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Le cercle de minuit, Laurent Terzieff, "Passion théâtre "

Transcription, par Taos Aït Si Slimane, d’un extrait de l’émission « Le cercle de minuit », du 30 janvier 1995, sur France 2, (on peut la visionner sur le site de l’INA, ici) réalisée par Jean-Pierre Barizien, présentée par Laure Adler.

Laurent Terzieff, d’autres pages sur ce site :

 Laurent Terzieff signataire du Manifeste des 121

 Escale estivale / Hommage à Laurent Terzieff

 Bouillon de culture / Laurent Terzieff / L’éloge du théâtre

 Laurent Terzieff, entretien avec Olivier Schmitt (1)

 Laurent Terzieff, entretien avec Olivier Schmitt (2)

 Décès de Laurent Terzieff / Journaux de France Culture

 Fictions / Théâtre et Cie / Spéciale Laurent Terzieff

 À voix nue / Laurent Terzieff (1)

 À voix nue / Laurent Terzieff (2)

 À voix nue / Laurent Terzieff (3)

 À voix nue / Laurent Terzieff (4)

 À voix nue / Laurent Terzieff (5)

 Tout arrive !/ Laurent Terzieff

Je remercie par avance les lecteurs qui, comme GD, voudront bien me signaler les imperfections de cette modeste contribution. Vous pouvez soit me laisser un commentaire soit m’écrire à : tinhinane[@]gmail[point]com

Laurent Terzieff : Je ne sais, vous savez, pour moi, évidemment faire du théâtre, c’est exploiter, sous une forme artistique, l’instinct ludique, que chacun porte en soi, ça sûrement, mais pour moi c’était surtout se mettre à l’écoute du monde, j’imagine que je ne suis pas le seul d’ailleurs. J’étais un garçon très introverti et peut-être que le théâtre m’a guéri de mon introversion, c’est peut-être pour ça que j’ai fait du théâtre d’ailleurs - Roger Blin disait qu’il avait fait du théâtre parce qu’il était bègue - mais enfin, je crois que c’est ça, c’est pour me mettre à l’écoute du monde.

Bernard Pivot : Oui d’accord, oui enfin, vous ne répondez pas à ma question, moi je voulais savoir… Pourquoi faut-il aller au théâtre ? Quel bonheur vais-je… si je vais au théâtre quel plaisir je vais y rencontrer que je ne trouve pas ailleurs ?

Laurent Terzieff : Le théâtre a quelque chose d’irremplaçable, c’est que ça se présente comme une expérience collectivement vécue, grâce avant tout à la présence physique, réelle des acteurs sur le plateau, qui fait que le public devient lui-même un collectif extrêmement vivant, et non pas une foule solitaire comme au cinéma, par exemple ; ça entraîne de la part du public un consensus différent, tous les soirs, sur le sens et la valeur de la pièce, quelles que soient les idées préconçues qu’il a en pénétrant dans la salle de théâtre, ce même public va se sentir responsable de la signification qu’il va donner à la pièce. Alors, on parle beaucoup de théâtre interactif en ce moment, mas je crois que le théâtre a toujours été ou aurait dû toujours être interactif, c’est presque un pléonasme.

Bernard Pivot : C’est-à-dire comme vous, vous avez…

Laurent Terzieff : Pour moi… Pardon. Pour moi, c’est surtout le lieu où se rencontrent le monde visible et le monde invisible, c’est-à-dire le lieu où mes fantômes espèrent bien rencontrer ceux du public. Je dis espèrent bien parce que s’ils ne les rencontrent pas, le théâtre que je propose restera tout simplement fantomatique.

Bernard Pivot : Oui…

Laurent Terzieff : Mais enfin, tout à l’heure, je disais, oui, c’est ça, c’était une façon de guérir mon introversion parce qu’effectivement l’image qui se présentait à moi du monde, quand j’étais adolescent me semblait plutôt hostile et le théâtre m’a, en l’intériorisant, permis d’accepter cette image en même temps que j’extériorisais un monde intérieur qui m’habitait et qui pesait très fortement sur ma poitrine, comme chez beaucoup d’adolescents j’imagine. Le théâtre, c’est avant tout un miroir que l’on tend au public et qui raconte… enfin qui reflète la vie des hommes par l’expérience du langage, et là vraiment j’insiste, par l’expérience, l’expérience sans cesse renouvelée du langage. Paraît-il, il n’y a de concret dans la vie que le présent et par dérision, c’est précisément le présent qui est insaisissable, et c’est peut-être un des merveilleux paradoxes du théâtre de faire que ce présent devienne saisissable parce que le théâtre est avant tout, comme disait Adamov, un temps réinventé dans un espace transfiguré.



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