous prononcez cette phrase, comme si c’était quelque chose de laborieux ou d’ennuyeux…

Régis BURNET : Parce que, vous savez, je suis un peu ennuyeux…

Stan ROUGIER : Tu seras vivant si tu aimes. Tu es vivant où tu aimes. Une chose curieuse, qu’est-ce que j’ai appris, moi, à l’école, en langue française ? Tout parlait d’amour, peut-être des mauvaises amoures, mais on ne parlait que ça : Le Cid, c’était l’amour de Rodrigues et Chimène ; Phèdre c’est l’amour de Phèdre pour Hippolyte, etc., tout était amour. La porte étroite de Gide, c’était encore de l’amour….

Marie-Noëlle THABUT : Des amours manquées, perdues, désolantes...

Stan ROUGIER : … des amours trahies, perdues, mais il n’était question que d’amour.

Marie-Noëlle THABUT : Et je crois qu’aujourd’hui encore notre société meurt d’envie d’aimer mais il n’y arrive pas, on ne parle que de ça.

Stan ROUGIER : … Aragon et Éluard, c’est de l’amour, les chansons actuelles, c’est de l’amour. Il y a chanson où il y a « qui nous permettra de sauver l’amour », on est encore là-dedans. Et Jésus-Christ vient nous dire : je suis venu vous montrer que l’amour, c’est d’être vivant.

Marie-Noëlle THABUT : Quand vous dites, il faut articuler, il me semble que, comment dire, qu’il est venu témoigner, il n’est pas présent à toutes les générations, physiquement, donc à notre tour de jouer. Quand Paul dit : j’achève dans ma chair et dans ma vie quotidienne, c’est ce travail de témoignage, qui est encore à faire, et qui est notre plus grand honneur quand même.

Stan ROUGIER : Je trouve beau de la part de Dieu d’avoir laissé une place à l’homme…

Marie-Noëlle THABUT : De nous faire confiance…

Stan ROUGIER : Il y a une prière musulmane, que j’aime beaucoup : « Tu as fait la nuit, j’ai fait la lampe. Tu as fait la terre glaise, j’ai fait la coupe. Tu as fait le désert, j’ai fait le jardin. » Je trouve extraordinaire cette division des choses à faire. Dieu invente l’amour et il nous dit, ce que voulait dire : à vous de jouer.

Régis BURNET : Eh bien, ça sera le mot de la fin, de cette émission.

Quelques livres, et vous en direz quelques mots. Stan ROUGIER, vous vous avez écrit un livre, qui est en plein dans le sujet : « Au commencement était l’amour », aux éditions Pocket ; et un autre livre, chez Albin Michel : « L’amour comme défi ». Et, vous venez de faire paraître chez MaME, un livre dont j’aimerais que vous nous disiez quelques mots : « Pour vous qui suis-je »

Stan ROUGIER : C’est un livre où on essaie de répondre à la question, posée par Jésus à ses disciples, et j’ai voulu demander à des gens, très divers : qui est Jésus pour eux. On a envoyé 1000 lettres, on a eu 100 réponses ; l’éditeur n’a accepté que 43 contributions, mais c’est déjà ça, avec des gens comme Xavier Emmanuelli, André Comte-Sponville, et beaucoup d’autres, qui disent qui est Jésus pour eux. Moi je me suis offert le luxe de 80 pages sur qui est Jésus pour moi, je n’ai pas tout dit de ce que je pensais de lui, j’en ai dit un bon paquet.

Régis BURNET : Qu’est-ce que vous retenez de ces 43 contributions ? C’est toujours pareil où très divers ?

Stan ROUGIER : Non, je pense qu’on peut prendre mille personnes qui vont parler de Jésus, ça va nous montrer des facettes variées de sa personnalité. Jésus-Christ est tellement riche, qu’il dépasse, de beaucoup, tout ce qu’on pourra dire de lui.

Régis BURNET : Sinon, on pourra vous retrouvez sur votre site www.stanrougier.com.

Marie-Noëlle THABUT, vous vous avez votre dernière grande œuvre, qui est en perpétuelle reprise, écriture c’est : « L’intelligence des écritures » aux éditions Artège. Vous avez tout fait, il ne reste plus rien à commenter ?

Marie-Noëlle THABUT : J’ai commenté tous les dimanches et les fêtes que le bon Dieu fait, si j’ose dire, sur trois ans. Cela fait beaucoup déjà.

Régis BURNET : Et les autres ?

Marie-Noëlle THABUT : Je n’ai pas fait les jours de semaines, je ne sais pas si Dieu me prêtera vie assez longtemps. Je l’avais commencé en 1999, et j’ai toujours vu depuis un an, les six volumes, parce que finalement si vous comptez les dimanches et fêtes, chaque année, ça fait en gros 60, multiplié par 4 textes, parce que je voulais commenter la première lecture, le psaume, la deuxième lecture, et l’Evangile, 240 textes ; ça fait beaucoup de pages ; donc il a fallu faire ses volumes. C’est passionnant !

Régis BURNET : C’est passionnant.

Marie-Noëlle THABUT : Ce n’est pas le livre qui est passionnant, c’est la parle du livre qui est passionnante.

Stan ROUGIER : J’ai envie d’ajouter que Madame nous montre à quel point les laïcs ont une place dans la transmission de la foi. Quand j’étais jeune on me disait : il faut être curé pour le droit de parler de Dieu, Madame a parfaitement le droit d’en parler et elle en parle sacrement mieux qu’un sacré paquet de curés.

Régis BURNET : Très bien, écoutez, ça sera le mot de la fin.

Merci de nous avoir suivis, vous pouvez retrouver cette émission sur www.ktotv.com.

Merci à tous les deux.

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